jeudi 31 mai 2018

VENDREDI, OCTOBRE 29, 2010

LADY GAGA ET LE SIRTAKI

vol. 10, no. 19, Nouvelle édition, 1er novembre 2010
If you wish to read in English: http://wwwlavienglish.blogspot.com/

Avant-propos: cet article fut écrit à l'origine pour le journal Ergatika Nea (Les nouvelles des travailleurs) de l'Association des travailleurs grecs du Québec; c'est ce qui explique les références nombreuses au monde hellénique. Bonne lecture!
Comment donc! Que vient faire Lady Gaga dans les pages d’Ergatika Néa? Danse-t-elle le sirtaki? Mais non, elle est la « reine » des variétés, ces jours-ci. Comme l’a été avant elle Madonna ou encore Michaël Jackson. Le journal francophone montréalais, Métro, a dit de Lady Gaga qu’elle était « gargantuesque », hors du commun pour être plus clair. J’ai voulu la connaître. « C’est une folle » m’a dit un ami. « Oh, je l’aime énormément » m’a dit une collègue de bureau, « et elle me donne le goût de danser ».
Ce que je retiens, c’est qu’elle a du talent. Elle écrit ses chansons et elle joue du piano avec beaucoup d’entrain avec une touche de français qu’elle parle avec un accent joyeux. Elle est provocante et sexy. Elle a donné son spectacle, à Montréal, le lundi 28 juin 2010. Mais comme les « stars » des USA, elle vit à fond l’individualisme, même si son spectacle est soutenu par une dizaine de danseurs, des musiciens et quatre choristes. Malgré tout ce que ces artistes créent et lèguent, ils quittent assez tôt le « hit-parade » en général. C’est un peu comme les vêtements. À l’automne de telle année, les manteaux se portent aux genoux, l’année suivante presqu’à la taille. Il y a des modes et on se lasse bien vite.
(Photo Internet: Lady Gaga en spectacle)

Toutefois, on se souviendra de Stefani Joanne Angelina Germanotta; c’est Lady Gaga. Elle fait le tour du monde. On l’entend partout et elle vit le « rêve américain » depuis deux ans. C’est dire que tout le monde en Amérique peut percer et devenir une vedette dans son domaine : le sport tout comme la politique. Alors pourquoi des syndicats ou des associations de travailleurs, telle celle des Grecs, par exemple? Pourquoi, dites-vous? Mais vous le savez bien mieux que moi; c’est en se regroupant et en se tenant les coudes qu’on peut faire avancer les choses dans la société. Prenons le Canada, si les travailleurs du pays ne s’étaient pas mis ensemble, aurions-nous les programmes sociaux qui font l’envie de bien des travailleurs dans d’autres pays, à commencer par ceux des États-Unis? Ne serait-ce que l’assurance-maladie qui, même si elle n’est pas parfaite, aide chaque jour de la semaine, des personnes à recevoir des soins pour améliorer et préserver leur santé.
On pourrait en dire tout autant du système d’éducation.
Certains diront : oui, c’est bien, c’est la modernité, ça colle à la culture style Lady Gaga, aussi pourquoi cette référence au sirtaki? Une petite anecdote : alors que je travaillais pour la compagnie d’assurances générales Les Coopérants, la compagnie avait invité tous les employés dans une salle de réception au centre-ville de Montréal pour célébrer le Nouvel An, c’était en 1990. Nous mangions et soudain le disc-jockey a commencé à faire jouer de la musique pour danser. Le chef de bureau s’est tourné vers moi et m’a demandé de « partir le bal ». Je ne suis pas un bon danseur, mais je me souvenais des danses grecques (dont celles où on fait la chaîne) auxquelles j’avais participé lorsque je fréquentais plus régulièrement mes amis grecs.
Aussitôt, tous les autres employés, surtout des femmes, ont emboîté le pas et nous avons dansé des rondes endiablées au gré de la musique et des souvenirs de jeunesse. En passant, nous étions tous, à part quelques exceptions, des Canadiens-français. Nous nous sommes bien amusés et nous pouvions parler, rire et nous taquiner sans que la musique nous enterre.
(Photo Internet: scène finale du film Zorba le Grec)

À ce sujet, il y a ma sœur qui habite dans la région de Québec qui avait, une fois par hasard, entendu la musique de Zorba le Grec, de Mikis Théodorakis. Elle m’a demandé, il y a quelques années, de lui acheter à Montréal de la musique grecque. Non! Elle ne comprend pas cette langue… Mais, elle me l’a dit : « quand je suis triste, j’écoute cette belle musique, ça me fait rêver; ça me rend heureuse et joyeuse et j’ai le goût de danser. La musique à la radio ne me fait pas cet effet. »
Tout ce préambule, pour dire que les jeunes générations de Canadiens-français ont aussi cessé d’écouter et de danser leur musique traditionnelle, dont les fameux « sets carrés et rigodons». Certes, on a eu Gilles Vigneault, Robert Charlebois et Félix Leclerc, mais –et j’annonce ici la conclusion de cet article-, l’industrie du disque et du spectacle les a discrètement congédiés.
De fait, et même en Europe, l’industrie mondialisée du spectacle, de la musique et du disque a choisi de faire des gros sous avec les artistes talentueux que j’ai mentionné au début de cet article.
(Photo Internet: des violonneux canadiens jouent un air de "set carré").

Aujourd’hui, c’est standardisé. Un spectacle doit rapporter tant. Un disque doit se vendre à telle quantité. Bref, tout est planifié comme la vente de l’essence dans le monde entier. Bien sûr, les artistes ont leur part du gâteau; mais les dirigeants des géants de l’industrie –ceux que l’on ne voit jamais-, écrasent le citron. On connaît la suite. Les artistes ne résistent pas tous à la misère psychologique, à l’isolement et aux pressions diverses.
Leur musique restera, mais elle peut devenir amère avec le souvenir de fins tragiques comme celles d’Elvis Prestley ou de Michaël Jackson.
Pourtant, n’y aurait-il pas encore de la place, sans gommer les courants nouveaux qui attirent la jeunesse, pour les musiques et les balades qui mettent en valeur ce qu’il y a de meilleur chez les peuples : la dignité humaine, le respect de la vie, l’amour et l’amitié. La musique grecque, le bouzouki, tiens! Ça fait rêver bon nombre de Canadiens-français. Ils pensent à ces îles lointaines, dont on ne connaît pas vraiment l’histoire; là où le soleil se lève. Cette histoire nous dit, pour les plus informés d’entre nous, qu’il a été nécessaire de faire un film comme « Z ». Mais qu’est-ce que ça pouvait vouloir dire? Un peu plus conscients, nous avons appris que c’était la première lettre du mot Zoï qui signifie La Vie.
Mais nous aussi au Québec, nous sommes partants pour La Vie et quand on nous instruit sur l’histoire du peuple grec, nous comprenons que nous avons besoin de nous rappeler l’histoire de ce pays, même si elle est déjà un peu ancienne. Tous nos amis grecs seront vite convaincus que nous aimons aussi la vie et que nous sommes plus que des travailleurs qui doivent peiner et payer pour des crises, y compris politiques, dont nous ne sommes pas du tout responsables.
Quand Lady Gaga saura tout cela, elle sera probablement une des premières à vouloir chanter avec Maria Farandouri que la paix dans le monde vaut bien mieux que n’importe quelle guerre injuste!
À ce moment-là, nous dirons qu’elle fait partie de nos classiques…
(Photo Internet: Lady Gaga au naturel)

mercredi 30 mai 2018


Le nationalisme québécois

Daniel Paquet

N
ous étions ‘tous’ nationalistes dans les années 1970.  La gauche nous a séduit, notamment les marxistes-léninistes.

