vendredi 22 mars 2019


La lettre hebdomadaire
Chaque vendredi
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22 mars 2019
Par la rédaction de Mediapart
Voilà où nous en sommes. Vendredi matin, veille d’une possible mobilisation des « gilets jaunes », le gouverneur militaire de Paris, le général Bruno Leray, s’exprime à la radio pour évoquer les conséquences de la décision, prise par Emmanuel Macron, de mobiliser l’armée ce samedi 23 mars (lire nos articles ici, et ). « Si leur vie ou celle des personnes qu’ils défendent est menacée », les militaires pourront « aller jusqu’à l’ouverture du feu ». C’est dit, c’est clair. C’est glaçant.

Un mort en manifestation en France, en 2019, c’est donc possible. Il faut se souvenir de la réaction outrée de l’exécutif, début mars, après les mises en garde de la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Michelle Bachelet concernant la politique française du maintien de l’ordre : le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux s’était alors indigné de voir la France « cité[e] dans une liste entre le Venezuela et Haïti, où il y a eu des morts ».

Ce qui paraissait impensable il y a moins de trois semaines est aujourd’hui envisagé par les autorités de ce pays. Parmi les hauts gradés, certains déplorent cette décision, pour laquelle le chef d’état-major des armées lui-même n’aurait pas été consulté. Mediapart leur a donné la parole. C’est le cas du général Vincent Desportes, qui rappelle que « les militaires ne sont absolument pas formés pour cette situation ». Quant à l’ancien colonel Michel Goya, il reproche au gouvernement de « déclarer la guerre aux gilets jaunes ». « Les ministres de l’intérieur et de la défense ont beau dire que les militaires ne seront pas en première ligne, que va-t-il se passer si des manifestants tentent de s’en prendre aux bâtiments qu’ils protègent ? Soit l’armée sort humiliée parce qu’elle aura dû subir toutes formes d’agressions, soit c’est un massacre, dont l’État sera responsable », assène-t-il.

Cette dérive autoritaire est sans précédent depuis les grandes grèves de 1947-1948, quand un socialiste, Jules Moch, alors ministre de l'intérieur, avait envoyé les troupes pour mater les mineurs. À l’exception notable des guerres coloniales, cette intervention sanglante était la dernière. Jusqu’à ce jour, donc.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l’application partielle du programme du Conseil national de la résistance (CNR), l’État a cherché à apaiser la lutte des classes par la construction d’un système de protection sociale fort et paritaire. L’armée, dont la fonction est de combattre un ennemi, a dès lors été exclue de la gestion du maintien de l’ordre. Son retour est symptomatique de la fin de ce compromis et de la résurgence d’une « guerre sociale » découlant de la mise en œuvre systématique d’une politique de dérégulation économique au profit des plus fortunés.

Après avoir voté la loi « anticasseurs », la majorité parlementaire soutient sans ciller cette escalade dans la répression, tandis que les oppositions s’insurgent sans parvenir à faire bouger les lignes. Au sommet de l’État, le pouvoir, enlisé dans l’affaire Benalla, s’obstine à refuser les seules réponses politiques et sociales susceptibles d’apaiser la colère qui se manifeste depuis quatre mois.

Les temps forts de la semaine

Le garde du corps de Macron est un proche de Benalla, spécialiste de «l’effraction» et de «l’infiltration»

L’actuel principal garde du corps d’Emmanuel Macron est un proche d’Alexandre Benalla, dont il a poussé au recrutement à l’Élysée dans des conditions dérogatoires. L’homme en question, Christian Guédon, est aussi, d’après son C.V. consulté par Mediapart, un spécialiste dans les « domaines [...] de l’effraction et de l’infiltration », ainsi que « des techniques d’ouverture discrètes des serrures de bâtiments et véhicules » à des fins judiciaires. Lire la suite.

Manifestations: de la renaissance de la citoyenneté en Algérie

Par NADIA LEÏLA AÏSSAOUI
Étudiants, femmes, médecins, écolos, habitants de quartiers : la société civile est en pleine ébullition en Algérie. Pour la quatrième semaine consécutive, la mobilisation ne faiblit pas. « Nous sommes ceux et celles que nous attendions », semblent dire ces citoyens et citoyennes qui défilent pacifiquement dans les rues. Et s’auto-organisent en inventant de nouveaux modes d’échanges et de diffusion de leurs revendications. Lire la suite.

Macron et les intellos: le charme discret de la courtisanerie

Le président a reçu, lundi 18 mars, une soixantaine d’« intellectuels » à l’Élysée. L’occasion de s’écouter palabrer des heures durant, face à une étrange cour de personnalités plus ou moins acquises à sa cause. Lire la suite.

NOS ENQUÊTES ET REPORTAGES EN FRANCE

A Paris, la mobilisation sur le climat a trouvé son QG

À quelques pas de la place de la République, une dizaine d’organisations œuvrant pour la justice climatique et sociale ont ouvert un lieu se voulant espace événementiel mais aussi base arrière de la mobilisation en cours. Lire la suite.

«Gilets jaunes» et black blocs relancent la bataille des Champs

Pour marquer la fin du « grand débat » lancé par le président de la République Emmanuel Macron, les « gilets jaunes » et les « autonomes » se sont rendus en masse samedi, aux Champs-Élysées. Et ils se sont violemment opposés aux forces de l’ordre, du matin au soir. Lire la suite.

Violences sexistes et sexuelles: «A l’hôpital, tous les éléments sont réunis pour que ça se passe mal»

« Il n’y a pas mort d’homme », il n’y a que « des femmes qui crèvent lentement ». Le livre de Cécile Andrzejewski interroge l’impunité presque totale qui règne à l’hôpital sur les violences sexuelles et sexistes, dans un livre d’enquête nourri de dizaines de témoignages. Lire la suite.

La CGT tâtonne encore sur les violences sexuelles et sexistes

La CGT, comme d’autres organisations syndicales, tergiverse sur les sanctions à appliquer en cas de violences sexistes et sexuelles. Priscille Cortet, secrétaire générale d’une grosse organisation syndicale pour les cadres et ingénieurs, militante reconnue pour les droits des femmes, en a fait les frais. Lire la suite.

Esquive, défausse et dénégations au procès Tapie

Face au tribunal correctionnel de Paris, Stéphane Richard et Jean-François Rocchi se sont défendus d’avoir commis la moindre faute dans l’affaire de l’arbitrage truqué rendu en faveur de Bernard Tapie. Lire la suite.

DANS LE MONDE

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 En Afrique australe, le cyclone Idai suscite de vives craintes sur le changement climatique

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