lundi 31 octobre 2016

Catherine Lara - La craie dans l'encrier


Catherine Lara - La craie dans l'encrier



Et s’il ne parle pas votre langue?

Le premier contact avec un étranger

Daniel Paquet                                                                                                                 dpaquet1871@gmail.com

Un peu de gêne, un malaise…  On ne veut pas froisser notre interlocuteur; après tout c’est la première fois qu’on se parle.  Comment appréhender la situation.  Il faut d’abord savoir qu’il y a des milliers de langues parlées dans le monde, notamment dans les Amériques, elles  sont des centaines à tenir le haut du pavé.  Une langue, « c’est un système de signes verbaux propre à une communauté d’individus qui l‘utilisent pour s’exprimer entre eux. »[1]

Certaines langues sont dites : vernaculaires, d’autres véhiculaires.  La différence?  Une langue vernaculaire est parlée seulement à l’intérieur d’une communauté.  Ainsi, le français au Québec n’est parlé que par les Canadiens-français en général.  Par extension, l’anglais n’est parlé que par les Canadiens-anglais et l’immigration sur leur territoire. Est véhiculaire la langue de communication entre des communautés d’une même région ayant des langues maternelles différentes; ce qui est fréquemment le cas au Québec, notamment à Montréal.

Tout ne s’est pas fait du jour au lendemain. « L’histoire n’est pas autre chose que la succession des différentes générations dont chacune exploite les matériaux, les capitaux, les forces productives qui lui sont transmis par toutes les générations précédentes; de ce fait, chaque génération continue donc, d’une part le mode d’activité qui lui est transmis, mais dans des circonstances radicalement transformées et d’autre part elle modifie les anciennes circonstances en se livrant à une activité radicalement  différente… »[2]

Aujourd’hui, la langue anglaise est une langue véhiculaire : d’ailleurs, c’est la principale langue véhiculaire dans le monde entier, dû au poids économique de l’impérialisme US.  C’est une réalité renforcée surtout par  le déploiement des moyens  de communication de masse (mass média) : télévision, Internet, radio et bien sûr  la presse écrite.  Les langues occidentales ont de plus une origine commune : le sanskrit.  Cette langue est donc l’ancêtre lointain de l’anglais, du français, de l’espagnol, de l’allemand, de l’hollandais, du portugais,  etc.  C’est une langue indo-aryenne qui fut la langue sacrée et la langue littéraire de l’Inde ancienne.  Au chapitre des langues anciennes,  on retrouve plus près de nous ces ancêtres du Vieux-Continent : les langues indo-européennes issues  de l’indo-européen et des peuples qui  les ont parlés.

Il existe aussi les langues sémites.  Elles appartiennent à la famille de langues comprenant le sémitique, l’égyptien, le berbère, le couchitique et  les langues tchadiennes, soit les langues chamito- sémitiques d’Asie occidentale et du nord de l’Afrique (arabe, berbère, hébreu, araméen, amharique, etc.  Elles marquent la naissance d’un ensemble de peuples du Proche-Orient parlant ou ayant parlé dans l’Antiquité des langues sémitiques.

Le commerce entre les peuples, le développement des techniques (par exemple dans la construction des bateaux et la conservation des aliments, pour les longs périples) ont favorisé les échanges internationaux.  La formation des empires ont accéléré les fusions entre les langues parlées.  Ainsi, l’empire gréco-romain de l’Antiquité a donné un grand essor à la langue grecque, qui fit de la Grèce, même conquise, le foyer irradiant de la culture d’un grand empire; il s’agit de la civilisation hellénistique (elle-même fruit des conquêtes d’Alexandre le Grand qui poursuivit ses guerres jusqu’en Asie mineure).  La  langue latine ne fut jamais la lingua franca (i.e. la langue parlée partout autour du bassin méditerranéen) comme on l’imagine, ou au même titre que l’anglais depuis le développement de l’empire britannique et américain de ces derniers siècles.   Les Romains ont adopté dans le monde des arts et de la culture l’héritage de l’empire grec qui les surpassait.

Mais les Romains détenaient les rênes de leur empire et « les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle.  La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du  même coup à cette classe dominante. »[3]

Sous ce rapport, on n’a qu’à penser aux âpres débats qui ont lieu à l’Unesco (Paris) pour la protection des cultures nationales et l’indifférence farouche, mais calculée de l’administration US pour que le plus fort l’emporte.

Tout cela ne doit pas nous faire oublier l’apport des premières nations (peuples autochtones : Inuit et Amérindiens du Canada) qui ont élu résidence dans les Amériques et  qui - s’ils n’avaient qu’une longue et solide tradition orale ont laissé des traces profondes, que ce soit au Canada ou encore en Amérique centrale et au nord de l’Amérique latine - ont bâti effectivement de véritables empires (les Mayas, les Incas et les Aztèques) et contribué à l’émergence de véritables trésors de création et d’innovation humaine (sur le plan de l’architecture entre autres).  Ils ont vécu des milliers et des milliers d’années avant l’arrivée des premiers Européens.  Par exemple, tout atteste que les Premières nations se sont établies au Canada depuis plus de 10 000 ans de notre ère.

Alors on comprendra que même les peuples européens ont une histoire assez jeune même si on ignore considérablement l’histoire de ces peuples, héritiers de l’Asie.  D’autre part, il y a une peu plus de 1,000 ans deux moines byzantins ont ‘évangélisé’ les pays slaves.  Ils y ont introduit un nouvel alphabet : le cyrillique, fondé sur l’alphabet grec (on n’a qu’à comparer l’alphabet russe à l’alphabet grec, la ressemblance saute aux yeux).  La langue de l’époque, le slavon,  était parlée (en Russie, en Ukraine, en Bulgarie, etc.).  C’était une langue essentiellement religieuse.  C’est le fait d’armes du moine Cyrille; son coreligionnaire Méthode, a mis un peu ‘d’ordre’ dans les modes d’expression.  Ils ont été canonisés depuis lors. 

Avec le développement des techniques, les frontières ont  commencé à tomber : les hommes pouvaient aller plus loin pour le commerce et les échanges de marchandises; on pense notamment à la construction de navires plus performants.  Les voyages entre l’Europe et l’Amérique (si prometteuse et si riche) se sont avérés plus faciles et sûrs.

« La découverte de l’Amérique, le tour du cap de Bonne-Espérance ont ouvert  à la bourgeoisie montante un champ d’action nouveau.  Les marchés des Indes Orientales et de la Chine, la colonisation de l’Amérique, le commerce avec les colonies, l’accroissement des moyens d’échange et des marchandises  en général ont donné au négoce, à la navigation, à l’industrie  un essor qu’ils n’avaient jamais connu et entraîné du même coup le développement rapide de l’élément révolutionnaire dans la société féodale chancelante. »[4]

Si, au début, les Européens (Irlandais, et Bretons, etc.) allaient pêcher sur les bancs de Terre-Neuve, sans y établir des colonies durables, ils furent suivis par des générations d’Européens qui se fixèrent dans ces contrées, alors sauvages, mais luxuriantes.

« La manufacture et le mouvement de la production en général prirent un essor prodigieux, du fait de l’extension du commerce amenée par la découverte de l’Amérique et de la route maritime des Indes orientales.  Les produits nouveaux importés des Indes, et principalement les masses d’or et d’argent qui entrèrent en circulation, transformèrent de fond en comble la situation réciproque des classes sociales et portèrent un rude coup à la propriété foncière féodale et aux travailleurs… »[5]

Mais l’histoire des langues et des civilisations ne s’arrête pas à celle de l’Occident.  Ainsi, la Chine a eu une influence déterminante sur le monde oriental et asiatique (Corée, Japon, Vietnam, etc.).  Nous apprenons maintenant  à mieux connaître la Chine. (Les milieux impérialistes, eux, la redoutent!)  Comme bon nombre de langues asiatiques, elle possède une écriture à caractères qui est assez rebutante pour le néophyte.  Aussi, le gouvernement de la République populaire de Chine utilise le pidgin (écriture latine) pour faire rayonner la culture chinoise et faciliter l’apprentissage de la langue;  et les enfants chinois dès leur plus jeune âge se mettront à l’étude de l’anglais pour qu’ils connaissent mieux la culture occidentale en général et anglo-saxonne en particulier  avec qui les entreprises nationales font beaucoup d’échanges commerciaux.  Déjà le Vietnam par exemple depuis la colonisation française a adopté la graphie latine. 

Pour en revenir à la Chine, elle aspire à être mieux connue des peuples vivant au-delà de ses frontières.  Parlant de ce grand pays (1,4 milliard d’habitants; deuxième puissance économique mondiale tout juste  après les U.S.A.), il faut savoir qu’outre le mandarin - la langue officielle-, plus de 50 langues et dialectes sont parlés dans le pays, y compris le cantonnais.  Le mandarin est soit dit en passant une langue à tons : i.e. un même vocable peut avoir jusqu’à trois, voire quatre significations dépendamment de l’accent sonore emprunté pour décrire une réalité, par exemple : ma, peut signifier : maman ou cheval, selon la prononciation.   Gâtez-vous dirait l’autre!

« D’autre part, le développement du travail a nécessairement contribué à resserrer les liens entre les membres de la société en multipliant les cas d’assistance mutuelle, de coopération commune, et en rendant plus clair chez chaque individu la conscience de l’utilité de cette coopération.  Bref, les hommes en formation en arrivèrent au point où ils avaient réciproquement quelque chose à se dire.  Le besoin se créa son organe, le larynx non développé du singe se transforma, lentement mais sûrement, grâce à la modulation pour s’adapter  à une modulation sans cesse développée, et les organes de la bouche apprirent peu à peu à prononcer un son articulé après l’autre. La comparaison avec les animaux démontre que cette explication de l’origine du langage, né du travail et l’accompagnant, est la seule exacte. Ce que ceux-ci, même les plus développés, ont à se communiquer est si minime qu’ils peuvent le faire sans recourir au langage articulé. »[6]

Mais les échanges commerciaux, les contacts entre les peuples ont engendré leur lot de souffrances et de misère.  D’un autre côté, « la production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore l’émanation directe  de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu’elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. de  tout un peuple. »[7]

La plupart du temps, les Occidentaux ont imposé leur présence, leur domination par la baïonnette  (simultanément avec  le missel  le plus souvent).