Honni de tous, Joseph Staline a paru comme le plus convaincant, surtout lorsqu’il déclare que :                       « cela ne signifie évidemment pas que le prolétariat doive soutenir tout mouvement national,      toujours et partout, dans chaque cas particulier et concret.  Il s’agit d’appuyer ceux des mouvements nationaux qui tendent à affaiblir, à renverser l’impérialisme, et non à le renforcer et à le sauvegarder.  Il est des cas où les mouvements nationaux de certains pays opprimés (ex. le Québec) entrent en conflit avec les intérêts du développement du mouvement prolétarien. (…)

La question des droits des nations n’est pas une question isolée et se suffisant à elle-même, elle est une partie de la question générale de la révolution prolétarienne, subordonnée à l’ensemble et demandant à être examinée du point de vue de l’ensemble. » (Staline, J.V., Les questions du Léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, page 73).

« Lénine a raison lorsqu’il dit que le mouvement national des pays opprimés doit être apprécié non du point de vue de la démocratie formelle, mais du point de vue de ses résultats effectifs dans la balance générale de la lutte contre l’impérialisme, c’est-à-dire l‘à l’échelle mondiale – et non pas isolément.’ (Ibidem).

« Alors, monsieur le curé, qu’est-ce qu’on discute de bon sur le perron de l’église?

« Les jeunes voient le PQ (Parti québécois, -ndlr)  ‘comme un vieux parti’. (…)

Le parti n’a pas de chiffre officiel, mais selon son président, Raymond Archambault, ‘c’est assez âgé’.  ‘L’année dernière, c’était autour de 60 ans.’  Dans les intentions de vote, le PQ domine uniquement chez les baby-boomers.

Les jeunes s’impliquent dans Québec solidaire (QS), ou hors de la politique de classe et partisane, notamment dans les groupes communautaires et les ONG.  Raymond Archambault espère que le rapprochement que tente le PQ avec QS aidera à rajeunir la base militante.  ‘L’ouverture aux autres partis souverainistes, c’est ça qui peut nous apporter un renouvellement.  C’est essentiel pour la cause que défend le Parti québécois et pour la suite des événements,’ dit-il ». (Castonguay, Alec; Lacroix, Louis, PQ – La nouvelle donne, L’Actualité, Montréal, 15 juin 2016, page 26).

« Jonathan Valois, ex-député de Joliette et président du PQ de 2009 à 2011 souhaite[e] que le PQ travaille à faire avancer le projet différemment à court terme, notamment par une assemblée citoyenne qui élaborerait une constitution pour le Québec. » (PQ- La nouvelle donne, page 27).

Voici ce que dit QS : « Ce qui a été réaffirmé, c’est l’idée d’élire au suffrage universel, après l’avènement d’un gouvernement solidaire, une assemblée constituante.  Cette dernière, a comme mandat la préparation d’une constitution pour le Québec… » (Léouzon, Roxane, Québec solidaire défend son souverainisme, Métro, Montréal, lundi 30 mai 2016, page 4).

« Cette dernière reconduit, à peu de choses près le plan qu’a le parti de gauche depuis 2009. »  (Léouzon, page 4).  Ce n’est pas bien loin du PQ au niveau de la question nationale; mais assez vague au point de vue de la gauche par comparaison au Parti communiste du Québec.
« Les membres du PQ souhaitent voir naître un pays le plus rapidement possible, mais l’appétit pour un référendum est faible dans la population, selon les plus récents sondages. » (PQ - La nouvelle donne, page 2).  « …environ 47% des électeurs de Québec solidaire voteraient contre la souveraineté du Québec si un référendum avait lieu aujourd’hui.  Cette proportion est de 20% pour le Parti québécois » (Léouzon, page 4).

« Dans les plus récents sondages, [Québec solidaire] oscille entre 10% et 14% des intentions de vote.   Tous les péquistes interrogés affirment qu’une alliance quelconque doit se matérialiser afin de déloger le gouvernement libéral. »  (L’Actualité, page 29).

« En coulisse, les dirigeants du parti (québécois, -ndlr) évoquent une forte présence de [Pierre-Karl Péladeau] advenant un référendum sur la souveraineté, avec un possible titre de négociateur en chef avec le Canada anglais.  D’autres souhaitent qu’il s’implique bien avant, en prononçant des discours ou en s’attaquant à la rédaction d’un livre blanc sur l’indépendance. ‘On doit profiter de sa crédibilité économique’ dit un stratège péquiste. » (Castonguay, page 32). 

M. Péladeau est un grand bourgeois, ne l’oublions pas…

Qu’est-ce que feraient les nationalistes (sous la gouverne du PQ), à l’égard des travailleurs?  Comme en France, pendant qu’elle était dirigée par le Parti socialiste français?

En France toujours, « la répression est un des moyens utilisés par le pouvoir pour faire peur, dénigrer le mouvement [populaire] et l’isoler.  (…)

De plus en plus de voix dénoncent la façon dont le gouvernement répond à la contestation sociale d’une partie importante de la jeunesse et des salariés. (…)

[La] contestation de la police en tant que corps de l’État utilisé par le pouvoir pour faire appliquer la loi des patrons est la marque d’une conscience plus largement partagée de la nature de l’État et de son appareil de répression. (…)

Quelle qu’elle soit, la priorité pour la classe ouvrière et les masses populaires, sera de développer les combats contre la politique néolibérale effrénée du gouvernement du Royaume-Uni), ses attaques contre les services publics, la protection sociale, la santé et l’éducation, contre le droit de grève, de plus en plus remis en cause, et pour la politique de guerre.  L’unité des forces qui font campagne pour le Brexit, sur des bases progressistes, peut et doit y contribuer. »  (La Forge, Organe central du Parti Communiste des Ouvriers de France, mai 2016, no. 573, 16 pages).

Finalement, eu égard à notre introduction et en guise de conclusion, Staline a écrit : « De là, la nécessité de combattre l’isolationnisme, l’étroitesse et le particularisme national des socialistes (des communistes en 2016) des pays opprimés, qui ne veulent pas voir plus haut que leur clocher national et qui ne comprennent pas le lien qui rattache le mouvement de libération de leur pays au mouvement prolétarien des pays dominants, (par exemple le Canada anglais, -ndlr).

« Et enfin, la classe possédante règne directement au moyen du suffrage universel. (…)

Mais, dans la mesure où [le prolétariat] devient plus capable de s’émanciper lui-même, il se constitue en parti distinct, élit ses propres représentants et non ceux des capitalistes.  (ex.  Le Parti communiste de Grèce, KKE, -ndlr)).  Le suffrage universel est donc l’index qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière.  Il ne peut être rien de plus, il ne sera jamais rien de plus dans l’État actuel; mais cela suffit.  Le jour où le thermomètre du suffrage universel indiquera pour les travailleurs le point d’ébullition, ils sauront, aussi bien que les capitalistes, ce qu’il leur reste à faire. (…)

La société, qui réorganisera la production sur la base d’une association libre et égalitaire des producteurs, reléguera toute la machine de l’État là où sera dorénavant sa place :  au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze. »  (Engels, Frédérick, L’origine de la famille, Éditions du Progrès, Moscou, 1979, pages 207-208).
                                                                                                                            

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dimanche 27 mai 2018


LES ANNÉES 1830 et 1840

Karl Marx (Europe) et Louis-Joseph Papineau (Canada)

Daniel Paquet

MONTRÉAL – Mai : dans l’imaginaire des nationalistes québécois, marque une date charnière dans l’histoire de l’émancipation nationale du peuple canadien-français (la fête des Patriotes).  Est-ce comparable à 1789 - en juillet - , lors de la prise de la Bastille en France? Ou à la révolution de 1848 dans ce pays?  Certes, il y a eu insurrection armée dans la colonie britannique du Bas-Canada.

