dimanche 28 août 2016


Le Brexit

 

Un point de vue d’Outremer

 

Daniel Paquet

 

« L

e vote-surprise des électeurs britanniques pour le retrait de l’Union européenne (UE) a causé une onde de choc sur les marchés boursiers mondiaux.  Et l’instabilité ne fait que commencer [alors que] la plupart des prévisionnistes tableaient sur un maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE. (…)

 

L’Indice mondial MSCI a perdu plus de 4 % .  L’agence Reuters a calculé que pas moins de 2 000 milliards US de valeur boursière s’étaient volatisés sur la planète. »  (Larocque, Sylvain, Chute brutale des marchés, La Presse Affaires, Montréal, samedi 25 juin 2016, page 2).

 

Peu importe les aléas du marché, les communistes russes disaient déjà en 1917, [qu’] « il faut absolument exiger et autant que possible, réaliser par la voie révolutionnaire, des mesures  comme la nationalisation du sol, de toutes les banques et de tous les syndicats capitalistes (ex. cartels, monopoles, marchés boursiers, etc., -ndlr) ou, à tout le moins,  un contrôle immédiat des Soviets des  députés ouvriers et autres sur ces établissements, mesures qui  n’ont  rien à voir avec l’ ‘introduction’ du socialisme […].  Ces mesures, qui ne constituent que les premiers pas vers le socialisme […] sont parfaitement réalisables du point de vue économique… » (Lénine, V.I., Œuvres choisies,  tome 2, Éditions du Progrès, Moscou, 1968, page 59).

 

« Les banques, on le sait, constituent les foyers de la vie économique moderne, les principaux centres nerveux de tout le système capitaliste  d’économie. (…)

 

Seul le contrôle exercé sur les banques –ce centre, ce principal pivot et ce mécanisme essentiel du trafic capitaliste  - permettrait d’organiser , en fait et non en paroles, le contrôle de toute la vie économique, de la production et de la répartition des principaux produits. (…)

 

La nationalisation  des banques rendrait infiniment plus facile la nationalisation simultanée des assurances, c’est-à-dire la fusion de toutes les compagnies d’assurances en une seule, la centralisation de leur activité et le contrôle de celle-ci par l’État. »  (Ibidem, pages 246, 248 et 251).

 

Revenons à la Grande-Bretagne où la classe ouvrière a voté majoritairement pour se séparer des impérialistes du continent, alors que la bourgeoisie  britannique s’est opposée « à la rupture et que les banquiers étaient contre. »  (Boisvert, Yves, La Presse, samedi 25 juin 2016, Montréal, page A9).

 

D’ailleurs, la bourgeoisie est hargneuse et revancharde.  La presse ‘cosmopolite’ bondit de ses gonds, même au Canada, où elle qualifie le vote pour le ‘oui’ de séparation du Royaume-Uni de l’Union européenne, et ce, en termes peu flatteurs pour les ouvriers anglais :  « En attendant, c’est  tout de même une sacrée victoire pour les forces du repli, de la méfiance et, bien entendu, de la xénophobie.  C’est tout de même la victoire des forces les plus réactionnaires.  Des vieux nostalgiques. »  (Ibidem, page A9).

 

La classe ouvrière  britannique a pourtant bien compris l’enjeu :  le poids, leur poids politique, social et idéologique dans les décisions stratégiques du pays, était ‘at stake’.  Par exemple, « le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a soutenu mardi que l’Accord économique et commercial global (AECG)  n’est pas un ‘accord mixte’. (…)

 

Dans le jargon européen, quand un accord est ‘mixte’, cela signifie qu’il est à la fois conclu par la Commission européenne–qui négocie et finalise l’accord international – et par les États membres.  Par conséquent, les parlements nationaux doivent donner leur aval en plus du Parlement européen. (…)

 

[Ainsi]  le 13 mai dernier, les 28 États membres de l’UE avaient insisté pour que ce traité conclu entre l’Union et le Canada entre en vigueur seulement après un feu vert des parlements nationaux. » (Avec l’Agence France-Presse, Associated Press, Jean-Claude  Juncker étonne les capitales, Le Devoir, Montréal, le jeudi 30 juin 2016, page B3).

