vendredi 18 octobre 2019


             «ONCE UPON A TIME IN THE WEST»
                         Shooting a masterpiece
                         de Christopher Frayling

                     Le fabuleux tournage du film
                    «Il était une fois dans l'Ouest»

                                                     Mario Patry

Le plafond de verre qui couvrait le secret des archives professionnelles de Sergio Leone a volé en éclats pour la première fois de l'histoire en cinquante ans! En fait, depuis plus de quarante ans que nous attendions impatiemment ce livre, c'est-à dire, depuis l'année 1975 ou paraît la première étude parue en Angleterre sur le phénomène du Western italien,  «Italian Western : the opera of violence» de Laurence Staig et Tony Williams publiée aux éditions Laurrimer Publishing Limited, un livre de 192 pages contenant 112 pages de photos noirs et blanc et seulement 58 pages de texte.

C'est encore une fois, sous pavillon britannique que nous parvient ce «livre phare» de la part de l'auteur éminent Christopher Frayling, né le 25 décembre 1946 à Hampton, une banlieue de Londres. Il s'agit de son sixième essai consacré à Sergio Leone ou au  Western all'Italiana. Un livre  superbe de 336 pages bien illustré paru le 16 mai 2019 dernier, à temps pour souligner le cinquantième anniversaire de la sortie New Yorkaise  de Once upon a time in the West, le 28 mai 1969, dans vingt quatre salles de la métropole américaine, en «sneak preview». L'illustration est plutôt sobre avec quelques photos en couleur et de nombreuses photos de plateau ou de tournage prises par Angelo Novi, laissant la place large au texte dense et  à la prose alerte, truffé de nombreuses dates, faits et chiffres à l'appui.

Il s'agit de loin du meilleur ouvrage jamais paru sur Sergio Leone, qui plus est, sur son chef d'oeuvre absolu, qui a ponctué une carrière qui s'étend sur plus de vingt cinq ans (1959-1984). Par chance, le livre étant destiné à un grand succès d'édition et à un large auditoire, non seulement les fans inconditionnels mais aussi aux cinéphiles avertis et curieux, son prix demeure des plus abordables, c'est-à dire, à peine cent dollars sans la taxe. Amazon l'offre avec un prix encore plus concurrentiel que celui de l'éditeur. Un bref mot sur l'auteur qui a rédigé sa thèse de doctorat sur Jean-Jacques Rousseau, puis a entreprit une brillante carrière universitaire des plus  remarquable dans l'enseignement de l'Histoire de l'Art à l'Université de Bath puis au College de l'Art de Londres dont il a été le recteur de 1996 à 2009. De plus il a présidé le Conseil des Arts de l'Angleterre de 2005 à 2009.

Ce livre va plaire assurément à un public de tous âges, tant auprès des baby boomers que des millénariaux ou de la génération X, par sa documentation précise et soignée qui lui permet de suivre au jour le jour l'ensemble du tournage du film, avec photos à l'appui, ce qui demeure sans aucun doute la meilleure partie de cet ouvrage monumental. Le livre commence avec un avant propos sous forme d'entretien avec le réalisateur Quentin Tarentino. Le lecteur aura aussi l'occasion de découvrir que Sergio Leone savait s'entourer des meilleurs collaborateurs et acteurs disponibles à l'époque. En fait le film aurait coûté trois millions de dollars «sous la ligne» c'est à dire sans le salaire de Leone et des principaux acteurs du film, plus un million pour la publicité, avec un budget global de cinq millions de dollars. S'il avait été tourné entièrement aux États-Unis, le film aurait coûté le double, soit dix millions de dollars, soit presque le même devis que 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick de la MGM, qui s'élevait à douze millions de dollars.

Aujourd'hui, il coûterait au bas mot, pas moins de cent millions de dollars américains. Reportons nous donc le 19 octobre 1966, alors que Charles Bluhdorn (né Karl Georg Blüdhorn) président de la Gulf and Western, acquiert la Paramount Pictures, la première des Majors américaines. Au hasard d'une projection de Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in più) dans une salle bondée à Paris, il est  fortement et favorablement impressionné par la réaction du public. C'est lui qui aurait prit l'initiative d'approcher Sergio Leone afin de produire son prochain film sans droit de regard, mais à la seule condition qu'il s'agisse d'un western, afin justement de concurrencer la sortie imminente  du film de Kubrick, 2001, l'Odyssée de l'espace pour la MGM. Il va aussi produire du même coup le prochain film d'un jeune cinéaste d'origine polonaise né à Paris, Roman Polanski, qui adapte le roman de Ira LevinRosemary's baby, au devis initial de 1,8 millions de dollars et qui au final va s'élever à 2,3 millions.

