dimanche 30 septembre 2018

38e CONGRÈS DU PCF-PGE. : entre maintien de la direction faillie et tentation de la révolution de palais ?

« Il fallait tout changer pour que rien ne changeât » (Lampedusa, Le Guépard)
Alors que les travailleurs se mobilisent dans les luttes à travers toute la France, au lendemain de la séquence électorale de 2017 et en vue des élections européennes, le  se prépare à tenir un nouveau congrès après celui de 2016, son 38e congrès du PCF en 2018. Les grandes orientations de ce congrès sont en cours de définition, et au regard du terrible bilan de ces dernières décennies de “” et de “rénovation”, la contestation gronde.
Mais il serait pour autant bien illusoire de s’imaginer qu’elle se déploie sur des bases justes tant persistent les fondamentaux de la « mutation » : incapacité à rompre avec la prétendue « construction » européenne, impuissance à mettre en avant le rôle dirigeant de la classe ouvrière et l’objectif clairement reposé de la révolution socialiste, rejet clair et net de la criminalisation contre-révolutionnaire de l’expérience issue d’Octobre 17 et de Stalingrad, reconstruction SANS LES LIQUIDATEURS MUTANTS d’un parti communiste ancré en prolétariat et renouant fièrement avec le marxisme-léninisme et avec l’internationalisme prolétarien.
Retour sur le conseil national du PCF qui s’est tenu le 3 juin 2018

Conseil National du 3 juin 2018 : les résultats des votes sur la proposition de base commune, le texte de la direction tièdement approuvé

Le premier enseignement de ce conseil national, la difficulté à mobiliser du PCF. C’est à peine la moitié des membres du conseil national du PCF, 91 sur 170 élus au 37e congrès du PCF, qui étaient présents pour se positionner par rapport à un texte majeur quant aux orientations du PCF.
Les votes ont eu lieu à main levée, la direction du PCF refusant un vote à bulletin secret.
Voici les résultats des votes
Projet de Base Commune
  • Partie 1 : 68 votants, 47 pour, 11 contre, 10 abstentions
  • Partie 2 : 82 votants, 43 pour, 29 contre, 10 abstentions
  • Partie 3 : 87 votants, 45 pour, 24 contre, 18 abstentions
  • Totalité Texte : 91 votants, 49 pour, 26 contre, 16 abstentions
Commission transparence des débats
  • 79 votants, 75 pour, 0 contre, 4 abstentions,
Commission des candidatures
  • 81 votants, 54 pour, 16 contre, 11 abstentions

Un vote qui témoigne des remous au sein du PCF

Ce vote, par ses résultats ne conduit évidemment pas à mettre en minorité l’actuelle direction du PCF. Elle conserve sur l’ensemble des sujets la majorité dans l’instance dirigeante du PCF avec 54% des voix s’agissant de la base commune et même 63% des voix s’agissant de la désignation des candidats. L’opposition à la direction s’exprime à travers 28.5% de votes contre et près de 18% d’abstention. Ces résultats ne font pas apparaître de bouleversements dans les rapports de forces si on se souvient des votes des différents textes lors du dernier congrès, le 37e congrès du PCF
  • texte de la direction : 14.942 voix (28,23% / 49,60% )
  • texte alternatif 1 : 6910 voix (13,05% / 22,94%)
  • texte alternatif 2 : 3755 voix (7,09% / 12,46%) (FV&R PCF)
  • texte alternatif 3 : 2001 voix (3,78% / 6,64%) (Paris XXe)
  • texte alternatif 4 : 1575 voix (2,98% / 5,23%) (la riposte)
  • blancs et nuls : 944 voix ( 1,78% / 3,13%)
De fait, l’opposition à la direction Pierre Laurent représentait alors 47% des voix. Sur les questions électorales cependant, le clivage apparaît bien moins marqué, puisque la direction recueille un vote de soutien à 63%, à comparer au vote du texte d’orientation électorale à 69% en juin 2016.
Pour autant, ce vote témoigne des remous au sein du PCF où la direction mutante du PCF est bousculée. Une initiative pour une base commune concurrente à celle de la direction Pierre Laurent a ainsi été lancée durant ce mois de juin 2018. www.initiative-communiste.fr y reviendra plus en détail dans les jours prochains.Pour les militants du PCF-PGE engoncé depuis 1976 dans sa catastrophique mutation-décommunisation, le maintien de Pierre Laurent ne serait pas plus alléchant qu’une hypothétique révolution de palais préservant l’attachement de principe à la « construction européenne » et aux orientations anti-léninistes qui ont nourri toutes les défaites ouvrières. À tous les communistes qui veulent reconstruire l’outil communiste d’avant-garde qui fait défaut aux luttes pour passer de la défensive perdante à la contre-offensive, le PRCF propose de mener en direction des travailleurs, et d’abord, de la classe ouvrière, une campagne commune pour que la France sorte par la gauche, dans la direction du socialisme, de l’euro, de l’UE-OTAN et du capitalisme.

jeudi 27 septembre 2018


CHRONIQUE DU BIEN-PORTANT


Survol de contributions en santé mentale

Document préparé par Daniel Paquet


1.    Le 7 février 2011, la Commission de la santé mentale du Canada émettait l’avis que « la stigmatisation est un facteur qui dissuade fortement les personnes ayant un problème de santé mentale de chercher de l’aide […]. »  Changer les mentalités, le programme de lutte contre la stigmatisation de la Commission est l’hôte d’un symposium sur la présence de celle-ci associée à la maladie mentale dan les médias.  « Des chercheurs de l’université McGill, à Montréal, mènent actuellement une étude commandée par la Commission qui porte sur les mots et le ton employés dans les reportages traitant de la maladie mentale ».

