samedi 2 février 2019

Lutter contre la mondialisation libérale est aussi lutter pour une autre Europe et pour la reconquête industrielle

La problématique développée ici est la suivante : ce qu’on appelle "la mondialisation" renvoie en fait à un moment, une phase du développement du capitalisme. En d’autres termes, c’est bien le système capitaliste - qu’on peut qualifier aujourd’hui de "capitalisme financiarisé", "mondialisation capitaliste", "mondialisation libérale"… qui donne aux processus en cours ce contenu désagréable et déploré, notamment par les travailleurs, et qui alimente, entre autres, la xénophobie, le repli sur soi, le  "conflit des civilisations", et l’extrême droite.


Il est possible, et nécessaire, de construire une alternative à la mondialisation capitaliste, ce qui implique le dépassement de ce système pour bâtir une nouvelle civilisation fondée sur la paix, la solidarité et la fraternité entre les peuples.

Une accumulation sans précédent du capital financier et une globalisation des normes de rentabilité de ces capitaux

La mondialisation en cours est un processus historique issu du développement du système capitaliste dans un contexte de fortes mutations technologiques que, suivant Paul Boccara, nous appelons « révolution informationnelle ».
Cette observation appelle deux remarques.
Premièrement, la mondialisation n’est pas un phénomène nouveau si on entend par là une simple multiplication des échanges, surtout de marchandises et de capitaux, ce qui est la présentation libérale de la mondialisation.
Deuxièmement, la nouveauté réside dans la nature des mutations technologiques en cours.
En effet, il y a débat sur la qualification et le contenu de ces mutations. Des notions comme « troisième » voire « quatrième révolution industrielle » ne rendent pas compte de l’essence même de ces mutations, à savoir l’information qui est un « bien commun » par excellence, et dont l’échange n’est pas synonyme de privation de celui qui le détient au profit de celui qui l’acquiert. Il y a là la possibilité de dépasser les échanges marchands, la marchandisation, et de bâtir une civilisation fondée sur le partage.
La mondialisation libérale tend au contraire à tout marchandiser, y compris l’information. Cette mondialisation se concrétise par deux phénomènes majeurs.
Une mise en concurrence des systèmes socio-productifs
C’est-à-dire à la fois une mise en concurrence des travailleurs, et une mise en concurrence des systèmes de protection sociale et de l’environnement. Dans tous les cas, l’objectif est de profiter des écarts de développement et de niveaux de vie pour tirer vers le bas les normes sociales et environnementales.
Il convient de souligner que nous ne sommes plus devant un schéma « classique » d’une simple division internationale du travail dans les processus productifs, où le Nord fournirait la tête, le cerveau, et le Sud, les bras. Certes, ce schéma persiste (cf. notamment les délocalisations des unités de production vers les pays moins développés), mais parallèlement se développent d’autres phénomènes : la « montée en gamme » des PVD, les « délocalisations en cascade », c’est à dire de certains PVD vers d’autres PVD, le développement de la sous-traitance dans les services – surtout informatiques – à destination de ces pays, la montée de la R&D dans certains PVD, le mouvement de capitaux du Sud vers le Nord (on en reparlera plus loin).
Une généralisation des normes de rentabilité des capitaux financiers
Grâce aux nouvelles technologies et aux mesures de déréglementation mises en place par les États, les capitaux financiers ont la possibilité d’imposer leur exigence de rentabilité à tous les niveaux, c’est-à-dire à toutes les entreprises, quels que soient leur taille, leur forme juridique, voire leur lieu d’implantation. Cette exigence de rentabilité s’applique également et de plus en plus dans les services publics, avec comme corollaire, la privatisation et/ou la dégradation de la qualité des services rendus aux citoyens, et plus de souffrances pour les agents de ces services.
Un exemple éloquent pour bien illustrer le cynisme de cette logique financière : alors que la moitié de la population mondiale vit avec moins de deux euros par jour, pour assurer la rentabilité des « industriels », l’Union européenne accorde aux éleveurs plus de deux euros de subvention par jour et par vache. Au Japon, le montant de cette subvention est plus grand encore.
Cette même exigence de rentabilité explique le fait scandaleux que des milliers d’individus, surtout des enfants, meurent chaque jour de faim, alors que des excédents alimentaires sont détruits précisément pour assurer la rentabilité des géants de l’industrie agro-alimentaire.
Les choix politiques opérés par les États – avec leurs incidences économiques et sociales –, de même qu’un type de gestion des entreprises fondé sur la quête de profit maximal à court terme formatent nos sociétés en fonction des exigences de rentabilité des capitaux les plus puissants, à savoir les capitaux financiers. Cela produit un phénomène de ségrégation à l’échelle planétaire, phénomène qui s’observe dans chaque région, voire chaque pays : d’un côté, une accumulation sans précédent de richesses entre les mains d’une petite minorité (les fameux 1 %), d’un autre côté, l’accumulation de souffrances pour la grande majorité de la population, les fameux 99 % : la pauvreté, les inégalités, la précarité des situations, l’insécurité sociale…
Dans cette configuration, les intérêts des 1 % priment sur le reste. C’est la fameuse « théorie du ruissellement » en vertu de laquelle si on soigne bien les riches, les « premiers de cordée », les autres en profiteraient aussi par la suite. « Théorie » qui n’a aucun fondement scientifique et qui ne s’est vérifiée nulle part.