« Mais, dira-t-on, les rébellions n’ont pas atteint Québec, Trois-Rivières et n’ont eu lieu que dans la grande région de Montréal… Encore faut-il savoir, du point de vue de la participation populaire aux rébellions, que le district ou la grande région de Montréal – les fameux Six comtés :  Richelieu, Verchères, Saint-Hyacinthe, Rouville, Chambly L’Acadie, auxquels s’ajoutent ceux de La Prairie, de Beauharnois, de Missisquoi, de Deux-Montagnes, de Terrebonne et de Vaudreuil – comprend en 1831 et 1844 entre 55% et 60% de la population totale du Bas-Canada.  Certes cette participation varie selon les lieux et les professions.  Le taux de participation aux assemblées populaires construit sur le rapport entre le nombre de mentions de Patriotes de tel lieu et la population du même lieu est évalué à 6% dans les Six Comtés confédérés de novembre 1837, à 8% dans les comtés de La Prairie, L’Acadie, Chambly et Beauharnois, à 4%, dans Richelieu, Verchères et Saint-Hyacinthe, à 3% dans Deux-Montagnes, Terrebonne et Vaudreuil.  Le même taux appliqué à des agglomérations atteint 20% à Saint-Philippe-de-La Prairie, 18% à Châteauguay, 14% à Saint-Charles-sur-Richelieu, 13% à L’Acadie, 12% à Saint-Eustache et à Saint-Denis, 11% à Saint-Marc-sur-Richelieu et 10% à Saint-Jean-sur-Richelieu. » (Lamonde, Yvan, Histoire sociale des idées au Québec 1760-1896, Fides, Canada, 2000, pages 271-272).

Le soulèvement armé fut le prolongement des arguties des représentants canadiens face à la couronne britannique où s’illustra Louis-Joseph Papineau.  https://youtu.be/r9anGugOHYs Celui-ci devait écrire : « Il y a déjà seize ans, je me plaignais à lord Bathurst, alors ministre pour le département des colonies, et je lui remontrais, avec l’accent d’une douleur vivement sentie, combien était lourd le joug, et humiliante la condition de notre servage colonial. » (Papineau, Louis-Joseph, Histoire de la résistance du Canada au gouvernement anglais, Canada, 2001, page 15).

En 1839, il aura pour mission de convaincre le gouvernement français d’appuyer la cause des patriotes.  Il vivra en exil en France jusqu’en 1845.  Sa mission est un échec complet.

Sous un autre angle, les progressistes québécois auraient sans doute aimé que Papineau rencontre Marx https://youtu.be/93ptytoEG5M à Londres; mais ce ne fut pas le cas; même si en 1848, Marx y fut mandaté pour rédiger le célèbre Manifeste du Parti communiste… justement à Londres.  À la même époque, il écrivit Les luttes de classes en France portant notamment sur la stratégie et les tactiques du mouvement ouvrier français s’opposant à la bourgeoisie.   Les idées de Marx et d’Engels étaient novatrices : « le communisme n’est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel cette réalité devra se régler.  Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel.  Les conditions de ce mouvement résultent des prémisses actuellement existantes. » (Marx-Engels, L’idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, pages 53-54).

« L’échec des luttes constitutionnelles et de la résistance armée tout comme l’exil obligé ou volontaire des Patriotes les plus engagés avaient entamé la tradition libérale. (…)  Le retour d’exil des Patriotes et de Papineau en 1845, à la suite de l’amnistie que La Fontaine réussit à obtenir, ramène le chef patriote à Montréal sans qu’il se manifeste encore publiquement.  D’ailleurs, la jeunesse montréalaise n’a pas attendu le retour de Papineau pour se donner un lieu de sociabilité et un forum de discussion.  L’Institut canadien de Montréal ouvre ses portes le 17 décembre 1844 et contribue à meubler les longues soirées d’hiver grâce à un certain nombre d’activités. (…)  La jeunesse libérale se donne aussi un journal dont le titre même est tout un programme :  L’Avenir.  Le format et la présentation typographique rappellent L’Avenir de Paris de 1830. Le journal, qui paraît à compter de juillet 1847, prend une orientation plus libérale en novembre au moment où Papineau revient à la vie publique. » (Lamonde, page 292-293).

En outre, « l’année 1848 est aussi singulièrement chargée en Europe.  La Révolution qui éclate en France le 22 février retentit dans la presse canadienne qui lui consacre une large surface rédactionnelle.  La Minerve réformiste se donne une chronique intitulée « Revue européenne » et L’Avenir, qui fait paraître des « feuilles extraordinaires » et qui s’alimente au Siècle de Paris et au Courrier des États-Unis de New York, publie le 17 mai « L’adresse à la jeunesse parisienne de la jeunesse canadienne ». (Lamonde, page 299).

Au Canada, en plus du dépassement du capitalisme et de la victoire du communisme, il appert que celui-ci devra régler démocratiquement la question nationale. « Outre ce qui a été dit, il faut encore tenir compte des particularités de la psychologie des hommes réunis en nation. Les nations se distinguent les unes des autres non seulement par les conditions de leur vie, mais aussi par leur mentalité qui s'exprime dans les particularités de la culture nationale. Si l'Angleterre, l'Amérique du Nord et l'Irlande qui parlent une seule langue forment néanmoins trois nations différentes, un rôle assez important est joué en l'occurrence par cette formation psychique originale qui s'est élaborée, chez elles, de génération en génération, par suite de conditions d'existence différentes.

Évidemment, la formation psychique en elle-même, ou, comme on l'appelle autrement, le          « caractère national », apparaît pour l'observateur comme quelque chose d'insaisissable ; mais pour autant qu'elle s'exprime dans l'originalité de la culture commune à la nation, elle est saisissable et ne saurait être méconnue.

Inutile de dire que le « caractère national » n'est pas une chose établie une fois pour toutes, qu'il se modifie en même temps que les conditions de vie ; mais pour autant qu'il existe à chaque moment donné, il laisse son empreinte sur la physionomie de la nation.

Ainsi, communauté de la formation psychique qui se traduit dans la communauté de la culture, comme l'un des traits caractéristiques de la nation.

De cette façon, nous avons épuisé tous les indices caractérisant la nation.

La nation est une communauté stable, historiquement constituée, de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique, qui se traduit dans la communauté de culture. » (Staline, Joseph, La nation, 1913, www.marxisme.fr





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jeudi 24 mai 2018


Militantisme, terrorisme et art  « engagé »

Vive le Québec libre! – le mouvement communiste international

Daniel Paquet

Que ce soit en Europe ou au Canada, il y a de ces manifestations dont l’issue tourne parfois au vinaigre.  ‘ Même des événements festifs peuvent dégénérer en émeutes’, souligne la juge Chantal Masse, en pointant du doigt les défilés de la Saint-Jean–Baptiste au Québec (Fête nationale des Canadiens-français).

