lundi 25 mars 2019


Royaume-Uni : l’université de Cambridge et le ministère de la Défense ont travaillé sur un programme de guerre psychologique
Guerre psychologique, Manipulation
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Source : TV5 Monde, Pascal Hérard, 22-03-2019
Un programme d’influence psychologique de l’armée britannique a été contracté avec l’université de Cambridge il y a deux ans. L’opération a été stoppée depuis mais révèle des recherches militaires de “manipulation psychologique des foules”.

Après le scandale Cambridge Analytica — entreprise accusée d’avoir utilisé les données de millions de comptes Facebook pour influencer les électeurs de la présidentielle américaine tout comme ceux du référendum sur le Brexit —, la révélation du quotidien étudiant en ligne Varsity reprise par le Guardian sur le programme d’influence militaire britannique vient confirmer un phénomène inquiétant : l’intérêt croissant de nombreux acteurs pour l’utilisation des sciences sociales et de la cognition, croisées avec les outils numériques… à des fins d’influence psychologique.


La cyberguerre du futur sera peut être moins axée sur le piratage des réseaux électriques que sur le piratage des esprits en façonnant l’environnement dans lequel se déroule le débat politique.`
Tim Stevens checheur au Kings College London, spécialiste de la “cyberguerre”, interrogé pour The Guardian en 2016.

Utiliser les recherches en sciences humaines, sur le fonctionnement du cerveau, pour développer des outils de manipulation psychologique de masse n’est pas entièrement nouveau, mais le développement des usages numériques, de l’intelligence artificielle et du traitement des données en masse (big data) allié aux neurosciences donne à ces outils une efficience insoupçonnée. Au point que des laboratoires militaires, comme celui du ministère britannique de la Défense, en fassent leur priorité et aillent jusqu’à tenter de passer des partenariats avec des entreprises privées et des instituts publics de recherche ?
Comprendre et influencer le comportement humain

C’est un article du quotidien local étudiant Varsity qui a mis l’université de Cambridge sur la sellette en février 2019. Le journal en ligne dévoilait alors le programme “Capacité de recherche en sciences sociales humaines (HSSRC)” — en partenariat avec le ministère de la Défense — qui avait comme objectif “la manipulation ciblée de l’information dans les domaines physiques et virtuels pour façonner les attitudes et les croyances dans le domaine cognitif“.

Le “Laboratoire des sciences et technologies de la défense (DSTL)” du ministère de la Défense britannique, a donc travaillé au moins un an dans les locaux de l’université de Cambridge dans un local baptisé “Centre des stratégies futures”. Plus d’une dizaine de chercheurs ont été séléctionnées dans des domaines aussi variés que l’architecture, la psychiatrie, les neurosciences ou la sociologie. Un document du ministère de la Défense indique clairement les grandes orientations du “laboratoire d’influence militaire” :



L’approche globale stipulée dans ce document indique comme objectifs “la manipulation ciblée de l’information et l’utilisation coordonnée de tout l’éventail des capacités nationales y compris militaires, non militaires, déclarées et secrètes”.
Changer les esprits pour le bien de l’État ?

Suite à la révélation du programme de “Capacité de recherche en sciences sociales humaines” le 14 février, un collectif de 41 universitaires a publié une lettre ouverte adressée au doyen de leur université, celle de Cambridge, indiquant : “Nous ne croyons pas que le rôle d’une université publique consiste à impliquer le personnel dans les conflits armés, en agissant en tant que fournisseur de recherche sous contrat avec le ministère de la Défense“. L’université a déclaré avoir stoppé le programme depuis plusieurs mois, mais le mal semble être fait, avec des documents indiquant explicitement par exemple que “l’armée souhaite développer des “activités d’information et de sensibilisation, un engagement de la défense et des communications stratégiques” parallèlement aux campagnes militaires, ainsi que des “communications et messages aux publics nationaux britanniques et internes à la défense qui promeuvent l’attraction, la santé, le bien-être et la résilience de nos citoyens (militaires et civils)”.


Le ministère de la Défense élabore actuellement un programme de recherche secret (…) dont les technologies émergentes telles que les médias sociaux et les techniques psychologiques peuvent être utilisées par l’armée pour influencer les convictions de chacun.The Guardian, mars 2014 : “Revealed: the MoD’s secret cyberwarfare programme

Comment définir ce qui a été engagé en 2017 par l’armée britannique dans le” Centre des stratégies futures” de l’université de Cambridge ? L’expression la plus adaptée semble être “laboratoire de propagande”… Mais un laboratoire de propagande d’un genre particulier puisqu’utilisant les techniques de pointe d’influence en sciences cognitives, et une fois encore, en lien avec le scandale Cambridge Analytica.
Les sciences cognitives au centre de l’influence

Les universitaires signataires de la lettre ouverte soulignent des risques particulièrement graves, compte tenu du débat public sur les travaux du Docteur Aleksandr Kogan, neuroscientifique à Cambridge… et impliqué dans le scandale Cambridge Analytica, mettant en jeu des méthodes de “manipulation de l’information”. Au-delà de cette liaison déjà douteuse entre recherche universitaire et “entreprise d’influence électorale”, le problème de la manipulation de l’opinion — telle qu’elle a été effectuée par Cambridge Analytica aidée de Kogan — reste un sujet peu mis en avant, surtout lorsqu’il concerne des administrations d’État.