Des nouveautés importantes

Dans la mesure où l’on parle d’une nouvelle phase du développement du capitalisme, précisons que l’une des caractéristiques de l’impérialisme est ici modifiée par certains aspects. Il s’agit de l’exportation (nette) de capitaux qui n’est plus le fait des pays capitalistes les plus avancés. Il s’agit là de deux phénomènes :
– Transferts des sommes importantes liées à la dette et aux prix de transfert pratiqués au sein des firmes multinationales. Ces phénomènes concernent notamment les pays pauvres, mais pas uniquement.
– Exportations de capitaux par un nombre (restreint) de pays dit émergents (pays du Golfe, la Chine particulièrement) vers les pays avancés, notamment vers les États-Unis d’Amérique.
Mais le principal transfert du Sud vers le Nord est en fait celui de la plus-value extraite par le capital multinational dans les pays en développement (voir plus loin).

Quatre conclusions pour l’action

De ces observations, on peut tirer trois conclusions importantes :
La première conclusion est que la mondialisation « ne tombe pas du ciel ». Elle est le produit de l’action délibérée des êtres-humains (mutations technologiques et choix politiques). De ce fait, son contenu n’est pas immuable.
Autrement dit, il est possible de construire une alternative à cette mondialisation capitaliste ou libérale.
Pour la grande majorité de la population mondiale, l’enjeu est d’« humaniser » la mondialisation, pour reprendre une expression du grand économiste d’origine indienne A. Sen, de profiter des possibilités qu’offrent les avancées technologiques pour bâtir une nouvelle civilisation fondée sur le partage, la paix, la sécurité, la solidarité et la fraternité des peuples.
La deuxième conclusion est que la mondialisation en cours a ses acteurs et ses vecteurs.
Ils sont au nombre de trois:
1. les firmes multinationales. Généralement, ce sont de grandes entreprises qui pratiquent dans de nombreux pays, mais le développement de la sous-traitance conduit à ce que les firmes de taille moyenne voire petite soient amenées à suivre les grandes multinationales lorsqu’elles délocalisent leurs activités;
2. les États ;
3. les organisations internationales. Ces institutions émanent des États et sont fortement influencées par le lobbying des FMN. En effet, la déréglementation, la généralisation de la concurrence, la privatisation – ces devises du libéralisme économique - que préconisent ces institutions, réduisent les moyens d’intervention des États au profit des firmes multinationales.
La troisième conclusion est que la mondialisation n’est pas synonyme de la fin de l’État-nation. En particulier, les firmes multinationales qui sont les principaux vecteurs et acteurs de la mondialisation libérale ont, et continuent d’avoir, une base nationale sur laquelle elles s’appuient. Cela voudrait dire qu’il est possible de les affronter. Cela voudrait aussi dire que pour construire une alternative à la mondialisation libérale, il faut intervenir à plusieurs niveaux, « du local au mondial, en passant par le national et le régional ». Et ces niveaux d’intervention sont complémentaires les uns des autres.
Enfin, quatrième conclusion, contrairement à ce que prétendent les décideurs politiques et les dirigeants d’entreprise européens, l’Union européenne et en son sein la France ne sont pas victimes de la mondialisation. Elles en sont des acteurs et des vecteurs, comme en atteste la participation active de l’Union européenne dans la « troïka » vis-à-vis de la Grèce.
En résumé, lutter en France, tout comme dans l’espace européen, contre le chômage, la précarité, les inégalités, combattre les orientations libérales dominantes, de même que gagner de nouveaux droits pour construire une Europe sociale et solidaire des peuples, sont aussi autant de batailles contre la mondialisation libérale.

