samedi 23 juin 2018


SOCIAL-DÉMOCRATIE ET COMMUNISME

Y a-t-il vraiment une différence?

Daniel Paquet

MONTRÉAL – Parler de social-démocratie, c’est de façon aberrante pérorer sur le ‘top du top’ comme le dirait la jeunesse; les pédants affirmeront que c’est le nec plus ultra en matière de gauche politique et sociale.  En passant, feu Robert Bourassa, ci-devant chef du très bourgeois Parti libéral du Québec affirmait à son retour d’Europe – après un cuisant échec électoral au Québec -, et à qui voulait l’entendre, dans les années 1980, qu’il était social-démocrate. « … ‘la bourgeoisie n'a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort; elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes, les ouvriers modernes, les prolétaires’.
A mesure que grandit la bourgeoisie, c'est-à-dire le capital, se développe aussi le prolétariat, la classe des ouvriers modernes qui ne vivent qu'à la condition de trouver du travail et qui n'en trouvent que si leur travail accroît le capital. Ces ouvriers, contraints de se vendre au jour le jour, sont une marchandise, un article de commerce comme un autre; ils sont exposés, par conséquent, à toutes les vicissitudes de la concurrence, à toutes les fluctuations du marché. » (Marx-Engels, Le Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, pages 236-237).

RAPPORT SUR LE CHANGEMENT DE DÉNOMINATION DU PARTI COMMUNISTE DE RUSSIE

« Comme vous le savez, camarades, une discussion assez approfondie se déroule depuis avril 1917 dans le Parti au sujet du changement de dénomination du Parti ; c'est pourquoi il a été possible de prendre tout de suite au Comité central une décision qui n'a pas, je crois, provoqué de vives discussions et n'en a peut-être même suscité presque aucune, à savoir : le Comité central vous propose de changer l'appellation de notre Parti et de lui donner le nom de Parti communiste de Russie avec, entre parenthèses : bolchevique. Ce complément, nous le reconnaissons tous comme indispensable, parce que le mot « bolchevique » a acquis droit de cité non seulement dans la vie politique de la Russie, mais aussi dans toute la presse étrangère qui suit les grandes lignes des événements en Russie. Que la dénomination de « parti social-démocrate » soit scientifiquement inexacte, notre presse l'a expliqué également. Ayant créé leur propre État, les ouvriers ont fait que l'ancienne notion de la démocratie - de la démocratie bourgeoise, - a été dépassée par le développement de notre révolution. Nous sommes arrivés à un type de démocratie qui n'a jamais existé nulle part en Europe occidentale. II n'a eu sa préfiguration que dans la Commune de Paris, dont Engels a dit qu'elle n'était pas un État au sens propre du terme. En un mot, pour autant que les masses laborieuses se mettent elles-mêmes à gérer l'État et à créer une force armée qui soutient l'ordre existant, l'appareil spécial de gestion disparaît, l'appareil spécial d'une certaine violence de la part de l'État disparaît, et nous ne pouvons plus dès lors être pour la démocratie sous son ancienne forme.
D'autre part, au moment où nous nous engageons dans la voie des transformations socialistes, nous devons définir clairement l'objectif vers lequel elles tendent en fin de compte, à savoir la création d'une société communiste, qui ne se borne pas à l'expropriation des fabriques, des usines, du sol et des moyens de production, qui ne se limite pas à un inventaire et à un contrôle rigoureux de la production et de la répartition des produits, mais qui va plus loin, vers la réalisation du principe : de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. C'est pourquoi la dénomination de Parti communiste est la seule qui soit scientifiquement juste. L'objection suivant laquelle elle peut nous faire confondre avec les anarchistes a été tout de suite repoussée au Comité central, parce que les anarchistes ne se donnent jamais simplement le nom de communistes, mais accompagnent toujours ce mot d'autre chose. A cet égard, il y a toutes sortes de variétés de socialisme, mais cela n'entraîne aucune confusion entre social-démocrates et partis social-réformistes ou socialistes nationaux et autres.
D'autre part, un argument très important en faveur du changement de dénomination du Parti est que les vieux partis socialistes officiels de tous les pays avancés d'Europe ne se sont pas encore désintoxiqués du social-chauvinisme et du social-patriotisme qui ont provoqué la faillite complète du socialisme européen, officiel, pendant la guerre actuelle (i.e Première guerre mondiale,1914-1918), si bien que, jusqu'à ce jour, presque tous les partis socialistes officiels ont été pour le mouvement socialiste révolutionnaire ouvrier de véritables freins, de véritables obstacles. Et notre Parti, qui jouit incontestablement à l'heure actuelle d'immenses sympathies parmi les masses laborieuses de tous les pays, a pour devoir de proclamer de la façon la plus catégorique, la plus tranchée, la plus claire, sans la moindre équivoque, sa rupture avec ce vieux socialisme officiel. Et le changement de nom du Parti sera le meilleur moyen d'atteindre ce résultat. » (Lénine, Œuvres complètes, tome 27, Éditions sociales/Paris; Éditions du Progrès/Moscou, 1980, pages 140-141).