 « Jusqu’à présent, on a fait de la violence, de la guerre, du pillage, du brigandage, etc. la force motrice de l’histoire.  Force nous est ici de nous borner aux points capitaux et c’est pourquoi nous ne prenons qu’un exemple tout à  fait frappant, celui de la destruction d’une vieille civilisation par un peuple barbare et la formation qui s’y rattache d’une nouvelle structure sociale qui repart à zéro.  (Rome et les barbares, la féodalité et la Gaule, le Bas-Empire et les Turcs.) »[8] 

 C’est pourquoi, « le léninisme a élargi la conception de la libre disposition en l’interprétant comme le droit des peuples opprimés des pays dépendants et des colonies à la séparation complète, comme le droit des nations à exister en tant qu’État indépendant. (…)  C’est ainsi que la question des nations opprimées est devenue la question de l’appui, de l’aide  effective et constante à prêter aux nations opprimées dans leur lutte contre l’impérialisme, pour l’égalité effective  des  nations, pour leur existence comme État indépendant. »[9]

« Les rapports des différentes nations entre elles dépendent du stade de développement où se trouve chacune d’elles en ce qui concerne les forces productives, la division du travail et les relations intérieures.  Ce principe est universellement reconnu. Cependant, non seulement les rapports d’une nation avec les autres nations, mais aussi toute la structure interne de cette nation elle-même, dépendent du niveau de développement de sa production et de ses relations intérieures et extérieures. »[10]

« Dans le roman d’Orwell  1984’, la ‘novlangue’ désigne un code politico-médiatique qui permet au pouvoir totalitaire de ‘Big Brother’  de  manipuler les masses par l‘usage méthodique de l’euphémisme et de l’antiphrase.  L’anticommuniste Orwell entendait ainsi dénoncer allusivement la ‘langue de bois’ stalinienne, dans laquelle il voyait une entreprise visant à manipuler la pensée en fixant l’idéologie  jusque dans le lexique.  Masi force est aujourd’hui de constater que la ‘novlangue’ a, au bas mot, changé de camp et que les Big Brothers occidentaux et leurs émules gorbatchéviens ont de loin surpassé leur archétype littéraire.  Dans la novlangue des média, sont ainsi complaisamment classés  ‘novateurs’, ‘réformateurs’, ’modernistes’, tous ceux qui s’évertuent à restaurer le capitalisme sauvage du XIXe siècle, à casser les États, les Partis, les acquis du  monde ouvrier.  À l’inverse, les ‘conservateurs’, les conquêtes sociales, les idéaux révolutionnaires, les valeurs républicaines majeures telles que la laïcité ou la souveraineté nationale.  S’ils s’obstinent en outre, comme Fidel Castro, à défendre le socialisme et la révolution, ils reçoivent immédiatement et sans rémission  l’épithète infamante de ’nostalgiques, de ‘mammouths, et de ‘dinosaures’. »[11]

Voilà, c’est ce que l’auteur de ces lignes a appris en fréquentant  deux écoles internationales : d’abord au  niveau postsecondaire au St. Patrick’s  High School (5ème année) de Québec, et ensuite au niveau universitaire à l’Institut des Sciences sociales de Moscou.  Maintenant, l’objectif est d’apprendre à parler correctement l’arabe moderne standard, l’équivalent du français radio-canadien.

 

 

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[1] Le Petit Larousse illustré, 2015, page 659
[2] Marx-Engels, L’Idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968
[3] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 74
[4] Marx-Engels, Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page 229
[5] Marx-Engels, L’Idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, pages 94-95
[6] Engels, Friedrich, Dialectique de la nature, Éditions sociales, Paris, 1975, page 174
[7] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 35
[8] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 29
[9] Staline, J., Les questions du Léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, pages 70-71
[10] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 26
[11] Gastaud, Georges, Mondialisation capitaliste et projet communiste, Le Temps des Cerises, Pantin, 1997, page 26

dimanche 30 octobre 2016

Air France Airbus A380



Vol vers l’infini : permission de décoller!

De la hache de pierre à l’Airbus A380

Daniel Paquet                                                                                                                 dpaquet1871@gmail.com

C’est probablement prétentieux d’écrire sur les applications des découvertes récentes dans le monde des sciences et de la haute technologie (telle l’aérospatiale) quand on n’y connaît rien, sauf de la curiosité et de l’étonnement;  par exemple devant ces petits bidules que sont les téléphones intelligents ou encore les MP3.  Comme plusieurs, l’auteur de ces lignes a pris l’avion et ressenti l’excitation au décollage d’un vol régulier vers le Sud ou encore l’Europe.  C’est « magique ».  Que de chemin parcouru depuis l’aube de la préhistoire où l’Homme chassait sa proie avec des haches de silex ou broutait les plantes pour  subsister;  ce qui ne lui laissait que peu de temps pour faire autre chose.  D’ailleurs, pensait-il faire autre chose?

« Le travail, disent les économistes, est la source de toute richesse.  Il l’est effectivement… conjointement avec la nature qui lui fournit la matière  qu’il transforme en richesse.  Mais il est infiniment plus encore. Il est la condition fondamentale première de toute vie humaine, et il l’est à un  point tel que, dans un certain sens, il nous faut le dire : le travail a créé l’homme lui-même. »[1] 

« Avant que le premier caillou ait été façonné par la main de l’homme pour en faire un couteau, il a dû s’écouler des périodes au regard desquelles la période historique connue de nous apparaît insignifiante.  Mais le pas décisif était accompli : la  main s’était libérée; elle pouvait désormais acquérir de plus en plus d’habiletés nouvelles et la souplesse plus grande ainsi acquise se transmit par hérédité et augmenta de génération en génération.  Ainsi la main n’est pas seulement l’organe du travail, elle aussi le produit du travail. »[2]

« Le développement du cerveau et des sens qui lui sont subordonnés, la clarté croissante de la conscience, le perfectionnement de la faculté d’abstraction et de raisonnement ont réagi sur le travail et la langage; et n’ont cessé de leur donner, à l’un et à l’autre, des impulsions sans cesse nouvelles pour continuer à se perfectionner. »[3]  

«  L’alimentation carnée contenait, presque toute prêtes, les substances essentielles dont le corps a besoin pour son métabolisme… »[4]

« Grâce à l’action conjuguée de la main, des organes de la parole et du cerveau, non seulement chez chaque individu, mais aussi dans la société, les hommes furent mis en mesure d’accomplir des opérations de plus en plus complexes, de se poser et d’atteindre des fins de plus en plus élevées. »[5]

(En contre-partie,) « l’extension du machinisme  et la division du travail ont fait perdre au travail des prolétaires tout caractère indépendant et par suite tout attrait pour l’ouvrier.  Celui-ci n’est plus qu’un accessoire de la machine et l’on n’exige de lui que le geste le plus simple, le plus monotone, le plus facile à apprendre.  Les frais qu’occasionne l’ouvrier se limitent donc à peu près uniquement aux moyens de subsistance dont il a besoin pour son entretien et la reproduction de sa race.  Or le prix d’une marchandise, donc aussi du travail est égal à ses frais de production.  En conséquence à mesure que le travail devient plus répugnant, le salaire baisse.  Plus encore, à mesure que s’accroissent le machinisme et la division du travail, la masse du travail grandit aussi, soit par l’augmentation des heures de travail, soit par l’augmentation du travail exigé dans un temps donné, par l’accélération de la marche des  machines, etc.  L’industrie moderne a transformé le petit atelier du maître-artisan patriarcal en la grande usine du capitalisme industriel. »[6]

« Il faut ajouter que la manufacture ne pouvait ni s’emparer de la production sociale dans toute son étendue, ni la bouleverser dans sa profondeur.  Comme œuvre d’art économique, elle s’élevait sur la large base des corps de métiers des villes et de leur corollaire, l’industrie domestique des campagnes.  Mais dès que qu’elle eut atteint un certain degré de développement, sa base technique étroite entra en conflit avec les besoins de production qu’elle avait elle-même créés.

Une de ses œuvres les plus parfaites fut l’atelier de construction où se fabriquaient les instruments de travail et les appareils mécaniques plus compliqués, déjà employés dans quelques manufactures. (…)  Cet atelier, ce produit de la division manufacturière du travail, enfanta à son tour les machines.  Leur intervention supplanta l’activité artisanale comme principe régulateur de la production sociale.»[7]

« La machine, point de départ de la révolution industrielle, remplace donc le travailleur qui manie un outil  par un mécanisme qui opère à la fois avec plusieurs outils semblables, et reçoit son impulsion d’une force unique, quelle qu’en soit la forme.  Une telle machine-outil n’est cependant que l’élément simple de la production mécanique.

Pour développer les dimensions de la machine d’opération et le nombre de ses outils, il faut un moteur plus puissant, et pour vaincre la force d’inertie du moteur, il faut une force d’Impulsion supérieure à celle de l’homme, sans compter que l’homme est  un agent très imparfait dans la production d’un mouvement continu et uniforme.  Dès que l’outil est remplacé par une machine mue par l’homme, il devient bientôt nécessaire de remplacer l’homme dans le rôle de moteur par d’autres forces naturelles. »[8]

« Une fois les outils transformés d’instruments manuels de l’homme en instruments de l’appareil mécanique, le moteur acquiert de son côté une forme indépendante, complètement émancipée des bornes de la force humaine.  La machine-outil  isolée, telle que nous l’avons étudiée jusqu’ici, tombe  par cela même au rang d’un simple organe du mécanisme d’opération.  Un  seul moteur peut  désormais mettre en mouvement plusieurs machines-outils.  Avec le nombre croissant des machines-outils auxquelles il doit simultanément donner la propulsion, le moteur grandit tandis que la transmission  se métamorphose en un corps aussi vaste que compliqué. »[9]

« La technologie découvrit aussi le petit nombre de formes fondamentales dans lesquelles, malgré la diversité des instruments employés, tout mouvement  productif du corps humain doit s’accomplir, de même que le machinisme le plus compliqué ne cache que le jeu des puissances mécaniques simples.

L’industrie moderne ne considère et ne traite jamais comme définitif le présent mode de production.  Sa base est donc révolutionnaire, tandis que celle de tous les modes de production antérieurs était essentiellement conservatrice.  Au moyen de machines, de procédés chimiques et d’autres méthodes, elle bouleverse avec la base technique de la production les fonctions des travailleurs et les combinaisons sociales du travail, dont elle ne cesse de révolutionner la division établie en lançant sans interruption des masses de capitaux et d’ouvriers d’une branche de production dans une autre. »[10]

« La grande idée fondamentale selon laquelle le monde ne doit pas être considéré comme  un complexe de choses achevées, mais comme un complexe de processus où les choses , en apparence stables, - tout autant que leurs reflets intellectuels dans notre cerveau, les concepts, se développent et meurent en  passant par un changement ininterrompu au cours duquel, finalement, malgré tous les hasards apparents et tous les retours en arrière momentanés, un développement progressif finit pas se faire jour – cette grande idée fondamentale a,  surtout depuis Hegel, pénétré si profondément dan la conscience commune qu’elle ne trouve sous cette forme générale presque plus de contradicteurs. »[11]

Voilà donc une entrée en matière pour aborder la philosophie marxiste.

« Le matérialisme dialectique est la conception du monde du Parti marxiste-léniniste.  Le matérialisme dialectique est ainsi nommé parce que sa façon de considérer les phénomènes de la nature, sa méthode d’investigation et de connaissance est dialectique, et son interprétation, sa conception des phénomènes de la nature, sa théorie est matérialiste.

Le matérialisme historique étend les principes du matérialisme dialectique à l’étude de la vie sociale; il applique ces principes aux phénomènes de la vie sociale, à l’étude de la société, à l’étude de l’histoire de la société. 