Construire une alternative à la mondialisation capitaliste

Soulignons d’emblée que construire une alternative à cette mondialisation nécessite une approche de classe. En effet, la segmentation des processus productifs rendue possible grâce aux nouvelles technologies (grâce aussi à l’aval des États, il faut bien le souligner) conduit à ce que les travailleurs, les salariés de différents pays, le plus souvent de différentes langues et cultures et de différents niveaux de vie se trouvent sur la même chaîne de valeur, travaillant pour un même « patron ».
Dans l’optique des travailleurs, pour construire une alternative à la mondialisation capitaliste, il est donc indispensable de partir de ce constat fondamental. En effet, contrairement à ce que prétendent les libéraux, la mondialisation ne met pas fin aux prévisions de Marx ; au contraire, elle met en exergue la pertinence de l’insistance des marxistes sur la solidarité internationale des travailleurs, car cette solidarité n’est plus simplement une solidarité affective, mais une solidarité de fait, liée aux processus productifs.

La communauté d’intérêts des travailleurs

Les délocalisations et/ou l’implantation des FMN dans les PVD conduisent à l’émergence d’une classe ouvrière dans ces pays dont on peut dire (sans tomber dans le déterminisme historique) qu’elle n’est pas issue de l’évolution spontanée, « normale » de ces pays. La caractéristique majeure de cette classe ouvrière est qu’elle produit une plus-value considérable, compte tenu du faible niveau de la valeur de sa force de travail, de son salaire. Autrement dit, cette force de travail se caractérise par un taux élevé d’exploitation.
Précisons que nous assistons à présent à un aspect nouveau du développement du capitalisme, qui est une dimension du capitalisme financiarisé : cette « super plus-value » extraite de la surexploitation des travailleurs n’est pas utilisée pour accumuler le capital productif, c’est-à-dire pour développer les capacités de production, mais pour accroître les versements aux actionnaires et/ou propriétaires ; en d’autres termes, elle alimente le capital financier.
La contrepartie de cette surexploitation des travailleurs dans les pays moins développés est le chômage et la précarité dans les pays développés. Là résident les bases réelles, solides d’une solidarité internationale des travailleurs, à condition que nous soyons capables de bien l’expliquer et de mobiliser nos forces sur cette base-là.
Les capitalistes utilisent donc cette main-d’œuvre pour extraire un maximum de plus-value, et en même temps profitent de son existence pour mettre la pression sur les travailleurs des pays avancés pour tirer vers le bas les normes sociales et environnementales dans ces pays aussi.
En quelque sorte, ces implantations élargissent l’étendue de l’armée de réserve, dont parle Marx à propos du chômage.
Face à ce capitalisme avide de profits, les travailleurs ont donc plus que jamais des intérêts communs.
À l’aune de cette communauté d’intérêt des travailleurs, on peut examiner deux sujets d’actualité, pour exemple.

Premier exemple: l’immigration

La restructuration des sociétés peu développées selon les exigences des FMN conduit, entre autres, à ce que toute activité économique qui n’est pas orientée vers le marché soit plus ou moins anéantie.
Par ailleurs, les implantations des FMN ont peu d’effets d’entraînement dans les pays dits d’accueil. Certes, il y a un effet spill over (ruissellement), mais il est très faible et irrigue peu le reste de la société.
Il y a là une explication majeure des mouvements migratoires. Mouvements qui sont amplifiés par les guerres et les conflits régionaux, et/ou par les désastres écologiques, souvent provoqués en lien avec les intérêts des FMN et des capitaux dominants, ou bien à cause de la pauvreté et des inégalités qui ne sont pas sans lien non plus avec les politiques libérales et impérialistes.
Dans les pays dit d’accueil, les travailleurs immigrés sont souvent moins bien payés que leurs homologues autochtones. De plus, ils se trouvent de plus en plus en situation dite irrégulière. À ce propos, il convient de rappeler la demande du patronat de la restauration pour recourir au travail des migrants récemment arrivés en France.
On retrouve là une fonction « classique » de l’immigration en tant que politique pour réduire les « coûts du travail » dans les pays développés : en rendant les immigrés socialement et politiquement vulnérables, patronat et gouvernements utilisent l’immigration pour peser sur les revendications des travailleurs dans les pays plus développés et tirer vers le bas les normes sociales.
Voici aussi une preuve incontestable de la communauté d’intérêts des travailleurs autochtones et des travailleurs immigrés, qu’ils soient régularisés ou en situation irrégulière.