« La Cour supérieure a invalidé en partie un controversé règlement de Montréal.  Il sera dorénavant possible de manifester spontanément et en portant un masque. »  (Nardi, Christopher, La Cour permet de manifester masqué, 24H, week-end 23-26 juin 2016, Montréal, page 7).

On peut toutefois se poser la question :  pourquoi des manifestants aux revendications légitimes –au Canada- n’osent-ils pas les promouvoir à visage découvert?  Incidemment, l’amendement au Règlement sur la prévention des troubles de la paix avait été mis en place… en 2012, en plein cœur des manifestations étudiantes contre la hausse des frais de scolarité » (Ibidem, page 7) qui avait rassemblé jusqu’à 200 000 personnes au centre-ville de Montréal un bel après-midi ensoleillé.

« Les manifestations ‘instantanées’ n’auront dorénavant plus à fournir d’itinéraire ni d’horaire aux policiers, a également tranché la juge. » (Ibidem, page 7).

Et pour ce qui est des casseurs, le dicton ‘l’occasion fait le larron’ n’est pas de mise.  Ce sont souvent des nazillons organisés qui agissent avec préméditation.  Il faut souhaiter que le mouvement syndical contribue au bon encadrement des manifestations démocratiques de la jeunesse et des étudiants.

Il arrive aussi que des anarchistes infiltrent les mouvements estudiantins et autres.  Leur but :  imposer leur programme politique.  Maintenant, ils sont qualifiés de ‘ militants’.  Mais quelle méprise!  Tous les gens qui s’impliquent en politique, par exemple, seraient -dans l’espèce- de quelconques ‘militants’ ni de gauche ni de droite.  Ce n’est pas cet engagement qui les définit.  Alors pourquoi le quotidien Métro titre-t-il :   Un militant attaque Couillard durant la veillée pour Orlando’? (Cambron-Goulet, Dominique, week-end 17-19 juin 2016, page 3).

Dans la foulée et c’est un peu triste mais les jeunes artistes sont à la dérive.  Dans l’absence d’un véritable et puissant parti de gauche (communiste) de masse et surtout d’une théorie révolutionnaire engageant l’action révolutionnaire, nous sommes « devant le statu quo, [et] l’ultime danger est de baisser pavillon, juge le chanteur Guillaume Beauregard.  «’C’est ça, l’ambiance générale en 2016 :  se rendre compte que la démocratie est un peu une façade.  Je trouve ça inquiétant que mon degré d’envie de combattre a diminué.  c’est ça, le grand drame.  Pour moi, et pour la société.’ » (Blais-Poulin, Charles-Éric, La chanson baisse le poing, La Presse, Montréal, samedi 25 juin 2016, page Arts7).
« Alors?  Disparu [aussi] de notre paysage, le film politique?   Pas tout à fait.  Vrai qu’au lendemain de la défaite référendaire (1980), la plupart des cinéastes ayant partagé ce grand projet collectif et milité en sa faveur, se sont tus (réf. l’indépendance du Québec).  Et encore plus au lendemain du résultat très serré du deuxième référendum sur la souveraineté, tenu en 1995.

Cela dit, certains d’entre eux ont persisté.  Et signé. (…)

[Pierre Falardeau] a aussi été l’un des rares… à aborder frontalement des sujets directement liés à notre histoire politique :  Octobre et 15 février 1839. (…)

Selon Philippe Falardeau, l’avenir du film politique québécois se situe manifestement du côté du féminisme et de la condition autochtone.  Les structures de production des longs métrages de fiction étant aussi très lourdes, il devient plus difficile de réagir promptement aux événements. (…)

Quatre ans (2012) après « le printemps érable » (i.e. le grand mouvement de révolte de la jeunesse estudiantine québécoise), seul L’amour au temps de la guerre civile (Rodrigue Jean) a fait écho à cette révolte sociale dans notre cinéma de fiction.  [Pour] le producteur Roger Frappier… le système d’évaluation des institutions (i.e. régies de toutes sortes) fait en sorte qu’il est difficile, voire impossible, de réaliser un film dans l’urgence, en suivant une idée initiale. ‘ Je ne suis pas certain que dans le contexte actuel, avec toutes les discussions devant des comités, un film qui dérange puisse voir le jour.’ (…)

La présidente et chef de la direction de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), Monique Simard, verrait d’un très bon œil le dépôt d’œuvres fictives à caractère politique.

‘Mais on ne nous en soumet pas, dit-elle.  Ou très peu.  Le cinéma de fiction est toujours le reflet des préoccupations d’une société. (…)

C’est davantage du côté du documentaire que ça se passe.  Je crois aussi qu’au cours des prochaines années, notre cinéma de fiction sera grandement enrichi par des visions de cinéastes issus des communautés culturelles (l’immigration) et autochtones. Ils ont beaucoup de choses à raconter sur le Québec’. »

C’est nécessairement en luttant – toujours- pour que le Québec jouisse effectivement de son droit à l’autodétermination jusqu’à et y compris le droit inaliénable à l’indépendance politique.  Mais dans le fond, les artistes savent que nous avons besoin d’eux et que nous les aimons maintenant… sans conditions.


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mercredi 23 mai 2018


VIVRE EN DÉMOCRATIE

Les tragédies grecques

Daniel Paquet                                                                                      dpaquet1871@gmail.com

Démocratie regroupe les concepts de demos (peuple) et kratos (pouvoir), donc : pouvoir du peuple.  Toutefois ce dernier terme n’a pas toujours signifié « population entière ».  Au temps de l’empire grec, i.e. par exemple vers -500 avant J.C., il s’agissait des habitants libres de la cité, propriétaires de grandes étendues champêtres en opposition aux esclaves et aux métèques; la cité se limitait dans le meilleur des cas à quelques dizaines de milliers de personnes possédant des hectares de champ en culture; et des esclaves, à l’extérieur de l’enceinte de la cité, ex. Athènes.

Chacune des cités, « sous l’autorité des dieux » menaient une vie réglée selon l’emprise des phénomènes de la vie courante.  Au-delà des litiges « terrestres », les dieux tranchaient; il en allait ainsi avec les nombreuses guerres… souvent fratricides, ex. la guerre de Troie.

Les Grecs ont laissé une littérature imagée et fouillée de cette Histoire :  Homère, L’Iliade et L’Odyssée d’une part, mais aussi les tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide.  Ce sont des fresques littéraires où interviennent rois et dieux qui décident au bout du compte… de tout.  La trame est classique :  quelques personnages de la cour (roi, reine, leurs héritiers et quelques rôles de soutien), des chœurs (représentant l’opinion publique, les traditions et les familles ou encore des porte-parole de divinités) qui, complotent, glissent parfois dans l’inceste (Œdipe), permettant des crimes sordides et condamnent à la mort (y inclus au suicide) ou in extremis à l’exil.

L’intrigue est relativement simple et se déroule dans des agoras extérieurs (avec une acoustique formidable).  Généralement, on connaît d’avance par la rumeur, les clichés et les redites, l’issue de la pièce.  Mais l’intensité du jeu et le pathos des acteurs donnent, à travers les ans, une nouveauté à des tragédies qui – somme toute –, se ressemblent (ex. Électre) dans Sophocle, Euripide et Eschyle).