En définissant leur méthode dialectique, Marx et Engels se réfèrent habituellement à Hegel, comme au philosophe qui a énoncé les traits fondamentaux de la dialectique.  Cela ne signifie pas, cependant, que la dialectique de Marx et Engels soit identique à celle de Hegel.  Car Marx et Engels n’ont emprunté  à la dialectique de Hegel que son ‘noyau rationnel’;  ils en ont rejeté l’écorce idéaliste et ont développé la dialectique en lui imprimant un caractère scientifique moderne. (…)  En définissant leur matérialisme, Marx et Engels se réfèrent habituellement à Feuerbach, comme au philosophe qui a réintégré le matérialisme dans ses droits.  Toutefois, cela ne signifie  pas que le matérialisme de Marx et d’Engels soit identique à celui de Feuerbach.  Marx et Engels n’ont en effet emprunté au matérialisme de Feuerbach que son ‘noyau central’; ils l’ont développé en une théorie philosophique scientifique du matérialisme, et ils en ont rejeté les superpositions idéalistes, éthiques et religieuses. »[12]

(Toutefois,) « on ne saurait exiger des classiques du marxisme, séparés de notre époque par 45 à 55 années, qu’ils aient prévu pour un avenir éloigné tous les zigzags de l’histoire dans chaque pays pris isolément.  Il serait ridicule d’exiger des classiques du marxisme qu’Ils aient élaboré pour nous  des solutions toutes prêtes sur tous les problèmes théoriques pouvant surgir dans chaque pays pris à part dans cinquante ou cent ans, afin que nous autres descendants des classiques du marxisme  puissions tranquillement rester couchés sur le flanc et mâcher des solutions toutes prêtes. »[13]

« Pour renverser le capitalisme, il a fallu non seulement retirer le pouvoir à la bourgeoisie, non seulement exproprier les capitalistes, mais briser entièrement la machine d’État de la bourgeoisie, sa vieille armée, son corps de fonctionnaires bureaucratique, sa police, et remplacer cette machine par un système d’État nouveau, prolétarien, par un État nouveau, socialiste.  C’est  justement ce qu’ont fait les bolchéviks. »[14]

(En conclusion,) « il faut, pour être matérialiste, admettre la vérité objective qui nous est révélée par les organes des sens.  Admettre la vérité objective, c’est admettre de façon ou d’autre la vérité absolue. »[15]

« … nous pouvons avoir  du monde une vision correspondant véritablement aux sciences de la nature et au matérialisme.  Précisons : 1. Le monde physique existe indépendamment de la conscience humaine et exista bien avant l’homme, bien avant toute ‘expérience des hommes’ : 2. Le psychique, la conscience, etc., est le produit supérieur de la matière (c’est-à-dire du physique), une fonction de cette parcelle particulièrement complexe de la matière qui porte le nom de cerveau humain. »[16]

« L’’essence ’des choses ou la ‘substance’  sont aussi  relatives; elles n’expriment que la connaissance humaine sans cesse approfondie des objets, et si hier encore cette connaissance n’allait pas au-delà de l’atome et ne dépasse pas aujourd’hui l’électron ou l’éther, le matérialisme dialectique insiste sur le caractère transitoire, relatif, approximatif de tous ces jalons de la connaissance de la nature par la science humaine qui va en progressant. L’électron est aussi inépuisable que l‘atome, la nature est infinie, mais elle existe infiniment; et cette seule reconnaissance catégorique et absolue de son existence hors de la conscience et des sensations de l’homme, distingue le matérialisme dialectique de l’agnosticisme relativiste et de l’idéalisme. »[17]

« L’esprit humain a découvert des choses miraculeuses dans la nature et en découvrira encore, augmentant par là sa maîtrise de la nature, mais cela ne veut point dire que la nature soit une création de notre esprit ou de l’esprit abstrait… »[18]

De nos jours, c’est la conquête du cosmos qui fait rêver l’humanité.  Il est loin le temps où  la traversée de l’Atlantique par avion était quasi une utopie.  Montréal- Paris, ce n’est plus un pari,  c’est presque banal.  Que ce soit par Bombardier, Boeing ou Airbus!

 

 

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[1] Engels, Friedrich, Dialectique de la nature, Éditions sociales, Paris, 1975, page 171
[2] Ibidem, Dialectique de la nature, page 173
[3] Ibidem, Dialectique de la nature, page 175
[4] Ibidem, Dialectique de la nature, page 177
[5] Ibidem, Dialectique de la nature, page 178
[6] Marx, Karl; Engels, Friedrich, Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page237
[7] Marx, Karl, Le Capital, Livre I, Gallimard, Paris, 1968, page 461
[8] Ibidem, Le Capital, page 467
[9] Ibidem, Le Capital, page 469
[10] Ibidem, Le Capital, pages 538-539
[11] Engels, Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Éditions sociales, Paris, 1966, page 61
[12] Staline, J. Les questions du Léninisme, Éditions en langues étrangères,  Pékin, 1977, pages 849-850
[13] Ibidem, Les questions du Léninisme, pages 948-949
[14] Ibidem, Les questions du Léninisme, page 950
[15] Lénine, V.I. Matérialisme et empiriocriticisme, Éditions du Progrès, Moscou, 1976, pages 135-136
[16] Ibidem, Matérialisme et empiriocriticisme, page 236
[17] Ibidem, Matérialisme et empiriocriticisme, page 273
[18] Ibidem, Matérialisme et empiriocriticisme, page 293

samedi 29 octobre 2016

Rome Au Temps De Jules César [ Documentaire Historique ]



César l’Imperator et le pouvoir

Ou les luttes intestines politiques et terroristes

Source : wikipédia et Daniel Paquet                                dpaquet1871@gmail.com

Gouverner en soufflant à tous vents ses promesses électorales n’est pas une mince affaire.  Comme le veut une analyse de la direction  imprimée par le Premier ministre Justin Trudeau ; il doit faire face à ses contradictions. Néanmoins, il devra trancher le nœud gordien.  Alors qu’« il est en effet difficile pour des particuliers de se substituer à l’État.  Des soupes populaires et des centres de distribution alimentaire à travers le Canada signalent que les réfugiés (ex. Syriens et… moult Canadiens idem) sont nombreux à souffrir de la faim.  Les cours de langue offerts par les autorités publiques sont insuffisants, alors que la maîtrise de l’anglais ou du français est indispensable  pour trouver un emploi.  L’État n’a pas mis les moyens nécessaires à la réalisation des idéaux  professés par M. Trudeau, ce qui renforce l’impression que l’affichage  l’a emporté sur l’élaboration d’une politique pleinement aboutie.  Plus largement, externaliser l’accueil des réfugiés conduit à les assujettir à des samaritains qui ne sont pas toujours aussi  bons qu’ils le voudraient ou le prétendent. »[1]

Jules César (en latin : Caius Iulius Caesar IV  (à sa naissance), Imperator Iulius Caesar Divus après sa mort) est un général, homme politique et écrivain romain, né à Rome le 12 ou le 13 juillet 100 av. J.-C. et mort le 15 mars 44 av. J.-C. (aux ides de mars), dans la même ville.( Il a incarné la vie politique de son époque et orienté l’évolution de l’État romain, -ndlr).  Pour les marxistes, « l’État est le produit et la manifestation de ce fait que les contradictions de classes sont inconciliables. L’État surgit là, au moment et dans la mesure où, objectivement, les contradictions de classes ne peuvent être conciliées.  Et inversement : l’existence de l’État prouve que les contradictions de classes sont inconciliables. »[2]

Le destin exceptionnel de César marqua le monde romain et l'histoire universelle : ambitieux et brillant, il s’appuya sur le courant réformateur et démagogue pour son ascension politique ; stratège et tacticien habile, il repoussa les frontières romaines jusqu’au Rhin et à l’océan Atlantique en conquérant la Gaule, puis utilisa ses légions pour s’emparer du pouvoir. Il se fit nommer dictateur à vie, et fut assassiné peu après par une conspiration de sénateurs.

Faut-il rappeler que  « l’État est, aux mains de la classe dominante, une machine destinée à écraser la résistance de ses adversaires de classe… Tous les États de classe ayant existé jusqu’à présent étaient une dictature de la minorité exploiteuse sur la majorité exploitée. »[3]

À sa mort, Jules César fut divinisé et son fils adoptif Octave, vainqueur de Marc Antoine, acheva la réforme de la République romaine, qui laissa place au principat et à l’Empire romain..

Biographie et origine

César affirmait avoir pour ancêtre Iule (ou Ascagne), fils d’Énée et de Créuse, amené en Italie par son père après la chute de Troie (cf. Homère, l’Iliade et l’Odyssée, -ndlr). Ce fondateur d’Albe a Longue était considéré comme le créateur de la vieille famille des Iullii qui, selon l’empereur Claude, se joignit ensuite aux pariciens de Rome []. Par ce lignage, César revendiqua, lorsqu’il prononça l’éloge funèbre de sa tante Julia, une ascendance remontant à Vénus [] dont il célébrera les vertus génitrices (Vénus Genitrix).

En réalité les Iullii historiquement connus furent une famille patricienne d'importance mineure, qui exerça quelques consulats mais ne faisait pas partie, au Ier siècle avant J.-C., de la cinquantaine de familles de la nobilitas qui fournissaient la plupart des consuls. Les Julii connurent des revers de fortune, et Jules César grandit dans une insula assez modeste du bas quartier de Subure de mauvaise réputation[].

Caius Julius César naît vers 100 av. J.-C., fils de Caius Julius Caesr III et d’Aurelia Cotta, également d’origine patricienne. Malgré les sources historiques, la date précise de cette naissance reste incertaine : le 12 juillet []ou le 13 juillet[]100 av. J.-C.[][][][]ou 102 av. J.-C.[][]

Selon Tacite, en mêlant dévouement maternel et ferme discipline, sa mère Aurelia donne à Caius et ses deux sœurs Julia une éducation exemplaire[]. Cicéron attribuera à cette éducation familiale et à des études assidues l’élégance du latin de César et la qualité de son éloquence[]. Plutarque et Suétone souligneront aussi son art des relations en société tout au long de sa vie : amabilité et politesse envers ses hôtes, prodigalité sans retenue, savoir-vivre et bonne tenue dans les banquets (Caton, qui pourtant le déteste, lui accorde qu’il est le seul ambitieux qui ne s’enivre pas), conversation brillante et cultivée[]. Ces qualités de séduction seront ses premiers atouts dans la vie publique romaine.

Son père, Caius Julius Caesar III, ne dépasse pas, dans sa carrière politique, le rang de préteur en 92 av. J.-C., et meurt subitement un matin en mettant ses chaussures[] ; César est alors âgé de quinze ans[]. Son oncle, Sextus Julius Caesar III, obtient le consulat en 91 av. J.-C. mais meurt au siège d’Asculum lors de la Guerre sociale.

La jeunesse de César

La jeunesse de Jules César s’inscrit dans un contexte de violentes luttes politiques qui opposent les optimates aux populares. Les premiers maintiennent une ligne conservatrice et aristocratique qui place le sénat romain au cœur de la République. Les seconds veulent satisfaire les revendications sociales et accorder plus de place politique aux Italiens et aux provinciaux.

Jules César grandit ainsi au milieu de troubles sanglants (première guerre civile)) : combats de rue à Rome en (88 av. J.-C. entre les partisans de Caius Marius, chef des populares, et ceux de Sylla, puis victoire des légions de Sylla sur les marianistes aux portes de Rome en 82 av. J.-C., suivie d’impitoyables chasses à l’homme contre les proscrits du camp adverse.