Tim Buck, qui fut pendant des décennies le secrétaire-général du Parti communiste du Canada, a, eu égard à la dictature du prolétariat, déclaré :  « Who will make the decision in the dictatorship of the proletariat?  The people who want socialism.  They will not make decisions in favour of socialism unless the working class is firmly united with them. The working class is the only class that has everything to gain and nothing to lose. » (Buck, Tim, Yours in the struggle, NC Press, Toronto, 1977, page 404).

Quant à Joseph Staline, il s’est exprimé ainsi : « J'ai dit plus haut qu'entre Marx et Engels d'une part, et Lénine de l'autre, s'étendait toute une période de domination de l'opportunisme de la IIe Internationale. Pour préciser, j'ajouterai qu'il ne s'agit pas de la domination formelle, mais uniquement de la domination effective de l'opportunisme. Formellement, la IIe Internationale était dirigée par des marxistes orthodoxes comme Kautsky et autres. En réalité, son travail fondamental s'effectuait dans la ligne de l'opportunisme. Petits-bourgeois de nature, les opportunistes s'adaptaient à la bourgeoisie ; quant aux « orthodoxes », ils s'adaptaient aux opportunistes pour « conserver l'unité » avec ces derniers, pour maintenir « la paix dans le parti  ». En définitive, l'opportunisme dominait, car, par les opportunistes, les « orthodoxes » étaient liés indissolublement à la politique de la bourgeoisie. Ce fut une période de développement relativement pacifique du capitalisme, une période d'avant-guerre pour ainsi dire, où les contradictions de l'impérialisme ne s'étaient pas encore révélées dans toute leur ampleur, où les grèves économiques et les syndicats se développaient plus ou moins « normalement », où les partis socialistes remportaient des succès électoraux et parlementaires foudroyants, où les formes légales de lutte étaient portées aux nues et où l'on espérait « tuer » le capitalisme par la légalité ; en un mot, une période où les partis de la IIe Internationale, grossissaient, s'empâtaient et ne songeaient plus à la révolution, à la dictature du prolétariat, à l'éducation révolutionnaire des masses. Au lieu d'une théorie révolutionnaire intégrale, des thèses contradictoires, des fragments de théorie sans liaison avec la lutte révolutionnaire effective des masses, des dogmes abstraits et surannés. Formellement, on se référait encore à la théorie de Marx, mais uniquement pour la dépouiller de son esprit révolutionnaire. Au lieu d'une politique révolutionnaire, un philistinisme amorphe, une politique mesquine, des combinaisons parlementaires. De temps à autre, des décisions et des mots d'ordre révolutionnaires, enterrés aussitôt qu'adoptés. Au lieu d'apprendre au parti la tactique révolutionnaire véritable, par l'étude de ses propres fautes, on évitait soigneusement les questions épineuses. Quand, par hasard, on y touchait, c'était pour les estomper et terminer la discussion par une résolution élastique. Tels étaient la physionomie, la méthode de travail et l'arsenal de la IIe Internationale. »  (Staline, Les questions du léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, pages 11-13).

