vendredi 27 avril 2018



Politique étrangère: un retour incomplet


Manon Cornellier
23 avril 2018 Éditorial


L’image est léchée, le mot juste, mais on attend toujours que la politique étrangère du gouvernement Trudeau se traduise en initiatives capables de justifier l’obtention d’un siège temporaire au Conseil de sécurité des Nations unies. À la veille du Sommet du G7, dans Charlevoix en juin, il y a encore beaucoup à faire pour convaincre.

Dès le début de son mandat en 2015, le premier ministre Justin Trudeau avait été propulsé dans un marathon de sommets internationaux où son image et son entregent avaient suffi à briser la glace et à imposer l’idée que l’approche canadienne serait différente du gouvernement précédent.

Depuis quelque temps, le lustre pâlit. M. Trudeau a lui-même déçu, que ce soit ses interlocuteurs chinois qui espéraient lancer les négociations d’un accord de libre-échange lors de son dernier passage ou encore les pays qui, en marge du sommet de l’APEC en novembre, pensaient signer l’accord de principe du Partenariat transpacifique. En Inde, il a créé un froid avec le gouvernement indien en plus de se ridiculiser à la face du monde, une image que sa tournée éreintante qui l’a mené la semaine dernière du Pérou à Londres en passant par Paris devait faire oublier.

M. Trudeau clame depuis son élection que « le Canada est de retour » sur la scène internationale. Il défend une vision centrée sur l’égalité, la diversité et l’ouverture, ce qui trouve écho, mais les propositions pour la mettre en oeuvre sont rarement au rendez-vous. Ce fut encore le cas mardi, devant l’Assemblée nationale française, et aux Nations unies, à l’automne, où il n’a rien dit sur les grands enjeux mondiaux ou les réformes onusiennes. Le Canada est pourtant en campagne pour entrer au Conseil de sécurité.

Dans son ouvrage sur la politique étrangère libérale (Un selfie avec Justin Trudeau), le chercheur et ancien conseiller de Stéphane Dion Jocelyn Coulon décrit un premier ministre qui ne maîtrise pas les affaires internationales. Il note aussi qu’« actuellement, aucune initiative internationale ne porte le sceau du premier ministre ». Le bilan qu’il dresse est sévère, mais ce n’est pas pour rien.

Sur le plan commercial et des relations canado-américaines, le gouvernement Trudeau fait preuve d’une grande maîtrise et a su manoeuvrer pour atténuer l’impact de l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine. En matière d’environnement, son appui indéfectible à l’Accord de Paris sur le climat rassure, même si les cibles canadiennes sont toujours celles du gouvernement Harper et demeurent hors d’atteinte.

La contribution aux opérations de maintien de la paix, qu’on promettait ambitieuse à l’été 2016, n’est plus à la hauteur des attentes. Au Mali, l’été prochain, on n’enverra que six hélicoptères et le personnel nécessaire. En matière d’aide publique au développement (APD), l’approche féministe de Trudeau est bien accueillie, mais les 2 milliards sur cinq ans annoncés dans le dernier budget permettront seulement de maintenir le ratio aide-RNB (revenu national brut) au niveau actuel, c’est-à-dire inférieur à la moyenne du gouvernement Harper, selon le Conseil canadien pour la coopération internationale.

La candidature canadienne au Conseil de sécurité a été rejetée en 2010 à cause, entre autres choses, de l’attitude du gouvernement Harper face au conflit israélo-palestinien et le peu de cas qu’il faisait de l’Afrique. Eh bien, depuis son élection, le gouvernement Trudeau n’a pas beaucoup dévié sur ces deux fronts, selon M. Coulon et plusieurs experts de la politique africaine.

Le premier ministre a le coeur à la bonne place, mais son gouvernement se montre timoré quand vient le temps d’agir dans les dossiers difficiles. Pour jouer le « rôle positif et audacieux » qu’il évoquait à Paris, il devra s’engager et offrir de vraies pistes de solutions.

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