Ses relations familiales placent Jules César parmi les populares dans le jeu politique romain. Sa tante Julia fut l’épouse du consul Marius et lui-même épouse en 84 av. J.-C. Cornelie la fille de Cinna, successeur de Marius. Malgré ces alliances familiales, Jules César ne semble pas s’être joint aux marianistes les plus extrémistes lors de la guerre civile qu’ils menèrent contre Sylla. Il est possible que César ait suivi les modérés lorsqu’ils se rallient à Sylla[]. En 84 Av. J.-C. César est choisi (ou est candidat) au sacerdoce de flamen dialis (premier prêtre de Jupiter) à la suite du suicide de Lucius Cornelius Merula durant les proscriptions marianistes. Ce poste honorifique lui interdit toute activité guerrière, donc d'entreprendre le Cursus honorum..

Sylla exige que César divorce de Cornelie Cinna et rompe ainsi ses derniers liens avec les marianistes. César refuse, et doit se cacher, jusqu’à ce que de puissants protecteurs, dont son oncle Aurelius Cotta, fassent fléchir Sylla et cesser la traque. Sylla lui a entre-temps bloqué sa nomination comme Flamen Dialis et les interdits qui l'accompagnaient (ainsi que la dot de sa femme et une partie de son héritage). Prudent, César quitte Rome[]. Il s’enrôle vers 80 av. J.-C. dans l’armée et rejoint avec le préteur Marcus Minucius Thermus le théâtre d’opérations militaires en Asie, où Lucullus assiège Mytilène, capitale de Lesbos qui s’était ralliée à Mithridate VI. César reçoit mission de demander au roi de Bithynie Nicomède IV le renfort de sa flotte. Suétone se fait l’écho d’une rumeur sur la réputation de César, rapportant qu’il aurait eu à deux reprises des relations sexuelles passives avec Nicomède, vice le plus méprisable aux yeux des Romains : il aurait servi d'échanson à la cour du roi et aurait partagé sa couche[]. Cette suspicion, qui peut être une lourde et classique plaisanterie entre soldats, plutôt qu’une réalité indémontrable, suivra César, depuis les commentaires insultants de ses adversaires politiques jusqu’à son triomphe final, le brocardant du titre de « reine de Bithynie »[].

Lors de la prise de Mytilène, César accomplit un exploit que les historiens ne précisent pas, mais qui lui vaut en récompense une couronne civique, la plus glorieuse décoration militaire, habituellement décernée pour avoir sauvé au combat la vie d’un concitoyen. César sert encore en Cilicie sous les ordres de Servilius Isauricus, puis est démobilisé.

À la mort de Sylla en 79 av. J.-C., César demeure quelque temps en Asie. Selon Plutarque, lors de son trajet sur la mer Égée en 75 av. J.-C., il est enlevé par des pirates de Cilicie qui le font prisonnier durant 38 jours sur l'île de Farmakonisi et réclament une rançon de vingt talents d'or. César déclare en valoir cinquante, et promet de revenir exécuter les pirates après sa libération, ce qu'il fait effectivement : après avoir lancé quatre galères logeant 500 hommes armés, il les capture dans leur repaire et les fait crucifier []. Puis il perfectionne son éloquence auprès du célèbre rhéteur grec Molon de Rhodes. []

De retour à Rome, il débute sa vie publique par un coup d’audace : il attaque en justice le proconsul Gnaeus Cornelius Dolabella qui vient d’achever son mandat en Macédoine, et l’accuse de concussion. Malgré l’éloquence de César et les nombreux témoins à charge qu’il cite, la cible a trop de poids politique : Dolabella est acquitté, probablement par solidarité de classe avec ses juges tous issus du Sénat[]. César tente une seconde et brillante attaque contre Gaius Antonius, qui faillit réussir. Antonius dut recourir à l'intervention des tribuns de la plèbe pour échapper àune condamnation[].

L’ascension de César

César développe activement ses relations, dépensant beaucoup en réceptions, et entame le parcours politique classique (cursus honorum) : tribun militaire, questeur en 69 av.  J.-C. en Espagne, puis édile en 65 av. J.-C., il capte la faveur du peuple en rétablissant le pouvoir des tribuns de la plèbe et en relevant les statues de Marius. Chargé de l’organisation des jeux, il emprunte massivement pour en donner de spectaculaires, alignant selon Plutarque le nombre record de 320 paires de gladiateurs [].

Parallèlement, César poursuit son activité judiciaire, pour des causes qui flattent le courant des populares. En 64 av. J.-C., il intente des procès contre d’anciens partisans de Sylla, fait condamner Lucius Liscius et Lucius Bellienus, payés pour avoir ramené la tête de proscrits. Mais il échoue contre Catilina, les jurés se refusant à condamner un membre de la vieille famille des Cornelii[]. L’année suivante en 63 av. J.-C., avec l’aide du tribun de la plèbe Titus Labiénus, César tente un coup juridique extravagant en accusant de haute trahison le vieux sénateur syllanien Gaius Rabirius pour des faits anciens de trente-sept ans : le meurtre du tribun de la plèbe Saturninus. L’affaire est sans précédent depuis le légendaire procès d’Horace Cicéron. assure la défense de Rabirius (Pro Rabirio), mais les deux juges désignés par le préteur ne sont autres que César lui-même et son cousin Sextus. Rabirius est condamné, mais fait appel au peuple romain, son jugement devant les comices est reporté puis l’affaire est finalement abandonnée[].

César se fait élire en 63 av. J.-C. au titre de pontifex aximus grâce à une campagne financée par Crassus. Il dépense d’importantes sommes d’argent et contracte de nombreuses dettes, afin de remporter les suffrages des comices tributes, contre deux anciens consuls (Servilius Isauricus et Q. Catulus), plus âgés et expérimentés que lui[][]. Selon l’usage, César s’installe dans la demeure du pontife à la Regia, et exerce la fonction de grand Pontife jusqu’à sa mort.

Désigné préteur urbain pour l’année suivante au moment de la conjuration de Catilina (63 av. J.-C.)[], il ne fait rien pour la prévenir et est soupçonné de connivence[]. Sallustre, qui est un partisan de César, attribue ces soupçons à des manœuvres calomnieuses de Q. Catulus et C. Pison, adversaires politiques de César. Appien considère pour sa part que Cicéron n’ose pas mettre en cause César en raison de sa popularité[]. Lors du vote au Sénat sur le sort des complices de Catilina, César s’oppose à leur exécution immédiate qu'il considère illégale, et propose de répartir les conjurés à travers les prisons des municipes, mais son avis est mis en minorité après l'intervention de Caton[].

Envoyé comme propréteur en Bétique (Espagne) en 60 av. J.-C., il ne peut partir qu’après avoir donné des cautions à ses créanciers[]. Son départ précipité de Rome est motivé par sa volonté d’échapper à une action judiciaire éventuellement engagée à la fin de sa charge. César mène son premier commandement par une offensive contre les peuples ibères encore insoumis. Après avoir pacifié la province, il revient à Rome afin d’y défiler en triomphe pour son succès militaire puis de briguer le consulat. Mais les préparatifs du triomphe lui imposent de stationner hors de Rome, tandis qu’il doit y être présent pour poser sa candidature dans les délais. Il demande une dérogation, que Caton fait traîner en palabres. César doit choisir, et renonce à son triomphe pour viser le consulat[].

Triumvirat et Consulat

L’homme le plus en vue à cette date est Pompée, après sa victoire en Orient contre le roi Mithridate Vi Eupator. Cette campagne a permis à Rome de s’étendre en Bithynie, au Pont et en Syrie. Pompée revient couvert de gloire avec ses légions mais conformément à la règle, il les licencie après avoir reçu le triomphe, en 61 av. J.-C..

Au faîte de la gloire, Pompée demande des terres pour ses anciens soldats et la confirmation des avantages qu’il a promis pour les cités et princes d’Orient, mais le Sénat refuse. César exploite opportunément la déception de Pompée, le rapproche de Crassus, et forme avec eux le premier triumvirat []. Cet accord secret scelle une alliance entre les trois hommes, chacun s’abstenant de réaliser des actions nuisibles à l’un des trois[]. César renforce peu après cette alliance en mariant sa fille Julia à Pompée.

Grâce au financement de sa campagne électorale par Crassus, César est élu consul en 59 av. J.-C., en ralliant notamment à sa cause Lucius Lucceius un de ses éventuels compétiteurs[]. Durant son mandat, il ne laisse à son collègue le conservateur Marcus Calpurnius Bibulus qu’une ombre d’autorité. Bibulus et Caton multiplient les actions d’obstruction contre César, mais ils sont chassés du forum lors de la promulgation d’une loi agraire. À la suite de cet incident, Bibulus se retire chez lui jusqu’à la fin de son mandat, laissant le pouvoir à César qui l’exerce seul[][]. L’historien romain Suétone rapporte quelques vers décrivant la situation politique :

« Ce que César a fait, qui d’entre nous l’ignore ? - Ce qu’a fait Bibulus, moi je le cherche encore. »

César peut désormais légiférer comme un tribun, selon l’expression de Plutarque, satisfaire les revendications des populares, rendre des gages à Pompée et gagner de nouveaux soutiens auprès des chevaliers et des provinciaux : passant outre les protestations des sénateurs Lucullus et Caton, il fait ratifier les initiatives de Pompée qui avait réorganisé les principautés du Moyen-Orient sans demander l’avis du Sénat ; il promulgue plusieurs lois agraires : distribution aux vétérans de Pompée de parcelles des terres publiques (l’ager), faisant de Capoue une colonie romaine, achat de terres à des particuliers qui sont ensuite distribuées à 20 000 citoyens pauvres. La diminution d’un tiers du fermage dû par les publicains à l’État est une aubaine pour les chevaliers, affairistes et banquiers (lex de publicanis)[]. Sa loi contre la concussion (lex Iulia de repetundis) permet enfin de sanctionner d’amendes les gouverneurs de province qui monnayent leurs interventions ou se livrent à des exactions financières[]. Enfin, il place le Sénat sous le contrôle de l’opinion publique, en faisant publier les comptes rendus de séance (Actus senatus)[].

Cette activité politique va de pair avec une activité mondaine soutenue : Suétone[] prête à César entre autres maîtresses les épouses de Crassus et Pompée, et, ce qui paraît mieux attesté, Servilia la demi-sœur de Caton []. Plus officiellement, César épouse Calpunia, fille de Calpumius Pison, consul désigné pour l’année suivante, ce qui lui assure une future protection politique. César se fait un autre allié dans la personne de Clodiux Pulcher, qui avait pourtant courtisé sa précédente épouse, en satisfaisant une requête qui lui tenait à cœur : troquer son rang de patricien pour celui de plébéien et postuler ainsi à l’élection de tribun de la plèbe.

César profite de sa popularité pour préparer l’étape suivante de sa carrière : normalement, le Sénat prolonge le mandat d’un consul par le proconsulat d’une province pour un an. César contourne cette règle avec l’aide du tribun de la plèbe Publius Vatinius : celui-ci fait voter par le peuple un plébiscite qui confie à César et pour cinq ans deux provinces, la Gaule cisalpine et l’Illyrie, avec le commandement de trois légions (lex Vatinia). Pour sauver une apparence d’autorité, le Sénat lui accorde en plus la Gaule transalpine et une quatrième légion[.]