Le chroniqueur du Devoir, Christian Rioux, est en poste à Paris depuis des années. Sa présentation sur le site Web du quotidien précise qu’il « s’intéresse depuis 30 ans aux questions politiques et culturelles qui déchirent l’Europe, l’Amérique et la francophonie ». Quelques années auparavant, vers 1980, il militait dans le groupe maoïste En Lutte!, dont les journaux dénonçaient le capitalisme et l’impérialisme dans une perspective internationaliste.
Il est aujourd’hui un passeur d’idées conservatrices et réactionnaires de l’Europe vers le Québec. Ce trafic d’idées est son fonds de commerce. On ne compte plus ses textes qui présentent l’immigration comme un grave problème, la fermeture des frontières comme une solution miracle et les progressistes internationalistes comme de dangereux idéalistes déconnectés du vrai « peuple ». Il présente ses positions très critiques de l’immigration en son nom propre dans ses chroniques, ou dans des reportages où il cite à profusion des intellectuels et des politiciens qui pensent comme lui.
À croire qu’il est en poste à Paris avec pour seul mandat de dénoncer l’immigration. Il y a pourtant une multitude d’autres sujets dont pourrait traiter le seul et unique correspondant du Devoir en Europe pour le plus grand bénéfice du lectorat.
Lisant sa chronique intitulée «Le délire humanitaire» qui portait sur la migration africaine vers l’Europe, je suis resté éberlué de constater qu’il poussait sa logique anti-immigration jusqu’à souligner que le risque de mourir noyé en Méditerranée sur une embarcation d’infortune n’était que de 0,37%!
Pourquoi diable mettre en lumière ce chiffre de 0,37%, si non pour mieux ridiculiser le « délire » et le « misérabilisme humanitaire », pour reprendre les mots méprisants du chroniqueur?
Selon cette logique mathématique, que penser des 81 journalistes tués dans le monde, en 2017? Ce nombre, encore plus insignifiant que celui des victimes de la migration, ne représente que 0,096% de tous les journalistes… aux États-Unis, seulement. Conclusion, il ne faudrait pas se laisser berner par le délire et le misérabilisme des agences de presse qui dénoncent la répression contre les journalistes et les atteintes à la liberté médiatique.
3000 morts, c’est 23 fois plus de morts que lors des attaques du 13 novembre 2015 en France (Bataclan, etc.). C’est, chaque année, le nombre de victimes de l’attaque aérienne du 11 septembre 2001 et plus de deux fois celui du naufrage du Titanic. Chaque année.
Par le choix des mots et des chiffres, le chroniqueur cherche à minimiser la tragédie humaine, à minorer l’ampleur du désastre. Le chroniqueur aurait pourtant pu choisir d’autres chiffres et nous rappeler qu’il y a eu plus de 3 000 morts en Méditerrané, l’an dernier seulement. 3000 morts, c’est 23 fois plus de morts que lors des attaques du 13 novembre 2015 en France (Bataclan, etc.). C’est, chaque année, le nombre de victimes de l’attaque aérienne du 11 septembre 2001 et plus de deux fois celui du naufrage du Titanic. Chaque année.
Entre 3000 morts réels et 0,37% de risque de mourir, on voit bien ce qu’on cherche à nous faire voir et à nous cacher : beaucoup de mort d’un côté, presque pas de morts de l’autre. Bref, choisir des chiffres, c’est choisir des images, c’est un choix de valeur, c’est choisir son camp politique. » (Chronique par Francis Dupuis-Déri, Ricochet, Christian Rioux, Prix Nobel de Mathématiques, La migration et la mort, Réponse au chroniqueur du Devoir, 19 juin 2018).

« D’entrée de jeu, (...) quatre auteurs  (Michel Doré, Marilyse Lapierre,Benoit Lévesque et Yves Vaillancourt)  délimitent la patinoire sur laquelle la gauche (québécoise) peut espérer évoluer :  c’est la social-démocratie et rien d’autre.  ‘Ce nouveau contexte mondial, écrivent-ils, rend possible et souhaitable un retour à la social-démocratie, la seule voie politique de gauche capable de s’imposer actuellement sur la scène électorale, la seule force politique dont la trajectoire historique est marquée par un engagement sans réserve en faveur d’une démocratie représentative ouverte à une participation citoyenne active (…)  À l’heure actuelle, la social-démocratie représente la seule orientation politique encore capable de prendre le pouvoir et de réaliser des réformes qui vont dans le sens de l’intérêt général ou du bien commun.’ (…)  Tentons une réponse :  les auteurs estiment que la social-démocratie est la seule option (associée à la gauche) acceptable pour le Parti québécois.  Et ils espèrent que dans la période actuelle, alors que la démarche du PQ en matière de souveraineté est caractérisée par une grande hésitation ce parti acceptera de placer la social-démocratie et son renouvellement en tête de liste de ses préoccupations et de son programme. (…)  Dès lors, même si le PQ est reconnu comme le parti politique québécois le plus ouvert à la social-démocratie, la question des rapports entre le nationalisme et la social-démocratie a été jusqu’ici examinée plutôt sous l’angle du nationalisme que de la social-démocratie. » (Boudreau, Philippe, État :  pouvoirs et contre-pouvoirs, Nouveaux Cahiers du socialisme, Montréal, 2010, pages 149-150).

