lundi 31 octobre 2016


Et s’il ne parle pas votre langue?

Le premier contact avec un étranger

Daniel Paquet                                                                                                                 dpaquet1871@gmail.com

Un peu de gêne, un malaise…  On ne veut pas froisser notre interlocuteur; après tout c’est la première fois qu’on se parle.  Comment appréhender la situation.  Il faut d’abord savoir qu’il y a des milliers de langues parlées dans le monde, notamment dans les Amériques, elles  sont des centaines à tenir le haut du pavé.  Une langue, « c’est un système de signes verbaux propre à une communauté d’individus qui l‘utilisent pour s’exprimer entre eux. »[1]

Certaines langues sont dites : vernaculaires, d’autres véhiculaires.  La différence?  Une langue vernaculaire est parlée seulement à l’intérieur d’une communauté.  Ainsi, le français au Québec n’est parlé que par les Canadiens-français en général.  Par extension, l’anglais n’est parlé que par les Canadiens-anglais et l’immigration sur leur territoire. Est véhiculaire la langue de communication entre des communautés d’une même région ayant des langues maternelles différentes; ce qui est fréquemment le cas au Québec, notamment à Montréal.

Tout ne s’est pas fait du jour au lendemain. « L’histoire n’est pas autre chose que la succession des différentes générations dont chacune exploite les matériaux, les capitaux, les forces productives qui lui sont transmis par toutes les générations précédentes; de ce fait, chaque génération continue donc, d’une part le mode d’activité qui lui est transmis, mais dans des circonstances radicalement transformées et d’autre part elle modifie les anciennes circonstances en se livrant à une activité radicalement  différente… »[2]

Aujourd’hui, la langue anglaise est une langue véhiculaire : d’ailleurs, c’est la principale langue véhiculaire dans le monde entier, dû au poids économique de l’impérialisme US.  C’est une réalité renforcée surtout par  le déploiement des moyens  de communication de masse (mass média) : télévision, Internet, radio et bien sûr  la presse écrite.  Les langues occidentales ont de plus une origine commune : le sanskrit.  Cette langue est donc l’ancêtre lointain de l’anglais, du français, de l’espagnol, de l’allemand, de l’hollandais, du portugais,  etc.  C’est une langue indo-aryenne qui fut la langue sacrée et la langue littéraire de l’Inde ancienne.  Au chapitre des langues anciennes,  on retrouve plus près de nous ces ancêtres du Vieux-Continent : les langues indo-européennes issues  de l’indo-européen et des peuples qui  les ont parlés.

Il existe aussi les langues sémites.  Elles appartiennent à la famille de langues comprenant le sémitique, l’égyptien, le berbère, le couchitique et  les langues tchadiennes, soit les langues chamito- sémitiques d’Asie occidentale et du nord de l’Afrique (arabe, berbère, hébreu, araméen, amharique, etc.  Elles marquent la naissance d’un ensemble de peuples du Proche-Orient parlant ou ayant parlé dans l’Antiquité des langues sémitiques.

Le commerce entre les peuples, le développement des techniques (par exemple dans la construction des bateaux et la conservation des aliments, pour les longs périples) ont favorisé les échanges internationaux.  La formation des empires ont accéléré les fusions entre les langues parlées.  Ainsi, l’empire gréco-romain de l’Antiquité a donné un grand essor à la langue grecque, qui fit de la Grèce, même conquise, le foyer irradiant de la culture d’un grand empire; il s’agit de la civilisation hellénistique (elle-même fruit des conquêtes d’Alexandre le Grand qui poursuivit ses guerres jusqu’en Asie mineure).  La  langue latine ne fut jamais la lingua franca (i.e. la langue parlée partout autour du bassin méditerranéen) comme on l’imagine, ou au même titre que l’anglais depuis le développement de l’empire britannique et américain de ces derniers siècles.   Les Romains ont adopté dans le monde des arts et de la culture l’héritage de l’empire grec qui les surpassait.

Mais les Romains détenaient les rênes de leur empire et « les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle.  La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du  même coup à cette classe dominante. »[3]

Sous ce rapport, on n’a qu’à penser aux âpres débats qui ont lieu à l’Unesco (Paris) pour la protection des cultures nationales et l’indifférence farouche, mais calculée de l’administration US pour que le plus fort l’emporte.

Tout cela ne doit pas nous faire oublier l’apport des premières nations (peuples autochtones : Inuit et Amérindiens du Canada) qui ont élu résidence dans les Amériques et  qui - s’ils n’avaient qu’une longue et solide tradition orale ont laissé des traces profondes, que ce soit au Canada ou encore en Amérique centrale et au nord de l’Amérique latine - ont bâti effectivement de véritables empires (les Mayas, les Incas et les Aztèques) et contribué à l’émergence de véritables trésors de création et d’innovation humaine (sur le plan de l’architecture entre autres).  Ils ont vécu des milliers et des milliers d’années avant l’arrivée des premiers Européens.  Par exemple, tout atteste que les Premières nations se sont établies au Canada depuis plus de 10 000 ans de notre ère.