Suétone rapporte que César, se vantant devant le Sénat d’être enfin parvenu à ses objectifs, et promettant une victoire éclatante en Gaule, reçut un outrage d’un de ses nombreux adversaires qui s’écria « Cela ne sera pas facile à une femme ». César répliqua que cela n’avait pas empêché Sémiramis de régner sur l’Assyrie, et les Amazones de posséder jadis une grande partie de l’Asie [].

Proconsul en Gaule

Carte de Gaule montrant les différentes batailles de la guerre des Gaules.

Les campagnes militaires de Jules César en Gaule

 Les deux faces d'une pièce de monnaie.

Denier commémorant les conquêtes gauloises de Jules César. Date : c. 48 AC.

 

Description revers : Trophée gaulois composé d'un grand bouclier ovale, d'un casque, d'une cuirasse, d'un carnyx et d'une hache à sacrifice surmontée d'une tête d'animal. Description avers : Tête de Vénus ou de (Clementia) la Clémence laurée et diadémée à droite avec boucle d'oreille et collier.

Dès la fin de son consulat, César gagne rapidement la Gaule, tandis que le préteur Lucius Domitius Ahenobarbus et le tribun de la plèbe Antistius le citent en justice pour répondre à l’accusation d’illégalités commises pendant son mandat. En fin juriste, César fit objecter par les autres tribuns qu’il ne pouvait être cité en application de la loi Memmia[], qui interdisait toute poursuite contre un citoyen absent de Rome pour le service de la République. Pour éviter toute autre mise en cause devant la justice, César s’appliquera durant son proconsulat à demeurer dans ses provinces. Il passe ainsi chaque hiver en Gaule cisalpine, où il reçoit partisans et solliciteurs et s’assure chaque année d’avoir parmi les élus à Rome des magistrats qui lui soient favorables[]. La gestion de ses affaires à Rome même est confiée à son secrétaire Lucius Cornelius Balbus, un chevalier d’origine espagnole, avec qui il échange par précaution des courriers chiffrés[].

Dès le début de son proconsulat, César engage la conquête dela Gaule en profitant de la migration des Helvètes en mars 58 av. J.-C.. Cette expédition militaire est motivée par ses ambitions politiques, mais aussi par des intérêts économiques qui associent les Romains à certaines nations gauloises clientes de Rome (Éduens, Arvernes, etc.)

Tout en menant ses campagnes, César maintient ses relations avec les hommes politiques romains : Quintus, frère de Cicéron, commande une légion en Belgique [] ; Publius et Marcus, les fils de Crassus, interviennent en Belgique puis en Aquitaine[] ; Lucius Munatius Plancus [] et Marc Antoine seront à Alésia[].

À Rome, les conservateurs réagissent à la guerre que mène César : son affrontement contre le germain Arioviste, qui a la qualité d’ami du peuple romain, accordée lors du consulat de César, scandalise Caton, qui proclame qu’il faut compenser cette trahison de la parole romaine en livrant César aux Germains[]. Ultérieurement, César se justifiera longuement dans ses Commentaires en détaillant ses négociations préliminaires avec l’agressif Arioviste, lui faisant même dire que « s’il tuait [César], il ferait une chose agréable à beaucoup de chefs politiques de Rome, ainsi qu’il (Arioviste) l’avait appris par les messages de ceux dont cette mort lui vaudrait l’amitié »[].

En 56 av. J.-C., Lucius Domitius Ahenobarbus, candidat au consulat soutenu par Caton et par Cicéron, met à son programme la destitution et le remplacement de César. Toujours obligé de se cantonner en Gaule, César réunit à Lucques Crassus, Pompée et tous les sénateurs qui les soutiennent. Ils renouvellent tous trois leur accord et définissent un partage des provinces[]. Ahenobarbus et Caton sont agressés en plein forum et empêchés de faire campagne. Pompée et Crassus profitent de l’appui de César pour remporter les élections et être élus pour un second consulat en 55 av. J.-C. [] Cicéron a des obligations envers Pompée, que celui-ci lui rappelle vertement par l’intermédiaire de son frère Quintus []. Cicéron s’incline et soutient la prorogation du gouvernement de César pour cinq nouvelles années.[]

À l’issue de leur consulat en 54 av.  J.-C., chacun reçoit le gouvernement d’une province : Crassus part en Asie chercher une gloire militaire qui égale celles de Pompée et de César, l’Espagne et l’Afrique sont attribuées à Pompée, qui préfère rester à Rome, centre du pouvoir, et envoie ses légats gouverner. Sur les quatre légions qui lui sont attribuées, Pompée en prête deux à César, qui a besoin de renforts[].

Pendant son second mandat, en 55 av. J.-C., César traverse la Manche et réalise une première incursion en Bretagne (l’actuelle Grande-Bretagne)[], terre inconnue et quasi mythique pour les Romains de l’époque[]. Ultérieurement, il réalise un autre exploit par une démonstration militaire au-delà du Rhin. Mais à partir de l’hiver 54\53 av. J.-C., la situation en Gaule se détériore, et des révoltes se multiplient.

En 54 av. J.-C., la défaite et la mort de Crassus et de son fils Publius à la bataille de Carrhes contre les Parthes, et la mort de Julia, fille de César et épouse de Pompée, et de l’enfant qu’elle avait eu de Pompée défont les liens du triumvirat[][]. César propose à Pompée la main de sa petite-nièce Octavie, et demande en mariage la fille de Pompée, mais ces offres d’alliances matrimoniales n’aboutissent pas[].

Le début de l’année 52 av. J.-C. est difficile pour César : la révolte en Gaule se généralise sous l’impulsion de l’Arverne Vercingétorix. À Rome, les désordres sont tels que Pompée est nommé consul unique, avec l’assentiment de Caton et des conservateurs. Pompée épouse Cornélie, la jeune veuve de Publius Crassus et la fille du conservateur Metellus Scipion, qu’il prend au milieu de l’année comme collègue au consulat[]. Pompée est désormais le défenseur du clan des conservateurs.

Vercingétorix sur un cheval blanc devant César, vêtu en rouge et assis sur un piédestal.

Vercingétorix dépose les armes aux pieds de Jules César à l’issue du siège d’Alésia. Tableau de Lionel Royer, 1899.

En 52 av. J.-C., Jules César remporte une victoire décisive au siège d’Alésia, où il reçoit la reddition de Vercingétorix []. En 51 av. J.-C., après avoir étouffé les derniers foyers de révolte, César affirme la souveraineté de Rome sur les territoires de la Gaule situés à l’ouest du Rhin.

Selon Velleius Paterculus, en neuf campagnes, on n’en trouverait à peine une où César n’aurait pas mérité le triomphe, et il massacra plus de quatre cent mille ennemis et en fit prisonniers un plus grand nombre encore[]. Pour Plutarque, la conquête de la Gaule fut l’une des plus grandes victoires de Rome et place son commandant César au rang des plus illustres généraux romains, tels les Fabius, les Métellus,et les Scipions. [].

« En moins de dix ans qu’a duré sa guerre dans les Gaules, il a pris d’assaut plus de huit cents villes, il a soumis trois cents nations différentes, et combattu, en plusieurs batailles rangées, contre trois millions d’ennemis, dont il en a tué un million, et fait autant de prisonniers. »[]

Tandis qu’il termine son mandat de proconsul, César prépare son retour à Rome par la conquête de l’opinion romaine : il répond aux critiques sur sa conduite de la guerre par la publication de ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, sobre compte-rendu où il se présente à son avantage, puis en 51 av. J.-C., il annonce la construction d’un magnifique et nouveau forum, financé par le butin des Gaules, sur lequel est érigé le temple dédié à Vénus Genetrix dont il est censé descendre. L’objectif du César est maintenant de se présenter aux élections de 50 av. J.-C. pour un second consulat en 49 av. J.-C., conformément à la loi qui impose un intervalle de dix ans entre chaque consulat. Pour éviter l’attaque en justice que lui a jurée Caton et qui l’empêcherait de faire campagne, il lui faut conserver son mandat de proconsul en Gaule, et être candidat malgré son absence de Rome.

Le bras de fer politique

À Rome, les conservateurs vont tout faire pour empêcher le projet de candidature de César. En 50 av, J.-C., César mène sa politique à distance depuis la Gaule cisalpine : il fait élire Marc Antoine tribun de la plèbe pour l’année suivante. Soldant les dettes du tribun de la plèbe Curion, il le fait lâcher Pompée et passer de son côté[]. Enfin, il neutralise un des consuls, Lucius Aemilius Paullus, en lui versant des fonds nécessaires à la réfection de la basilique Aemilia sur le forum[]. En revanche son lieutenant Servius Sulpicius Galba, candidat au consulat pour 49 est battu, et les consuls élus Lucius Cornelius Lentulus Crus et Caius Claudius Marcellus lui sont farouchement hostiles. Les conservateurs s’activent eux aussi, et prennent des contacts avec Labiénus, le meilleur lieutenant de César[].

À la fin de l’année 50 av. J.-C., les premières passes d’armes restent dans la voie légale et se déroulent au Sénat. Le tribun Curion propose que Pompée et César licencient simultanément leurs troupes, les consuls s’y opposent[]. Le Sénat décide que Pompée et César envoient chacun une légion pour préparer la guerre contre les Parthes. Pompée choisit la Ire légion, qu’il avait prêtée à César, César renvoie la XVe, et doit se dessaisir ainsi de deux légions (il en conserve néanmoins neuf, dont une l’accompagne en Gaule cisalpine tandis que les autres hivernent en Gaule)[]. Pompée envoie ces deux légions prendre leurs quartiers d’hiver en Italie du sud. En chemin, leurs officiers se livrent à un intense travail de désinformation, affirmant que César était devenu odieux et détesté par ses soldats, et induisent Pompée à le sous-estimer[].

Toujours par l’intermédiaire de Curion et Marc Antoine, désormais tribun, César tente une nouvelle proposition : il accepte de ne conserver que deux légions et le gouvernement de la Gaule cisalpine et de l’Illyrie, pourvu qu’on accepte sa candidature au consulat. Malgré la recherche d’un compromis par Cicéron, Caton refuse qu’un simple citoyen impose ses conditions à l’État, le nouveau consul Lentulus s’emporte et fait expulser du Sénat Curion et Marc Antoine. L'historien Velleius Paterculus accusera Curion d'être responsable de cette rupture, tandis que Appien présentera Marc Antoine comme l'initiateur de la dispute. Selon Plutarque, « C’était donner à César le plus spécieux de tous les prétextes » : s’en prendre aux tribuns de la plèbe, les représentants sacro-saints du peuple ! Le Sénat décrète que César doit abandonner son poste de gouverneur et revenir à Rome en simple particulier[].

La guerre civile

César peut se présenter comme la victime de l’acharnement des conservateurs et comme le défenseur des tribuns de la plèbe[]. Prenant l’initiative de l’illégalité, il décide le 11 janvier 49 av. J.-C. de pénétrer en armes en Italie, et franchit le Rubicon, rivière marquant la frontière entre l’Italie et la Gaule cisalpine. Plutarque et Suétone mettent en scène ce tournant historique et attribuent à César la citation « Alea jacta est » (« Le sort en est jeté. »), signifiant qu’il tentait la destinée[]. Pour César, il n’y a plus que deux issues : la mort et le déshonneur ou la victoire et le pouvoir. Il mise sur l’audace et la rapidité de ses déplacements militaires et sur l’expérience et la fidélité de ses légions, et se démarque des atrocités de la précédente guerre civile par sa politique de clémence, n’exerçant ni proscriptions ni représailles.

