samedi 23 septembre 2017


                     
OPINIONS BOEING CONTRE BOMBARDIER

Tous contre Boeing

Gens d’affaires, syndicalistes et experts dénoncent les manœuvres de Boeing pour bloquer la voie à Bombardier et sa C Series. Même les travailleurs américains, selon eux, y perdraient au change.
OPINION BOEING CONTRE BOMBARDIER

Comment détourner une loi à son profit

Profondément enfouis au cœur de l’immense quartier général du département américain du Commerce à Washington, dans un coin reclus où se succèdent des bureaux ordinaires, quelques douzaines d’analystes, de comptables et d’avocats qui se considèrent comme formant la dernière ligne de défense des industries américaines contre les « ravages d’un commerce déloyal » travaillent dur.

Au cas où des gens auraient pu douter du dévouement qu’ils mettent à accomplir leur mission, ces anges gardiens ont récemment changé le nom jusqu’ici inoffensif de leur agence, l’Administration des importations, pour le vindicatif Enforcement and Compliance (application et conformité). Boeing, en formulant des accusations de commerce déloyal contre le constructeur aéronautique Bombardier, souhaite exploiter l’objectif principal de l’Enforcement and Compliance afin de maintenir sa position monopolistique.
La loi sur les droits antidumping est censée protéger les entreprises américaines et leurs employés des effets des prix « injustement bas » de leurs concurrents étrangers.
Mais pourquoi la compétition – qu’on encourage sous toutes ses formes lorsqu’il s’agit de commerce intérieur – devient-elle tout à coup un fléau quand ce sont des étrangers qui offrent des prix plus bas ?
C’est une question à laquelle il n’existe aucune réponse cohérente. Selon la loi, on peut obtenir une « compensation » sous forme de droits antidumping si l’industrie nationale arrive à démontrer qu’elle subit un préjudice important ou qu’elle risque d’en subir un à cause du prix exagérément bas de produits importés.
Si le mythe veut que la loi antidumping vise à uniformiser les règles du jeu et à protéger les entreprises américaines et leurs employés contre des entreprises étrangères dynamiques, dans les faits, elle est devenue une arme commerciale que des sociétés américaines utilisent les unes contre les autres. 
L’antidumping permet aux entreprises américaines d’imposer à la concurrence (étrangère ou non) des coûts plus élevés tout en diminuant les sources d’approvisionnement auxquelles leurs clients ont accès. Ces entreprises se gardent ainsi la possibilité d’augmenter leurs prix et leurs profits et, dans des cas comme Boeing, de renforcer leur pouvoir de marché.
Dans une année où on a amorcé un nombre record de recours commerciaux aux États-Unis (43 affaires d’antidumping et 20 affaires en matière de droits compensateurs jusqu’au 5 septembre), la plainte de dumping déposée par Boeing contre Bombardier est de loin la plus audacieuse et dépasse tout ce qui a été fait jusqu’ici en termes de détournement de la loi sur les droits antidumping.
Un préjudice ?
Boeing – qui profite amplement de la générosité des contribuables – affirme que la vente des avions de 109 sièges de Bombardier à Delta Airlines, qui n’aura pas lieu avant la mi-2018, risque de lui causer un préjudice important. Boeing ne produit pas d’avions de ce type et ne pourra en construire avant plusieurs années parce que toute sa capacité de production est consacrée à un carnet de commandes de plus gros appareils. En fait, Boeing s’est retirée de ce marché en 2006 dans le but de se tourner vers la construction de plus gros avions – les 737-700 de 126 sièges et le 737 MAX 7 de 138 sièges –, ce qui lui permet de continuer de générer des profits.
Delta (comme d’autres transporteurs) a besoin d’avions de différentes tailles et offrant différentes capacités de places pour desservir de manière rentable tous ses itinéraires, qu’ils soient plus ou moins demandés. Les gros appareils de Boeing ne constituent pas des substituts intéressants pour Delta, car il y a un risque de ne pas pouvoir les remplir au maximum de leur capacité, ce qui entraîne un coût plus élevé par siège, un moins bon rendement pour les actionnaires et une augmentation du prix des billets.
En réalité, par le dépôt de ces plaintes, Boeing demande au gouvernement américain de détourner la loi sur les droits antidumping en affirmant que des ventes qui n’ont pas eu lieu d’un produit que Boeing a cessé de construire il y a plus de 10 ans lui causent de graves préjudices, tout cela parce que Boeing pourrait décider un jour de réintégrer ce marché.
On peut aussi voir les choses autrement : Boeing demande au gouvernement d’augmenter son pouvoir monopolistique en forçant des compagnies aériennes à acheter des avions qui ne seront pas rentables. Aucune de ces explications ne donne une bonne image de Boeing.
Au sujet du dumping
On appelle dumping la vente dans un marché étranger d’un produit à un prix plus bas que ce qu’aurait obtenu le vendeur dans son marché d’origine. On évalue le dumping en comparant les prix proposés par un producteur étranger aux États-Unis et chez lui au cours d’une période donnée. Pour chaque comparaison (parfois, il y a des milliers ou des dizaines de milliers de ventes, parfois seulement quelques-unes), la différence entre le prix net aux États-Unis et le prix net sur le marché intérieur est considérée comme étant la marge unitaire de dumping. On obtient une marge positive lorsque le prix aux États-Unis est plus bas que le prix dans le marché intérieur et une marge négative lorsque le prix américain est plus élevé que le prix d’origine. Le droit antidumping institué équivaut, en théorie, à la moyenne pondérée des marges de dumping calculée pour toutes les ventes aux États-Unis et exprimée en pourcentage de la valeur des ventes américaines.
* Dan Ikenson dirige le centre de recherche sur la politique commerciale du Cato Institute de Washington. Ce texte a été publié le 14 septembre dans le magazine Forbes.
OPINIONS BOEING CONTRE BOMBARDIER

