vendredi 30 septembre 2016


Washington et l’ « éclosion des cent fleurs »

 

Daniel Paquet                                                                                                dpaquet1871@gmail.com

A

près les Jeux olympiques de Rio (Brésil 2016), les courses se sont vraiment déroulées cette fois en Amérique du Nord : aux U.S.A. (un marathon de longue  haleine opposant la Démocrate Hillary Clinton au Républicain Donald Trump); voilà une compétition mettant au coude à coude deux candidats dont on peut dire sans se tromper qu’ils sont partie prenante au bonnet blanc- blanc bonnet.   Nous y reviendrons  dans une livraison ultérieure.

Plus près de nous, la mêlée est engagée au sein du Parti québécois.  Déjà, Bernard Drainville, alors  député du PQ dans la région de Montréal, prédisait que si ce parti « continue de s’enliser et si l’hémorragie n’est pas stoppée, ‘le PQ pourrait disparaître’. »  (Corriveau, Jeanne, Le PQ pourrait disparaître, Le Devoir, Montréal, samedi 14 et dimanche 15  janvier 2012, vol. CII, no. 5, page frontispice).

« L’unité des forces souverainistes (i.e. nationalistes) s’impose aussi… pour livrer la bataille ensemble plutôt que de la livrer les uns contre les autres » : « Je pense que ça prend une alliance avec Québec solidaire (social-démocrate centriste et nationaliste, -ndlr) et avec les autres partis souverainistes et progressistes. (Sic) » (Ibidem, page A10).

La petite-bourgeoisie nationaliste québécoise n’en finit plus de chercher une voie pour ses aspirations à l’indépendance du Québec, sous la forme d’un parti politique ou encore d’un mouvement de « réflexion » comme le  dernier venu, la mouture post-printemps érable, co-animée par son principal porte-parole, Gabriel Nadeau –Dubois.  Tous veulent donner au peuple québécois des « outils » pour son émancipation.

Toutefois, c’est le Parti québécois qui demeure le parti nationaliste par excellence au Québec.  Ces derniers mois, le PQ a vécu une course à la chefferie; quatre candidats se sont affrontés jusqu’à la toute fin.  Étaient-ils (ou elle) si différents l’un de l’autre?  L’un d’entre eux a bien dit les choses : dans les débats entre eux « il n’y a que des attaques personnelles, des accusations et des déchirements sur la place publique… », a soutenu ce prétendant, Paul St-Pierre Plamondon. (Propos recueilli par Marie-Lise Rousseau, On mérite mieux que ça, Métro, Montréal, lundi 26 septembre 2016, page 4).

« Nous n’insisterons pas outre mesure sur la réfutation marxiste de la conception raciste, pseudo-biologique, communautariste ou ethnique de la nation.  Dans son article Race, peuple, nation, écrit pour la revue Commune à la veille de la seconde guerre mondiale, le philosophe communiste Georges Politzer a montré de manière détaillée comment le racisme détruit la nation. S’appuyant sur les écrits de Maurice Thorez, alors jeune secrétaire général du PCF et figure de proue du Front populaire, le patriote français et fils d’immigré hongrois qu’était Georges Politzer rappelait dans le vocabulaire commun à tous les écrivains politiques d’alors que ‘vingt races ont fait la France’ : car la nation n’est en rien une race, une réalité pseudo-biologique, mais une construction historico-sociale. Thorez le montrait aisément à propos de la France, où l’histoire, en particulier celle de l’humanisme, des Lumières, de la Révolution française, de la Commune de Paris, a joué un rôle décisif et fortement revendiqué dans la construction de l’État national, mais aussi à propos de la nation allemande profondément fissurée et déstabilisée par le nazisme :  Politzer soulignait ainsi qu’en excluant de la communauté nationale les Allemands juifs, les ouvriers marxistes et les intellectuels progressistes allemands, Hitler sapait les fondements mêmes de la nation allemande.  En un mot, et à y regarder de plus près, le ‘national –socialisme’ hitlérien n’était pas plus ‘national’ qu’il n’était ‘socialiste’. » (Gastaud, Georges, Patriotisme et internationalisme, Éléments de réflexion marxiste sur la question nationale, Lens, France).

Les sociaux-démocrates se sont joints  au mouvement nationaliste.  Ainsi Louise Beaudoin, alors du gouvernement du Parti québécois, et déléguée générale du Québec à Paris et antérieurement ministre des Relations internationales du Québec, a fait l’éloge de Michel Rocard à son décès.  « Le regard que portera Rocard sur le Québec sera à travers le projet de société que sous-tend la souveraineté et, plus largement, la social-démocratie à la québécoise.  Car, théoricien de la deuxième gauche, Michel Rocard veut moderniser le socialisme français, selon lui trop imprégné de marxisme et de dirigisme étatique. (Sic). »  Lyrique, madame Beaudoin, poursuit : « À l’instar de Jean Jaurès (fondateur du quotidien L’Humanité, organe central  du Parti communiste français, -ndlr), son illustre prédécesseur dont il se veut l’héritier, il sait qu’un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, mais que beaucoup y ramène. »  Madame Beaudoin cite très bien Jaurès, mais ne semble pas comprendre la signification de ce qu’il dit!

