Terrorisme : l’État allemand, entre aveuglement et incompétence
"La polémique ne cesse de prendre de l'ampleur", résume avec pudeur Le Matin pour parler de la vague d'indignation qui étreint l'Allemagne après la fuite de l'auteur présumé de l'attentat. La gestion du dossier a été accablante à tous les niveaux.
Par Stéphane Montabert.
Dure période de Noël pour nos amis Allemands ; ils découvrent, effarés, que non seulement leur pays est en première ligne face à l’islamisme radical, mais que les autorités chargées de veiller sur leur sécurité sont aussi incompétentes que leur gouvernement.
« La polémique ne cesse de prendre de l’ampleur », résume avec pudeur Le Matin pour parler de la vague d’indignation qui étreint l’Allemagne après la fuite d’Anis Amri, l’auteur présumé de l’attentat1. Il faut dire que la gestion du dossier a été proprement accablante à tous les niveaux.
Alors que le portefeuille et les papiers d’identité d’Anis Amri avaient été découverts dans le poids lourd qui a ravagé un marché de Noël, la police de Berlin a préféré concentrer ses efforts sur un suspect Pakistanais suivi à distance par un témoin depuis le lieu du crime. Ce demandeur d’asile fut lavé de tout soupçon mais au prix d’un précieux temps perdu. Même si on imagine que les enquêteurs se sont intéressés à M. Amri dès la découverte de ses papiers sous le siège du conducteur, ils n’ont lâché son nom que lorsque leur premier suspect a été mis hors de cause.
Moralité, le terroriste a une bonne longueur d’avance. La police envoya 150 policiers perquisitionner sans succès une de ses dernières planques connues, un foyer de réfugiés dans l’ouest de l’Allemagne, à Emmerich, où Anis Amri aurait séjourné il y a quelques mois. Mais lorsque les forces de l’ordre en arrivent à proposer une récompense de 100 000 euros pour tout indice permettant son arrestation, on peut imaginer qu’elles ne disposent plus de la moindre piste sérieuse.
Anis Amri disposait déjà d’un important casier judiciaire. L’homme était très connu par les services de police et faisait l’objet d’une enquête pour un projet d’attentat. Il vivait en Allemagne depuis 2015, mais les enquêteurs ont remonté sa trace jusqu’en 2012, alors qu’il vivait en Italie en situation irrégulière. Il y a été condamné pour l’incendie volontaire d’une école. (…) Il devait quitter le territoire allemand avant le 30 juin 2016, mais l’homme a pris 8 identités différentes et déménagé de nombreuses fois.
Débouté de sa demande d’asile en juin 2016, il ne fut pas expulsé d’Allemagne, officiellement en raison d’un contentieux entre Berlin et Tunis. Les autorités de Tunisie n’auraient pas reconnu la validité des papiers d’identité de l’individu, et ce, bien qu’il ait été là-bas condamné à cinq ans de prison par contumace.
« Pourquoi une personne comme le suspect Tunisien a pu jouer au chat et à la souris avec les autorités en charge de son expulsion ? », demande le quotidien local Darmstädter Echo. La réponse est des plus consternantes : constatant l’impossibilité de le renvoyer en Tunisie, la justice allemande le laissa tout simplement libre.
Connu des services de Renseignement, Anis Amri n’a rien non plus du sempiternel loup solitaire. Âgé de 24 ans selon l’une de ses nombreuses identités, il faisait partie d’un groupe de Tunisiens comportant entre autres l’homme qui fonça sur la foule lors de l’attentat de Nice et un autre qui assassinat de sang-froid des touristes sur une plage de Tunisie. Et les autorités allemandes le savaient.
Anis Amri était pourtant bien connu du centre de lutte antiterroriste. Pendant l’essentiel de l’année 2016, il avait été placé sous surveillance à Berlin car suspecté de préparer un cambriolage pour financer l’achat d’armes automatiques et un attentat. (…)
L’enquête fut abandonnée en septembre faute d’éléments probants. Pourtant, il avait fait l’objet d’un signalement en novembre encore.