Pour plus de liberté, Sergio Leone s'associe avec Bino Cicogna de la San Marco Finanzaria S.p.A. à Venise qui dirige aussi la société de distribution Euro International Films, en fondant sa propre société de production, le 27 mai 1967, la Rafran Cinematographica S.p.A. dont le siège social est situé au coeur du quartier de l'EUR, à Rome sur la Viale Rossini, 7. Il s'agit de l'acronyme des deux premières lettres de chacun de ses enfants dans l'ordre chronologique de leur naissance, soit Raffaella, née le 26 novembre 1961, Francesca née le 12 mars 1964 et de Andrea né le 9 mars 1967. Le memorendum de l'entente finale entre la Rafran et la Paramount Pictures date du 10 juin 1967 (Frayling, p. 59), pour un film d'une durée entre cent minutes et cent cinquante minutes, ce qui occasionnera une mésaventure pour Leone, alors que son film sera maladroitement charcuté aux États-Unis, une fois passé les sneak Previews. La version internationale sera présentée en salles seulement à partir de 1972.

Sergio Leone organise une conférence de presse à l'Hôtel Excelsior sur la Via Veneto, le 12 janvier 1968 (p.67) réunissant les principaux acteurs du film devant une foule de journalistes à l'affût, avec un encart publicitaire  dans le Giornale dello Spettacolo. Le film est annoncé en grandes pompes comme étant partiellement tourné aux États-Unis et comme «la plus grande production italienne» de tous les temps! Le scénario  final de 420 pages a été rédigé par Sergio Donati en vingt et un jours et remit le 28 février 1968 (p. 159). En comparaison, le scénario de Il était une fois en Amérique sera condensé en seulement en 317  pages...

D'après le plan de tournage signé par Ugo Tocci, les dates de tournages s'établissent comme suit : le premier bloc de tournage commence à Rome au Centro Sperimentale (3 avril 1935) le 1 avril 1968 et se poursuit à Cinecittà (21 avril 1937) jusqu'au 11 mai 1968.  Le deuxième bloc de tournage commence à Guadix en Almeria (Espagne) du 14 mai au 30 juillet 1968, pour un total de quatorze semaines. S'ajoute enfin un troisième bloc de tournage aux États-Unis à Monument Valley en Arizona et en Utah, du 2 au 14 août 1968. Le découpage technique a été transmit par Sergio Leone à l'auteur Christopher Frayling le 5 janvier 1982 (p.283), suite à la publication de son premier ouvrage consacré au Spaghetti Westerns, 1981. Le tournage a été ponctué par deux événements tragiques, soit l'assassinat de Robert Kennedy le 5 août 1968 et par le suicide par défenestration de l'acteur Al Mulock le 28 juillet 1968 du septième étage de l'Hôtel de Guadix (p.166).

Le film a été soumi au comité de censure le 2 décembre 1968 et a obtenu l'approbation (sans réserve) du visa d'exploitation le 13 décembre 1968. Le reste est de l'histoire connue. Le film sort dans le Supercinéma de Rome le 21 décembre 1968 et à Turin et deux autres villes, le 24 décembre suivant. Le seul bémol tient à la recherche nettement insuffisante effectuée du côté du générique (le casting surtout). Là, rien de nouveau sous le soleil. Le site du film sur International movie data base est franchement supérieur, qui n'est pas lui-même à l'abri de lacunes ou d'erreurs grossières. Il manque au total plus de vingt cinq extras featured, des figurants qui apparaissent en gros plan en présence ou en absence d'acteurs principaux.

Mais il ne faudrait pas bouder notre plaisir pour autant, car il s'agit du meilleur ouvrage de Christopher Frayling à vie, bien supérieur à sa tentative larvée de biographie sur «Sergio Leone, Quelque chose avec la mort», (traduction française, 2018) qui souffre lamentablement de toutes références à la correspondance officielle des collaborateurs ou de Sergio Leone lui-même, dont on ignore jusqu'à la date de mariage... Quel plus beau cadeau de Noël à  offrir cette année ou pour soi-même. À lire absolument!

Christopher Frayling
«Once upon a time in the West
Shooting a masterpiece»
Londres, Reel Art Press Ltd
16 mai 2019, 336 pages
Illustrations n/b et couleur
Avant-propos de Quentin Tarentino

Séquences, le 28 juillet 2019, vers 13 heure 15 PM.

La Nouvelle Vie Réelle, 11 octobre 2019

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