lundi 12 juin 2017

Pourquoi la gauche occidentale n’arrive à rien? (Un point de vue russe sur la social-démocratie, NdT)


par Pavel Volkov, publiciste


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Ce qui rend ce texte encore plus passionnant c’est le fait qu’il n’émane pas d’un communiste… sans doute parce qu’il témoigne de l’empreinte laissée par la Révolution d’octobre sur la conception même de toute issue révolutionnaire sur les Russes et ce qu’ils peuvent de ce fait apporter dans un dialogue renouvelé. Il est de ce fait intéressant de noter son constat d’impuissance de la « gauche » occidentale parce que pour éviter de réclamer l’appropriation de la propriété collective, elle finit par entretenir des ambiguïtés qui la rapprochent souvent des apories du national-socialisme et peinent à convaincre les exploités. Il s’agit essentiellement de la social-démocratie, y compris dans ses formes les plus contestataires de Bernie Sanders à Mélenchon. Mais les partis communistes de l' »eurocommunisme » n’ont-ils pas ouvert la voie? (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société)
https://vz.ru/opinions/2017/5/4/868866.htm
La crise mondiale économique, idéologique, spirituelle, existentielle, à laquelle la politique libérale ne peut offrir d’issue, fait émerger d’autres forces qui ont leurs propres solutions.
Des noms comme Donald Trump, Viktor Orban, Marine Le Pen, Nigel Farage, se sont durablement installés dans les éditions quotidiennes des médias du monde entier. Ils sont critiqués, haïs, admirés, adulés ou délaissés – selon le choix de chacun.
Ces politiciens sont étiquetés aujourd’hui populistes de droite, patriotes nationalistes, traditionalistes, peu importe. Mais l’essentiel est qu’ils sont là et qu’ils ont une existence indépendante. Que se passe-t-il sur l’autre flanc de la politique?
Pourquoi la gauche moderne, contrairement à ses prédécesseurs classiques de la première moitié du XX siècle, est-elle tellement passive, ne produisant plus de grands leaders avec des programmes révolutionnaires dans tous les sens du terme? Où sont-ils passés?
En fait, on observe un certain regain sur le flanc gauche, mais ces dirigeants semblent pour une certaine raison ne pas représenter une véritable alternative aux centristes, ni les qualités indispensables pour faire pièce aux populistes de droite.
Qui incarne aujourd’hui le mouvement de gauche dans les principaux pays de l’Occident?
Nous n’irons pas jusqu’à reprendre l’affirmation ridicule que Barack Obama serait à gauche, cependant le sénateur du Parti démocratique Bernie Sanders aux Etats-Unis a une réputation bien établie en tant que socialiste.
En même temps, il ne préconise pas la propriété collective des moyens de production, mais une propriété privée collective sous la forme de coopératives de travailleurs.
Il offre aux Américains une sorte de « socialisme à la suédoise » – un état social, où les travailleurs renonceront à la lutte des classes en échange des fortes garanties sociales qui leur seront fournies. Il ne précise pas où il compte obtenir les fonds pour cette récompense sociale.