2.     Le 9 février 2011, Bell Canada (téléphonie privée, ndlr) a versé « cinq cents pour chaque appel interurbain et chaque message texte effectué par ses clients afin de financer et soutenir des programmes en santé mentale de partout au pays, [dont celle en milieu de travail]. »  La stigmatisation sous toutes ses formes, associée à la maladie mentale empêche les gens d’en parler.  « Bell Canada a récemment annoncé qu’elle investirait 50 millions de dollars sur cinq ans en vue d’appuyer la recherche et les services en santé mentale à la grandeur du pays.   Il s’agit du plus important programme caritatif d’une entreprise canadienne qui soutienne la santé mentale. »  Un tel investissement viendra en aide à des millions de Canadiens affectés par des problèmes de santé mentale.
Cette information est diffusée par la Commission de la santé mentale du Canada qui a pour mandat de « susciter la transformation du système de la santé mentale, et de changer l’attitude de la population canadienne à l’égard des problèmes de santé mentale.  Elle est financée par Santé Canada. »

3.     Retour sur Bell Canada.  « Afin de lancer sa campagne sur la promotion de la santé mentale, Bell a choisi Clara Hugues –et son sourire - comme ambassadrice.  L’athlète olympique de Glen Sutton accueille ce titre avec enthousiasme, convaincue de l’importance de vaincre certains tabous. »  Elle explique : « J’ai vécu une dépression durant deux ans et je sais donc très bien que c’est une problématique importante pour tout le monde au pays ».  Patineuse de vitesse à la retraite, Clara, affirme qu’il est très important d’être bien entouré, de faire attention à sa diète et de se motiver par l’exercice, « et pas uniquement pour le volet entraînement sportif.  Je sortais aussi pour prendre un peu d’air, ce qui m’a permis de retrouver de la force intérieure lors de moments plus sombres. […] 

Selon l’Association médicale canadienne, un Canadien sur deux révélera à son entourage qu’un membre de sa famille souffre d’une maladie mentale, contre 72% dans le cas d’un diagnostic de cancer. »
Enfin, la cycliste affirme y mettre toute la gomme afin de bien se préparer pour son retour sur la scène olympique.

4.     Finalement, le Conseil du médicament, en janvier 2011, révèle que c’est plus de 13 millions d’ordonnances d’antidépresseurs qui ont été remplies uniquement au Québec, découlant de la hausse des problèmes de santé mentale, une des premières causes d’invalidité au travail.  Selon une recherche menée auprès de 398 médecins de famille –sous l’égide du Département de psychiatrie de l’Université McGill-, environ le quart des consultations portent sur des problèmes de santé mentale.

Si on reconnaît que la médication soulage, « il y a un consensus sur le fait que la psychothérapie est très importante, réplique Marie-Josée Fleury, professeure agrégée à l’Université McGill.
Pour clore cette information, rappelons que « le médecin à l’origine du traitement antidépresseur était un omnipraticien dans la grande majorité des cas (82,3%) et un psychiatre dans seulement 5,8% des cas.


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-30-

mercredi 19 septembre 2018


De George Sand à Karl Marx

Les idées socialistes françaises et le canayen Papineau

Daniel Paquet                            dpaquet1871@gmail.com

MONTRÉAL - « Lorsque le régime féodal fut renversé et que la "libre" société capitaliste vit le jour, il apparut tout de suite que cette liberté signifiait un nouveau système d'oppression et d'exploitation des travailleurs, Aussitôt diverses doctrines socialistes commencèrent à surgir, reflet de cette oppression et protestation contre elle. Mais le socialisme primitif était un socialisme utopique. Il critiquait la société capitaliste, la condamnait, la maudissait ; il rêvait de l'abolir, il imaginait un régime meilleur ; il cherchait à persuader les riches de l'immoralité de l'exploitation.

Mais le socialisme utopique ne pouvait indiquer une véritable issue. Il ne savait ni expliquer la nature de l'esclavage salarié en régime capitaliste, ni découvrir les lois de son développement, ni trouver la force sociale capable de devenir le créateur de la société nouvelle.

Cependant les révolutions orageuses qui accompagnèrent partout en Europe et principalement en France la chute de la féodalité, du servage, montraient avec toujours plus d'évidence que la lutte des classes est la base et la force motrice du développement.

Pas une seule liberté politique n'a été conquise sur la classe des féodaux sans une résistance acharnée. Pas un seul pays capitaliste ne s'est constitué sur une base plus ou moins libre, démocratique, sans qu'une lutte à mort n'ait mis aux prises les différentes classes de la société capitaliste. Marx a ceci de génial qu'il fut le premier à dégager et à appliquer de façon conséquente l'enseignement que comporte l'histoire universelle. Cet enseignement, c'est la doctrine de la lutte de classes.

Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d'eux-mêmes, tant qu'ils n'auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes. Les partisans des réformes et améliorations seront dupés par les défenseurs du vieil ordre de choses, aussi longtemps qu'ils n'auront pas compris que toute vieille institution, si barbare et pourrie qu'elle paraisse, est soutenue par les forces de telles ou telles classes dominantes. Et pour briser la résistance de ces classes, il n'y a qu'un moyen : trouver dans la société même qui nous entoure, puis éduquer et organiser pour la lutte, les forces qui peuvent - et doivent de par leur situation sociale - devenir la force capable de balayer le vieux et de créer le nouveau.