Si on parle d’internationalisme, on ne peut occulter son revers, l’impérialisme, à commencer par l’impérialisme US.  Ainsi, lors d’un discours au Pentagone, « M. Obama a aussi souligné la priorité qu’il souhaitait désormais donner à l’Asie, une ‘région cruciale’ dans laquelle les États-Unis renforceront  leur présence militaire à l’avenir… Le budget du Pentagone doit être amputé de quelque 487  milliards de dollars en dix ans, et M. Obama a reconnu que cela conduirait à une armée ‘allégée’, avec,’ moins de  forces terrestres conventionnelles’. ‘Mais le  monde entier doit le savoir, les États-Unis vont maintenir leur supériorité militaire avec des forces armées qui seront agiles, flexibles et prêtes à réagir à l’ensemble des circonstances et des menaces’ possibles contre les intérêts du pays. »  (AFP, Obama maintiendra la supériorité des É.-U., Montréal, 24 H, week-end, 6-8 janvier 2012, page 18).

En fait, « le président Obama a promis… que les États-Unis resteraient la plus grande  puissance militaire du monde.   (…)

Par ailleurs, sa présentation laisse penser que les États-Unis réduiront leur rôle militaire en Europe, à l’exception de leur relation étroite avec l’OTAN, et que l’Asie deviendra une nouvelle priorité. »  (Associated Press, Les États-Unis resteront dominants, Métro, Montréal, week-end 6-8 janvier 2012, page 09).  Évidemment, les autorités états-uniennes craignent la montée en force de la République populaire de Chine qui aura rattrapé les États-Unis, y compris sur le plan militaire, dès 2020.

« La Chine colonisée a pu se libérer, entre autres, grâce à la puissante révolution socialiste et anticolonialiste russe de  1917 (bientôt 100 ans). Le fascisme et le nazisme, en Allemagne, au Japon, et en Italie ont tenté de redonner force et vigueur au colonialisme en recolonisant l’Union soviétique et la Chine.  (…)

Et la Charte de la Soumam concluait, sans faire de distinction entre l’indépendance du Viet-Nam en voie vers le socialisme et celle du Liban par exemple : ‘Il y a dix ans, au lendemain de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une formidable explosion a ébranlé l’impérialisme.  L’irrésistible mouvement de libération nationale, longtemps comprimé, secoua les peuples captifs.  Une réaction en chaîne entraîna les pays colonisés l’un après l’autre, dans la conquête d’un avenir flamboyant de liberté et de bonheur.  En cette courte période, dix-huit nations sont sorties des ténèbres de l’esclavage colonial et ont pris place au soleil de l’indépendance nationale.’ (…)

(Incidemment), durant la période 2001-2010, la croissance annuelle moyenne du commerce sino-africain a atteint 28%.  La Chine est ainsi devenue le partenaire commercial le plus important de l’Afrique.  (Pendant cette période), le déroulement de la campagne de destructions massives et de terreur de l’OTAN a-t-elle montré que la ‘protection’ des civils n’était que le voile servant à masquer le vrai objectif des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne : à savoir abattre le régime de Kadhafi pour installer à sa place  un régime plus docile, qui serait ‘reconnaissant’ à ses ‘protecteurs‘ occidentaux qui seraient ainsi amplement ‘récompensés’, par le contrôle et le pillage des ressources de la Libye.

Après ce qui s’est passé en Libye, le danger de recolonisation de certains pays africains n’est plus une vue de l’esprit.  Ceux qui avaient encore des doutes sur la réalité de l’impérialisme et de sa nature perverse, despotique, terroriste et barbare, doivent se réveiller.  La Libye doit faire taire leurs doutes et balayer leurs illusions.  La Libye est un test majeur pour l’Afrique. Et cela, quel que soit ce que l’on peut penser de Kadhafi et de son régime.  (Mais)  au nord du Sahel, un Front de Libération de la Libye est déjà en train de s’organiser, car contrairement à ce qu’on a pu lire dans une publication de la gauche française, beaucoup regrettent déjà la Libye du temps du Livre  Vert. »  (Astegiani-Merrain, Marie-France; Cantave Fuyet, Peggy; Fuyet Hervé, Une valise,  un pays, une femme!  Fanon aujourd’hui pour mieux comprendre et transformer le monde!, Association des Descendants d’Esclaves Noirs et de leurs Amis (ADEN) et Réseau International Frantz Fanon (RIFF), Paris, 2010, 26 pages).

En boutade, beaucoup de nos concitoyens stigmatisent l’administration US;  toutefois, aujourd’hui, la critique devient plus viscérale.  Par exemple, on a vu récemment le « lancement de la coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec (qui avoue que) les revenus de l’industrie diminuent, entre autres en raison de l’exode des investissements publicitaires vers les médias sociaux, lesquels sont détenus par une poignée de géants  américains. »  (cf.  Page publicitaire publiée dans l’édition de Métro du mercredi 28 septembre 2016 en page 7).