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Périple de César de janvier 49 av. J.-C. à août 47av. J.-C. - Le franchissement du Rubicon, la bataille d’Alexandrie et la bataille de Zéla..

César prend le port de Rimini et progresse rapidement vers Rome sans rencontrer de résistance, et ajoute à ses forces les trois légions que Pompée avait commencé à lever. Pompée récupère des troupes à Capoue, et se replie sur Brindisi d’où il écrit à tous les gouverneurs de provinces de mobiliser contre César. Les consuls, Caton, Bibulus et même les sénateurs modérés comme Cicéron fuient en hâte, rejoignent Pompée à Brindisi et s’embarquent pour Dyrrachium en Épire []. Sans flotte, César ne peut les poursuivre. Pendant les quelques jours qu’il passe à Rome, il rassure les sénateurs restés sur place, offre au peuple une distribution de blé, promet un don de 75 deniers à chaque citoyen et accorde la citoyenneté romaine aux habitants de la Gaule cisalpine. Reconnaissant, le peuple le fera désigner dictateur (i.e. délégué du peuple à une magistrature extraordinaire exercée par un dirigeant, Le Petit Larousse, 2015, page 380) pendant son absence. Assuré du soutien de l’Italie, il confie la gestion de Rome à Lépide, envoie Curion s’emparer de la Sicile et de la Sardaigne, garantissant le ravitaillement de Rome en blé, libère l’ex-roi juif Aristobule II afin de l’envoyer en Syrie avec deux légions et empêcher Pompée de mobiliser des troupes. Mais les partisans de Pompée empoisonnent Aristobule[]. César va lui-même en Hispanie soumettre les légats de Pompée. Quand l’année 49 av. J.-C. se termine, César est maître de l’Italie, des Gaules et des Espagnes, mais ses lieutenants ont subi des revers : Curion s’est fait tuer en Afrique, Gaius Antonius a été fait prisonnier en Illyrie, et son meilleur lieutenant Titus a rejoint le camp de Pompée, qui a levé une armée sur les provinces d’Orient et les royaumes alliés de Rome. La flotte pompéienne contrôle l’Adriatique, prête à débarquer en Italie.

L’année suivante en janvier 48 av. J.-C., César est élu consul ; poursuivant sa stratégie fondée sur l’initiative et la rapidité de mouvement, il prend un risque considérable en traversant l’Adriatique pendant l’hiver et surprend Pompée en Épire. Mis en difficulté lors du siège de Dyrrachium où il a enfermé Pompée pendant quatre mois, César doit se replier, attirant Pompée en Thessalie. En août 48 av. J.-C., poussé par son entourage, Pompée accepte la bataille rangée. Malgré l’avantage du nombre, il est battu à Pharsale. Cicéron et Brutus se rendent à César, qui les accueille chaleureusement. Caton et Labienus fuient en Afrique, Pompée se réfugie en Asie, puis à Chypre, d’où il gagne l’Égypte, pensant trouver de l’aide chez le jeune pharaon dont il avait autrefois protégé le père[].

César parvient à Alexandrie début octobre 48 où il trouve, horrifié, le corps de Pompée, assassiné sur l’ordre du jeune Ptolémée XIII []. César passe l’hiver 48/47 à Alexandrie, et la guerre s’engage alors entre Ptolémée et César. Ce dernier n’a qu’un faible effectif et doit mener un combat difficile ; lors d’un engagement dans l’île de Pharaos, il est même obligé de fuir à la nage. Il sort vainqueur de l’affrontement en mars 47, et détrône le jeune souverain au profit de Cléopâtre et du plus jeune de ses frères[][].

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Périple de César de fin 47 av. J.-C. à février 46 av. J.-C. - Le passage de César en Afrique et la bataille de Thapsus.

D’Égypte, César se rend en Asie (juillet – août 47 av. J.-C.), afin de réprimer Pharnace II, fils de l’ancien roi du Pont Mithridate, qui a profité de la guerre civile pour reconquérir des territoires et réaffirmer son autorité. Le cinquième jour de son arrivée, en quatre heures de combat et en une seule bataille (Bataille de Zéla), César écrase et détrône Pharnace[]. À cette occasion, il écrivit au Sénat ces mots célèbres : « Veni, vidi, vici » pour exprimer la facilité avec laquelle il était venu à bout de son adversaire[].

De retour en Italie, César doit faire face à l’insubordination des soldats cantonnés en Campanie. Il les reçoit à Rome, et parvient à les ramener à l’ordre sous la menace de les licencier[].

Puis, César passe en Afrique fin 47 av. J.-C., où il passe l’hiver. Il détruit à la bataille de Thapsus l’armée républicaine que commandent Metellus Scipion et Caton d’Utique et leur allié le roi numide Juba 1er (février 46 av. J.-C.)[] ; Metellus Scipion et Juba meurent dans la bataille, Caton se suicide à Utique pour éviter d’être capturé, Titus Labienus se réfugie en Espagne. L’annexion de la Numidie s’ajoute aux conquêtes de César.

Triomphe

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Buste de Jules César en cuirasse, château de Versailles.

Lorsque César revient à Rome, la paix est revenue, l'Italie n'a pas connu les atrocités des précédentes guerres civiles. Tous les écrivains loueront la clémence de César, qui a accueilli sans restriction les pompéiens qui se rendaient et n'a exercé aucune proscription contre les politiciens. César peut annoncer au peuple que l'annexion des Gaules et de la Numidie et le protectorat sur l’Égypte vont permettre d'obtenir du blé et de l'huile en abondance et définitivement résoudre les problèmes de ravitaillement de Rome.

En août et septembre 46, César célèbre par un quadruple triomphe ses victoires sur les Gaules, le Pont, l'Égypte et la Numidie. La durée et le faste des cérémonies, l'énormité du butin éclipsent tous les triomphes précédents. À chaque cérémonie, César vêtu de pourpre parcourt en char la Voie Sacrée, suivi du butin, des captifs[], des soldats qui ont toute liberté pour scander les plaisanteries les plus osées sur son compte. Pour monter au Capitol offrir un sacrifice au temple de Jupiter Capitolin, le char de César passe entre deux rangées d’éléphants qui tiennent des flambeaux.

César offre au peuple des représentations théâtrales, des courses, des joutes d'athlètes, des spectacles de chasse et de gladiateurs, des reconstitutions de combat terrestre et nautique, cette dernière est la première naunaumachie montrée à Rome. Des banquets publics réunissent près de 200 000 convives[]. La vente du butin rapporte plus de 600 millions de sesterces [], et l’argent est distribué à flot : les 75 deniers que César avait promis sont donnés à chaque citoyen, avec 25 deniers de plus pour compenser le retard, les légionnaires reçoivent 24 000 sesterces chacun, et des lots de terre. Les loyers de moins de 1 000 sesterces à Rome et moins de 500 sesterces en Italie sont annulés[].

La plupart des revendications des populares sont maintenant satisfaites, et César entreprend les réformes nécessaires à l'administration du monde romain. Il fait procéder à un recensement, et ajuste à la baisse le nombre d'allocataires des distributions de blé. Il compense cette mesure en installant 80 000 citoyens pauvres et des soldats démobilisés dans de nouvelles colonies dans les provinces, dont Carthage et Corinthe qu'il fait reconstruire.

Le pouvoir absolu

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Périple de César de décembre 46 av. J.-C. à avril 45 av. J.-C. - L'arrivée de César en Hispanie (Espagne) et la bataille de Munda.

La paix ne dure que quelques mois. En 446 av. J.-C., les dernières forces du parti pompéien s’insurgent en Espagne, menées par Pompée le Jeune, fils de Pompée, et Titus Labienus. Consul pour la quatrième fois, César arrive à marches forcées en Espagne en décembre 46 av. J.-C. Cette guerre est longue et sans merci, avec des exécutions de part et d’autre. César achève en avril 45 av. J.-C. ses derniers adversaires à Munda, dans la bataille la plus acharnée des guerres civiles[]. Retardé par une maladie, son jeune neveu Octave le rejoint en Espagne malgré les dangers du trajet, geste que César apprécie hautement. Dans le dernier testament qu’il rédige, il déclare adopter Octave et le désigne comme héritier principal avec comme autre héritier Quintus Pedius, son autre neveu qui a combattu à ses côtés en Espagne[].

Revenu à Rome en octobre 45 av. J.-C., César y célèbre son cinquième triomphe. César commet là une erreur politique que Plutarque soulignera[] : la règle veut qu’un triomphe honore une victoire sur un peuple ennemi de Rome, ce qui n’est pas le cas dans cette guerre civile. Ni Pompée vainqueur de Sertorius, ni Sylla vainqueur des marianistes n’avaient célébré de triomphe. De plus, César accorde deux autres triomphes, à Fabius et son neveu Quintus Pedius []. Là encore, c’est une entorse aux usages qui réservent le triomphe au général doté de l’imperium et non à ses lieutenants.

César, nommé dictateur pour dix ans, est désormais le centre du pouvoir ; il reconstitue les effectifs du Sénat, en radie quelques sénateurs responsables de concussion dans leur province, et y inscrit des Gaulois cisaspins et des Espagnols, une première qui marque le début de la promotion des provinciaux. Il nomme lui-même les magistrats, sauf les tribuns de la plèbe et les édiles plébéiens, encore élus, et désigne des consuls pour quelques jours de charge seulement. Obtenir un titre, un avantage ou une faveur dépend de son approbation. Ainsi,Cicéron par des discours emplis d’adulation où il qualifie la clémence de César de « divine » fait gracier plusieurs de ses amis[].

Cicéron propose de décerner à César des honneurs, les autres sénateurs suivent en une surenchère de plus en plus excessive. Ainsi César reçoit le nom de Liberator et le titre d’Imperator transmissible à ses descendants, quoiqu’il n’ait plus d’enfant[]. Il réforme le calendrier, on renomme le mois de Quintilis de son nom de famille[]. Pompée avait eu l’honneur de porter les emblèmes du triomphe, robe pourpre et couronne de lauriers, lorsqu'on célébrait des jeux à Rome. César reçoit le même honneur, mais par décret du sénat à titre permanent, la couronne lui permettant notamment de cacher sa calvitie qu'il supportait mal car source de nombreuses railleries[] ; il peut siéger sur un siège plaqué d’or. Certains privilèges accordés par les sénateurs vont jusqu’à l’extravagance, comme l’autorisation d’avoir commerce avec toutes les femmes qu’il voudra[]. Pour l’historien Dion Cassius, les sénateurs agissent par excès de flatterie, ou par raillerie. Plus préoccupant, selon Plutarque, c’est pour certains une manœuvre destinée à déconsidérer César et le rendre odieux, et se préparer plus de prétextes de l’attaquer un jour[].