Seul le matérialisme philosophique de Marx a montré au prolétariat la voie à suivre pour sortir de l'esclavage spirituel où végétaient jusque-là toutes les classes opprimées. Seule la théorie économique de Marx a expliqué la situation véritable du prolétariat dans l'ensemble du régime capitaliste.

Les organisations prolétariennes indépendantes se multiplient dans le monde entier, de l'Amérique au Japon, de la Suède à l'Afrique du Sud. Le prolétariat s'instruit et s'éduque en menant sa lutte de classe ; il s'affranchit des préjugés de la société bourgeoise, il acquiert une cohésion de plus en plus grande, il apprend à apprécier ses succès à leur juste valeur, il retrempe ses forces et grandit irrésistiblement. » (Lénine, Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme, Éditions du Progrès, Moscou, 1971, pages 61-62).

Contemporaine de Karl Marx, George Sand écrivait dans un de ses romans : « depuis seulement que j’existe il s’est fait plus de mouvement dans les idées et dans les coutumes de mon village, qu’il ne s’en était vu durant des siècles avant la Révolution (i.e. 1789-1793).  Déjà la moitié des cérémonies celtiques, païennes ou moyen âge, que j’ai vues encore en pleine vigueur dans mon enfance, se sont effacées.  Encore un ou deux ans peut-être, et les chemins de fer passeront leur niveau sur nos vallées profondes, emportant, avec la rapidité de la foudre, nos antiques traditions et nos merveilleuses légendes. » (Sand, George, La Mare au Diable, Gallimard -Folio- Paris, 1999, page 154).

« Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c’est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu’ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu’ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes, pour apparaître sur la nouvelle scène de l’histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté. » (Marx, Karl, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Folio, Paris, page 176).

« … l’objet général de la révolution moderne, lequel (- chose normale dans le prologue du drame -) était singulièrement en contradiction avec tout ce qui pouvait d’emblée être mis en œuvre, dans la situation et les conditions données, avec les matériaux existants, et avec le degré de développement atteint par la masse. » (Marx, Le 18 Brumaire, pages183-184).

       « Comme l’on sait, le 15 mai n’eut d’autre résultat que d’éloigner de la scène publique, pour toute la durée de la période que nous considérons, Blanqui et ses partisans, les communistes révolutionnaires, c’est-à-dire les véritables chefs du parti prolétarien. » (Marx, Le 18 Brumaire, page 185).
« D’un autre côté, 750 représentants du peuple, élus au suffrage universel et rééligibles, constituant une Assemblée nationale irresponsable, indissoluble, indivisible, une Assemblée nationale jouissant d’une toute-puissance législative ». (Marx, Le 18 Brumaire de L. Bonaparte, Gallimard, Paris, 2002, pages 193-194).

Dans la foulée, « l'État s'offre à nous comme la première puissance idéologique s'exerçant sur l'homme. La société se crée un organisme en vue de la défense de ses intérêts communs contre les attaques intérieures et extérieures. Cet organisme est le pouvoir d'État. A peine né, il se rend indépendant de la société, et cela d'autant plus qu'il devient davantage l'organisme d'une certaine classe, qu'il fait prévaloir directement la domination de cette classe. La lutte de la classe opprimée contre la classe dominante devient nécessairement une lutte politique, une lutte menée d'abord contre la domination politique de cette classe ; la conscience de la corrélation de cette lutte politique avec sa base économique s'estompe et peut même disparaître complètement. Mais même lorsque ce n'est pas tout à fait le cas chez ceux qui participent à cette lutte, le fait se produit presque toujours dans l'esprit des historiens. De toutes les anciennes sources concernant les luttes au sein de la République romaine, Appien est le seul à nous dire clairement et nettement de quoi il s'agissait en réalité, à savoir de la propriété foncière. »  (Engels, Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Éditions sociales, Paris, 1966, pages 76-77).

« La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire.

Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses "supérieurs naturels", elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement au comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. » (Marx-Engels, Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page 231).

Il est clair que Sand partage le point de vue de Marx en soulignant que « les mauvais (sic!) riches aujourd’hui demandent des fortifications et des canons pour écarter l’idée d’une jacquerie, que l’art leur montre travaillant dans l’ombre, en détail, en attendant le moment de fondre sur l’état social. (…)  Le gouvernement d’aujourd’hui calme l’inquiétude des riches en leur faisant payer beaucoup de gendarmes et de geôliers, de baïonnettes et de prisons. » (Sand, George, La Mare au Diable, page 35).

« Mais ce qui parlait le plus clairement, c’était l’expérience que la classe paysanne avait faite de l’expérience du droit de vote, et les déceptions qui, coup sur coup, s’abattaient sur le paysan dans le tourbillon révolutionnaire.  Les révolutions sont les locomotives de l’histoire. »  (Marx, Karl, Les Luttes de classes en France, Folio, Paris, 1994, page 115).

« Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle.  La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante. » (Marx-Engels, L’idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, page 74).

Que se passe-t-il dans la colonie britannique du Bas-Canada après l’insurrection de 1837 et la déportation de ses révolutionnaires vers d’autres colonies de l’Empire anglais?  En septembre 1845, le leader canadien-français, Louis-Joseph Papineau rentre à Montréal après huit ans d’exil aux États-Unis et en France.  En 1848, il prononce un discours où il déclare : « Ce n’est pas dans le Bas-Canada, qui, lui, fut le premier entre toutes les colonies anglaises, a le mérite d’avoir passé un acte de naturalisation en faveur de tous les hommes, sans distinction, de leur culte, ni du pays de leur naissance (…) et qui donne le droit à tous les membres de la famille humaine, de venir travailler le sol, exercer leurs diverses industries, jouir des mêmes droits civils, religieux et politiques, en libre compétition avec les constituants Français des représentants Français qui ont consacré ce principe humanitaire d’universelle fraternité. »  Cependant, il y a forte opposition à Papineau et aux libéraux.

