mardi 5 novembre 2019



Une bonne tête sur les épaules

Daniel Paquet

C’est tout de même fascinant que de voir comment des cerveaux peuvent disjoncter.  Une journée, certains sont heureux; quelques jours ou quelques heures plus tard, ils deviennent colériques, sans motifs déterminés ou provocations très blessantes… morales ou physiques.

Alors survient la riposte :  un grave mutisme ou la gesticulation violente.  Attention, la violence est aussi un moyen de protection ou de défense.

Ce n’est pas –toujours et ainsi- une désorganisation de la personnalité. De plus, ce n’est pas vraiment et absolument une échappatoire.

La maladie suppose souvent qu’un miroir se dresse déformant, accompagné par une vision fantasmagorique.  Le regard sur soi ou l’autre (avec l’environnement ambiant – la Nature-, est instable et incohérent).

La souffrance envahit la personne. Étant donné  que le trouble a comme source – un tenant et un aboutissant -, le cerveau; il est difficile d’en arriver à  une pleine guérison.  On peut parler de réhabilitation ou de rétablissement.  Pour en parvenir là, les recherches ont conduit à l’utilisation de substances médicamenteuses (la fameuse molécule), et le discours assisté.  Les deux approches peuvent être concomitantes; et c’est le cas au Québec où l’espoir d’un aller-mieux passe par ce chemin obligé.

Dans le cas des médicaments, c’est un parcours de tentatives hésitantes :  on y va, on recule, on essaie de nouveau, etc.  L’approche psychothérapeutique est –et ça peut surprendre - très efficace.  Par exemple, il peut y avoir un flot de paroles du malade s’il fait confiance au thérapeute; ce dernier délicatement fixe les balises.  A l’issue d’une séance, le patient se souviendra toujours plus de l’origine de ses malaises.  Et ça peut entraîner un grand soulagement, la satisfaction de la tâche accomplie et toujours plus dans le temps qui se déroulera.

Rebâtir une personnalité, c’est comme le cube Rubik.  Il n’y a pas de rythme précis, colligé dans un calendrier.  Ça peut aller plus ou moins rapidement. Pensons à cette blague : « combien ça prend de psychiatre pour changer une ampoule?   Juste un, en autant que l’ampoule veuille bien changer! »

Reconstruire l’individu suppose qu’on doive l’aider à trouver (ou retrouver) un but dans la vie et à se fonder sur des /un projet(s).  Mais, c’est impérieux que le sujet apprenne à se tourner vers l’autre, vers les autres, vers la société.

Il n’est pas un cobaye sans direction bien orientée. Il doit apprendre à vivre avec des objectifs.  Il n’a pas à craindre d’emprunter des traits de caractère chez des membres de sa famille, d’amis, de la société (théâtre, cinéma, littérature, etc.) en général, et même des soignants… en particulier.  Ce n’est pas un aveu de faiblesse, car on grandit avec les autres.  On se nourrit des autres.  Personnellement, je crois que le discours idéologique de gauche alimente la « réflexion » du patient.

Déjà, Frantz Fanon, médecin psychiatre, militant actif du Front de Libération Nationale, lors de la guerre d’indépendance en Algérie, dans les années 1950-1960, avait senti la nécessité de cette démarche.

Évidemment, le contexte est différent en Amérique du Nord.  D’abord, le principal courant social et politique, c’est l’individualisme; alors que la philosophie triomphante c’est le pragmatisme.

Qu’est-ce à dire?  C’est que l’entourage n’arrive pas toujours à détecter chez l’individu - ou mieux à intervenir si possible -, pour prévenir sa déviance ou son dérapage.  L’unique solution :  s’emparer entre autres de la semaine nationale pour la santé mentale afin d’initier des débats, inviter soignants et soignés à bousculer l’omerta, la gêne et les fichus tabous.  On doit parler ouvertement de la schizophrénie (de la bi-polarité, etc.) comme on parle du cancer du sein ou du diabète.  Note d’espoir :  la gêne et les silences ont de beaucoup reculé au Québec depuis 50 ans.

Finalement, aimer le malade, c’est déjà le restituer dans ses droits à un mieux-être et à la santé.

C’est enfin contribuer à ce qu’il soit pris en charge avant qu’il ne commette –même si c’est loin d’être la majorité – un geste irréparable.

Remercions donc tous ceux qui ont pris à bras le corps la maladie; osons pour qu’elle ne devienne un jour rien de plus qu’un souvenir douloureux.




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