Sanders croit que le capitalisme doit être surmonté non par la révolution, mais la réforme et l’évolution. Néanmoins, en bon social-démocrate, il ne dit pas pourquoi les capitalistes accepteraient volontairement les transformations sociales proposées par les classes populaires.
Et, bien sûr, dans la rhétorique de Sanders une place importante est dévolue à la communauté LGBT et à la dépénalisation de la marijuana.
Jean-Luc Mélenchon, politicien « gauche-vert » (comme il s’appelle lui-même), qui a tenté d’opposer quelque chose à Macron et Le Pen aux élections en cours en France, était dans sa jeunesse un trotskyste, passé ensuite à la social-démocratie et à l’écologie.
De plus, Mélenchon, poursuivant la tradition de l’école de Francfort, à l’origine en mai 68 à Paris de la première révolution de couleur au monde, appelle ses partisans à une « révolution citoyenne », dont la locomotive ne sera pas, comme dans le marxisme-léninisme classique, la classe ouvrière, mais d’une manière abstraite « tous les citoyens concernés par leur pays. »
Même en laissant de côté le contenu idéologique de ces théories, il est impossible de ne pas prêter attention à leur éclectisme et leur incohérence. Pour soutenir quelque chose, vous devez d’abord comprendre en quoi consiste ce quelque chose. A en juger par le premier tour des élections, les Français n’ont pas compris précisément ce qu’on leur proposait.
Peut-être, la plus brillante étoile dans le ciel de gauche en Occident est le chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbin.
C’est un antifasciste conséquent, qui a fait campagne pour la mise en jugement de Pinochet, un adversaire de l’OTAN, partisan d’une Irlande unie, qui admirait Hugo Chavez et d’autres héros du panthéon socialiste.
Mais voilà le hic. Corbin participe également à Amnesty International, une organisation fondée par le Labour britannique, qui en son temps était particulièrement engagée dans la lutte contre l’Union soviétique. Non moins étrange pour un politicien de gauche est sa sympathie pour les nationalistes radicaux du groupe Sri lankais actuel « Tigres de libération de l’Eelam Tamoul », que l’UE considère à juste titre comme des terroristes.
N’est-ce pas une étrange dualité? Comment tout cela peut-il tenir ensemble?
Une illustration frappante de la crise qui frappe les idées de gauche est que le Parti communiste de la Grande-Bretagne, un parti marxiste classique, a pour la première fois depuis 1920 renoncé à son autonomie politique et exprimé son soutien lors les élections locales du 4 mai 2017 au candidat du parti travailliste Jeremy Corbyn.
Comment ne pas se souvenir ici du personnage des « Démons » Petr Verhovenski qui trois fois dans un court chapitre répète à Stavroguine: « Je suis un escroc, pas un socialiste ! »
Cette escroquerie, à laquelle, pour des raisons évidentes, le peuple ne se laisse pas tellement prendre, c’est le « socialisme démocratique » ou l’eurocommunisme, une arme utilisée par les Travaillistes et visant à améliorer la vie de la classe ouvrière de son pays grâce au pillage du Tiers-Monde et de l’espace post-soviétique. Cette solution socio-économique a été appelée la « troisième voie ».

Afin de comprendre les processus qui se déroulent aujourd’hui, il faut revenir à l’époque de l’apparition du parti travailliste.
A ses origines étaient des membres de la Fabian Society. Elle a été fondée en 1884, un an après la mort de Karl Marx, par des intellectuels avec le soutien de la bourgeoisie britannique, qui, après avoir étudié les œuvres de Marx, a décidé qu’il était préférable de limiter ses appétits, plutôt que de perdre le pouvoir suite à une révolution socialiste.
Leur idée de base était, à l’aide de programmes gouvernementaux, de transformer une partie du prolétariat en petits propriétaires, afin d’étouffer ainsi les sentiments révolutionnaires.
Fait intéressant, la société a été nommée en l’honneur du général romain Fabius MaximusCunctator, le « Temporisateur ». Il a été élu dictateur au moment où Hannibal était proche de la victoire sur Rome et il a réussi à écraser son adversaire en esquivant constamment le combat.
Autrement dit, au moment où la popularité du marxisme était croissante a été créé un concept extérieurement semblable au socialisme, destiné à « sauver Rome », mais en réalité à détruire le socialisme. Ce n’est pas pour rien si sur le premier emblème de la Fabian Society figurait un loup dans une peau de brebis faisant directement référence à l’Evangile de Matthieu: « Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans sont des loups ravisseurs. »
Ainsi, la brebis bêlait sur l’amélioration de la vie des travailleurs et « l’édification du socialisme d’une manière évolutive, sans bouleversements révolutionnaires », tandis que le loup grondait sur l’économie contrôlée par l’élite capitaliste.