« Entre 1840 et 1852, les libéraux font face à une nouvelle forme d’alliance de l’Église et du conservatisme, d’alliance du pouvoir religieux et du pouvoir politique.  L’Église catholique récolte en 1839 les fruits de son loyalisme depuis 1763 et à l’occasion des rébellions de 1837 et de 1838, elle obtient une reconnaissance légale.  Ses positions sur la souveraineté populaire, sur la stratégie libérale de rappel de l’Union, sur les dangers de l’annexion pour la religion, sur le pouvoir temporel du pape servent la vision et les visées du parti de La Fontaine qui, en retour, permet à l’ultramontanisme de mettre en place un système d’instruction publique confessionnalisé et sous la responsabilité et le contrôle de l’Église.  Dorénavant, les valeurs transmises par l’école sont celles de la religion et du conservatisme. » (Lamonde, Yvan, Histoire sociale des idées au Québec 1760-1896, Éditions Fides, 2000, pages 300, 318-319).

                                                                                                                                                                        
1848, répression de la révolution populaire contre les vestiges de la monarchie française et de la bourgeoisie qui affermit son pouvoir; moins d’une trentaine d’années (surtout à Paris), les ouvriers prennent le pouvoir de la capitale, Paris.  Nous sommes en 1871.  Arrive « en ville » un jeune poète talentueux qui bouscule tous les tabous véhiculés par la classe dominante; c’est Arthur Rimbaud.  Il a composé entre autres Sensation et le Dormeur du Val où il fustige la guerre, ne serait-ce que celle qui fut une boucherie pour la jeunesse de France, contre la Prusse.

En Amérique du Nord, on assiste à la formation du Canada (1867).

Par contre, Rimbaud est enseigné dans les collèges québécois depuis lors.  Le chanteur Robert Charlebois met en musique Sensation.  C’est le Premier Ministre du Canada, M. Justin Trudeau, qui ranimera Le Dormeur du Val, à l’occasion d’une rencontre internationale en Asie, où il lira ce poème pour la Journée de l’Armistice.

« Après la défaite des révolutions de 1848, toutes les associations et tous les journaux politiques des classes ouvrières furent écrasés sur le continent par la main brutale de la force ; les plus avancés parmi les fils du travail s'enfuirent désespérés outre Atlantique, aux Etats-Unis, et les rêves éphémères d'affranchissement s'évanouirent devant une époque de fièvre industrielle, de marasme moral et de réaction politique. Dû en partie à la diplomatie anglaise qui agissait, alors comme maintenant dans un esprit de fraternelle solidarité avec le cabinet de Saint-Pétersbourg (i.e. le régime des tsars en Russie), l'échec de la classe ouvrière continentale répandit bientôt ses effets contagieux de ce côté de la Manche. La défaite de leurs frères du continent, en faisant perdre tout courage aux ouvriers anglais, toute foi dans leur propre cause, rendait en même temps aux seigneurs terriens et aux puissances d'argent leur confiance quelque peu ébranlée. Ils retirèrent insolemment les concessions déjà annoncées. La découverte de nouveaux terrains aurifères amena une immense émigration et creusa un vide irréparable dans les rangs du prolétariat de la Grande-Bretagne. D'autres, parmi ses membres les plus actifs jusque-là, furent séduits par l'appât temporaire d'un travail plus abondant et de salaires plus élevés et devinrent ainsi des « briseurs de grève politiques ». En vain essaya-t-on d'entretenir ou de réformer le mouvement chartiste, tous les efforts échouèrent complètement. Dans la presse, les organes de la classe ouvrière moururent l'un après l'autre de l'apathie des masses et, en fait, jamais l'ouvrier anglais n'avait paru accepter si entièrement sa nullité politique. Si autrefois il n'y avait pas eu solidarité d'action entre la classe ouvrière de la Grande-Bretagne et celle du continent, maintenant il y a, en tout cas, entre elles, solidarité de défaite.
 Après une lutte de trente années, soutenue avec la plus admirable persévérance, la classe ouvrière anglaise, profitant d'une brouille momentanée entre les maîtres de la terre et les maîtres de l'argent, réussit à enlever le bill de dix heures. Les immenses bienfaits physiques, moraux et intellectuels qui en résultèrent pour les ouvriers des manufactures ont été enregistrés dans les rapports bisannuels des inspecteurs des fabriques et, de tous côtés, on se plaît maintenant à les reconnaître. La plupart des gouvernements continentaux furent obligés d'accepter la loi anglaise dans les manufactures, sous une forme plus ou moins modifiée, et le Parlement anglais est lui-même chaque année forcé d'étendre et d'élargir le cercle de son action. Mais à côté de son utilité pratique, il y a dans la loi certains autres caractères bien faits pour en rehausser le merveilleux succès. Par la bouche de ses savants les plus connus, tels que le docteur Ure, le professeur Senior et autres philosophes de cette trempe, la classe moyenne avait prédit et allait répétant que toute intervention de la loi pour limiter les heures de travail devait sonner le glas de l'industrie anglaise qui, semblable au vampire, ne pouvait vivre que de sang, et du sang des enfants, par-dessus le marché. Jadis, le meurtre d'un enfant était un rite mystérieux de la religion de Moloch, mais on ne le pratiquait qu'en des occasions très solennelles, une fois par an peut-être, et encore Moloch n'avait-il pas de penchant exclusif pour les enfants du pauvre. Ce qui dans cette question de la limitation légale des heures de travail, donnait au conflit un véritable caractère d'acharnement et de fureur, c'est que, sans parler de l'avarice en émoi, il s'agissait là de la grande querelle entre le jeu aveugle de l'offre et de la demande, qui est toute l'économie politique de la classe bourgeoise, et la production sociale contrôlée et régie par la prévoyance sociale, qui constitue l'économie politique de la classe ouvrière. Le bill des dix heures ne fut donc pas seulement un important succès pratique ; ce fut aussi le triomphe d'un principe; pour la première fois, au grand jour, l'économie politique de la bourgeoisie avait été battue par l'économie politique de la classe ouvrière. » (Marx, Karl, Adresse inaugurale de l’Association internationale des travailleurs, Les Éditions du Progrès, Moscou, 1978, pages 9-10).