Alors on comprendra que même les peuples européens ont une histoire assez jeune même si on ignore considérablement l’histoire de ces peuples, héritiers de l’Asie.  D’autre part, il y a une peu plus de 1,000 ans deux moines byzantins ont ‘évangélisé’ les pays slaves.  Ils y ont introduit un nouvel alphabet : le cyrillique, fondé sur l’alphabet grec (on n’a qu’à comparer l’alphabet russe à l’alphabet grec, la ressemblance saute aux yeux).  La langue de l’époque, le slavon,  était parlée (en Russie, en Ukraine, en Bulgarie, etc.).  C’était une langue essentiellement religieuse.  C’est le fait d’armes du moine Cyrille; son coreligionnaire Méthode, a mis un peu ‘d’ordre’ dans les modes d’expression.  Ils ont été canonisés depuis lors. 

Avec le développement des techniques, les frontières ont  commencé à tomber : les hommes pouvaient aller plus loin pour le commerce et les échanges de marchandises; on pense notamment à la construction de navires plus performants.  Les voyages entre l’Europe et l’Amérique (si prometteuse et si riche) se sont avérés plus faciles et sûrs.

« La découverte de l’Amérique, le tour du cap de Bonne-Espérance ont ouvert  à la bourgeoisie montante un champ d’action nouveau.  Les marchés des Indes Orientales et de la Chine, la colonisation de l’Amérique, le commerce avec les colonies, l’accroissement des moyens d’échange et des marchandises  en général ont donné au négoce, à la navigation, à l’industrie  un essor qu’ils n’avaient jamais connu et entraîné du même coup le développement rapide de l’élément révolutionnaire dans la société féodale chancelante. »[4]

Si, au début, les Européens (Irlandais, et Bretons, etc.) allaient pêcher sur les bancs de Terre-Neuve, sans y établir des colonies durables, ils furent suivis par des générations d’Européens qui se fixèrent dans ces contrées, alors sauvages, mais luxuriantes.

« La manufacture et le mouvement de la production en général prirent un essor prodigieux, du fait de l’extension du commerce amenée par la découverte de l’Amérique et de la route maritime des Indes orientales.  Les produits nouveaux importés des Indes, et principalement les masses d’or et d’argent qui entrèrent en circulation, transformèrent de fond en comble la situation réciproque des classes sociales et portèrent un rude coup à la propriété foncière féodale et aux travailleurs… »[5]

Mais l’histoire des langues et des civilisations ne s’arrête pas à celle de l’Occident.  Ainsi, la Chine a eu une influence déterminante sur le monde oriental et asiatique (Corée, Japon, Vietnam, etc.).  Nous apprenons maintenant  à mieux connaître la Chine. (Les milieux impérialistes, eux, la redoutent!)  Comme bon nombre de langues asiatiques, elle possède une écriture à caractères qui est assez rebutante pour le néophyte.  Aussi, le gouvernement de la République populaire de Chine utilise le pidgin (écriture latine) pour faire rayonner la culture chinoise et faciliter l’apprentissage de la langue;  et les enfants chinois dès leur plus jeune âge se mettront à l’étude de l’anglais pour qu’ils connaissent mieux la culture occidentale en général et anglo-saxonne en particulier  avec qui les entreprises nationales font beaucoup d’échanges commerciaux.  Déjà le Vietnam par exemple depuis la colonisation française a adopté la graphie latine. 

Pour en revenir à la Chine, elle aspire à être mieux connue des peuples vivant au-delà de ses frontières.  Parlant de ce grand pays (1,4 milliard d’habitants; deuxième puissance économique mondiale tout juste  après les U.S.A.), il faut savoir qu’outre le mandarin - la langue officielle-, plus de 50 langues et dialectes sont parlés dans le pays, y compris le cantonnais.  Le mandarin est soit dit en passant une langue à tons : i.e. un même vocable peut avoir jusqu’à trois, voire quatre significations dépendamment de l’accent sonore emprunté pour décrire une réalité, par exemple : ma, peut signifier : maman ou cheval, selon la prononciation.   Gâtez-vous dirait l’autre!