Parmi les plus célèbres politiciens travaillistes on trouve des fabiens comme Tony Blair, Gordon Brown et Ed Miliband. D’ailleurs, c’est au temps où Blair était Premier ministre, au début des années 90, que le mot « socialisme » a disparu des programmes électoraux du parti, ce qui était tout à fait logique. L’Union soviétique avait disparu, ainsi que la menace communiste, de sorte que le loup n’avait plus aucune raison de continuer à se déguiser en brebis.
La postérité de la Fabian Society ne se limite pas au parti travailliste. Le célèbre dramaturge et fabien Bernard Show, un peu comme Jeremy Corbin avec Chavez et Amnesty International, admiraient simultanément l’Union soviétique (où il s’était même rendu en visite), tout en étant ami de Lord et Lady Astor, des personnages politiques d’ultra-droite, membres du célèbre groupe de Cliveden. Permettez-moi de vous rappeler que cette fameuse clique de Cliveden était un groupe de l’élite britannique favorable à une alliance de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne nazie contre l’Union soviétique.
En outre, le socialiste Shaw ainsi que les époux Webb, fondateurs de la Société fabienne et un autre ami de l’Union soviétique HG Wells ont appuyé le « Programme pour la prospérité de la nation » proposé par l’instigateur de la guerre des Boers, Lord Alfred Milner. Le programme portait sur la création d’une « race impériale » face à la domination des Irlandais et des Juifs.
C’est ainsi que le colonialisme a été reconnu comme un outil permettant d’améliorer la vie des travailleurs britanniques sans une révolution socialiste. Cette idée a connu un grand succès.
C’est à la même époque que s’est constitué le club intellectuel « Coefficients », dont les participants réguliers étaient apparemment des gens idéologiquement incompatibles: le raciste Alfred Milner, les fondateurs de la géopolitique, partisans de l’idée de l’espace vital Halford Mackinder et Karl Haushofer, et les socialistes fabiens Sidney et Beatrice Webb ainsi que le socialiste-pacifiste Bertrand Russell.
L’exemple de l’un des poussins de la couvée Milner, le fondateur de l’empire du diamant De Beers, Cecil Rhodes, nous permettra de comprendre ce que faisaient dans un même club britannique des antifascistes socialistes avec des racistes et des impérialistes.
Cecil Rhodes était convaincu que la création d’un empire mondial par les Britanniques « rendrait la guerre impossible et aiderait à mettre en œuvre les meilleures aspirations de l’humanité. » Les contradictions de classe au sein de la société britannique s’effaceraient grâce au rassemblement de la société autour de l’appartenance à une race supérieure de seigneurs. En conséquence, les capitalistes et prolétaires blancs règneraient ensemble sur les indigènes des colonies.
Rhodes a aussi lancé le slogan: « L’Empire est une question d’estomac. Si vous voulez éviter la guerre civile, devenez impérialistes ». Ainsi, il fut proposé au travailleur anglais, pour améliorer son bien-être, de passer de la lutte sociale nationale à l’expansion coloniale et l’exploitation des « races inférieures » d’Asie et d’Afrique, et, comme l’histoire l’a montré, ce fut une grande réussite.
Les guerres se termineront, l’ouvrier anglais cessera de mener une existence misérable (le socialisme exclusivement pour sa propre nation, le national-socialisme) – voilà deux points qui expliquent l’union des fabiens avec les racistes à la Milner.
Au cours des dernières années l’expression paradoxale « fascisme libéral » est devenue assez répandue. Beaucoup en ont entendu parler, mais peu de gens savent qui l’a inventée. C’était en 1932, le socialiste-fabien Herbert Wells, et dans sa bouche cette expression n’avait pas de connotation négative. S’adressant à Oxford à des progressistes libéraux et des socialistes, il a dit: « Je veux voir des fascistes libéraux, des nazis éclairés. » Cette question a été analysée par le célèbre chercheur Manuel Sarkisyants dans son livre « Les racines anglaises du fascisme allemand »: « C’était un « socialisme » comme premier pas vers la démarcation d’une nouvelle race de seigneurs par rapport à la race des bestiaux ».
Par la suite, c’est ce groupe d’intellectuels de droite et de gauche, à travers le premier ministre Lloyd George, qui fit approuver les accords de Munich, point de départ de la Seconde Guerre mondiale.
Un autre disciple de Milner, Lord Halifax, a qualifié ainsi ces accords: « Grâce à l’élimination du communisme dans son pays, le Führer lui a barré le chemin vers l’Europe occidentale, et donc l’Allemagne peut être considérée comme un bastion de l’Occident contre le bolchevisme. » Mais l’antifasciste Churchill a dit à ce sujet une chose tout à fait différente: « Nous avons subi une complète défaite, nullement adoucie. La Grande – Bretagne avait le choix entre la guerre et le déshonneur. Elle a choisi le déshonneur, et elle aura la guerre ». Et aussi Churchill a dit quelque chose sur le cas qui nous intéresse, le fabien George Bernard Shaw: « Il est à la fois un capitaliste avide, et un communiste sincère en une seule personne … Lui-même trouvait cela drôle: il se moquait de toute cause qu’il défendait. Le monde observait longuement et patiemment les facéties et grimaces de cet étonnant caméléon à deux têtes, et lui aurait voulu être pris au sérieux ». Exactement comme Petenka Verkhovensky des « Démons » (« Je suis un escroc, pas un socialiste! »). Mais ce n’est pas un caméléon à deux têtes, mais bien un loup déguisé en mouton comme représenté sur l’emblème de la Fabian Society.
Pour une compréhension complète de ce que sont aujourd’hui les eurocommunistes il reste à faire la touche finale.