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vendredi 14 septembre 2018


Les Lumières

Ils ont appelé la grande Révolution française de 1789, voire porté l’enfant tant désiré

Daniel Paquet                                                                    dpaquet1871@gmail.com
MONTRÉAL - Oh là, je vois qu’il y en a plusieurs qui bougent sur leur strapontin.  Il n’est pas ici question de vous rappeler une vague facture d’Hydro-Québec égarée on ne sait trop où; ou encore de vous faire dire : que le paiement est « dans la malle », monsieur le percepteur des comptes en souffrance!
Parlant de cette période, alors que nos ancêtres « Canayens » s’enracinaient dans leur nouvelle patrie, c’était et c’est tout ce que l’on a retenu de l’Histoire, que Voltaire aurait dit qu’il était stupide de se battre pour quelques arpents de neige, en se référant au Canada, alors la Nouvelle-France ; nous étions à l’époque de la guerre opposant l’Angleterre à la France.  Voltaire était un homme d’une rare intelligence ; il est navrant qu’on veuille dénigrer ses propos qui dénonçaient une guerre fratricide mobilisant des ressources financières énormes pour un territoire qui ne semblait pas valoir beaucoup.  Somme toute, il avait le droit de se tromper, après tout !
MONTESQUIEU
Cent ans avant la Révolution française naquit au château de la Brède, Charles-Louis de Secondat dit Montesquieu (18 janvier 1689).  À l’âge adulte, il a refusé, par crainte de redite, d’écrire des articles politiques pour l’Encyclopédie, mais il remanie pour celle-ci son Essai sur le goût de 1726.  Nous sommes toujours à l’époque de la monarchie absolue en France ; il écrit : « l’amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie ; l’amour de la démocratie est celui de l’égalité.  L’amour de la démocratie est encore l’amour de la frugalité. Chacun devant y avoir le même bonheur et les mêmes avantages, y doit goûter les mêmes plaisirs et former les mêmes espérances ; choses qu’on ne peut attendre que de la frugalité générale. (C’était avant l’ère de la production de masse et de la consommation de masse, résultant du capitalisme industriel, -ndlr).  L’amour de l’égalité, dans une démocratie, borne l’ambition au seul désir, au seul bonheur de rendre à sa patrie de plus grands services que les autres citoyens.  Ils ne peuvent pas lui rendre tous des services égaux ; mais ils doivent tous également lui en rendre.  En naissant, on contracte envers elle une dette immense dont on ne peut jamais s’acquitter. »[1]
Il ajoutera : « Il est vrai que lorsque la démocratie est fondée sur le commerce, il peut fort bien arriver que des particuliers y aient de grandes richesses, et que les mœurs n’y soient pas corrompues.  C’est que l’esprit de commerce entraîne avec soi celui de frugalité, d’économie, de modération, de travail, de sagesse, de tranquillité, d’ordre et de règle.  Ainsi, tandis que cet esprit subsiste, les richesses qu’il produit n’ont aucun mauvais effet.  Le mal arrive, lorsque l‘excès des richesses détruit cet esprit de commerce ; on voit tout à coup naître les désordres de l’inégalité, qui ne s’étaient pas encore fait sentir. »[2]
« …dans les démocraties le peuple paraît faire ce qu’il veut ; mais la liberté politique ne consiste point faire ce que l’on veut.  Dans un État, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir.  Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté.  La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir. »[3]
Montesquieu meurt le 10 février 1755 ; Diderot est le seul écrivain connu à suivre son convoi, mais Rousseau écrit quelque jours plus tard : ‘C’est à ceux qui ont une patrie et qui l’aiment à pleurer ce grand homme.’ 
DIDEROT
Parlant de Diderot, il entre (en 1746), avec d’Alembert, dans le comité rédacteur de l’Encyclopédie dont ils prendront la direction l’année suivante.  Très avant-gardiste pour l’époque, Diderot publie sa Lettre sur les aveugles, où il joint à une étude de la psychologie des aveugles-nés une déclaration assez peu équivoque d’athéisme ; il va correspondre avec Voltaire et s’efforcer d’atténuer l’impression fâcheuse produite par l’athéisme de la Lettre. Le 24 juillet 1749, Diderot est arrêté et en prison, il lira Platon.  Quelques années plus tard, il se brouillera avec Jean-Jacques Rousseau (nous parleront de lui un peu plus loin). Le comte Chouvalov, chambellan de Catherine II lui propose de terminer en Russie l’Encyclopédie, mais Diderot refuse.  Malgré tout il vend sa bibliothèque à celle-ci contre 15 00 livres (la monnaie) et une pension de cent pistoles ; on achève l’impression de l’Encyclopédie.
Au mois d’août 1769, il rédige l’essentiel des trois dialogues du Rêve de d’Alembert ; alors que l’année suivante d’Holbach publie le Système de la nature.  En 1773, Diderot repart pour Saint-Pétersbourg ; en 1775, il écrit un Plan d’une Université pour la Russie et un Essai sur les études en Russie, tous deux destinés à Catherine II.  Il travaille beaucoup et le plus souvent hors de Paris, notamment chez le baron d’Holbach.  Diderot recevra 10 000 livres de Catherine II.  En 1784, il s’installe dans son bel appartement de la rue de Richelieu, mais meurt le 31 juillet de la même année.
La pensée philosophique de Diderot n’était pas statique ; il était un fin dialecticien : « Dans la goutte d’eau de Nedham, tout s’exécute et se passe en un clin d’œil.  Dans le monde, le même phénomène dure un peu davantage ; mais qu’est ce que notre durée en comparaison de l’éternité des temps ? Moins que la goutte que j’ai prise avec la pointe d’une aiguille, en comparaison de l’espace illimité qui m’environne.  Suite indéfinie d’animalcules dans l’atome qui fermente, même suite indéfinie d’animalcules dans l’autre atome qu’on appelle la Terre.  Qui sait les races d’animaux qui nous ont précédés ? Qui sait les traces d’animaux qui succéderont aux nôtres ?   Tout change, tout passe, il n’y a que le tout qui reste.  Le   monde commence et finit sans cesse ; il est à chaque instant à son commencement et à sa fin ; il n’en a jamais eu d’autres, et n’en aura jamais d’autres. ‘Dans cet immense océan de matière, pas une molécule qui ressemble à une molécule, pas une molécule qui se ressemble à elle-même un instant :  Rerum novus nascitur ordo, voilà son inscription éternelle… »[4]


