jeudi 14 février 2019

OGDO AKSËNOVA, POÉTESSE ENTRE DEUX MONDES

Ogdo Aksënova (1936 – 1995) est une poétesse dolgane russe à cheval entre deux cultures. Institutrice, elle collecte la mémoire et la culture de son peuple et compose des chants et des poésies.

Les Dolganes

Cette photographie en noir et blanc montre Ogdo Aksënova. Elle porte une capuche de fourrure et regarde vers la droite.Ogdo Aksëno naît le 8 février 1936 à Boganida, dans le district dolgano-nénètse du Taïmyr, au nord de la Russie et à l’époque en URSS. Membre d’un peuple nomade, les Dolganes, elle grandit au sein d’une famille d’éleveurs de rennes.
« Petit peuple du nord », les Dolganes sont 7 261 selon le recensement russe de 2002. Installés au nord de la Sibérie, au-delà du cercle polaire, ils sont issus de groupes evenks et iakoutes, ainsi que de descendants de colons russes. Nomades ou semi-nomades, les Dolganes vivent de la pêche et de la chasse, ainsi que de l’élevage de rennes ; ils entretiennent une relation forte avec leur environnement naturel. Appartenant à la famille des langues turques, le dolgane n’a pas d’écriture ; c’est par l’oralité que la culture, les chants, les mythes se transmettent de génération en génération.
Pendant la période soviétique, dès le début des années 1930, les Dolganes sont contraints à la sédentarisation et au travail dans des kolkhozes, et voient leur culture et leur langue menacées ; la langue dolgane sera ainsi interdite dans les écoles. Les deux sociétés s’affrontent. Ogdo naît et grandit dans ce contexte de soviétisation de la société traditionnelle de son peuple et d’uniformisation des modes de vie, que la Seconde Guerre mondiale accélère.
Cette photographie en noir et blanc montre un homme dolgane vêtu d'un manteau épais. Il se tient devant un renne, dans une forêt enneigée.
Un homme dolgane au début du 20ème siècle

Gardienne de la culture de son peuple

Ogdo est éduquée à l’école-internat de Noril’sk, où elle apprend le russe, la lecture et l’écriture, mais également la littérature. Elle est immédiatement séduite par le monde des mots. Dès l’école secondaire, c’est en russe qu’elle écrit ses premiers récits en prose et ses premiers poèmes ; elle y évoque notamment les transformations de la société dont elle est témoin, comme l’arrivée de tracteurs en 1953 : « une caravane de traîneaux rugissants et lumineux. »
Ogdo devient institutrice et bibliothécaire et dirige un Čum rouge (tente rouge), un relais du pouvoir administratif installé sur les itinéraires empruntés des nomades. Dans les années 1960, elle étudie à l’institut de littérature Maxime-Gorki, à Moscou.
Amoureuse de la langue russe, Ogdo n’en est pas moins attachée à la culture de son peuple. De villages en villages, elle récolte les légendes, les contes, les mythes, les chants traditionnels pour ne pas les voir disparaître ou se fondre dans la culture dominante. Alors que le dolgane n’a pas d’écriture, Ogdo publie en 1973 le recueil bilingue Baraksan, compilant des poèmes, des proverbes, des devinettes en russe et en dolgane. Elle utilise pour cet ouvrage les bases d’une orthographe mise au point par le linguiste Vladimir Nadeljaev, créant une première culture écrite pour son peuple. Elle publie également un abécédaire dolgane et un dictionnaire bilingue de quelques 4 000 mots.
Ogdo Aksënova meurt en février 1995, après avoir fondé une littérature dolgane et créé des ponts entre deux mondes.

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