mercredi 28 février 2018



OTTAWA: GALÈRE DANS LE BOURGEOIS BLOC QUÉBÉCOIS


Martine Ouellet, celle qui n’aurait jamais dû être chURGEOIef

«Si on l’avait écouté, nous aurions posé toutes nos questions de l’automne sur la Catalogne, alors que le feu brûlait dans le dossier Bombardier-Boeing et que tout le monde parlait des gaffes de Bill Morneau.»
Alec Castonguay Photo: La Presse canadienne/Graham Hughes 28 février 2018 7 commentaires



Lorsque Martine Ouellet est devenue ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement de Pauline Marois, en 2012, elle brûlait d’envie d’obtenir un bureau dans l’édifice d’Hydro-Québec, au centre-ville de Montréal, pour ses séjours dans la métropole. Du temps où il était premier ministre, René Lévesque avait obtenu ce privilège.

Martine Ouellet, une ancienne employée de la société d’État, voulait y revenir en bombant le torse. La direction d’Hydro-Québec a refusé net et a fait part de son mécontentement au bureau de la première ministre. Officiellement, on ne souhaitait pas une trop grande proximité avec la ministre responsable d’Hydro-Québec. En réalité, le caractère bouillant, intransigeant et autoritaire de Martine Ouellet avait laissé des traces.

Les sept députés du Bloc québécois — sur 10 — qui viennent de quitter le navire bloquiste lui reprochent une incapacité à travailler en équipe et à faire des compromis. C’est l’un des fils conducteurs de sa carrière. Ses ex-collègues du caucus péquiste et du cabinet Marois exprimaient les mêmes insatisfactions. Au point où lors de ses deux courses à la direction du PQ, aucun député ne l’a appuyée.


Or, la politique étant l’art du compromis, et le travail en équipe incontournable, cela devient un gros problème lorsqu’on dirige un parti où il faut arbitrer les inévitables conflits et garder une cohérencedans l’action.

« On n’est pas capable de travailler ensemble : il n’y a pas d’écoute. C’est toujours la soumission», a dit le député Gabriel Ste-Marie au moment de quitter le parti pour siéger comme indépendant. Le député de Joliette avait pourtant rapidement appuyé Martine Ouellet lorsqu’elle a annoncé son désir de devenir chef du Bloc, à l’hiver 2017.

Les députés du Bloc québécois qui ont donné leur appui à Martine Ouellet pour qu’elle devienne leur chef, le printemps dernier, étaient séduits par sa détermination souverainiste et ses convictions environnementalistes. Elle avait aussi une notoriété publique, ce dont le Bloc avait besoin, n’étant plus un parti reconnu à la Chambre des communes depuis 2011. En outre, la députée péquiste bénéficiait de l’appui de l’ancien chef Mario Beaulieu et de sa machine, qui lui avait permis de conquérir le Bloc trois ans plus tôt, à la surprise générale. Martine Ouellet a finalement été élue sans opposition. Aucune course à la direction n’a permis aux membres de se prononcer.

La lune de miel interne n’a pas duré. D’abord, elle n’allait pas s’occuper du Bloc à temps plein. Elle resterait députée à Québec, tout en étant chef d’un parti fédéral, une situation sans précédent. Pour envoyer le message que le Bloc n’est pas un parti important, rien de plus efficace que de le diriger à temps partiel à partir d’une autre capitale.

Les députés n’ont pas apprécié, mais ils ont donné la chance au coureur.

Dès juin 2017, de premiers accrochages sont apparus entre le caucus et la nouvelle chef. Une réunion d’urgence a été convoquée pour aplanir les différends. Martine Ouellet est entrée dans la pièce du Parlement et a sermonné ses députés pendant de longues minutes sur leur manque de loyauté.

L’esprit était, comme toujours chez Martine Ouellet, à l’affrontement.

Les députés lui ont reproché l’embauche d’un chef de cabinet abrasif qui n’écoutait pas leurs suggestions et qui tentait de nuire publiquement à certains députés en coulant des informations aux médias. On soulignait son manque d’intérêt envers le travail parlementaire.

«Depuis le début, on a le sentiment que Martine n’aime pas le Bloc et son travail», me soulignait un député en privé. Certains ont acquis la certitude qu’elle voulait avant tout être chef quelque part, que ce soit au PQ ou au Bloc.

La réconciliation aura duré huit mois. Entre la rencontre de juin 2017 et la nouvelle crise cette semaine, les députés démissionnaires affirment que leur chef est passée de l’attitude d’un bulldozer à celle de «cause toujours». Un dialogue de sourds s’est installé.

Tous les lundis matins, Martine Ouellet se rendait au caucus des députés à Ottawa, vers 10h30. Elle y parlait pendant une heure, faisait un petit point de presse et s’empressait de quitter Ottawa pour le reste de la semaine. Elle n’y revenait pas, même lorsqu’un député déposait un projet de loi privé, geste toujours important et symbolique.

À ces réunions du lundi, elle ne souhaitait qu’une chose, racontent des sources à l’interne: que les députés parlent d’indépendance. «Si on l’avait écouté, nous aurions posé toutes nos questions de l’automne sur la Catalogne, alors que le feu brûlait dans le dossier Bombardier-Boeing et que tout le monde parlait des gaffes de Bill Morneau», me raconte un témoin des discussions.

C’est l’un des points de frictions: Martine Ouellet, et les trois députés qui l’appuient, Mario Beaulieu, Marlène Gill et Xavier Barsalou-Duval, souhaitent que le Bloc soit d’abord et avant tout au service de la promotion de l’indépendance du Québec, alors que le reste du caucus souhaite poursuivre la tradition du parti instaurée par Lucien Bouchard et renforcée par Gilles Duceppe: la défense des intérêts du Québec.

«Je n’ai rien contre la Catalogne, mais dans nos circonscriptions, ce n’était pas le sujet de l’heure», m’a raconté un député qui préfère ne pas être identifié pour ne pas trahir les discussions du caucus.

Lorsque le leadership du chef de l’Alliance canadienne, Stockwell Day, a été contesté par la majorité de son caucus en 2001, il n’a eu d’autres choix que de démissionner et de déclencher une course à la direction, n’ayant plus la confiance de ses troupes. C’est alors aux membres du parti de se prononcer. Day s’est présenté à sa propre succession, mais a été battu par un certain Stephen Harper. C’est la procédure normale en cas de crise majeure. Martine Ouellet devrait en faire autant si elle souhaite rester chef.

Sauf que Martine Ouellet souhaite demeurer chef du Bloc sans s’adresser aux membres. Elle veut rester à Québec comme députée indépendante jusqu’aux élections québécoises du 1er octobre. Elle souhaite garder sa prime de transition de quelque 120 000 $ du provincial et obtenir un salaire de son parti de 90 000 $. Elle souhaite faire du Bloc un véhicule politique qu’il n’est pas, sa nature fédérale rendant difficile un accent unique sur la souveraineté.

Bref, elle souhaite tout avoir et ne faire aucun compromis. Elle devra se demander si elle est vraiment apte à diriger un parti politique.
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