Plus qu’historique ce théâtre est « moralisateur ».  Il suscite des discussions sur les « vraies » valeurs (ex. l’opposition d’Antigone au roi Créon), dans Sophocle; donc ce que l’on doit inculquer à la jeunesse « patricienne ».  Le théâtre grec est plus qu’un passe-temps.  C’est un grand manuel d’histoire, un code de vie (éthique) et malgré tous les conflits, un clin d’œil à la vie.

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lundi 21 mai 2018

Theodorakis - Parios - Live at Likavitos Theater (2001) - SUBTITLES


Le style dans le travail



Il ne s’agit pas ici du style littéraire, mais de ce que l’on pourrait appeler le style du travail. Le léninisme est une école théorique et pratique qui forme un type spécial de militants, un style particulier de travail. Quelles sont les caractéristiques de ce style ?

Il y en a deux :

a) l’élan révolutionnaire russe et

b) le sens pratique américain.

Le style du léninisme, c’est l’alliance de ces deux particularités dans le travail au sein du Parti et des organismes d’Etat.

L’élan révolutionnaire russe est un antidote contre l’inertie, la routine, le conservatisme, la stagnation idéologique, la soumission servile aux traditions ancestrales. L’élan révolutionnaire russe, c’est la force vivifiante qui éveille la pensée, pousse en avant, brise le passé, ouvre de vastes perspectives et sans laquelle aucune progression n’est possible.

Mais, dans la pratique, l’élan révolutionnaire russe dégénérerait en phraséologie révolutionnaire si elle n’était alliée au praticisme américain. Nombreux sont les exemples de cette dégénérescence. Qui ne connaît la manie de la construction « révolutionnaire » abstraite, dont la source est une foi aveugle au plan-force, au décret capable de tout créer et de tout arranger ?

Dans un récit intitulé : L’homme communiste perfectionné, un écrivain russe, I. Ehrenburg, a très bien décrit, quoique avec quelques exagérations, un type de bolchevik qui, atteint de cette manie, s’est donné pour but de faire le schéma de l’homme idéal et... s’est complètement enlisé dans ce « travail ». Mais personne n’a raillé avec autant de vigueur que Lénine, qui la qualifiait de « vanité communiste », cette foi maladive en la puissance des plans et la force souveraine des décrets.


La vanité communiste est le fait du communiste qui se figure pouvoir venir à bout de toutes ses tâches au moyen de décrets communistes (Discours au congrès de la Section d’Education politique).

Au révolutionnarisme creux, Lénine opposait généralement les tâches ordinaires, quotidiennes, soulignant par-là que la fantaisie révolutionnaire est contraire à l’esprit et à la lettre du léninisme.


Moins de phrases pompeuses − dit-il − et plus de travail journalier... moins de trépidation politique et plus d’attention aux faits les plus simples, mais les plus tangibles de la construction communiste…

L’esprit pratique américain est au contraire un antidote contre la fantaisie « révolutionnaire. » C’est la force tenace pour qui l’impossible n’existe pas, qui surmonte patiemment tous les obstacles et mène à bout toute tâche commencée, même infime. Mais ce praticisme dégénère presque fatalement en affairisme vulgaire s’il ne s’allie à l’élan révolutionnaire.

Cette déformation spéciale a été décrite par B. Pilniak dans sa nouvelle : La Faim. L’auteur dépeint des types de « bolcheviks » russes, volontaires, décidés, énergiques, mais sans horizon, ne voyant pas la portée lointaine de leurs actes, le but à atteindre, et déviant par suite de la voie révolutionnaire. Personne n’a combattu aussi rudement que Lénine cet affairisme. Il le qualifiait de « praticisme étroit, acéphale » et lui opposait ordinairement l’œuvre révolutionnaire inspirée, la perspective révolutionnaire dans les moindres tâches journalières, soulignant par-là que ce praticisme est aussi contraire au léninisme véritable que la fantaisie « révolutionnaire ».

L’élan révolutionnaire russe avec l’esprit pratique américain : telle est l’essence du léninisme dans le travail au sein du Parti et des organismes d’Etat.

Seule cette alliance nous donne le type achevé du militant léniniste, le style du léninisme dans le travail.


lundi 7 avril 1924

J. Staline URSS
Oeuvre de J. Staline

J. Staline : Classe des prolétaires et parti des prolétaires - 1905
J. Staline : Coup d’œil rapide sur les divergences dans le parti - 1905
J. Staline : L’insurrection armée et notre tactique - 1905
J. Staline : Anarchisme ou socialisme ? - 1906
J. Staline : Le Marxisme et la question nationale - 1913
J. Staline : N’oubliez-pas l’Orient - 1918
J. Staline : La politique du pouvoir des Soviets dans la question nationale en Russie - 1920
J. Staline : A propos de la stratégie et de la tactique des communistes russes - 1923
J. Staline : Des perspectives du P.C.A. et de la bolchévisation - 1925
J. Staline : Des principes du léninisme - 1924
J. Staline : Les taches politiques de l’Université des peuples d’Orient - 1925
J. Staline : Le caractère international de la Révolution d’Octobre - 1927
J. Staline : Du danger de droite dans le Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. - 1928
J. Staline : Réponse aux camarades kolkhoziens - 1930
J. Staline : Les tâches des dirigeants de l’industrie - 1931
J. Staline : Entretien avec H.-G. Wells − 1934
Texte officiel de l’entretien de Staline avec Romain Rolland - 1935
J. Staline : Discours prononcé à la première conférence des stakhanovistes de l’URSS - 1935
J. Staline : Sur le projet de constitution de l’URSS - 1936
J. Staline : Pour une formation bolchévik - 1937
J. Staline : Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique - 1938
J. Staline : Discours radiodiffusé du 3 juillet 1941
J. Staline : XXIVe anniversaire de la Grande Révolution socialiste d’Octobre − 1941
J. Staline : Discours prononcé à la revue de l’Armée rouge le 7 novembre 1941 sur la Place rouge, à Moscou
J. Staline : Réponses aux questions poséees par un représentant de l’Associated Press - 1942
J. Staline : Ordre du jour du Commissaire du Peuple à la Défense de l’U.R.S.S. − 1942
J. Staline : XXVe anniversaire de la Grande Révolution socialiste d’Octobre − 1942
J. Staline : Adresse au peuple - 9 mai 1945
J. Staline : Discours prononcé à l’assemblée des électeurs de la circonscription Staline de Moscou - 1946
J. Staline : Réponse à la lettre du camarade Razine - 1946
J. Staline : Au sujet du discours de M. Churchill à Fulton - 1946
Lettre de Staline et Molotov à Tito et au CC du PC yougoslave - mars 1948
Lettre de Staline et Molotov au CC du Parti Communiste de Yougoslavie - mai 1948
J. Staline : Falsificateurs de l’Histoire - 1948
J. Staline : Le marxisme et les problèmes de linguistique -1950
J. Staline : Les problèmes économiques du socialisme en URSS - 1952
J. Staline : Les problèmes économiques du socialisme

samedi 19 mai 2018

Joaquin Sabina - 19 Dias y 500 Noches

LA BIBLIOTHÈQUE RUSSE ET SLAVE
 LITTÉRATURE RUSSE - ÉTUDES 


Romain Rolland
1866 – 1944




LÉNINE :
L’ART ET L’ACTION




1934






Article paru dans Europe, n° 133, 1934.