 

Et  vos ouvriers, tout de même, railleront les idéologues de la droite,….  qu’est-ce qu’ils attendent pour se faire élire et promulguer les lois qui ‘leur’plaisent?

 

« …la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’État et de la  faire fonctionner  pour son propre compte.

 

Le pouvoir centralisé de l’État, avec ses  organes, partout présents :  armée permanente, police, bureaucratie, clergé et magistrature, organes façonnés selon un plan de  division systématique et hiérarchique du travail, date de l’époque de la monarchie absolue, où il servait à la société bourgeoise naissante  d’arme puissante dans ses luttes contre le féodalisme. (…)

 

Au fur et à mesure que le progrès de l’industrie moderne développait, élargissait , intensifiait l’antagonisme de classe entre le Capital et le Travail, le pouvoir d’État prenait de plus en plus le caractère d’un pouvoir national du Capital sur le Travail, d’une force sociale organisée aux fins d’asservissement social, d’un appareil de domination de classe. «  (Marx, Karl;  Engels, Frédérick, Œuvres choisies, tome 2, Éditions du Progrès, Moscou, 1978, pages 230-231).

 

En ce moment, la bourgeoisie est déstabilisée.   Elle protège néanmoins ses arrières (i.e. ‘assets’) :   « le dollar canadien a connu une journée difficile, perdant 1,37 cent US face au billet vert, une valeur refuge qui s’est appréciée hier par rapport à la plupart des devises. (…)

 

Les experts s’entendent pour dire que le vote britannique pèsera pendant un certain temps sur l’économie mondiale et les marchés financiers. »  (Larocque, page 2).

 

À moyen terme, le Canada sera épargné.  L’économie canadienne n’a pas beaucoup d’échanges économiques avec le Royaume-Uni (2,5% de ses exportations).  Il ne devrait donc pas trop souffrir des conséquences directes du référendum, outre ses impacts sur le prix des matières premières et sur les fluctuations des marchés financiers. (…)

 

À moins que ce mouvement de ‘repli identitaire’ [sic!] ne porte au pouvoir l’anti-libre-échangiste Donald Trump, ce qui menacerait nos relations avec les États-Unis, de qui nous sommes autrement plus dépendants.   (Vailles, Francis, Quand le peuple déjoue les experts, La Presse Affaires Montréal, samedi 25 juin 2016, page 3).

 

Mais la bourgeoisie ne décolère pas.  Elle fustige les milieux populaires et modestes en les accusant d’appuyer en leur for intérieur Donald Trump et Marine LePen, en martelant ‘leur’ mantra favori :  ‘on est dépossédé nationalement, dénationalisé, noyé dans le cosmopolitisme.’  

 

Ces deux derniers (et partant la presse bourgeoise) sont peu loquaces sur l’exemple récent de la Syrie où les pays de l’OTAN agressent les populations locales sans vergogne et les obligent à fuir en masse vers l’Europe et l’Amérique pour gagner ou regagner un havre de paix qu’elles ont perdu aux mains de l’Occident.  La Presse a préféré plutôt sonner le glas et condamner en s’appuyant sur le résultat du vote pour le Brexit:  ‘les pires forces de l‘Europe triomphent aujourd’hui – et pas juste celles de l’Europe.’  C’est honteux, une telle  déclaration!  C’est ignoble!

 

« Comme l’explique Engels, notamment dans son ouvrage L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État:  ‘L’État est  né du besoin de refreiner des oppositions de classes, mais comme il né, en même temps, au milieu du conflit de ces classes, il est, dasn la règle, l’État de la classe la plus puissante, de celle qui domine au point de vue économique et qui, grâce à lui, devient aussi classe politiquement dominante et acquiert ainsi  de nouveaux moyens pour mater et exploiter la classe opprimée.’

