jeudi 14 septembre 2017




                                                          

Fort du haut degré de coordination sino-russe,  toute initiative de paix russe sur la Corée du Nord sera le reflet de l’échec du leadership de Washington.
Réseau International
Pendant que Trump tweete,
Poutine a déjà une longueur d’avance sur la Corée du Nord
Par M K Bhadrakumar
 
Le président russe a été très occupé cette semaine à semer les graines pour imposer la diplomatie du Kremlin comme solution à l’impasse de la péninsule coréenne
Le message de la conférence qui a eu lieu jeudi pour clôturer le Forum économique oriental (EEF) qui s’est tenu pendant deux jours à Vladivostok, était que le pivot entamé par la Russie vers l’Asie ces dernières années, à la suite des sanctions occidentales contre elle, était devenu un vecteur essentiel de sa politique étrangère.
L’EEF a commencé modestement en 2015 avec un agenda ayant pour objectif de promouvoir la «nouvelle réalité» d’un rôle pour l’Extrême-Orient russe dans l’intégration économique de la région Asie-Pacifique. Mais l’EEF de cette année s’est déroulé pendant la crise de la sécurité régionale liée à la Corée du Nord.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergey Lavrov a révélé, entre autres, qu’une délégation nord-coréenne participerait à l’événement EEF. Il a déclaré: «D’après ce que je comprends, la délégation de la RPDC à l’EEF se compose de représentants du bloc économique. Nous (Russie) avons également des représentants de nos ministères et départements économiques ici. Je pense donc que des rencontres au sein de structures profilées des deux pays auront lieu.
Cela arrive à un moment où l’administration du président américain Donald Trump intensifie sa rhétorique et exige plus de sanctions contre la Corée du Nord. Curieusement, le président sud-coréen Moon Jae-In a également assisté à la conférence EEF, prenant le temps de rencontrer mercredi le président russe Vladimir Poutine à Vladivostok.
Moon est peut-être bien en train d’admirer discrètement Poutine pour avoir dit franchement à propos de la Corée du Nord des choses qu’il ne pouvait pas dire lui-même. S’adressant aux médias à Xiamen mardi après le sommet BRICS, Poutine avait fait quelques déclarations sur la Corée du Nord. Notamment, il avait dit :
Tout le monde se souvient bien de ce qui est arrivé en Irak et Saddam Hussein. Hussein avait abandonné la production d’armes de destruction massive. Néanmoins … Saddam Hussein lui-même et sa famille ont été tués … Même les enfants sont morts à l’époque. Son petit-fils, je crois, a été abattu. Le pays a été détruit … Les Nord-Coréens en sont également conscients et se souviennent. Pensez-vous que, suite à l’adoption de certaines sanctions, la Corée du Nord abandonnera sa course pour la création d’armes de destruction massive? « Bien sûr, les Nord-Coréens ne l’oublieront pas. Les sanctions tous azimuts sont inutiles et inefficaces dans ce cas. Comme je l’ai dit à un de mes collègues hier, ils mangeront de l’herbe, mais ils n’abandonneront ce programme que s’ils se sentent en sécurité."
Après avoir rencontré Moon, Poutine a de nouveau demandé que le dialogue soit la seule issue à la crise. Poutine sait bien que Moon a un rôle essentiel pour empêcher le président américain Donald Trump de prendre des risques militaires, et il ne peut ignorer que des fractures sont apparues dernièrement dans l’alliance États-Unis-Corée du Sud. De manière significative, Moon a déclaré lors de sa conférence de presse avec Poutine mercredi:
M. Le président et moi-même avons convenu d’établir les bases de la mise en œuvre de projets trilatéraux avec la participation des deux Corées et de la Russie, qui relieront la péninsule coréenne et l’Extrême-Orient russe … Nous avons décidé de donner la priorité aux projets qui peuvent être mis en œuvre dans un proche avenir, principalement en Extrême-Orient. Le développement de l’Extrême-Orient favorisera la prospérité de nos deux pays et aidera également à changer la Corée du Nord et à créer la base de la mise en œuvre des accords trilatéraux. Nous allons travailler dur à ce sujet."
Pour nous rafraîchir la mémoire, rappelons-nous que Moscou avait, dans le passé, fait état de certains projets d’infrastructure impliquant la Corée du Nord qui pourrait contenir le potentiel de stabilisation de la région: une extension du système ferroviaire transsibérien en Corée du Sud via la Corée du Nord; un gazoduc reliant le sud et la Corée du Nord aux vastes champs russes de pétrole et de gaz de l’Extrême-Orient; et des lignes de transport pour rediriger l’électricité excédentaire de l’Extrême-Orient russe vers la péninsule coréenne.
Les entreprises sud-coréennes sont impliquées dans les projets énergétiques Sakhalin-1 et Sakhalin-2 et discutent actuellement avec la Russie de la livraison de gaz naturel liquéfié. Les chantiers navals sud-coréens espèrent construire 15 navires-citernes pour transporter du gaz provenant de la centrale de Yamal LNG en Extrême-Orient russe.
Poutine a déclaré lors de la conférence de presse avec Moon que « la Russie est toujours disposée à mettre en œuvre des projets trilatéraux avec la participation de la Corée du Nord ». Il a mis en avant les trois projets ci-dessus et a ajouté: « La mise en œuvre de ces initiatives sera non seulement économiquement bénéfique, mais contribuera également à renforcer la confiance et la stabilité dans la péninsule coréenne « .
La grande question est de savoir s’il existe une forme de contact entre les délégations de la Corée du Nord et de la Corée du Sud en marge de la conférence de l’EEF à Vladivostok. La Russie, pays hôte, est spécialement placée pour jouer le rôle de facilitateur.
En tout cas, Moscou est disposé à jouer entre les deux Corées un rôle de médiateur qu’aucune autre capitale mondiale ne peut aujourd’hui accomplir. Il peut parler à Pyongyang pour augmenter son niveau de confort et intégrer la Corée du Nord dans la coopération régionale, tout en soulageant l’angoisse existentielle de la Corée du Sud. L’atout de Moscou est ses canaux de communication privilégiés avec Pyongyang et ses intérêts communs avec Séoul (et Pékin et Tokyo) pour éviter une guerre catastrophique.
Dans la situation présente, la diplomatie russe devient optimale. Tout en favorisant la paix, elle porte également le potentiel de créer une richesse et une prospérité partagée, ce qui constitue le fondement de la stabilité régionale et aide le développement de l’Extrême-Orient russe. Par ailleurs, le vice-Premier ministre chinois Wang Yang, le responsable de l’Initiative Belt and Road de la Chine, a également assisté à la rencontre EEF.
Poutine est arrivé à Vladivostok en provenance de la Chine, où il a eu des discussions approfondies avec le président Xi Jinping lundi sur la situation dans la péninsule coréenne. Un haut degré de coordination sino-russe sur la Corée du Nord est déjà évident.
Toute initiative de paix russe sur la Corée du Nord sera le reflet de l’échec du leadership de Washington. Il est peu probable que l’administration Trump considère un tel scénario avec sérénité, compte tenu de ses implications profondes pour le système d’alliances dirigé par les États-Unis en Extrême-Orient.
Traduction : Avic – Réseau International
Photo: Le président russe, Vladimir Poutine, assiste à un combat de judo en marge du Forum économique de l’Est à Vladivostok en Russie, le 7 septembre 2017. Photo: Reuters / Sergei Karpukhin
 

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