Deuxième exemple : le nationalisme et le protectionnisme

Ce n’est pas un hasard si Donald Trump se présente comme le champion du protectionnisme. On voit bien le but de la manœuvre : exercer la pression sur les autres pays et en même temps imposer des sacrifices aux travailleurs américains sous prétexte qu’il veut défendre leurs intérêts.
Derrière son slogan « make America strong again », il s’agit bien de préserver les intérêts des capitalistes américains.

Un enjeu majeur et quelques difficultés

Si le traitement de la question de l’immigration est relativement facile pour les organisations des travailleurs (partis et syndicats de gauche essentiellement), il est plus difficile s’agissant de la « protection de l’emploi » (d’ailleurs, dans le langage courant, il y a confusion entre travail et emploi).
En effet, la compréhension, par les travailleurs, du fait que dans une économie mondialisée, les travailleurs ont des intérêts communs est difficile mais il s’agit là d’un enjeu majeur pour le monde du travail.
Deux exemples :
1. Comment expliquer aux salariés d’une entreprise qui perdent leur emploi à cause d’une délocalisation que ce ne sont pas les salariés du pays dit d’accueil qui sont en train de « voler » leur emploi, mais que les vrais voleurs, ce sont bien les propriétaires, les actionnaires de l’entreprise qui délocalisent pour gagner plus d’argent ?
2. Les profits des FMN et particulièrement celui des sociétés du CAC40.
Une revendication, qui n’est évidemment pas illégitime, des salariés et syndicats, est que les salariés français doivent aussi avoir leur part dans ces profits. Dans certains cas, on évoque aussi l’usage de ces profits pour financer la formation, la recherche, etc.
La revendication est évidemment légitime. Mais il convient aussi de poser la question de l’origine de ces profits. Nos adversaires disent, et ils n’ont pas tort : ces profits sont réalisés principalement dans les autres pays. Et ils justifient le versement des dividendes aux actionnaires par cet argument.
Dès lors, ne devons-nous pas, à partir de ce constat pertinent de nos adversaires, élargir notre revendication en y intégrant les intérêts et les droits des travailleurs des autres pays qui sont surexploités par ces entreprises ? Certes, le sujet est délicat car il ne s’agit pas de simples slogans mais de revendications concrètes, par exemple plus de salaire et de meilleures conditions de travail pour ces salariés.
Attention cependant : il ne faut pas que nous tombions dans le piège de la mise en concurrence et de la mise en opposition des salariés. Comment l’éviter ? Comment articuler les revendications légitimes des salariés français avec celles, aussi légitimes, des salariés des autres pays, voilà une question fondamentale à laquelle il faut oser réfléchir pour y répondre au-delà des slogans.

