lundi 18 mars 2019


La lettre européenne #21
Chaque lundi
|
18/03/2019

 


Le parti pris du lundi,
par Amélie Poinssot

Obscurantisme. C’est un rapport qui déçoit et suscite la colère, dans l’un des pays européens où l’institution ecclésiastique a le plus de poids. Jeudi 14 mars, l’épiscopat polonais a rendu public un bilan d’à peine une quinzaine de pages, dans lequel elle estime qu’entre 1990 et 2018, 382 prêtres et religieux auraient commis des agressions sexuelles sur 625 mineurs. Dans un pays qui compte 50 000 prélats, cela représenterait 0,8 % du clergé catholique – soit une proportion six à sept fois inférieure à celle relevée dans les pays où de larges enquêtes ont pu être conduites à ce sujet (Allemagne, Australie, État de Pennsylvanie aux États-Unis, Pays-Bas, Irlande).
L’étude, menée rapidement sur la base de formulaires envoyés dans les 41 diocèses du pays, est critiquée pour sa méthodologie douteuse : l’épiscopat est soupçonné par les médias et de nombreux experts de vouloir sous-estimer le phénomène. Surtout, la présentation qu’en a faite l’institution la semaine dernière à Varsovie a choqué : loin de reconnaître leurs erreurs, les responsables de l’Église polonaise n’ont eu aucun mot de compassion pour les victimes. Ils ont au contraire appelé à la « miséricorde » pour les agresseurs présumés. Rejoignant la paranoïa complotiste du parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir, ils ont estimé que le sujet de la pédophilie n’était pas propre à l’Église. C’est un « slogan idéologique » destiné à affaiblir la confiance des croyants dans l’institution, a déclaré le président de la Conférence épiscopale polonaise, Stanisław Gądecki.
Si en France, le voile se lève peu à peu sur les violences sexuelles commises par les prêtres, avec la récente condamnation du cardinal Barbarin pour non-dénonciation d’abus sexuels dans l’affaire du père Preynat, mais aussi les révélations de Mediapart sur d’autres affaires (retrouver notre dossier), la Pologne en est encore loin.
Pourtant, la société polonaise ne se fait aucune illusion sur les agissements de certains membres de son clergé et l'obscurantisme de l'institution. Le film Kler, qui dénonce, à travers une fiction, la corruption et la pédophilie dans l’Église polonaise, a fait plus de cinq millions d’entrées depuis sa sortie, il y a six mois. C’est le plus gros succès de l’histoire du cinéma polonais. Depuis, l’association de victimes « N’ayez pas peur » dit avoir reçu plus de 300 nouveaux témoignages de violences sexuelles commises par des membres de l’institution catholique.

DANS MEDIAPART

Nos articles de la semaine.

[ÉCOSSE] A Glasgow, la vie sous perfusion alimentaire


Alors que les négociations sur le Brexit n'en finissent pas de rebondir à Westminster, où les députés s'avèrent incapables de trouver une issue au référendum de 2016, la population, elle, subit les effets d’une politique d’austérité carabinée. Reportage à Glasgow, où de nombreux habitants se raccrochent aux banques alimentaires.

[BREXIT] Le nouvel ultimatum de Theresa May


Une majorité de députés britanniques s’est prononcée le 14 mars pour demander aux Européens un report de la date butoir du Brexit. À moins de deux semaines de la date officielle, il est toujours impossible de savoir s'il aura lieu, et sous quelles modalités. Les explications de Ludovic Lamant.

DANS LE CLUB

Nos abonnés interviennent.

[PRISON] Au Royame-Uni, une prison pour et avec les familles


Depuis une dizaine d’années, la prison privée de Parc, au Pays de Galles, a entièrement repensé son organisation en matière de relations entre les détenus et leurs proches. Au point de devenir un « modèle » qui suscite de l’intérêt au-delà des frontières du pays. Parmi ses innovations, un projet  prévoit l’accompagnement des détenus ainsi que de leurs familles. Une contribution de Cécile Marcel, de l'Observatoire international des prisons.

EUROVISIONS

Ailleurs dans la presse internationale.

[ÉLECTION] Celle qui pourrait devenir la première présidente de la Slovaquie


Ce week-end, la candidate libérale Zuzana Čaputová s’est imposée au premier tour de l’élection présidentielle slovaque avec plus de 40 % des voix. C'est un camouflet pour le candidat du pouvoir, Maroš Šefčovič, et plus généralement pour le repli ultraconservateur des gouvernements de la région. Retrouver un portrait de cette avocate dans Le Courrier d'Europe centrale ainsi qu'un entretien de notre correspondant sur le réveil citoyen en Slovaquie après l'assassinat du journaliste Ján Kuciak.

UN ŒIL SUR LA RECHERCHE

À l‘affût des travaux universitaires.

[ZONE EURO] « Discipline vs transferts » : le conflit central de l’union monétaire


Dans les échanges épistolaires entre Emmanuel Macron et Annegret Kramp-Karrenbauer (la nouvelle dirigeante de la CDU), la zone euro fait partie des grandes omissions. France et Allemagne occupent pourtant des positions antagonistes quant aux réformes à adopter pour rendre cette union monétaire fonctionnelle. On le visualise bien grâce à la cartographie des conflits politiques suscités par la zone euro, dressée par les chercheurs Thomas Lehner et Fabio Wasserfallen dans la revue académique European Union Politics
À l’aide d’une méthodologie complexe, analysant les positions des États membres et des institutions européennes sur 47 enjeux de controverse entre 2010 et 2015, ils aboutissent à plusieurs conclusions. Les désaccords entre pays ne s’expliquent guère par la couleur politique des gouvernements, pas plus que par leur propension à vouloir plus (ou moins) d’intégration. L’espace de conflit est unidimensionnel, et oppose les tenants de transferts budgétaires aux tenants de la discipline budgétaire. Les seconds, plus nombreux, font partie d’une coalition menée par l’Allemagne, elle-même dépassée en intransigeance par la Finlande et les Pays-Bas. 
L’élargissement de l’Union à l’Europe centrale et orientale n’a pas altéré la ligne de conflit principale, mais a conforté le camp en faveur de la discipline, au sein duquel on trouve également les institutions européennes. En face, les partisans des transferts (France, Belgique et pays méridionaux) sont à la fois moins nombreux et plus dispersés dans leurs préférences. Tout est donc réuni pour que ces derniers se retrouvent structurellement en minorité. Le problème, concluent les auteurs, est que la stratégie actuelle des « petites concessions pourrait ne pas être suffisante [pour assurer] la soutenabilité à long terme de l’union économique et monétaire »
À l'approche des élections européennes, en mai 2019, et de la sortie de l'UE du Royaume-Uni, prévue en mars prochain, Mediapart lance une newsletter hebdomadaire spéciale Europe, chaque lundi. Pour tout comprendre aux crises qui fissurent le continent.
La newsletter #21 a été réalisée par Fabien Escalona et Amélie Poinssot. Vous souhaitez nous faire des retours ? Vous pouvez écrire à : ludovic.lamant@mediapart.fr
https://static.mediapart.fr/marketing/images/newsletter/common/v1/subscribe.jpg

Né en 2008, Mediapart est un journal d’information numérique, indépendant et participatif.
Seuls nos lecteurs peuvent nous acheter !




Suivez Mediapart :
Téléchargez l’application :
Vous recevez ce courrier car vous avez accepté de recevoir la newsletter européenne.
Gérer mes newsletters
Me désinscrire de la lettre européenne

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire