vendredi 27 octobre 2017



La réplique à la déclaration d'indépendance du Parlement de Catalogne ne s'est pas fait attendre : le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a mis la région autonome sous tutelle, a dissous le Parlement régional, a destitué son président, Carles Puigdemont, et a déclenché des élections anticipées avant la fin de l'année en cours.

Radio-Canada avec AFP, Reuters et LeMonde

Les députés indépendantistes catalans venaient tout juste d'adopter une résolution proclamant l'indépendance de la Catalogne lorsque le premier ministre Rajoy a obtenu du Sénat espagnol le droit de mettre la région catalane sous tutelle. Un droit qu'il s'est empressé de mettre en application.Le Sénat autorisait ainsi le gouvernement espagnol à suspendre l’autonomie de la Catalogne pour six mois, jusqu'à la tenue d'élections anticipées dans la région, le tout en vertu de l’article 155 de la Constitution du pays.Au total, 214 sénateurs se sont prononcés en faveur de la requête contre 47 qui s'y sont opposés.Une fois la tutelle annoncée, le premier ministre Rajoy a tenu une réunion extraordinaire de son Cabinet à Madrid. C'est à la sortie de cette rencontre qu'il a dissous le Parlement régional de Catalogne et le conseil exécutif du gouvernement, en plus de destituer son président, Carles Puigdemont, quelques heures seulement après sa déclaration unilatérale d’indépendance.M. Rajoy a, du même souffle, annoncé la tenue d’élections régionales le 21 décembre prochain afin de remplacer le gouvernement fraîchement destitué.
Nous pensons qu'il est urgent d'entendre les citoyens catalans, tous les citoyens, de sorte qu'ils puissent décider de leur avenir, et nul ne peut agir en leur nom en dehors de la loi.
Le premier ministre espagnol, Mariano Rajo
Le premier ministre espagnol a ajouté qu'il se tournerait vers le Tribunal constitutionnel afin d’obtenir l’annulation de la déclaration unilatérale d'indépendance adoptée en après-midi par le Parlement catalan.Entre-temps, il a lancé un appel au calme aux Espagnols et a promis d'assurer l'ordre et de rétablir la légalité en Catalogne.
L'analyse de François Brousseau : Catalogne, le rouleau compresseur de Madrid
La Catalogne indépendanteLa résolution présentée vendredi matin par la coalition des partis indépendantistes au Parlement catalan a été adoptée à la majorité des voix, en l'absence des députés de l'opposition.La grande majorité des élus du Parti socialiste, du Parti du peuple et du Parti de la citoyenneté avait en effet quitté l'Assemblée avant la tenue du vote, qui s'est déroulé sous la forme d'un scrutin secret plutôt qu'à main levée.« Nous déclarons la Catalogne comme État indépendant sous forme de République », peut-on lire dans le préambule de la résolution adoptée par les indépendantistes, qui détiennent 72 des 135 sièges de l'Assemblée législative catalane.Le gouvernement du président indépendantiste, Carles Puigdemont, s'en était remis au Parlement pour déclarer l’indépendance après avoir rejeté jeudi la possibilité d'élections anticipées, en décembre, ce qui aurait pu lui permettre d'éviter une mise sous tutelle de la Catalogne par Madrid.
 
La feuille de route du Parlement catalanLe Parlement catalan a énoncé, dans le texte de la résolution de déclaration d’indépendance adoptée cet après-midi, les différentes étapes devant le conduire à l’indépendance.La nouvelle entité catalane prévoit ouvrir des négociations avec l’État espagnol afin de négocier - « d’égal à égal » - les termes de la séparation. Le Parlement catalan mise ensuite sur une reconnaissance internationale, plus particulièrement sur celle de l’Union européenne, afin d’asseoir sa souveraineté sur la scène internationale.La République de Catalogne prévoit également la rédaction d’une constitution préliminaire devant mener à des élections constituantes pour permettre à la Catalogne de se doter d’un premier gouvernement. Ce dernier doit ensuite s’attaquer à la rédaction d’une constitution finale.Une autre série de mesures, économiques cette fois, sont prévues sur la feuille de route catalane. La République de Catalogne prévoit intégrer à sa fonction publique les 26 000 employés de l’État espagnol qui travaillent sur son territoire. Le gouvernement catalan doit également créer une banque centrale catalane, une banque publique d’investissement et des négociations sur le partage de la dette publique avec Madrid.
Une foule en liesse acclame la nouvelle RépubliqueÀ l’extérieur du parlement, où des dizaines de milliers de Catalans s’étaient massés dans l’attente du vote, une clameur de joie s’est élevée à l'annonce de la proclamation de la République catalane.La foule en liesse a ensuite entonné avec ferveur l'hymne de la Catalogne, le poing levé.Le président Puigdemont a lancé un appel solennel aux Catalans, peu après la proclamation de l’indépendance, devant un parterre de députés et de maires indépendantistes dans le parlement de la Catalogne.
Viennent des heures pendant lesquelles il nous faudra maintenir l'élan de ce pays et le maintenir surtout sur le terrain de la paix, du civisme et de la dignité.
Le président indépendantiste Carles Puigdemont
Le 1er octobre dernier, les électeurs catalans se sont prononcés en faveur de l’indépendance dans une proportion de 90,18 % lors d’un référendum houleux tenu en dépit d’une interdiction délivrée par la justice espagnole. Seuls 43 % des électeurs avaient alors bravé la justice et la police espagnole pour aller voter.
 La justice espagnole poursuivra Carles Puigdemont pour rébellionPar ailleurs, le parquet général d'Espagne a annoncé qu'il engagera la semaine prochaine une procédure judiciaire contre le président catalan Carles Puigdemont pour rébellion, un crime passible d'une peine de 15 à 30 ans de prison.Le Tribunal constitutionnel espagnol a par ailleurs accepté d'étudier un recours contre la déclaration unilatérale d'indépendance votée par le Parlement régional de Catalogne, à la demande du Parti socialiste catalan, opposé à l'indépendance.Les socialistes estiment que la décision du bureau du Parlement de Catalogne d'inscrire cette résolution sur l'indépendance à l'ordre du jour était contraire à la Constitution.Le tribunal a donné trois jours aux parties impliquées pour présenter leurs arguments.« La loi est du côté de M. Rajoy », mentionne Jean-François Bélanger, envoyé spécial de Radio-Canada en Catalogne.Selon le journaliste, outre l'article 155 de la Constitution, dont l'utilisation est surnommée « l'option nucléaire », Madrid dispose toujours des membres de la Guardia civil, la police militaire, un peu partout en Catalogne.Ces gardes « sont prêts à intervenir ».Autre possible point de tension, explique le correspondant, l'article 155 prévoit la mise sous tutelle directe de la police régionale catalane par l'État espagnol, police qui répondait précédemment au gouvernement catalan.Par ailleurs, le gouvernement central pourrait multiplier les coups de filet et continuer de mettre la main au collet de responsables catalans pro-indépendance. Deux de ces leaders ont déjà été arrêtés.« Le gouvernement de Madrid va procéder doucement, pour éviter de trop antagoniser la population et de mettre le feu aux poudres, mais l'arrestation de leaders indépendantistes demeure une possibilité », indique M. Bélanger.Une indépendance en théorie seulement?Les forces souverainistes catalanes ont beau crier victoire, la communauté internationale ne semble pas encline à les appuyer.« C'est un petit peu difficile de se dire un pays si personne ne nous reconnaît », fait remarquer Jean-François Bélanger.Il existe toutefois, précise notre journaliste, plusieurs exemples de territoires se disant indépendants, mais se trouvant dans la sphère d'influence de la Russie; la République autoproclamée de Donestk, dans l'est de l'Ukraine, qui n'est reconnue que par Moscou.« Cela crée une zone grise, c'est une position inconfortable dans laquelle personne ne veut se retrouver. Le gouvernement catalan en est très, très confiant », explique Jean-François Bélanger, alors que le Canada, les États-Unis et les pays européens souhaitent un retour du dialogue entre Barcelone et Madrid pour régler la crise.
La Catalogne, la locomotive économique de l’Espagne :Avec 19 % du PIB national, la Catalogne compte 7,5 millions d’habitants (16 % de la population de l’Espagne).Le tourisme, un moteur économique :L’industrie du tourisme, avec plus de 400 000 emplois, représente à elle seule 12 % du PIB de la Catalogne. Mais depuis le référendum d’autodétermination du 1er octobre, le nombre de touristes a chuté de 15 %.Impôts et services :Les Catalans versent plus de taxes et d’impôts à Madrid que ce qu’ils reçoivent en services. L’écart entre les versements et les services reçus était de 10 milliards d’euros (près de 15 milliards de dollars canadiens) l’an dernier. C’est d’ailleurs l’un des arguments des indépendantistes.

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