JEAN-JACQUES ROUSSEAU
En 1712, naît à Genève (en Suisse), Jean-Jacques Rousseau qui s’instruira seul par des lectures.  En 1742, il devient le secrétaire de M. De Montaigu avec qui se brouillera ; ce ne sera pas le seul d’ailleurs.  En 1749, d’Alembert le charge d’écrire les articles sur la musique dans l’Encyclopédie.  Il visite Diderot alors en prison.  Quelques années plus tard, il y aura brouille et réconciliation avec Diderot.  L’année d’après, la rupture est consommée.  En 1766, il quitte Paris en compagnie de Hume.  En fait, à l’arrivée d’un nouvel ambassadeur, Hume quitte Paris pour Londres, accompagné de Rousseau (‘chassé de la Suisse’ où il s’était réfugié après la condamnation de l’Émile), dont il fait faire le portrait par le peintre Ramsay.  Plusieurs incidents entraîneront la brouille des deux philosophes.  Hume laisse ses amis publier l’Exposé succinct de la contestation qui s’est élevée entre M. Hume et M. Rousseau, ainsi qu’une version anglaise de cet exposé.  Nous reviendrons à Hume, terminons avec Rousseau qui était aussi doué musicalement, et créa notamment une nouvelle musique pour le Devin du village de Gluck (auteur allemand).  Rousseau meurt le 2 juillet 1778.  Cinq ans après la révolution française, ses cendres seront transférées au Panthéon.  Il a couché les lignes suivantes marquées au sceau d’une grande perspicacité : « Tant que plusieurs hommes réunis se considèrent comme un seul corps, ils n’ont qu’une seule volonté qui se rapporte à la commune   conservation, et au bien-être général.  Alors tous les ressorts de l’État sont vigoureux et simples, ses maximes sont claires set lumineuses, il n’a point d’intérêts embrouillés, contradictoires, le bien commun se  montre partout avec évidence, et ne demande que du bon sens pour être  aperçu  (Karl Marx et Friedrich Engels auront aussi cette attitude en jugeant l’intelligibilité et la logique de leurs arguments inexpugnables pour rallier les hommes de bonne volonté  à la cause du communisme, entre autres  dans le Manifeste du Parti communiste,-ndlr).
La paix, l’union, l’égalité, sont ennemies de subtilités politiques.  Les hommes droits et simples sont difficiles à tromper à cause de leur simplicité, les leurres, les prétextes raffinés ne leur en imposent point ; ils ne sont pas même assez fins pour être dupes.  Quand on voit chez le plus heureux peuple du monde des troupes de paysans régler les affaires de l’État sous un chêne et se conduire toujours sagement, peut-on s’empêcher de mépriser les raffinements des autres nations, qui se rendent illustres et misérables avec tant d’art et de mystères ?   Un État ainsi gouverné a besoin de très peu de Lois et à mesure qu’il devient nécessaire d’en promulguer de nouvelles, cette nécessité se voit universellement.  Le premier qui les propose ne fait que dire ce que tous ont déjà senti, et il n’est question ni de brigues ni d’éloquence pour faire passer en loi ce que chacun a déjà résolu de faire, sitôt qu’il sera sûr que les autres le feront comme lui. »[5]
DAVID HUME
C’est en 1711 que naît David Hume (Home à l’origine), à Édimbourg (en Écosse).  À 50 ans (après une longue et brillante carrière au Royaume-Uni), il établira une correspondance avec la comtesse de Boufflers, maîtresse du Prince de Conti dont elle anime, au palais du Temple, le salon, amie de Rousseau et bien sûr admiratrice de Hume.  Deux ans plus tard, il devient le secrétaire privé de Lord Herford, nommé ambassadeur en France (après le Traité de Paris mettant fin à la guerre de Sept Ans.  C’est ce traité qui livra la Nouvelle-France (le Canada) à la couronne britannique.  Lorsqu’il arrive à Paris, Hume est accueilli chaleureusement et il se lie avec les Encyclopédistes : d’Alembert, Diderot, Helvétius, d’Holbach, Turgot, etc.
On commentera ses essais dans les salons parisiens et il sera comblé.  Son goût pour le travail d’écriture, ses préoccupations littéraires les plus précises, dont son souci d’éliminer de son style les tournures typiquement écossaises, dont il dresse une liste destinée à son propre usage plutôt qu’à la publication, trouvent leur compte dans la composition d’essais.  Il a d’ailleurs colligé ses propres constatations : « l’esprit humain est naturellement formé de manière à ressentir un sentiment d’approbation ou de blâme à l’apparition de certains caractères, de certaines dispositions et actions ; il n’y a pas d’émotions plus essentielles   à sa structure et à sa constitution.  Les caractères qui s’attirent notre approbation sont surtout ceux qui contribuent à la paix et à la sécurité de la société humaine ; les caractères qui éveillent le blâme sont surtout ceux qui tendent à nuire à la société et à la troubler ; on peut raisonnablement en présumer que les sentiments moraux naissent, soit médiatement, soit immédiatement, d’une réflexion sur ces intérêts opposés.   Qu’importe que des méditations philosophiques établissent une opinion ou une conjecture différente, à savoir que toute chose est bonne à l’égard du tout et que les qualités qui troublent la société sont, dans l’ensemble, aussi bienfaisantes et sont aussi conformes à l’intention primitive de la nature que celles qui accroissent plus directement son bonheur et son bien-être ? »[6]
LE BARON D’HOLBACH
Moins connu que Rousseau et Diderot, ou encore Voltaire ; le Baron d’Holbach a écrit et réfléchi sur les tares de son époque, et n’a pas manqué de vilipender et même de peindre à grands traits caricaturaux le comportement des gens de son rang dans l’aréopage ; i.e. la Cour, soit le lieu de prédilection des aigrefins de l’époque ; et aussi l’observatoire du roi pour avoir toujours un œil sur ses sujets immédiats, l’aristocratie française.  C’était ainsi au Château de Versailles, toujours près de Paris où des gens « bien » avaient leur hôtel particulier et leur salon conséquemment.
« L’homme de Cour est sans contredit la production la plus curieuse que montre l’espèce humaine.  C’est un animal amphibie dans lequel tous les contrastes se trouvent communément rassemblés. (…) Il faut avouer qu’un animal si étranger est difficile à définir ; loin d’être connu des autres, il peut à peine se connaître lui-même ; cependant il paraît que, tout bien considéré, on peut le ranger dans la classe des hommes, avec cette différence néanmoins que les hommes ordinaires n’ont qu’une âme, au lieu que l’homme de Cour paraît sensiblement en avoir plusieurs.  En effet, un courtisan est tantôt insolent et tantôt bas ; tantôt de l’avarice la plus sordide et de l’avidité la plus insatiable, tantôt de la plus extrême prodigalité, tantôt de l’audace la plus décidée, tantôt de la plus honteuse lâcheté, tantôt de l’arrogance la plus impertinente, et tantôt de la politesse la plus étudiée ; en un mot c’est un Protée, un Janus, ou plutôt un Dieu de l’Inde qu’on représente avec sept faces différentes.