LÉNINE est tout entier, à tous les instants de sa vie, dans le combat. Tout ce qu’il pense a été vu de son observatoire de chef d’armée, dans le combat, pour le combat. Il réalise en lui, comme nul autre, l’heure historique de l’action humaine qu’est la Révolution prolétarienne. Rien ne l’en distrait. Aucune préoccupation personnelle. Aucune relâche de l’esprit. Aucun dilettantisme de pensée. Aucune hésitation ne l’effleure, aucun doute. C’est ce qui a fait sa force et la victoire de la cause qu’il incarnait.
Toutes les énergies de l’esprit : l’art, la littérature, la science, il mobilise tout pour l’action — jusqu’aux courants élémentaires, jusqu’aux profondeurs subconscientes de l’être, — jusqu’au rêve :
« Rêve... j’ai dit ce mot : « Il faut rêver », et je m’effraie », a-t-il écrit ironiquement. « Je me suis vu au Congrès du Partiet en face de moi les camarades... Et voilà que se lèvemenaçantle camarade « un tel », et qu’il me dit : — « Permettez-moi de vous demander si la rédaction autonome du parti a le droit de rêversans avoir demandé l’autorisation des Comités du parti ! » — Et après luise lèveplus menaçantle camarade « un autre tel » : — « Je vais plus loinje demande sien généralun marxiste a le droit de rêvers’il n’oublie pas queselon Marx... etc. » — À la seule idée de ces questions terriblesj’ai le frisson et je cherche où me cacher... J’essaierai de me cacher derrière Pissarev[1] : — « Il y a deux sortes diverses de discordance entre le rêve et le réel. Mon rêve peut devancer la marche naturelle des événements ; ou bien il peut se jeter tout à fait de côté, là où aucune marche naturelle des événements n’arrivera jamais. Dans le premier cas, le rêve n’est pas mauvais, le rêve est bon, il peut soutenir et renforcer l’énergie. Il n’y a rien en lui qui paralyse ou qui dévie la force de travail. Tout au contraire ! Si l’homme était privé de la faculté de rêver ainsi, s’il ne pouvait parfois courir en avant et contempler par l’imagination l’œuvre complète, qui commence à peine à se former sous ses mains, comment pourrait-il entreprendre et mener à leur fin lointaine la vastitude épuisante de ses travaux ?... Rêvons, mais à la condition de croire sérieusement en notre rêve, d’examiner attentivement la vie réelle, de confronter nos observations avec notre rêve, de réaliser scrupuleusement notre fantaisie !... » — « Il faut rêver, reprend Lénine. Et cette sorte de rêve est malheureusement trop rare dans notre mouvement, par le fait de ceux-là mêmes qui s’enorgueillissent le plus de leur bon sens, de leur exacte approximation des choses concrètes[2]. »
Ainsi rêvait Lénine, il y a trente ans, aux jours les plus sombres du tsarisme, quand le mouvement ouvrier ne faisait que naître. Ainsi son rêve était action.
On a connu, dans l’histoire, des maîtres de l’action, des chefs de peuples, qui faisaient deux parts de leur vie : l’une pour l’action, l’autre pour le jeu de la pensée ; et celle-ci leur était une évasion de l’action. Un des exemples, le plus grand peut-être, de ce type d’hommes, fut Jules César. Quand il agissait, il était tout entier dans son action (et quelle action !) Mais il lui fallait, comme aux hommes d’État anglais, son week-end ; il faisait alors relâche dans le beau penser, dans le beau parler, les entretiens avec Cicéron. C’est qu’il était, ce conquérant de Rome et des Gaules, c’est qu’il restait, au fond, un dilettante, pour qui l’action elle-même était un jeu, le plus grand jeu, le plus digne d’un homme vraiment homme, vraiment Romain — mais tout de même un jeu, c’est-à-dire, au fond, une illusion.
Pas d’illusion, pour Lénine ! Pas d’évasion dans l’illusion ! Il a un sens du réel, puissant, permanent, sans entr’acte. Et ceux qui ne l’ont pas et qui s’évadent de l’action provoquent chez lui un rire muet, fait de goguenardise, d’ironie, de pitié bonhomme et d’un peu de mépris — comme en aurait un homme robuste pour des messieurs d’âge et de poids, mais d’esprit infantile.
Ce sens du réel, il le porte aussi dans le rêve de l’art. Il aime l’art, il est bien loin de s’en désintéresser, comme certains l’ont prétendu[3]. « Il connaît à fond et aime les classiques. » Il lit et relit Tolstoy, il s’en délecte, il en est fier, comme d’un compagnon de race et de pensée[4]. S’il s’avoue incompétent à juger de la nouvelle poésie, il est assez intuitif pour sentir en Mayakowsky un allié et pour applaudir à ses cinglantes satires politiques[5]. Et comme il est pris par la musique ! Avec quelle passion il est capable de l’écouter ! Qui peut oublier ses paroles enflammées sur l’Appassionata de Beethoven[6] ? Il l’aime tant, il la sent si intensément qu’il doit se défendre pour échapper à son emprise[7]... Certes, il connaît le rêve de l’art ! Mais dans le combat, qui est sa loi et son destin, il veut que le rêve de l’art soit, comme le sien, une force et un soutien pour le combat, qu’il participe toujours à l’action.
Et, de fait, l’art est toujours mêlé au combat de son époque, même quand il prétend s’en retirer, quand il se pare de cette étiquette enfantine : « l’art pour l’art ». Cette étiquette est menteuse. Le seul fait de se retirer de la bataille est, qu’on s’en rende compte ou non, se laver les mains, comme Pilate, de l’iniquité sociale ; c’est laisser la place aux oppresseurs et tacitement se prêter à l’écrasement des opprimés. Ainsi que Krylenko le démontrait, le 9 novembre, à la veille de la ruée sur Petrograd des écraseurs de la Révolution, dans l’assemblée des broneviki[8] : — « On vous demande de rester neutres, quand les junkers et les Bataillons de la Mort, qui ne sont jamais neutresnous fusillent dans les rues[9]... » Rester neutres, c’est leur dire : — « Mais comment donc ! Messieurs, fusillez ! » Il faut être franc. La très grande majorité des écrivains bourgeois qui se disent a-politiques, ne le sont pas, par le seul fait qu’ils n’éprouvent aucun besoin de renverser un ordre bourgeois, dont au fond du cœur ils désirent conserver les privilèges d’amour-propre, sinon d’argent, qui leur sont astucieusement accordés, afin de mieux les domestiquer. Ils ne le défendraient pas par les armes, parce qu’ils ne sont pas très braves, par métier, et qu’ils veulent conserver leurs mains blanches. Mais, sans se l’avouer, ils sont du côté des fusilleurs. On l’a bien vu, après la Commune de Paris, quand Dumas fils, Francisque Sarcey — (pour ne point parler, hélas ! de plus grands qu’eux) — s’étranglaient à aboyer contre le gibier pantelant de M. Thiers et du marquis de Galliffet...
Comme l’écrit Lénine, dans des articles de 1905, tant que nous vivons dans une société de classes, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de point de vue qui ne soit pas de classes, dans toutes les manifestations de l’esprit. Que la littérature le veuille ou non, elle est soumise aux intérêts et aux passions de la lutte sociale, elle n’est pas libre et elle ne peut pas l’être de l’influence d’une classe ; tout est soumis aux influences des classes en lutte, et principalement à l’influence de la classe dominante, qui dispose des moyens les plus prenants et les plus variés, pour persuader ou pour contraindre. Même les plus grands des écrivains, les très rares qui, par leur énergie de caractère, soient (ou pensent être) indépendants des préjugés et de l’opinion despotique qui gouvernent la société de leur temps — même ces puissantes personnalités créatrices et critiques ne sont jamais, ne peuvent jamais être dégagées de l’atmosphère de leur temps. Elles sont toujours une oreille de Denys, où viennent se répercuter tous les grondements de leur génération, un avertisseur ultrasensible où s’inscrivent les plus secrets mouvements qui remuent le monde qui les entoure. Et plus le fleuve de leur pensée est abondant, plus on y voit ou se mêler ou se heurter les courants souvent contraires et du passé et de l’avenir. Ils sont un miroir de leur siècle.