Enjeux et « biens communs » mondiaux

Sur un fond d’enjeux de classe, la mondialisation met aussi en évidence la nécessité de traiter, de façon systémique, un ensemble de problèmes qui concernent l’ensemble de la population, l’ensemble de la planète.
Il ressort des constats dressés plus haut que, en dépit des apparences et surtout contrairement aux idées reçues, le monde n’est pas divisé en deux blocs antagoniques homogènes : le Nord et le Sud, les pays riches et les pays pauvres, les pays développés et les pays en développement. Ces notions ne rendent pas compte de la complexité des phénomènes en présence.
Il ressort aussi de ces constats que, contrairement à ce que prétendent les libéraux, la généralisation de la concurrence ne profite pas à tout le monde, que la mondialisation libérale a des gagnants et des perdants, au Nord, tout comme au Sud.
Les premiers perdants de cette mondialisation sont certes les travailleurs en général et particulièrement les travailleurs les moins qualifiés. Mais les autres couches de la population se trouvent aussi, à des degrés divers certes, parmi les perdants, surtout si on se place dans une perspective historique et de long terme, par exemple en intégrant dans la réflexion la dimension environnementale.
À partir de là, on peut discerner un ensemble de thématiques, d’enjeux qu’il faut traiter systématiquement pour sortir de la mondialisation libérale.
L’économie politique de la mondialisation fait référence à ces problèmes à travers la notion de « biens publics mondiaux ». L’expression est galvaudée, chacun la mangeant à sa sauce. Même la Banque mondiale en fait un « cheval de bataille ».
Pour nous, le concept de biens communs mondiaux renvoie à une série d’enjeux qui concernent l’ensemble de l’Humanité et de la planète, dont le traitement nécessite de rompre avec la logique néfaste du capitalisme et de donner la priorité à la réponse aux besoins qui s’expriment dans une perspective de plus en plus globale et de long terme.
Il s’agit notamment d’un certain nombre d’enjeux majeurs qui sont au cœur de la crise de civilisation actuelle, et qu’il faut traiter d’urgence non seulement parce qu’ils sont au cœur de l’actualité, mais aussi et surtout pour se préparer face aux enjeux énormes qui se présentent dans un avenir pas très lointain.
À ce propos, il faut surtout évoquer l’enjeu démographique : à l’horizon de 2050, la moitié de la population mondiale vivra en Asie orientale, et la population va tripler en Afrique. Comment répondre aux besoins qu’engendreront ces évolutions ? Comment faire de la réponse à ces besoins un levier de progrès, de développement économique et social ? Penser que ces enjeux ne concernent que ces pays et ces peuples est un leurre dangereux, et cela d’autant plus que les autres pays, notamment les pays européens et le Japon, sont confrontés à un vieillissement voire à un déclin démographique.
Pour en revenir au sujet des biens communs mondiaux, il y a débat à la fois sur leur définition et leur étendue, et sur la façon dont il faut s’organiser pour les « produire », notamment du point de vue de leur financement.
S’agissant de l’étendue de ces biens communs mondiaux, il y a quasi-consensus au moins sur trois sujets, même si les solutions proposées divergent :
– la pauvreté et les inégalités de toute sorte (niveau de vie, femmes/hommes, etc.) ;
– les mouvements des populations ;
la préservation de l’environnement.
Pour nous, de par le rôle qu’ils jouent ou les enjeux qu’ils présentent, au moins quatre autres enjeux relèvent de la problématique de biens communs mondiaux.
La dictature des marchés financiers
C'est l’enjeu qui a été mis en exergue notamment par la crise financière de 2008.
Contrairement aux idées reçues et largement entretenues par les libéraux, les mutations en cours ne sont pas synonymes de la fin de l’industrie ; elles confirment la nécessité d’un développement industriel respectueux de l’environnement et fortement articulé aux services de qualité, notamment les services publics.
Or l’exigence de rentabilité des capitaux financiers est un obstacle majeur devant le développement d’une industrie moderne qui réponde aux enjeux écologiques. Il faut donc libérer l’industrie du carcan financier. C’est dire que lutter contre la dictature des marchés financiers est indispensable pour reconquérir l’industrie, car la financiarisation va de pair avec la désindustrialisation.
Rappelons aussi que la violence de la crise financière de 2008 a poussé en arrière-plan un certain nombre de sujets qui sont liés aussi au rôle des marchés financiers. Il s’agit surtout de la dette du Tiers monde qui demeure un handicap pour le développement de ces pays.
La monnaie
La politique agressive de la nouvelle administration américaine depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump (mesures protectionnistes, refus du traité de Paris sur l’environnement, remise en cause de l’accord nucléaire avec l’Iran, reconnaissance de Jérusalem comme capital d’Israël et la paralysie des pays européens, notamment en ce qui concerne le chantage du gouvernement américain annonçant des sanctions à l’endroit des entreprises qui poursuivraient leurs relations commerciales avec l’Iran) confirme, si besoin était, que dans une économie globalisée, la monnaie fait partie intégrante des biens communs mondiaux car, à présent, le dollar américain est de fait la monnaie mondiale et le gouvernement américain l’utilise comme une véritable arme contre les autres pays.
Pour leur part, ces « autres pays » ont une grande responsabilité dans cette hégémonie du dollar. C’est notamment le cas des pays européens qui n’ont pas pu, à cause des politiques libérales mises en place, faire de l’euro une monnaie qui facilite le développement économique et social et qui permette de mettre fin à l’hégémonie du dollar.