« D’autre part, le développement du travail a nécessairement contribué à resserrer les liens entre les membres de la société en multipliant les cas d’assistance mutuelle, de coopération commune, et en rendant plus clair chez chaque individu la conscience de l’utilité de cette coopération.  Bref, les hommes en formation en arrivèrent au point où ils avaient réciproquement quelque chose à se dire.  Le besoin se créa son organe, le larynx non développé du singe se transforma, lentement mais sûrement, grâce à la modulation pour s’adapter  à une modulation sans cesse développée, et les organes de la bouche apprirent peu à peu à prononcer un son articulé après l’autre. La comparaison avec les animaux démontre que cette explication de l’origine du langage, né du travail et l’accompagnant, est la seule exacte. Ce que ceux-ci, même les plus développés, ont à se communiquer est si minime qu’ils peuvent le faire sans recourir au langage articulé. »[6]

Mais les échanges commerciaux, les contacts entre les peuples ont engendré leur lot de souffrances et de misère.  D’un autre côté, « la production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore l’émanation directe  de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu’elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. de  tout un peuple. »[7]

La plupart du temps, les Occidentaux ont imposé leur présence, leur domination par la baïonnette  (simultanément avec  le missel  le plus souvent).

 « Jusqu’à présent, on a fait de la violence, de la guerre, du pillage, du brigandage, etc. la force motrice de l’histoire.  Force nous est ici de nous borner aux points capitaux et c’est pourquoi nous ne prenons qu’un exemple tout à  fait frappant, celui de la destruction d’une vieille civilisation par un peuple barbare et la formation qui s’y rattache d’une nouvelle structure sociale qui repart à zéro.  (Rome et les barbares, la féodalité et la Gaule, le Bas-Empire et les Turcs.) »[8] 

 C’est pourquoi, « le léninisme a élargi la conception de la libre disposition en l’interprétant comme le droit des peuples opprimés des pays dépendants et des colonies à la séparation complète, comme le droit des nations à exister en tant qu’État indépendant. (…)  C’est ainsi que la question des nations opprimées est devenue la question de l’appui, de l’aide  effective et constante à prêter aux nations opprimées dans leur lutte contre l’impérialisme, pour l’égalité effective  des  nations, pour leur existence comme État indépendant. »[9]

« Les rapports des différentes nations entre elles dépendent du stade de développement où se trouve chacune d’elles en ce qui concerne les forces productives, la division du travail et les relations intérieures.  Ce principe est universellement reconnu. Cependant, non seulement les rapports d’une nation avec les autres nations, mais aussi toute la structure interne de cette nation elle-même, dépendent du niveau de développement de sa production et de ses relations intérieures et extérieures. »[10]

« Dans le roman d’Orwell  1984’, la ‘novlangue’ désigne un code politico-médiatique qui permet au pouvoir totalitaire de ‘Big Brother’  de  manipuler les masses par l‘usage méthodique de l’euphémisme et de l’antiphrase.  L’anticommuniste Orwell entendait ainsi dénoncer allusivement la ‘langue de bois’ stalinienne, dans laquelle il voyait une entreprise visant à manipuler la pensée en fixant l’idéologie  jusque dans le lexique.  Masi force est aujourd’hui de constater que la ‘novlangue’ a, au bas mot, changé de camp et que les Big Brothers occidentaux et leurs émules gorbatchéviens ont de loin surpassé leur archétype littéraire.  Dans la novlangue des média, sont ainsi complaisamment classés  ‘novateurs’, ‘réformateurs’, ’modernistes’, tous ceux qui s’évertuent à restaurer le capitalisme sauvage du XIXe siècle, à casser les États, les Partis, les acquis du  monde ouvrier.  À l’inverse, les ‘conservateurs’, les conquêtes sociales, les idéaux révolutionnaires, les valeurs républicaines majeures telles que la laïcité ou la souveraineté nationale.  S’ils s’obstinent en outre, comme Fidel Castro, à défendre le socialisme et la révolution, ils reçoivent immédiatement et sans rémission  l’épithète infamante de ’nostalgiques, de ‘mammouths, et de ‘dinosaures’. »[11]

Voilà, c’est ce que l’auteur de ces lignes a appris en fréquentant  deux écoles internationales : d’abord au  niveau postsecondaire au St. Patrick’s  High School (5ème année) de Québec, et ensuite au niveau universitaire à l’Institut des Sciences sociales de Moscou.  Maintenant, l’objectif est d’apprendre à parler correctement l’arabe moderne standard, l’équivalent du français radio-canadien.

 

 

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[1] Le Petit Larousse illustré, 2015, page 659
[2] Marx-Engels, L’Idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968
[3] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 74
[4] Marx-Engels, Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page 229
[5] Marx-Engels, L’Idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, pages 94-95
[6] Engels, Friedrich, Dialectique de la nature, Éditions sociales, Paris, 1975, page 174
[7] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 35
[8] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 29
[9] Staline, J., Les questions du Léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, pages 70-71
[10] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 26
[11] Gastaud, Georges, Mondialisation capitaliste et projet communiste, Le Temps des Cerises, Pantin, 1997, page 26

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