C’est à ce titre que Lénine a étudié, par deux ou trois fois[10], en des pages pénétrantes, Léon Tolstoy :
« LÉON TOLSTOY, MIROIR DE LA RÉVOLUTION RUSSE » (1908).
« ... Il peut sembler, à première vue, étrange et artificiel, écrit Lénine, d’accoler le nom de Tolstoy à celui de la Révolution, dont il s’est avec évidence détourné... Mais notre Révolution (de 1905) était un phénomène extrêmement compliqué : dans la masse de ses participants et de ses réalisateurs, il y avait beaucoup d’éléments sociaux qui ne comprenaient pas non plus ce qui se passait, et qui se détournaient aussi des vraies tâches historiques, posées par le développement des événements... En ce sens, les contradictions dans les idées de Tolstoy sont un véritable miroir des conditions contradictoires dans lesquelles se trouvait placée l’activité historique de la paysannerie pendant notre Révolution... L’originalité de Tolstoy est que ses idées, dans leur ensemble, expriment justement les particularités de notre Révolution, en tant que Révolution bourgeoise paysanne[11]... D’un côté, une critique impitoyable de l’exploitation capitaliste, la dénonciation des violences de l’État, de la comédie des tribunaux, la lumière projetée sur le contraste violent entre l’accroissement des richesses, les conquêtes de la civilisation, et l’accroissement de la misèrede la sauvagerie et des tourments des masses travailleuses ; d’un autre côté, la prédication de « saint idiot » pour la non-résistance au mal par la violence... Tolstoy a reflété la haine née des souffrances, le désir mûri d’un meilleur avenir, le désir de se libérer du passé — et la non-maturité des rêvasseries, du manque d’éducation politique, de la mollesse de désir révolutionnaire. Les conditions historico-économiques expliquent et le surgissement nécessaire de la lutte des masses révolutionnaires, et leur manque de préparation pour cette lutte, leur non-résistance tolstoyenne au mal, qui fut la plus sérieuse des causes de la défaite de la première campagne révolutionnaire... » Ce jugement de Lénine, qui s’applique à un grand artiste et à une époque déterminée, peut être vérifié pour d’autres maîtres de l’esprit et pour d’autres époques — spécialement pour les époques pré-révolutionnaires, comme notre XVIIIe siècle français. C’est justement ce que vient de faire, (certes sans se douter qu’il corroborait la pensée de Lénine), le professeur à la Sorbonne Daniel Mornet, dans ses recherches de trente années sur les Origines intellectuelles de la Révolution française[12]. Elles démontrent que, pas plus que Tolstoy, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot et les Encyclopédistes, n’avaient bien compris ce qui allait venir et que pourtant ils annonçaient. Ils n’étaient, comme Tolstoy, que des « miroirs », qui s’ignoraient, de tout le travail contradictoire, qui s’opérait dans l’esprit de leur époque, et des courants qui s’y entrechoquaient. « S’ils n’avaient pas existé, il semble bien, écrit D. Mornet, que les mouvements de l’opinion, moins intenses seulement, moins enthousiastesn’auraient pas été très différents. » Ils n’ont fait que les traduire (non sans erreurs ou à-peu-près), mais sous une forme plus frappante, grâce à la force de raison et d’éloquence qu’ils devaient à leur maîtrise en quelque sorte professionnelle d’écrivains habitués à s’observer eux-mêmes dans le « miroir ». En se voyant, ils voyaient les hommes de leur temps, et ils suivaient avec eux, confusément, la pente sur laquelle tout le XVIIIe siècle était entraîné. Mais ils étaient loin de se douter où cette pente les menait ; et s’ils l’avaient aperçu, il est probable que tous (à l’exception peut-être de Diderot l’aventureux) se seraient rejetés en arrière. Le XVIIIe siècle français n’avait pas, pour le guider à la Révolution, une seule conscience qui, à l’avance, clairement vît et voulût l’étape prochaine, où s’acheminait fatalement tout le développement de l’histoire, comme le vit et le voulut celle de Lénine[13].
Pour l’historien de la littérature, l’intérêt serait précisément de discerner ce qui, dans les Rousseau, les Diderot et les Voltaire, dans tous les grands artistes précurseurs, les dépasse, ce qui en eux appartient, sans qu’ils s’en doutent, aux temps qui vont venir et que, s’ils les eussent prévus, ils auraient désavoué. C’est le travail que Lénine, avec sa brusque et lucide franchise, a esquissé pour un écrivain qu’il aimait entre tous, en exposant comment Léon Tolstoy a génialement dénoncé les mensonges et les forfaits de l’état social, dont sa critique est, à elle seule, un appel à la Révolution — mais comment, en face de l’action révolutionnaire, qui en était pourtant la conséquence nécessaire, il se cabre, avec frayeur, avec colère, et il dit : « Non ! », se réfugiant dans un mysticisme de « l’immobilité orientale », qui veut arrêter la marche du soleil, en la niant[14].
Cette inconséquente abdication d’un grand cœur se retrouve à des degrés inférieurs, avec infiniment moins de sincérité contradictoire et de puissance passionnée chez l’immense majorité des artistes, en qui résonnent plus intensément que chez les autres hommes les vibrations des événements, mais qui, comme épuisés par l’état de transe où ils les reçoivent, se dérobent à leurs conséquences et passent, neuf fois sur dix, à la réaction. Ils ont bien vu le fossé, le gouffre, qu’il faut sauter. Mais de cette vue ils ont le vertige, et leurs jarrets sont coupés. Pour rétablir leur fragile équilibre ébranlé, ils se replient en arrière, en dehors du flot qui emporte l’époque, dans « l’ordre moral », l’ordre bourgeois qui les rassure contre ce qu’ils ont vu et ne veulent pas voir, — dans la convention, la vie figée.
Et c’est ici que l’intelligence d’un maître de l’action, comme Lénine, s’oppose radicalement à la leur. Par sa logique exceptionnelle, qui de sa pensée et de son action ne faisait qu’un — non pas un bloc, au sens pétrifié et inhumain, mais une coulée de vie, qui s’identifiait avec la vie même de l’époque en marche et avec ses lois élémentaires.
Nul, mieux que Staline, dans ses Souvenirs sur Lénine[15], n’a mis en lumière ce trait par lequel Lénine se distinguait, même de la plupart des théoriciens et chefs de partis révolutionnaires : — sa communion perpétuelle avec les forces élémentaires qui se manifestent dans les masses ; il ne cessait jamais de se tenir en contact avec elles, et rien ne pouvait lui faire perdre sa robuste confiance en leurs puissances créatrices. Staline cite ce mot frappant, dit par Lénine dans un entretien, où un camarade, qui se méfiait du « chaos de la Révolution », déclarait qu’ « après la Révolution, doit s’établir l’ordre normal ». Lénine, sarcastiquement, lui rétorqua :
— « C’est malheureux, quand les hommes qui prétendent être des révolutionnaires oublient que l’ordre le plus normal dans l’histoire est l’ordre de la Révolution[16]. »
Et Staline ajoute :
— « Cette foi en les forces créatrices élémentaires, qui était la caractéristique de l’activité de Lénine, lui a donné le pouvoir de posséder le sens de l’élément et d’en diriger le flot dans le lit de la Révolution prolétarienne. »
C’est le plus haut don de l’homme d’action. Et c’est aussi l’objectif de l’homme de science : pénétrer jusqu’en l’essence l’élément, ses forces secrètes, ses lois et ses courants, afin de les gouverner.
Que ce soit également la règle suprême de l’art ! Si la plupart des artistes sont trop débiles pour l’accepter, les plus grands l’ont toujours, d’instinct, pratiquée. Et l’un des souverains de la peinture de tous les temps, Léonard de Vinci, en a fait sa devise :
« Transmutarsi nella propria mente di natura. » (S’assimiler avec les forces de la nature. Se transmuter en son esprit.)
Ainsi, les grands artistes, les Léonard et les Tolstoy, épousent les formes vivantes de la nature. Ainsi, les maîtres de l’action, les Lénine, épousent les lois de la vie sociale et son rythme, l’élan vital qui lance et qui soutient la montée perpétuelle de l’humanité.