Le complot

En nommant lui-même les magistrats supérieurs, César arrête le cycle corrupteur des campagnes électorales ruineuses financées par l’extorsion financière sur les provinces, et soulage enfin la charge de celles-ci ; mais ceci réduit les profits des brasseurs d’argent que sont les publicains et remplace la compétition politique par un arbitraire et une flagornerie indigne qui suscitent des oppositions : pour l’année 44 av. J.-C., César désigne Marc Antoine comme consul et marcus     Junius Brutus et Cassius comme préteurs. Selon Plutarque, la déception de Cassius qui espérait le consulat est une des raisons qui l’amènent à comploter. Tous les historiens romains le présentent comme l’instigateur principal du complot contre César. Cassius regroupe peu à peu une coterie d’opposants, d’anciens pompéiens graciés par César, mais également, notent les historiens modernes, des césariens qui ont servi lors de la guerre des Gaules, notamment Decimus Junius Brutus Albinus, qui aurait joué un rôle majeur[] et plusieurs autres[]. Ces derniers redoutent vraisemblablement l’expédition militaire que prépare César contre les Parthes qui serait suivie d’un retour par la Scythie et la Germanie[] et pourrait ourdir un plan pour déloger les aigrefins du régime, plongés dans les richesses de l’État et l’exploitation des citoyens romains.

« Aux époques antérieures de l’histoire, nous trouvons presque partout une organisation de la société en ordres divers. Dans la Rome antique, nous avons des patriciens, des chevaliers, des plébéiens, des esclaves. »[4]

Pour revenir aux comploteurs, ils cherchent en Marcus Junius Brutus le chef symbolique idéal : il porte le nom mythique de Brutus qui chassa Tarquin le Superbe, le dernier roi qui régna sur Rome en tyran.

Toutefois, César l’a comblé de faveurs et l’a nommé préteur urbain. Les comploteurs mènent donc une approche psychologique : ils parsèment chaque jour le tribunal que préside Brutus de messages anonymes qui invoquent le Brutus chasseur de roi : « Brutus, tu dors, tu n’es pas le vrai Brutus ! ». Ensuite, Cassius convainc Brutus d’agir contre César. Présenter Brutus comme l’inspirateur du complot contre César permet de fédérer d’autres opposants[].

Les rumeurs de complot parviennent à César, qui ne s’en soucie pas, répondant qu’il est au courant, ou même en plaisante : quand on l'informe que Brutus complote, César rétorque en se pinçant « Il attendra bien la fin de cette carcasse ! ».

Le 14 février 44 av. J.-C., le Sénat confère à César la dictature perpétuelle. Son pouvoir est désormais sans limite, même l’intercessio des tribuns ne peut s’exercer sur son imperium.. Tout espoir d’une abdication comme celle de Sylla et d’un retour à la République d’avant la guerre disparaît. Autre inconséquence aux yeux des historiens romains, César néglige les présages : avertissements des devins, mise en garde pour la période allant jusqu’aux Ides de Mars, cauchemar de son épouse Calpurmia la veille des ides[]. Tout au plus, apprenant les signes néfastes observés sur les victimes offertes en préliminaire de la réunion au sénat, César se résout à ne prendre aucune décision importante ce jour-là[].

La mort de César

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La Mort de César par Karl von Piloty


« Métellus lui découvrit le haut de l’épaule ; c’était le signal. Casca le frappa le premier de son épée » (Plutarque)

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Mort de César par Vincenzo Camuccini, 1798


« Il s’était défendu, dit-on, contre les autres, et traînait son corps de côté et d’autre en poussant de grands cris. Mais quand il vit Brutus venir sur lui l’épée nue à la main, il se couvrit la tête de sa robe » (Plutarque)

 Seul César est visé, Marc Antoine qui accompagne César est attiré à l’écart par des faux solliciteurs, tandis que César est entouré par le groupe des conjurés. Métellus s’assure que César ne porte aucune protection, et tous l’assaillent : il tombe percé de 23 coups de poignard[]. Le coup ultime vient de Brutus. Les derniers mots de César auraient été pour ce dernier, en grec, et non en latin comme on l'affirma à l'époque moderne « Toi aussi, mon fils »[].

Pas moins de onze auteurs antiques ont rapporté l’attentat, avec plus ou moins de détails[][]. Si le fait est bien connu, l’analyse de ses causes est délicate. Officiellement, les conjurés ont éliminé César pour l’empêcher de devenir roi et pour sauver la République.

Des rumeurs circulent disant que César recevrait le titre de roi pour son expédition en Orient, car selon la prophétie des Livres sibyllins, seul un roi pouvait vaincre les Parthes[].

  • De retour d’Albe, César est salué du nom de roi par ses partisans, ce qui agite la foule. Il rétorque qu’il ne s’appelle pas Roi mais César, et il poursuit son chemin mécontent[].
  • Lorsque les sénateurs viennent à la tribune du forum lui annoncer les nouveaux honneurs qu’ils lui ont votés, il ne se lève pas, manquant au respect dû au Sénat[].
  • Le 15 février de la fête des Lupercales, Marc Antoine propose à César le diadème royal, que celui-ci repousse sous les acclamations de la foule. Marc Antoine insiste, et le refus de César est de nouveau applaudi. César fit porter ce diadème au temple de Jupiter [  Capitolin.

Selon Plutarque, plusieurs signes auraient présagé la mort de César, comme le cœur manquant d'un animal dont celui-ci fit offrande[].  Plutarque affirme aussi que César voulait détruire la République et devenir roi[].

Christol et Nony rappellent que César « sut toujours donner le change sur ses intentions réelles » et considèrent que ce problème n’est pas soluble[]. Plus encore, Ronald Syme estime que ce problème « n’a pas à être posé. César fut tué pour ce qu’il était, non pour ce qu’il aurait pu devenir. En revêtant la dictature à vie, il semblait écarter tout espoir de retour à un gouvernement normal et constitutionnel. Le présent était insupportable, l’avenir bouché. »[].

Mais Suétone complique les analyses sur la fin de César en ouvrant une autre piste[] : César aurait eu la mort qu’il souhaitait. Là encore, Suétone produit ses indices :

  • selon certains de ses parents, il n’aurait pas tenu à vivre davantage, et aurait préféré succomber aux complots plutôt que d’être toujours sur ses gardes
  • lors d’un banquet chez Lépide, à la question philosophique sur le genre de fin que l’on préférait, César avait répondu « soudaine et inattendue »[]
  • le licenciement de sa garde personnelle, un mois avant, qui l’exposait sans protection
  • l’indifférence aux avertissements sur les complots, et aux prédictions défavorables

Des historiens modernes ont développé cette thèse[], justifiant l’attitude de César par sa perception d’une maladie qui le diminuait. Néanmoins, les préférences pour une mort brève et imprévue sont après tout banales, et selon Régis Martin[], la croyance de César en sa chance protectrice (Fortuna) et sa certitude que sa perte provoquerait la guerre civile peuvent aussi expliquer sa conduite.

Funérailles et testament

César désigna dans son testament trois héritiers, les petits-fils de ses sœurs, à savoir Octave, Lucius et Quintus Pedius. Il légua les trois quarts de son héritage au premier et le quart restant aux deux autres. Dans la dernière clause de son testament, César adopta Octave, le futur empereur auguste, et lui donna son nom. Enfin, il légua au peuple romain ses jardins près du Tibre et trois cents sesterces par tête[].

Le 20 mars, un bûcher fut dressé sur le champ de Mars, près de la tombe de sa fille Julia, et l’on imagine évidemment l’effet dramatique de cette proximité. Le corps du César, couché sur un lit d’ivoire tendu de pourpre et d’or, fut d’abord déposé dans une chapelle dorée, édifiée sur le forum, devant la tribune aux harangues. À sa tête, sa toge ensanglantée était exposée sur un trophée. Comme le corps reposait, face vers le ciel, et ne pouvait être vu, on éleva au-dessus de lui une effigie de cire grandeur nature, afin que la foule pût contempler les vingt-trois blessures (trente-cinq selon d’autres auteurs) qui lui avaient été sauvagement infligées au corps et au visage. Pour souligner l’ignominie de ce crime, Marc Antoine fit lire, en guise d’oraison funèbre, la liste des honneurs qui avaient été dévolus à César, ainsi que le serment qu’avaient prêté les sénateurs de défendre sa vie. On chanta des vers parmi lesquels revenaient, pour susciter la compassion, une citation empruntée au Jugement des Armes de Pacuvius : « Fallait-il les sauver pour qu’ils devinssent mes meurtriers ? » (compte tenu de la mansuétude dont César avait obstinément fait preuve à l’égard de Brutus, c’était particulièrement bien choisi).

Chavirée par l’habile et pathétique mise en scène, la foule en colère entassa autour du lit funèbre le bois arraché aux boutiques avoisinantes et tout ce qui lui tombait sous la main pour construire un bûcher d’apothéose, comme elle l’avait fait quelques années plus tôt pour les funérailles de Clodius. Les vétérans de ses légions y jetèrent leurs armes et certaines femmes les bijoux qu’elles portaient. Les Juifs, qui n’oubliaient pas que César leur avait permis de relever les murs de Jérusalem abattus par Pompée, se réunirent plusieurs nuits de suite autour de son tombeau pour le pleurer.

On raconte que lorsque Caius Matius organisa des jeux funéraires en juillet -44 à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, la comète de César se mit à briller dans le ciel (apparition également attestée par les astronomes chinois) et l’Etna entra en éruption, faisant de sa mort un bouleversement cosmique. À l’emplacement où il fut incinéré, son petit-neveu et fils adoptif, le futur Auguste, fit ériger un temple. On vient parfois de fort loin pour y déposer quelques fleurs, un poème, une bougie et perpétuer le souvenir de celui qui voulut être « le premier dans Rome »… La plaque commémorative apposée par la ville à l’intention des visiteurs, emprunte à Appien [] son récit de l’événement :

« …et on le ramena sur le Forum, là où se trouvait l’ancien palais des rois de Rome ; les plébéiens rassemblèrent tous les objets de bois et tous les bancs dont regorgeait le Forum, et toutes sortes d’autres choses analogues, puis par-dessus mirent les ornements très abondants de la procession, plusieurs rapportèrent encore de chez eux quantité de couronnes et de décorations militaires : ensuite ils allumèrent le bûcher et passèrent la nuit en foule auprès de lui ; c’est là qu’un premier autel fut érigé, et que maintenant se trouve le temple de César, qui, juge-t-on, mérite d’être honoré comme un dieu… »

Après César

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Étendue du territoire de la République romaine sous la domination de César. En jaune, ses conquêtes.

Le complot n’atteignit cependant pas ses objectifs, car le consul Marx Antoine avait été épargné, à la demande de Brutus [], et Lépide stationnait avec des troupes à proximité de Rome, tandis qu'Octave, qui se trouvait en Épire, était hors d’atteinte. En revanche, l’attentat contre César guida les prétendants à sa succession sur la conduite à tenir : ils firent symboliquement rayer la dictature des magistratures romaines, et la remplacèrent par un triumvirat quinquennal.  Octave finit par l’emporter en 31 av. J.-C., et devint Auguste, maître unique et absolu de l’Empire. Il confirma et continua les réformes entamées par César, organisant un Empire pacifié, stabilisé et géré avec plus d’équité.