Tous contre Boeing

Gens d’affaires, syndicalistes et experts dénoncent les manœuvres de Boeing pour bloquer la voie à Bombardier et sa C Series. Même les travailleurs américains, selon eux, y perdraient au change.
OPINION BOEING CONTRE BOMBARDIER

Boeing doit retirer sa plainte

C’est la solution gagnante, la seule qui permettra de rétablir une concurrence équitable entre les avionneurs

La tension monte dans le conflit qui oppose Bombardier au géant américain Boeing.

En mai dernier, Boeing a demandé à l’International Trade Commission et au département du Commerce des États-Unis de se pencher sur la vente par Bombardier de 75 avions C Series à Delta Airlines, et a insisté pour que le gouvernement américain impose des tarifs démesurés et injustifiés contre notre fleuron.
Au cours des derniers jours, les interventions senties des premiers ministres du Canada et du Royaume-Uni ainsi que les manifestations de centaines d’employés du secteur de l’aéronautique ont poussé Boeing à se poser en grand contributeur de l’économie canadienne, et à justifier publiquement les motifs qui l’ont amené à s’attaquer au C Series. Cette campagne vise à tromper et à diviser les Canadiens.
Mais les Canadiens – et un nombre grandissant de Britanniques et même d’Américains – comprennent très bien que pour prospérer, l’industrie aéronautique doit s’appuyer sur une saine concurrence et encourager l’innovation, alors que Boeing fait tout le contraire en abusant des lois américaines et en profitant d’un climat politique particulier pour fermer le marché des États-Unis au joyau de notre industrie : le C Series. 
Contrairement à ce que Boeing prétend, cette action n’a rien d’une bataille commerciale. 
C’est une attaque contre l’économie du Canada et le droit de notre pays à développer ses propres politiques et à soutenir ses secteurs névralgiques créateurs d’emplois, à l’intérieur des règles du commerce international convenues et reconnues.
Il ne fait aucun doute que les investissements de Boeing au Canada sont significatifs, tout comme le sont les investissements de Bombardier aux États-Unis. Aujourd’hui, Bombardier compte près de 7000 employés directs chez nos voisins du Sud. Dans le futur, le programme C Series devrait générer plus de 30 milliards de chiffre d’affaires pour les fournisseurs américains et appuyer plus de 22 700 emplois aux États-Unis.
Concevoir, construire et entretenir des avions à la fine pointe de la technologie nécessite une main-d’œuvre diversifiée et hautement qualifiée. L’industrie aéronautique s’est bâtie autour d’une chaîne d’approvisionnement mondiale et peu de pays entretiennent une relation de commerce et d’investissements aussi étroite que le Canada et les États-Unis. Au bénéfice de tous les travailleurs de l’aérospatiale, nous souhaitons que cela continue.
Malheureusement, Boeing s’acharne et met à risque ce climat favorable à la création d’emplois et à l’innovation des deux côtés de la frontière en y allant d’une charge à fond de train qui ne vise rien de moins que de fermer le marché américain à la C Series.
L’engagement prétendu de Boeing envers le Canada est incompatible avec la méthode et la force utilisées pour attaquer Bombardier. Cela annonce des conséquences graves pour des milliers de bons emplois dans l’industrie aéronautique canadienne.
Cette demande de Boeing est totalement injustifiée et hypocrite. Boeing n’était même pas en lice pour la commande de Delta. Elle ne construit pas d’avions de la taille demandée. Par ailleurs, Boeing applique elle aussi la stratégie du prix de lancement dont elle se plaint. Lors du lancement de son 787, elle en a vendu des centaines sous le prix coûtant, y compris ici au Canada.
Boeing est même reconnue aux États-Unis comme le champion toutes catégories du financement public, recevant des milliards d’aide du gouvernement américain, notamment grâce aux lucratifs contrats militaires qui lui sont accordés d’année en année. Nous avons ici un bel exemple de deux poids, deux mesures.
Boeing prétend que, sans la protection du gouvernement, elle subira des dommages substantiels, mais cette menace ne tient pas lorsqu’on considère les bénéfices record qu’elle a engrangés ces dernières années et son carnet de commandes bondé. Avec plus de 41 000 avions à livrer dans le monde au cours des 20 prochaines années selon les propres prévisions de marché de Boeing, on voit que la tarte est bien assez grande pour nourrir plusieurs acteurs.
Si Boeing souhaite continuer à profiter de ses investissements au Canada et des occasions qu’offre le marché canadien (ce que nous souhaitons également), il lui suffit de retirer sa plainte et de permettre à Bombardier de continuer à vendre librement ses produits aux États-Unis.
C’est la solution gagnante, la seule qui permettra de rétablir une concurrence équitable entre les avionneurs et de préserver les milliers d’emplois qui dépendent de l’industrie aéronautique des deux côtés de la frontière.
* David Chartrand est également vice-président de la Fédération des travailleurs du Québec.
OPINIONS BOEING CONTRE BOMBARDIER