Quoi qu’il en soit, c’est pour ces animaux si rares que les Nations paraissent faites ; la Providence les destine à leurs menus plaisirs ; le Souverain lui-même n’est que leur homme d’affaires ; quand il fait son devoir, il n’a d’autre emploi que de songer à contenter leurs besoins, à satisfaire leurs fantaisies ; trop heureux de travailler pour ces hommes nécessaires dont l’État ne peut se passer.   Ce n’est que pour leur intérêt qu’un Monarque doit lever des impôts, faire la paix ou la guerre, imaginer mille inventions ingénieuses pour tourmenter et soutirer ses peuples.  En échange de ces soins, les courtisans reconnaissants payent le Monarque en complaisances, en assiduités, en flatteries, en bassesses, et le talent de troquer contre des grâces ces importantes marchandises est celui qui sans doute est le plus utile à la cour. »[7]
KARL MARX ET FRIEDRICH ENGELS
Quelques décennies plus tard, deux jeunes philosophes allemands refont le chemin des courants de pensée (surtout français) qui ont nourri le XVIIIe siècle et fourni un argumentaire de taille aux révolutionnaires français qui ont brisé la féodalité et la monarchie en France, avec comme toile de fond l’impétueux développement industriel et commercial qui s’annonçait en Europe (d’abord en Angleterre, mais d’autres métropoles suivirent bientôt).  Ce qui change la donne et surtout fournit un nouveau cadre à la question soulevée par Aristote et à son tour Diderot sur le matérialisme.
« Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu’ils sont dans les paroles, la pensée, l’imagination et la représentation d’autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os ; non, on part des hommes dans leur activité réelle, c’est à partir de leur processus de vie réel que l’on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital.   Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l’on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles.  De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l’idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d’autonomie.  Elles n’ont pas d’histoire, elles n’ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et les produits de leur pensée.  Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience.  Dans la première façon de considérer les choses, on part de la conscience comme étant l’individu vivant, dans la seconde façon, qui correspond   à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l’on considère la conscience uniquement comme leur conscience. »[8]
La production industrielle et son caractère révolutionnaire a entraîné des changements profonds dans le rapport d’un producteur vis-à-vis un autre producteur avec qui il entre en relation par la médiation du marché.  « En général, des objets d’utilité ne deviennent des marchandises que parce qu’ils sont les produits de travaux privés, exécutés indépendamment les uns des autres. (…)  Le double caractère social des travaux privés ne se réfléchit dans le cerveau des producteurs que sous la forme que leur imprime le commerce pratique, l’échange des produits.  Lorsque les producteurs mettent en présence et en rapport les produits de leur travail à titre de valeurs, ce n’est pas qu’ils voient en eux une simple enveloppe sous laquelle est caché un travail humain identique, tout au contraire : en réputant égaux dans l’échange leurs produits différents, ils établissent par le fait que leurs différents travaux sont égaux. »[9]
Mais revenons sur le terrain de la philosophie : « L’homme cultivé, en effet, se montre en n’exigeant dans chaque genre de recherche que le degré de précision compatible avec la nature du sujet.  Faute de quoi on s’exposerait à attendre d’un mathématicien des arguments simplement persuasifs et d’un orateur des démonstrations probantes.  Chacun juge bien de ce qu’il sait; là il se montre bon juge.  Ainsi quand on est instruit sur un sujet particulier, on en parlera avec compétence ; pour traiter d’une question d’ensemble, il faut avoir une culture générale.  Pour cette raison, le jeune homme est peu apte à étudier la science politique, car il manque d’expérience sur la pratique de la vie. »[10]
Après Aristote, c’est à Friedrich Engels que nous laissons le soin de conclure ce court, trop cour peut-être, exposé sur l’idéalisme et le matérialisme.  « La question du rapport de la pensée à l’être, de l’esprit à la nature, question suprême de toute philosophie, a par conséquent, tout comme n’importe quelle religion, ses racines dans les conceptions bornées et ignorantes de l’état de sauvagerie.  Mais elle ne pouvait être posée dans toute sa rigueur et ne pouvait acquérir tout son sens que lorsque la société européenne se réveilla du long sommeil hivernal du moyen âge chrétien. (…) Selon qu’ils répondaient de telle ou telle façon à cette question, les philosophes se divisaient en deux grands camps.  Ceux qui affirmaient le caractère primordial de l’esprit par rapport à la nature, et qui admettaient par conséquent, en dernière instance, une création du monde de quelque espèce que ce fût – et cette création est souvent chez les philosophes, par exemple chez Hegel, beaucoup plus compliquée et plus impossible encore que dans le christianisme -, ceux-là formaient le camp de l’idéalisme. Les autres, qui considéraient la nature comme l’élément primordial, appartenaient aux différentes écoles du matérialisme. »[11] 
« … l’idée que le monde matériel, perceptible par les sens, auquel nous appartenons nous-mêmes, est la seule réalité, et que notre conscience et notre pensée, si transcendantes qu’elles nous paraissent, ne sont que les produits d’un organe matériel, corporel, le cerveau.  La matière n’est pas un produit de l’esprit, mais l’esprit n’est lui-même que le produit le plus élevé de la matière. »[12]
« … on ne saurait éviter que tout ce qui met les hommes en mouvement passe nécessairement par leur cerveau, - même le manger et le boire, qui commencent par une sensation de faim et de soif, éprouvée par l’intermédiaire du cerveau, et se terminent par une impression de satiété, ressentie également par l’intermédiaire du cerveau.  Les répercussions du monde extérieur sur l’homme s’expriment dans son cerveau, s’y reflètent sous forme de sentiments, de pensées, d’instincts, de volontés, bref, sous forme de ’tendances idéales’, et deviennent sous cette forme des ‘puissances idéales’ exercer de l’influence sur lui, - si cela suffit pour faire de lui un idéaliste, tout homme quelque peu normalement constitué est un idéaliste-né et, dans ce cas, comment peut-il somme toute y avoir encore des matérialistes ? (…) Les matérialistes français, tout autant que les déistes Voltaire et Rousseau, avaient cette conviction à un point tel qu’elle frisait le fanatisme, et plus d ‘une fois ils se sacrifièrent pour elle.  Si jamais quelqu’un consacra toute sa vie à ‘l’amour de la vérité et du droit’ – la phrase étant prise dans son bon sens – ce fut, par exemple Diderot. »[13]