Jules César écrivain

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Édition de 1783 des Commentaires sur la Guerre des Gaules

César n’était pas seulement un grand général et un homme d’État, il excellait également dans l’art oratoire et dans l’écriture. Des divers écrits qu’il avait composés, il ne reste que ses Commentaires (Commentarii rerum gestarum) :

  • De Bello Gallico, Commentaires sur la guerre des Gaules, relatant la campagne de César en Gaule[].
  • De Bello civile, Commentaires sur la Guerre civile, relatant la guerre civile contre Pompée.

Ces ouvrages servent la propagande politique de César, et par conséquent leur exactitude peut être mise en doute[][].

César écrivit aussi en -45- l’Anticato, réplique au panégyrique que Cicéron prononça en faveur de Caton d’Utique, « le dernier républicain ». Cet ouvrage, aujourd’hui perdu, est connu par les citations de Cicéron (ad Atticum, 13, 50, 1), Tacite (Annales, 4, 34), Suétone (Caesar, 56, 3), Plutarque (Caesar, 54), Appien, Juvénal et Dion Cassius.

Enfin, et plus curieusement, il rédigea un traité de grammaire De analogia, en deux livres, dans lequel il expose des théories grammaticales argumentées sur l’analogie (d’où le titre de l’ouvrage), ainsi qu'un poème intitulé le Voyage.

César semble également avoir écrit plusieurs essais dans sa jeunesse (Éloge d'Hercule, une tragédie d'Œdipe, un Recueil de mots remarquables), mais Auguste interdit leurs publications après la mort du dictateur[]. Selon l'historien Pierre  Grimal, ces trois œuvres perdues ont probablement été écrites en grec [].

 

 

L’héritage de César

Les réformes politiques

Jules César devenu dictateur reprend certaines réformes administratives entreprises une génération plus tôt par le précédent dictateur Sylla. De nouveau, il faut adapter les institutions à l’extension de la puissance romaine qui résulte des conquêtes en Orient et en Gaule, et offrir des charges à ses partisans :

  • nouvelle augmentation du nombre de magistrats : les questeurs passent de 20 à 40, les préteurs de 8 à 16, les édiles sont désormais 6. Les consuls sont toujours deux, mais la nomination de consuls suffects en complément des deux consuls éponymes permet de disposer de plus de candidats pour les fonctions proconsulaires.
  • César procède à la nomination directe de la moitié des magistrats, et recommande les candidats aux élections pour l’autre moitié[].
  • reconstitution des effectifs du Sénat ; les pertes de la guerre civile sont compensées par l’incorporation massive de nouveaux membres, dont des provinciaux gaulois ou espagnols, faisant passer à 800 ou 900 l’effectif fixé par Sylla à 600 sénateurs[].

« … Il ne faut pas perdre de vue que ce que nous cherchons à distinguer, c’est le juste en soi et le juste dans la société. Or, celui-ci existe entre gens qui vivent ensemble, afin de maintenir leur indépendance, je veux dire des hommes libres et égaux, soit proportionnellement, soit arithmétiquement. (…)

L’injustice consiste à s’attribuer plus qu’il ne convient des choses qui constituent des biens en soi, et moins qu’il ne convient des choses qui constituent des maux en soi. (…)

Or, le magistrat qui exerce le pouvoir est le gardien de la justice, et, s’il l’est de la justice, il l’est aussi de l’égalité. »[5]

Pour l’administration des provinces, César veut éviter les mandats de cinq ans que Pompée et lui-même avaient pratiqué ; il limite la durée des charges de gouverneur à un an pour un propréteur et deux ans pour un proconsul []. L’organisation des municipes italiens est précisée par une loi-cadre, dont une copie nous est parvenue, les Tables d’Héraclée.

Ces réformes seront conservées par Auguste, elles lui permettront de disposer d’une nombreuse élite, nécessaire à l’administration d’un Empire

Les réalisations architecturales
L’activité de bâtisseur de César se manifeste plusieurs fois dans sa carrière politique. À chaque fois, ses réalisations, toujours spectaculaires, sont destinées à renforcer son prestige et sa popularité.

À la fin de la guerre des Gaules en 51 av. J.-C., César entame sa campagne électorale pour une future candidature au consulat. Pompée avait construit le premier théâtre romain en pierre à Rome et une nouvelle curie quelques années auparavant. César lance à son tour un projet de bâtiment public prestigieux : un nouveau forum, au nord de l’ancien, ouvrant son côté est sur l’Argilète. Il est financé par le butin des Gaules[].Selon Appien, la dédicace de ce temple aurait fait suite au vœu de César d’élever un temple à Vénus Victorieuse s’il était vainqueur à Pharsale[]. Devant ce temple, il se fit représenter par une statue équestre[].

Maître sans partage de Rome à partir de 46 av. J.-C., César a désormais tous les moyens de sa politique. Il commence par des aménagements de circonstance pour les jeux célébrant son triomphe : agrandissement des extrémités du cirque, construction d’un stade pour les lutteurs sur le champ de Mars, creusement d’un bassin au bord du Tibre pour une naumachie [].

Les travaux entrepris sur le vieux forum voient la reconstruction de la curia Hostilia, incendiée en 52 av, J. – C. par les partisans de Clodius Pulcher. D’autres projets plus ambitieux sont envisagés : la construction de la plus grande basilique de Rome sur l’emplacement de la vieille basilique Sempronis, l’édification d’un temple de Mars, et d’un second théâtre en pierre[]. Tous ces chantiers seront suspendus pendant les guerres civiles. Octave devenu Auguste les mènera à leur terme en achevant la grande basilique Julia et le théâtre de Marcellus, et en dédiant un temple de Mars vengeur.

La réorganisation de Rome

Pour décongestionner une Rome surpeuplée, César en repousse les limites administratives et élargit le périmètre sacré du pomoerium à un mille romain (1,5 km) des anciennes murailles de la ville[].

Toujours pour la gestion de Rome, César fait recenser la population urbaine, selon une méthode inédite et originale : les citoyens ne sont plus convoqués par tribus pour défiler devant les services de recensement. Le recensement est organisé quartier par quartier, et ce sont les propriétaires des immeubles de location qui doivent déclarer leurs locataires. La méthode dut être efficace, car Auguste la reprendra[]. Sans préciser les résultats de ce dénombrement, Suétone dit qu’il permit de ramener de 320 000 à 150 000 le nombre de bénéficiaires de distributions gratuites de blé instaurées par Clodius Pulcher en 58 av. J.-C.

Un ultime projet de loi de César destiné à améliorer quelque peu la circulation dans une agglomération aux rues étroites et encombrées interdit la circulation de jour à tout véhicule à roue, à l’exception des chars de procession lors des cérémonies et des charrettes d’entrepreneurs, nécessaires aux chantiers urbains. Cette loi fut votée après la mort de César, et resta en vigueur plusieurs siècles, démontrant sa nécessité[]. Depuis César, la nuit romaine fut réservée au transit des marchandises, au grand dam des dormeurs, et suscitant les récriminations de Martial et Juvénal [].

Les monnaies

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e2/RSC_0022_-_transparent_background.png/250px-RSC_0022_-_transparent_background.pngDenier de César émis en -44 (réf. Cohen). Vénus debout tient une Victoire.

Les guerres civiles menées par César lui imposent de forts besoins financiers, pour entretenir de plus en plus de légions, qui se déplacent d’un secteur à l’autre de l’Empire. Il se dote donc à partir de 49 av. J.-C. d’un atelier monétaire qui suit ses déplacements sur les théâtres d’opération, et frappe les espèces monétaires dont il a un besoin croissant. Cette pratique n’est pas nouvelle, le Sénat romain l’avait autorisée pour les grands corps expéditionnaires de Lucullus ou de Pompée en Orient[], mais César se l’arroge en s’emparant de la réserve de la République []. De surcroît, César apporte deux grandes innovations, qui servent sa politique, que ses successeurs Octave et Marc Antoine pérenniseront, et qui s’institutionnaliseront sous l’Empire romain :

  • la frappe de monnaie en or ;
  • la figuration de son portrait sur les monnaies.

Rome n’avait émis de monnaies en or que temporairement, essentiellement aux moments les plus difficiles de la Deuxième guerre punique et en puisant dans les réserves de métal précieux thésaurisées par le Sénat[]. L’émission d’aureus renoue donc avec l’idée de puiser dans les réserves pour sauver la République. De plus, la forte valeur de cette monnaie (un aureus pour 25 deniers d’argent ou 100 sesterces) facilite les importantes gratifications aux soldats de César et contribue à leur prestige.

Le calendrier

L’historien romain Suétone précise cette modification du calendrier effectuée par César :

« Il régla l’année sur le cours du soleil, et la composa de trois cent soixante-cinq jours, en supprimant le mois intercalaire, et en augmentant d’un jour chaque quatrième année. Pour que ce nouvel ordre de choses pût commencer avec les calendes de janvier de l’année suivante, il ajouta deux autres mois supplémentaires, entre novembre et décembre, à celle où se fit cette réforme ; et elle fut ainsi de quinze mois, avec l’ancien mois intercalaire, qui, selon l’usage, s’était présenté cette année-là. »[].

Le titre de Caesar
Le nom de César, pris par Octave comme fils adoptif de J. César, devint par la suite un titre que portèrent tous les empereurs et les princes romains, quoique étrangers à la famille des Césars. Il fut ensuite attribué aux héritiers présomptifs de l’empire, usage qui devint une règle à partir de Dioclétien. Depuis cette époque les empereurs prirent le titre d’Auguste et s’adjoignirent avec le titre de César un prince qui devait leur succéder. Le nom de César a donné le mot « Kaiser » en allemand, ainsi que le mot « Tsar » (ou « Czar ») en russe et en bulgare.
L’administration actuelle des États-Unis aura tout un défi à relever et des enseignements à tirer de ses voisins ; question,  comment le peuple états-unien pourra-t-il regagner la confiance des autres peuples après toutes ces guerres de rapine ?  Parce que « la liberté avait sombré dans l’individualisme et le chaos, c’était pour un espace fort élargi qu’un nouveau gouvernement avait à instituer une nouvelle ordonnance.  (Nous sommes à l’époque de l’empire romain.)  Le monde méditerranéen s’étalait en désordre aux pieds d’Octavien, dans l’attente des travaux d’un homme d’État.  Là où César avait échoué, Octavien a réussi, parce qu’il était plus patient, plus fertile en détours, parce qu’il savait pratiquer la stratégie des mots et des formes, parce qu’il était disposé à avancer lentement, avec précaution alors que son grand-oncle s’était vu contraint par le peu de temps dont il disposait, de contrarier des traditions bien vivantes et d’accumuler en dix mois des changements assez importants pour nécessiter vingt ou trente années d’efforts. »[6]

 

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[1] Bherer, Marc-Olivier, Au Canada, Justin Trudeau face à ses contradictions, Le Monde, Paris, mercredi 19 octobre 2016, page 21
[2] Lénine, V.I., Œuvres choisies, tome 2, Éditions du Progrès. Moscou, 1968
[3] Staline, J., Les questions du léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, page 45
[4] Marx, Karl; Engels, Friedrich, Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page 238
[5] Aristote, Éthique de Nicomaque, Éditions Garnier Frères, Paris, 1961, page 225
[6] Durant, Will, Histoire de la Civilisation, Rome, Le Principat, Société coopérative Éditions Rencontre, Lausanne, 1963, pages 15-16