La paix et le désarmement
L’épisode Trump/Kim confirme la nécessité de mener la bataille, hélas un peu poussée en arrière-plan, du désarmement nucléaire.
On a toutes les raisons de s’inquiéter des conséquences du réchauffement climatique, à l’horizon de cinquante ans notamment, quoique celles-ci commencent déjà à se manifester. On a cependant tendance à oublier que l’humanité, toute la planète, sont menacées de disparition non pas à un horizon long, mais immédiatement, à l’instant même, à cause de la présence massive des armes nucléaires, de ces arsenaux d’armes de destruction massive.
Ne faut-il pas s’indigner du fait que la vente d’armes est un commerce lucratif ?
Des centaines voire des milliers de milliards de dollars dépensés chaque année dans le monde pour produire et acheter ces armes pourront, devront, être mobilisés pour lutter contre la pauvreté, pour créer de l’emploi, de la valeur ajoutée et répondre aux besoins largement non satisfaits à travers le monde.
La transformation des industries de l’armement est donc un enjeu important pour l’ensemble de l’humanité ; enjeu qui pose évidemment la question du devenir de ces activités et des salariés concernés. Question que posait déjà à sa manière Brecht dans le dialogue entre un ouvrier travaillant dans une usine de fabrication de canons et son fils.
Soulignons que la reconversion des industries militaires est une source de développement industriel, au même titre que la transition énergétique et écologique.
Le développement de la sphère non marchande (services publics, etc.)
Si, fondamentalement, le processus de mondialisation est lié à la révolution informationnelle, pour bâtir une autre mondialisation, il faut revenir à l’élément clef de cette révolution et à sa logique, à savoir l’information, bien par essence commun et public. Dès lors, le développement de la logique non marchande, le développement de la sphère non marchande, deviennent un enjeu fondamental, ce qui implique de rompre avec le libéralisme, la privatisation et la marchandisation.
Rappelons que le développement des services publics de qualité est aussi indispensable pour la reconquête industrielle et, en même temps, un levier pour y parvenir.
Les élections européennes en préparation sont un bon moment pour porter le débat sur ces enjeux majeurs, car les solutions ne peuvent pas être décrétées d’en haut. D’où l’importance de la démocratie et des débats démocratiques pour donner la parole aux citoyens.
Démocratie et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : la clef de voute de changements
L’humiliation infligée, après la crise financière de 2008, à certains pays européens, notamment et non uniquement la Grèce, n’est autre chose que ce que les peuples africains, asiatiques et d’Amérique latine ont subi pendant des décennies, voire des siècles. Il en est de même en ce qui concerne la plupart des peuples de l’Europe de l’Est depuis l’effondrement des systèmes soviétiques.
L’avenir de l’Humanité ne peut pas se fonder sur l’humiliation des peuples. Changer la mondialisation implique avant tout de rompre avec ces politiques qui méprisent les peuples, qui dévalorisent le travail pour le plaisir des détenteurs de capitaux.
Le choix des biens communs, les priorités et la façon dont il faut organiser nos sociétés pour « produire » ces biens, de même que leur mode de financement ne peuvent être délégués aux institutions comme le FMI, la Banque mondiale ou la Commission de Bruxelles. Cela devrait être l’affaire de tous les citoyens. La démocratie devient dès lors le facteur clef de changements.
Démocratie au sein des entreprises
Les travailleurs doivent pouvoir gagner le droit d’intervenir sur les choix stratégiques des entreprises. Il s’agit des choix d’implantation, d’investissement, de formation, de rémunération des travailleurs et des dirigeants… De ce point de vue, gagner des droits dans l’espace des firmes multinationales devient un enjeu extrêmement important.
Démocratie dans le cadre des États-nations également
Le fort mouvement populaire contre la « réforme » du Code du travail en France, tout comme la multiplication des protestations contre les programmes d’austérité dans l’espace européen, d’une part et, d’autre part, la montée de l’extrême droite mettent en exergue, entre autres, les limites de la démocratie délégataire. Il s’agit de surmonter l’écart grandissant entre les politiques décidées par les technocrates et la volonté citoyenne qui exige le progrès et la réponse aux besoins non satisfaits, alors que pour la plupart des citoyens les processus en cours sont synonymes de régression.
Créer des mécanismes obligeant les gouvernements à rendre compte aux citoyens des mandats qui leur sont confiés, organiser des lieux de rencontre, de réflexion et de débat pour faire valoir la volonté des citoyens... ce sont autant d’enjeux pour construire une alternative à la mondialisation libérale.
Démocratie au sein des institutions multilatérales
Au-delà de la revendication légitime de l’égalité des droits de vote au sein de ces institutions, il s’agit que les politiques de celles-ci soient orientées vers la satisfaction des besoins sociaux et des enjeux d’avenir (démographie, environnement…) en tenant compte des réalités et de la volonté des peuples.
Inspirée de l’Organisation internationale du travail (OIT), une solution possible consisterait à organiser une gestion quadripartite de ces institutions, composée des représentants des États, des salariés, du patronat et des autres composantes de la « société civile ».

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