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[1] Montesquieu, De l’esprit des lois, Éditions sociales, Les classiques du peuple, Paris, 1977, page 70
[2] Ibidem, De l’esprit des lois, page 72
[3] Ibidem, De l’esprit des lois, page 117
[4] Diderot, Entretien entre d’Alembert et Diderot; Le rêve de d’Alembert; Suite de l’entretien, Garnier Flammarion, Paris, 1965, page 82
[5] Rousseau, Jean-Jacques, Du Contrat social, Librairie Larousse, Paris, 1973, pages 90-91
[6] Hume, David, Enquête sur l’entendement humain, GF Flammarion, Paris, 2006, page 171
[7] Baron  d’Holbach, Essai sur l’art de ramper, à l’usage des courtisans et autres conseils des classiques pour survivre en politique, Librio, Paris, 2014, page 7
[8] Marx-Engels, l’Idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, pages 36-37
[9] Marx, Karl, Le Capital, Livre I, Gallimard, Paris, 1968, pages 154, 155-156
[10] Aristote, Éthique de Nicomaque, Éditions Garnier Frères, Paris, 1961, page 7
[11] Engels, Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Éditions sociales, Paris, 1966, pages 26-27
[12] Ibidem, Ludwig Feuerbach, page 32
[13] Ibidem, Ludwig Feuerbach, pages 39-40