ROMAIN ROLLAND
Janvier 1934.






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Texte établi par la Bibliothèque russe et slave ; déposé sur le site de la Bibliothèque le 14 janvier 2015.

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Les textes ont été relus et corrigés avec la plus grande attention, en tenant compte de l’orthographe de l’époque. Il est toutefois possible que des erreurs ou coquilles nous aient échappé. N’hésitez pas à nous les signaler.


[1] Publiciste et critique russe de la seconde moitié du XIXe siècle.
[2] Cité par GUIRINIS : « La personnalité de Ilitch d’après ses œuvres », 1927, édit. Moskowsky Rabotchy, Moscou-Léningrad.
[3] — « Radtchenko, écrit Nadejda Kroupskaïa, m’avait raconté : « Vladimir Ilitch ne fait que des lectures sérieuses, de sa vie il n’a lu un roman... » J’appris plus lard que c’était une légende. Vladimir Ilitch non seulement avait lu, mais souvent relu Tourgueniev et Léon Tolstoy... Il connaissait à fond et aimait les classiques... »
(Ma vie avec Lénine.)
[4] « ...Il y avait sur sa table un volume de Guerre et Paix.
— « Oui, Tolstoy... J’ai eu envie de relire la scène de la chasse... »
« Souriant, les yeux mi-clos, il s’allongea dans le fauteuil avec délice, et, baissant la voix, il continua rapidement :
— « Quel bloc, hein ? Quel homme entier ! Celui-là, mon cher, est un artiste ! Et savez-vous ce qui m’étonne encore en lui ? Sa voix de moujik, sa pensée de moujik : il y a vraiment en lui du moujik. Avant ce comte, il n’y a pas eu, dans la littérature, de véritable moujik. Non, il n’y en a pas eu ! »
« Il me regarda de ses petits yeux d’Asiatique, et me demanda :
— « Qui en Europe peut-on mettre à côté de lui ? »
Il se répondit à lui-même :
— « Personne. »
Et se frottant les mains, il rit avec satisfaction, en clignant les yeux, comme un chat au soleil. »
(Maxime GORKI : Lénine, 1924.)
[5] Discours à une séance de la fraction du Syndicat des Métallurgistes, 1922, cité par Guirinis.
[6] « Je ne connais rien de plus beau que l’Appassionata, je pourrais l’entendre tous les jours. Musique surhumaine... Je me dis toujours, avec un orgueil peut-être naïf, peut-être puéril : — Voilà donc quelles merveilles peuvent créer les hommes ! »
(GORKI : ibid.)
[7] « Fermant à demi les yeux, il ajouta, avec un sourire mélancolique : — « Mais je ne puis entendre souvent la musique, elle agit sur mes nerfs, j’ai envie de dire des bêtises et de caresser les hommes qui, vivant dans un enfer malpropre, peuvent créer tant de beauté. Or, aujourd’hui, on ne peut caresser personne, on vous dévorerait la main ; il faut taper sur les têtes, taper impitoyablement, bien que dans l’idéal, nous soyons opposés à toute violence... Hum ! Hum ! quel métier infernalement difficile ! »
(GORKI : ibid.)
[8] Troupes des automobiles blindés.
[9] John REED : « Dix jours qui ébranlèrent le monde. »
[10] En 1908, pour le quatre-vingtième anniversaire de Léon Tolstoy. En 1910 et en 1911, après sa mort.
[11] Dans un autre de ses articles sur Tolstoy, Lénine précise : — « La Tolstovschina (l’idéologie tolstoyenne) correspond à la période de1861 à 1904, quand l’ancien monde (fondé sur le droit de servage) croulait sans possibilité de retour, et quand le nouveau ne faisait que « se tasser », (comme dit Tolstoy dans Anna Karénine) — c’est-à-dire, chercher sa forme, en tâtonnant. (Tolstoy et son époque, janvier 1911).
[12] Armand Colin, Paris, 1933. Ce livre capital, qui réforme les données fausses des livres de Taine sur les Origines de la France contemporaine, en démontrant la superficialité de ses recherches, toujours guidées par le parti-pris, est un examen approfondi de toute la période intellectuelle qui va de 1715 à 1787.
[13] Il est frappant que Daniel Mornet, nullement sympathique aux idées de la Révolution, mais qui s’astreint à la rigoureuse objectivité scientifique, fait cette constatation, inattendue chez lui : — « Un Lénine et un Trotsky ont voulu une certaine Révolution ; ils l’ont préparée, puis accomplie, puis dirigée. Rien de pareil en France... »
[14] « Il n’existe pas de loi générale d’un mouvement de l’humanité en avant, (déclarait Tolstoy), comme nous le prouvent les peuples immobiles de l’Orient. » — « Et justement, remarque Lénine, l’année 1905, où la première Révolution russe était désavouée par Tolstoy, fut le commencement de la fin de l’immobilité orientale. Les événements de Russie furent suivis d’événements analogues dans une série de pays d’Orient. »
(Tolstoy et son époque, janvier 1911.)
[15] « L’organisateur et le chef de la R. K. P. (Rossiiskaya Komounisticheskaya Partia) », causerie faite, en 1924, à une réunion des « Coursants » (élèves d’une école militaire), au Kremlin. Éditions d’État, Léningrad, 1925.
[16] La pensée de Lénine se rencontre ici, sans le savoir, avec celle de Schopenhauer :
— « Oui, si la vie n’est pas un contre-sens et une déchéance, la Révolution est tout, enveloppe tout, et elle peut devenir une grande métaphysique. »
(Entretien avec Frédéric Morin, en mars 1858, publié dans la Revue de Paris, en 1864.)