The Guardian révélait pourtant en mars 2014 un “programme d’influence des esprits” développé par le ministère de la Défense britannique, sans qu’ensuite la légalité de telles pratiques soit mise en question : “Le ministère de la Défense élabore actuellement un programme de recherche secret de plusieurs millions de livres sterling sur l’avenir de la cyberguerre, notamment sur la manière dont les technologies émergentes telles que les médias sociaux et les techniques psychologiques peuvent être utilisées par l’armée pour influencer les convictions de chacun“, expliquait le quotidien en ligne à l’époque.

Cinq ans plus tard, les technologies émergentes sont matures. Et les techniques psychologiques dénoncées en 2014 par The Guardian ont été testées à grande échelle. Les sciences cognitives sont au cœur de l’activité de l’influence psychologique via les technologies numériques et sont en cours de structuration, voire d’industrialisation, tant par des groupes privés que des acteurs publics comme des structures militaires étatiques. L’élection Kenyane de 2017 a été elle aussi l’instrument de ces pratiques, comme TV5Monde l’a relaté :

Ce que révèle l’affaire du programme d’influence de l’armée britannique est avant tout la volonté de faire émerger de nouvelles formes de gouvernance basées sur des techniques de propagande silencieuses et insidieuses, scientifiquement calculées pour orienter les populations. Modifier l’opinion publique. Cette capacité à la “gouvernance algorithmique d’influence” émerge alors que les populismes rencontrent un succès de plus en plus grand dans le monde. Que peut-il se passer, alors que les populismes sont accusés officiellement de remporter les élections et de gouverner grâce aux “Fake News”, à la désinformation et la manipulation de l’opinion, si les Etats les dénonçant se retrouvent pris eux-mêmes à tenter de manipuler leurs opinions de façon massive et… scientifique ?

Source : TV5 Monde, Pascal Hérard, 22-03-2019



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Commentaire recommandé
Kiwixar // 25.03.2019 à 08h17


L’article ne mentionne pas (du tout) s’il s’agit de programmes de guerre psychologique/cyber contre des pays étrangers, ou à l’intérieur de son propre pays.

Il parle de populisme aidé de fèque niouzes, donc ça semble concerner de plus en plus les pays de l’Otanie.

Les Etats de l’Otanie, en guerre contre leurs peuples, à grands coups de misère, de chômage, de mépris, de morgue, de LBD, d’attaque chimique… de balles réelles. La Russie a gagné la guerre froide : on est du mauvais côté du rideau de fer.
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9 réactions et commentaires

Fabrice // 25.03.2019 à 07h25


Pour compléter cet article je propose une vidéo sur la reactance ou l’on voit comment on peut manipuler un ou une foule d’individu :

https://youtu.be/hZueeA9b1

et son Sav par horizon-gull :

https://youtu.be/3di4foNW-gs


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Arnaca // 25.03.2019 à 07h50


L’adresse des quartiers généraux du DSTL est: Porton Down, Salisbury, Wiltshire, United Kingdom.
Ça vous dit quelque chose ?
Probablement une pure coïncidence.


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weilan // 25.03.2019 à 09h05


Comment vont Ioulia et S. Skripal ? Font ils encore partie des vivants ?


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Jourdain // 25.03.2019 à 08h00


La cyberguerre du futur sera peut être moins axée sur le piratage des réseaux électriques que sur le piratage des esprits en façonnant l’environnement dans lequel se déroule le débat politique.`
Ca fait lontemps qu’on y est, on l’a vu avec macron, le mariage gay imposé des années avant dans les esprits comme une normalité
et bien avant !


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Alfred // 25.03.2019 à 08h03


De la même manière les gens dans les publicités ressemblent ils aux gens que vous croisez au quotidien?


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Kiwixar // 25.03.2019 à 08h17


L’article ne mentionne pas (du tout) s’il s’agit de programmes de guerre psychologique/cyber contre des pays étrangers, ou à l’intérieur de son propre pays.

Il parle de populisme aidé de fèque niouzes, donc ça semble concerner de plus en plus les pays de l’Otanie.

Les Etats de l’Otanie, en guerre contre leurs peuples, à grands coups de misère, de chômage, de mépris, de morgue, de LBD, d’attaque chimique… de balles réelles. La Russie a gagné la guerre froide : on est du mauvais côté du rideau de fer.


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Patrick // 25.03.2019 à 08h31


Clairement , il s’agira de plus en plus de guerre des “élites globalistes ” contre les peuples, une forme de guerre de 5ème génération pour conserver le pouvoir.
Cette guerre a commencé depuis quelques décennies , elle s’appuie sur la maîtrise de l’information , elle utilise la montée de la délinquance et du terrorisme pour imposer des politiques sécuritaires liberticides.
Elle s’appuie sur le communautarisme pour diviser les populations ( le vieux “diviser pour mieux régner” )
Là , on est en train de faire un pas de plus vers la manipulation de la population.


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Papagateau // 25.03.2019 à 08h40


“Le programme a été arrêté”
Ça veut dire qu’il a été classé secret défense mais qu’ils sont passés à l’étape d’application ?

Quand c’est arrêté, tout continue. “Complotistes !”


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Kokoba // 25.03.2019 à 09h28


Pourquoi l’armée ?
Ce n’est pas l’armée qui est dangereuse ici.

L’armée est utilisée pour la guerre et dans une guerre les techniques d’influence (contre l’ennemi) sont très limitées.
La cible ici, c’est sa propre population.
Et ce n’est pas l’armée qu’il faut craindre mais les médias et les innombrables officines de communication.

Plutot que de vagues techniques de manipulation, le controle des médias est beaucoup plus simple et plus efficace.
Quand vous controlez l’AFP, vous controlez 90% de l’information qui parvient aux Français.

Pas besoin de programmes secret défense.


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