Finalement, on peut revenir sur la campagne à la direction du Parti québécois en donnant la parole à Alexandre Cloutier qui veut « surtout que le Parti québécois devienne le parti de tous les Québécois, particulièrement des néo-Québécois. ‘ Il faut qu’on maintienne l’approche de notre socle commun : le français, notre bagage historique, ce que nous sommes comme Québécois’. » (Houde-Roy, Laurence, « Pas juste une question de chiffres mais aussi de responsabilités », Métro, Montréal, jeudi 29  septembre 2016, page 4).

Avouons que c’est difficile de réprimer un certain sourire en pensant que c’est à Montréal qu’a eu lieu le dernier Symposium des polyglottes d’Amérique du Nord.  Un des participants, Steve Kaufman parle 16 langues, dont certaines apprises durant la dernière décennie.  Ces jours-ci, ce retraité de 70 ans de l’industrie  forestière, étudie le coréen et le polonais.  Comme il le dit lui-même :  « Some  people like to play golf :  I like to learn languages.  I have found that, once you have learned one language, it is easier to learn a third or a fourth.’  Il parle aussi de son désir d’apprendre le russe.  ‘I wanted to read Tolstoy in the original – Russian is tough, but very interesting…’  Il conclut par ses mots  flatteurs pour Montréal:  ‘I think Montreal has to be one of the most genuinely bilingual cities in the world.  I think it is so impressive that I don’t always know if it is a francophone speaking English or an anglophone speaking French.  It is a tremendous asset.’ “(Schwartz, Susan, Lovers of language unite in ‘genuinely bilingual’ Montreal, Montreal Gazette, Saturday, July 23, 2016, page A6).

En guise de conclusion, voici une analyse synthèse qui nous ramène au  Québec : « autrefois la question nationale était ordinaire limitée à un cercle étroit de problèmes concernant, principalement, les nationalités ‘civilisées’, Irlandais, Hongrois, Polonais, Finlandais, Serbes et quelques autres nationalités d’Europe, telle était la catégorie des peuples ne jouissant pas des pleins droits, au sort desquels s’intéressaient les personnalités de la IIe Internationale.  Les dizaines et les centaines de millions d’hommes des peuples d‘Asie et d’Afrique, qui subissaient l’oppression nationale sous sa forme la plus brutale et  la plus féroce, restaient ordinairement hors du champ visuel.  (…)

Le léninisme a élargi la conception de la libre disposition en l’interprétant comme le droit des peuples opprimés des pays dépendants et des colonies à la séparation complète, comme le droit des nations à exister en tant qu’État indépendant. (…)

De là, la nécessité pour le prolétariat des nations ‘dominantes’ de prêter un soutien – un soutien résolu et actif - au mouvement de libération nationale des peuples opprimés et dépendants.  Cela ne signifie évidemment pas que le prolétariat doive soutenir tout mouvement national, toujours et partout, dans chaque cas particulier et concret. Il s’agit d’appuyer ceux des mouvements nationaux qui tendent à affaiblir,  renverser l’impérialisme, et non à le renforcer et à le sauvegarder.  Il est  des cas où les mouvements nationaux de certains pays opprimés  entrent en conflit avec les intérêts du développement du mouvement prolétarien.  Il va se soi que, dans ces cas-là, on ne saurait parler de soutien.  La question des droits des nations n’est pas une question isolée et se suffisant à elle-même, elle est une partie de la question générale de la révolution prolétarienne,, subordonnée à l’ensemble et demandant à être examinée du point de vue de l’ensemble. (…)

Lénine a raison lorsqu’il dit que le mouvement national des pays opprimés doit être apprécié non du point de vue de la démocratie formelle, mais du point de vue de ses résultats effectifs dans la balance générale de la lutte contre l’impérialisme, c’est-à-dire ‘à l’échelle mondiale - et non pas isolément. (…)

‘Le social-démocrate (aujourd’hui le ‘communiste’,-ndlr) d’une petite nation doit reporter le centre de gravité de son agitation sur le premier mot de notre formule générale : ’ union librement consentie des nations.  Il peut, sans faillir à ses obligations d’internationaliste, être à la fois pour l’indépendance  politique de sa nation, et pour son intégration à un État voisin X, Y, Z, etc.  Mais il doit en tout état de  cause lutter contre l’étroitesse, l’isolationnisme et le particularisme de petite nation pour la prise en considération  du tout et de l’universel, pour la subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général.

Les gens qui n’ont pas approfondi cette question trouvent ‘contradictoire, que les sociaux-démocrates (i.e. communistes) des nations qui en oppriment d’autres insistent sur la ‘liberté  de séparation’, et les sociaux-démocrates des nations opprimées, sur la ‘liberté d’union’.  Mais un peu de réflexion montre que, pour parvenir à l’internationalisme et à la fusion des nations en partant de la situation actuelle, il n’y a pas et il ne peut y avoir d’autre voie.’ (Voir ‘Bilan d’une discussion sur le droit des  nations à disposer d’elles-mêmes’, Lénine, Œuvres, tome 22).

(Staline, Joseph, Les questions du léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, La question nationale, pages 69-80).

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