« C’est pourquoi, en un sens, les ouvriers parisiens (au XIXe siècle) s’en remettent à leur juste instinct (un syndicaliste de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec – FTQ, m’avait dit la même chose naguère - ndlr) en soutenant à chaque fois le parti le plus radical possible. » (Lettre d’Engels à A. Bebel, 22 juin 1885, La social-démocratie allemande, Union générale d’éditions, Paris, 1975, page 207).

« L'histoire n'est pas autre chose que la succession des différentes générations dont chacune exploite les matériaux, les capitaux, les forces productives qui lui sont transmis par toutes les générations précédentes; de ce fait, chaque génération continue donc, d'une part le mode d'activité qui lui est transmis, mais dans des circonstances radicalement transformées et d'autre part elle modifie les anciennes circonstances en se livrant à une activité radicalement différente; ces faits on arrive à les dénaturer par la spéculation en faisant de l'histoire récente le but de l'histoire antérieure; c'est ainsi par exemple qu'on prête à la découverte de l'Amérique cette fin : aider la Révolution française à éclater; de la sorte on fixe alors à l'histoire ses buts particuliers et on en fait une "personne à côté d'autres personnes" (à savoir "conscience de soi, critique, unique", etc.), tandis que ce que l'on désigne par les termes de "détermination", "but", "germe", "idée" de l'histoire passée n'est rien d'autre qu'une abstraction de l'histoire antérieure, une abstraction de l'influence active que l'histoire antérieure exerce sur l'histoire récente. » (Marx-Engels, L’idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, pages 72-73).

« Précisément dans le parasitisme et la putréfaction qui caractérisent le stade historique suprême du capitalisme, c'est-à-dire l'impérialisme. Comme il est montré dans ce livre, le capitalisme a assuré une situation privilégiée à une poignée (moins d'un dixième de la population du globe ou, en comptant de la façon la plus "large" et la plus exagérée, moins d'un cinquième) d'États particulièrement riches et puissants, qui pillent le monde entier par une simple "tonte des coupons". L'exportation des capitaux procure un revenu annuel de 8 à 10 milliards de francs, d'après les prix et les statistiques bourgeoises d'avant-guerre. Aujourd'hui beaucoup plus, évidemment.
On conçoit que ce gigantesque surprofit (car il est obtenu en sus du profit que les capitalistes extorquent aux ouvriers de "leur" pays) permette de corrompre les chefs ouvriers et la couche supérieure de l'aristocratie ouvrière. Et les capitalistes des pays "avancés" la corrompent effectivement : ils la corrompent par mille moyens, directs et indirects, ouverts et camouflés.
Cette couche d'ouvriers embourgeoisés ou de l'"aristocratie ouvrière", entièrement petits-bourgeois par leur mode de vie, par leurs salaires, par toute leur conception du monde, est le principal soutien de la IIe Internationale, et, de nos jours, le principal soutien social (pas militaire) de la bourgeoisie. Car ce sont de véritables agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier, des commis ouvriers de la classe des capitalistes (labour lieutenants of the capitalist class), de véritables propagateurs du réformisme et du chauvinisme. Dans la guerre civile entre prolétariat et bourgeoisie, un nombre appréciable d'entre eux se range inévitablement aux cotés de la bourgeoisie, aux côtés des "Versaillais" contre les "Communards".
Si l'on n'a pas compris l'origine économique de ce phénomène, si l'on n'en a pas mesuré la portée politique et sociale, il est impossible d'avancer d'un pas dans l'accomplissement des tâches pratiques du mouvement communiste et de la révolution sociale à venir.
L'impérialisme est le prélude de la révolution sociale du prolétariat. Cela s'est confirmé, depuis 1917, à l'échelle mondiale. » (Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Éditions du Progrès, Moscou, 1971 (1920), page 665).

Quant au Parti communiste du Canada, il remonte en selle et sa presse (People’s Voice) est distribuée régulièrement, et fait ainsi connaître ses orientations et politiques; et aussi par le biais des média électroniques (ex. Facebook); il a retrouvé sa crédibilité et sa pertinence auprès de la classe ouvrière.  On peut en dire autant pour le Party of Communists of USA.

Courriel :  dpaquet1871@gmail.com
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