samedi 12 août 2017

Nouvelle victoire des Mohawks de Kahnawake dans le dossier de l'A-30


Une carte de Kahnawake et des municipalités avoisinantes sur la Rive-Sud de Montréal. La partie en rouge fait actuellement l'objet d'un litige.
Une carte de Kahnawake et des municipalités avoisinantes sur la Rive-Sud. La partie en rouge fait actuellement l'objet d'un litige. Photo : Radio-Canada
Le conseil mohawk de Kahnawake a obtenu un jugement favorable dans le litige qui l'oppose à la MRC de Roussillon et aux municipalités de Saint-Constant, Sainte-Catherine, Châteauguay et Saint-Isidore, au sujet de terres inutilisées bordant l'autoroute 30.
Un texte de Vanessa Destiné
Dans un jugement rendu mercredi, la Cour supérieure du Québec rejette la requête de la MRC et des quatre municipalités. Les demandeurs cherchaient à infirmer la décision de Québec de céder à la communauté mohawk de Kahnawake des terrains d'environ 300 hectares bordant l’autoroute 30.
Ces terrains, qui présentent un fort potentiel de développement commercial et résidentiel, avaient été acquis par le gouvernement du Québec dans les années 90 pour permettre le prolongement de l'autoroute 30. En vertu d'un décret adopté par Québec en 2013, ils devaient être transférés au gouvernement fédéral afin de permettre l’agrandissement de la réserve de Kahnawake.
Or, les municipalités arguent qu’elles n’ont pas été consultées adéquatement avant le lancement du processus de transfert. Dans une poursuite déposée en mai dernier, elles affirment que le décret de Québec constitue « un exercice abusif et de mauvaise foi du pouvoir par le gouvernement ».
Les municipalités ont toutefois été déboutées en Cour supérieure, le tribunal jugeant que le décret constitue « une décision politique purement administrative [...] retenue comme solution à une situation complexe impliquant des intérêts divergents ».
Le gouvernement du Québec a retenu une mesure qui, selon son appréciation de tous les facteurs en cause, était justifiée pour le bien-être collectif. Il ne peut être taxé d'avoir agi de mauvaise foi [...] du simple fait que la mesure retenue ne réponde pas aux attentes et questionnements de tous.
Extrait du jugement de la Cour supérieure
La Cour supérieure reconnaît que le gouvernement du Québec aurait pu consulter les municipalités avant d'adopter le décret, mais rappelle que la province n'est pas légalement tenue de le faire et que le décret a été adopté à la suite de discussions infructueuses entre toutes les parties impliquées. Le décret demeurera donc valide.
Une décision qui marque un tournant
Le conseil mohawk de Kahnawake a accueilli favorablement le jugement de la Cour supérieure, mais veut rester prudent. « Bien que nous soyons évidemment très heureux de cette nouvelle, nous devons analyser la décision et planifier nos prochaines étapes », a fait savoir le grand chef de Kahnawake, Joe Norton, par voie de communiqué.
Le grand chef de Kahnawake, Joe Norton
Le grand chef de Kahnawake, Joe Norton Photo : Radio-Canada
« Tous les membres du Conseil à qui j'ai parlé sont satisfaits », explique de son côté Winona Polson-Lahache, conseillère politique en chef au sein du conseil de Kahnawake. « Ils sont conscients que nous avançons le dossier et que des gains ont été faits, mais le jugement rendu se concentre sur 500 hectares et il en reste encore 200 à évaluer », précise-t-elle.
C'est une étape de plus de franchie, mais il reste encore beaucoup de travail à faire avant que nous puissions commencer à exploiter ces terres.
Winona Polson-Lahache, conseillère politique en chef au sein du conseil de Kahnawake
Mme Polson-Lahache croit néanmoins que cette décision marque un tournant et qu'elle pourra donner plus de marge de manoeuvre au conseil pour concevoir un plan de développement à la hauteur des ambitions de Kahnawake.
« Le conseil espère devenir un acteur économique important dans l'ensemble de la région, [que le développement ne se passe] pas juste à Kahnawake. Nous espérons être en mesure d'annoncer un plan d'action d'ici la semaine prochaine », explique-t-elle.
Winona Polson-Lahache ajoute que les responsables de Kahnawake souhaitent mener ce développement à terme en travaillant avec les autres municipalités de la région et la MRC de Roussillon. La conseillère rappelle que plusieurs efforts ont été faits par le passé pour tenter de rapprocher les différentes communautés.
« Nous avons contacté la MRC de Roussillon pour initier le dialogue [sur la décision de la Cour supérieure], nous attendons toujours leur réponse. Nos relations ont présenté quelques défis jusqu'à présent et nous attendons de voir s'il y a une possibilité de collaboration dans le futur », indique-t-elle.
Pas de commentaire pour l'instant
Contacté par Radio-Canada, le maire de Saint-Isidore a déclaré « qu'il fallait étudier la situation avec les avocats avant d'émettre des commentaires ».
Un litige qui remonte à loin
La dispute entre les municipalités et la communauté de Kahnawake découle d'un désaccord quant à la propriété du territoire.
La municipalité de Saint-Isidore avance que les terrains lui appartenaient avant qu'elle ne soit expropriée par le ministère des Transports du Québec. Les responsables de la réserve soutiennent quant à eux que ces terrains faisaient partie du territoire de l'ancienne seigneurie du Sault Saint-Louis.
Le périmètre de l'ancienne seigneurie – sur lequel est construit le village de Kahnawake – englobe aussi les municipalités de Delson, Sainte-Catherine, Saint-Constant, Candiac, et une partie de Saint-Philippe, mais la communauté mohawk soutient que le territoire lui a été cédé en 1680 par le roi de France. L'affaire fait l'objet de discussions depuis 2003 avec le gouvernement fédéral.
Le transfert de terre est un processus complexe qui varie généralement d'un cas à l'autre et qui peut s'échelonner sur plusieurs années. De récents changements apportés aux politiques fédérales de gestion des réserves pourraient toutefois permettre d'accélérer les démarches.

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