En 1939, après avoir salué l’accord de Munich, le membre du Club raciste gauche-droite «Coefficients », le socialiste Bertrand Russell a assimilé le communisme au fascisme dans son œuvre « Charybde et Scylla, ou le communisme et le fascisme. »
Cela, même un anti-communiste convaincu comme Churchill n’avait pu se le permettre, mais le « socialiste » Russell l’a fait.
La Fabian Society a fondé la London School of Economics (LSE), où plus tard sont venus travailler Karl Popper et Friedrich von Hayek, et où ils ont élaboré, dans le cadre de la guerre froide, la théorie dite des « deux totalitarismes », assimilant, après Russell, le communisme au fascisme.
Cette théorie est devenue une sorte de bélier idéologique contre l’Union soviétique, utilisée d’abord par la propagande antisoviétique, tant des dissidents que de l’Occident, et aujourd’hui recyclée par les satellites est-européens de l’Occident pour la présentation de griefs historiques envers la Russie.
L’idée de piller d’autres pays et de résoudre les conflits sociaux chez soi en cédant une partie du butin aux travailleurs a été transmise par les impérialistes racistes britanniques de la fin du XIXe siècle, en passant par des groupes ouvertement pro-fascistes dans la première moitié du XXe siècle, aux socialistes fabiens anti-marxistes, qui ont créé le Parti travailliste, Popper et la gauche européenne moderne.
Ceux qui aujourd’hui se disent de gauche ne s’engagent pas la plupart du temps sur la lutte de classe du prolétariat, mais les questions de l’homosexualité, l’inégalité entre les sexes, la protection de l’environnement, les droits des minorités, etc, toutes choses qui peuvent être importantes, mais n’en sont pas moins secondaires.
Les grands courants politiques de gauche ne sont pas communistes, à savoir ne se prononcent pas en faveur d’une société sans classes où il n’y a pas d’exploitation de l’homme par l’homme et d’autres types d’exclusion sociale, ce qui ne peut être réalisé que par la socialisation des moyens de production sous la dictature de la classe ouvrière.
Quoi que l’on pense de l’idée elle-même, il est difficile de nier le fait qu’il s’agit de la doctrine la plus cohérente, logique et complète sur le plan théorique parmi l’ensemble du spectre de la gauche. Les tentatives de la désavouer, tout en restant formellement dans l’espace politique du socialisme, conduisent inévitablement à des compromis désastreux pour la gauche.

Par conséquent, ni le gauche-vert Jean-Luc Mélenchon, ni le membre d’Amnesty International Corbin, défaits aux élections, ne peuvent devenir une alternative aux soi-disant libéraux mondialistes : il n’y a rien de réellement alternatif dans leur programme.
Mais ces eurocommunistes ne sont pas non plus des adversaires conséquents pour la nouvelle droite. Qu’ont-ils de différent à proposer? Les uns et les autres ne sont pas contre améliorer les conditions de vie de leurs travailleurs. Et même le moyen qui est proposé pour y parvenir, en fait, est identique. Simplement ceux de droite le disent clairement, et ceux de gauche – non.
Or qui voudrait voter pour une telle confusion?

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