 

Aujourd’hui, les deux classes antagoniques de  notre société sont (dans notre cas précis et plus généralement, -ndlr) la bourgeoisie (Remain) et le prolétariat (Brexit).  L’État est aux mains de la bourgeoisie et lui sert à assurer sa domination.  L’armée, la police, la justice ((comme nous l’avons vu ci-haut)… ne sont donc pas des institutions ‘neutres’, au service de l’ensemble de la société.  Comme la réalité de la lutte de classe le démontre chaque jour et comme le mouvement social lui-même l’exprime quand il  dénonce la violence de classe et la justice  de classe, ces organes sont au service exclusif de la classe dominante. »  (La Forge,  L’État au service d’une classe, Organe central du Parti Communiste des ouvriers de France, Paris, mensuel no 574, juin 2016, page 4).

 

« Il faut noter encore qu’Engels est tout à fait catégorique lorsqu’il qualifie le suffrage universel d’instrument de domination de la bourgeoisie.  Le suffrage universel, dit-il, tenant manifestement compte de la longue expérience de la social-démocratie allemande, est :  ‘l’indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière.  Il ne peut être rien de plus, il ne sera  jamais rien de plus dans l’État actuel.’ (…)

 

La société, qui réorganisera la production sur la base  d’une association libre et égalitaire des producteurs, reléguera toute la machine de l’État là où  sera dorénavant sa place :  au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze. »  (Lénine, pages 298-299).

 

Eu égard au Brexit, et particulièrement de façon perspicace, « le  ministre  allemand Sigmar Gabriel a répondu [à Jean-Claude Juncker]  que si on outrepassait ainsi les parlements nationaux des États membres de l’Union européenne, on alimenterait l’opposition à d’autres traités de libre-échange, comme celui que l’Europe tente de conclure avec les États-Unis (le ‘Tafta’).  En entrevue au quotidien berlinois Der Tagerspiegel, M. Gabriel a soutenu qu’ ’il serait incroyablement insensé de décider, à ce moment-ci, que les parlements nationaux n’ont pas voix au chapitre sur cete accord commercial. »  (Le Devoir, page B3).

 

Concrètement, « le premier ministre conservateur britannique David Cameron a laissé à son successeur, qui doit être choisi le 9 septembre, la responsabilité d’engager la procédure formelle de sortie du Royaume-Uni de l’UE. (…)

 

Confronté à la menace indépendantiste de la Catalogne, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a exclu que l’Écosse puisse être associée à la moindre négociation post-Brexit avec l’UE.

 

Les traités [européens] sont contre.  Si le Royaume-Uni part, l’Écosse partira des institutions de l’UE, a-t-il argumenté.  La négociation se fera avec le Royaume-Uni, pas avec une partie du Royaume-Uni’ a abondé François Hollande.  Les dirigeants des 27 ont aussi fort à faire pour ‘éviter la dislocation’, a constaté le président français, (Rijckaert, Alix; Pinon, Bertrand; Agence France-Presse, L’UE pose ses conditions, Le Devoir, le jeudi 30 juin 2016, Montréal, page B5).

 

Pour la classe ouvrière, «  la révolution c’est l’acte suprême de la politique; qui la veut, doit vouloir le moyen, l’action politique, qui la prépare, qui donne aux ouvriers l’éducation pour la révolution. (…)

 

Mais la politique qu’il faut faire c’est la politique ouvrière; il faut que le parti ouvrier soit constitué non comme la queue de quelque parti bourgeois, mais bien en parti indépendant qui a son but, sa politique à lui. (…)

 

Les libertés politiques, le droit de réunion et d’association et de la liberté de presse, voilà nos armes, et nous devrions croiser les  bras et nous abstenir si l’on veut nous les ôter? »  (Marx-Engels, page 261).

 

Enfin, « plus optimiste (ou réaliste, dans le camp des capitalistes, -ndlr) l’économiste Francis Généreux, du Mouvement Desjardins, croit que les leaders politiques voudront calmer  le jeu.  ‘Si  l’UE et le Royaume-Uni réussissent à négocier de manière raisonnée, ce sera probablement la meilleure chose pour rassurer les marchés (i.e. maintenir au moins  le statu quo capitaliste, -ndlr), a-t-il estimé. »  (Larocque, page 2).

 

 

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