Tous contre Boeing

Gens d’affaires, syndicalistes et experts dénoncent les manœuvres de Boeing pour bloquer la voie à Bombardier et sa C Series. Même les travailleurs américains, selon eux, y perdraient au change.
OPINION BOEING CONTRE BOMBARDIER

L’industrie aéronautique nord-américaine menacée

Il faut trouver un terrain d’entente et apporter une réponse adéquate à ce conflit commercial

Le 26 septembre prochain, le département du Commerce américain rendra une décision préliminaire concernant la plainte de Boeing contre Bombardier.

Il s’agit de la première étape d’un long processus. Des milliards sont en jeu. La décision définitive pourrait avoir d’importantes conséquences sur l’industrie aéronautique, tant au Canada qu’aux États-Unis. Bref, les enjeux sont importants.
L’objet du litige est une commande de 75 avions passée à Bombardier par l’entreprise américaine Delta Airlines. Selon Boeing, l’appui des gouvernements du Québec et du Canada à la C Series donnerait un avantage indu à Bombardier.
Une décision défavorable à Bombardier aurait des conséquences désastreuses au Canada, mais également aux États-Unis.
L’entreprise pourrait être condamnée à verser des droits compensatoires et antidumping considérables. Une telle pénalité aurait pour effet de fermer le marché américain à la C Series. Ce n’est pas seulement Bombardier qui serait touchée, mais également son écosystème d’entreprises, dont plusieurs sont aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
Un pilier au Canada et aux États-Unis
La contribution de Bombardier à la croissance économique du Canada ne fait aucun doute. L’entreprise entraîne au pays des retombées économiques annuelles de plus de 12 milliards. Ses activités génèrent plus de 21 000 emplois au Canada dont la majeure partie à Montréal. Ses exportations totalisent 9,1 milliards de dollars par année. Plus largement, le secteur de l’aéronautique est responsable de 70 % des dépenses en recherche et développement au pays.
Ce qui est moins connu, c’est que l’empreinte économique de l’entreprise aux États-Unis est également importante. Au cours des cinq dernières années, Bombardier et ses fournisseurs ont généré des retombées économiques estimées à 14 milliards de dollars américains.
Avec près de 7000 employés répartis dans 17 États, la présence de Bombardier est cruciale pour l’économie de certains États américains.
C’est notamment le cas du Kansas et de la Virginie-Occidentale, où l’entreprise compte plus de 2000 travailleurs. Il n’est donc pas surprenant de savoir que plusieurs sénateurs et des membres du Congrès américain ont senti le besoin d’écrire aux autorités américaines pour leur demander d’intervenir dans ce dossier.
Préserver le libre-échange et la relation commerciale
Tous les pays soutiennent leurs fleurons économiques. Il est ainsi normal que nos gouvernements le fassent également. Ce n’est pas la première fois que l’appui des gouvernements à Bombardier est décrié par ses concurrents. Toutefois, en s’adressant directement au Congrès américain plutôt qu’à des instances internationales reconnues comme l’Organisation mondiale du commerce, la plainte de Boeing prend un caractère politique.
Le litige va bien au-delà de Bombardier. La décision pourrait être interprétée comme allant à l’encontre du libre-échange et ainsi complexifier la présente renégociation de l’ALENA.
Compte tenu de l’importance économique du secteur aéronautique pour les deux pays et des retombées générées par ces grands avionneurs, il est dans l’intérêt de tous que Boeing retire sa plainte et collabore avec le gouvernement du Canada et Bombardier afin de trouver un terrain d’entente et d’apporter une réponse adéquate à ce conflit commercial.
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