« Le fait que l’État Islamique revendique l’attaque avant l’arrestation de l’exécutant donne à penser que ce dernier est en contact avec un membre de l’organisation » explique Amarnath Amarasingam, un expert sur l’extrémisme de l’Université George Washington. On estime à au moins 6 000 le nombre de Tunisiens ayant rejoint les rangs de l’EI, ce qui fait d’eux la nationalité la plus représentée au sein du groupe. Nombre d’entre eux s’entraînèrent en Libye voisine, les autres parvinrent jusqu’en Syrie et en Irak.
De même, la présence de documents d’identité directement sur les lieux du crime n’a rien de surprenant. Les assaillants de Charlie Hebdo procédèrent ainsi, de même que l’un des terroristes des attentats de Paris et que le conducteur qui fonça dans la foule à Nice. Dans tous ces cas les terroristes furent tués. Les islamistes cherchent à mourir en commettant leur forfait.
Laisser ses documents sur place facilite l’identification du coupable et permet une revendication d’autant plus forte. C’est aussi une quête égocentrique de célébrité à titre posthume, la proportion de selfies que les assassins laissent derrière eux avant de commettre leur forfait en est tout à fait symptomatique.
Il est probable qu’en fonçant sur le Marché de Noël de Berlin, Anis Amri s’était préparé à vivre ses derniers instants. Il s’imaginait sans doute finir criblé de balles comme Mohamed Lahouaiej, après sa folle course sur la Promenade des Anglais. Il fut sans doute le premier surpris de constater qu’après avoir semé le chaos, seuls des cris de panique et les sanglots se firent entendre.
Pas de mise en joue par un militaire ou un policier, pas le moindre impact de balle sur la carrosserie du poids lourd finalement immobilisé. Il put quitter son camion à pied et disparaître à la faveur de l’agitation, en toute simplicité. En tout état de cause, Anis Amri ne s’attendait certainement pas à ce que la police allemande le gratifie de 48 heures de tranquillité supplémentaire, un joli cadeau de Noël aux islamistes en période de fêtes.
Même les terroristes sont surpris par la naïveté des autorités allemandes.
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Sur le web
Dure période de Noël pour nos amis Allemands ; ils découvrent, effarés, que non seulement leur pays est en première ligne face à l’islamisme radical, mais que les autorités chargées de veiller sur leur sécurité sont aussi incompétentes que leur gouvernement.
« La polémique ne cesse de prendre de l’ampleur », résume avec pudeur Le Matin pour parler de la vague d’indignation qui étreint l’Allemagne après la fuite d’Anis Amri, l’auteur présumé de l’attentat1. Il faut dire que la gestion du dossier a été proprement accablante à tous les niveaux.
Alors que le portefeuille et les papiers d’identité d’Anis Amri avaient été découverts dans le poids lourd qui a ravagé un marché de Noël, la police de Berlin a préféré concentrer ses efforts sur un suspect Pakistanais suivi à distance par un témoin depuis le lieu du crime. Ce demandeur d’asile fut lavé de tout soupçon mais au prix d’un précieux temps perdu. Même si on imagine que les enquêteurs se sont intéressés à M. Amri dès la découverte de ses papiers sous le siège du conducteur, ils n’ont lâché son nom que lorsque leur premier suspect a été mis hors de cause.
Moralité, le terroriste a une bonne longueur d’avance. La police envoya 150 policiers perquisitionner sans succès une de ses dernières planques connues, un foyer de réfugiés dans l’ouest de l’Allemagne, à Emmerich, où Anis Amri aurait séjourné il y a quelques mois. Mais lorsque les forces de l’ordre en arrivent à proposer une récompense de 100 000 euros pour tout indice permettant son arrestation, on peut imaginer qu’elles ne disposent plus de la moindre piste sérieuse.
Anis Amri disposait déjà d’un important casier judiciaire. L’homme était très connu par les services de police et faisait l’objet d’une enquête pour un projet d’attentat. Il vivait en Allemagne depuis 2015, mais les enquêteurs ont remonté sa trace jusqu’en 2012, alors qu’il vivait en Italie en situation irrégulière. Il y a été condamné pour l’incendie volontaire d’une école. (…) Il devait quitter le territoire allemand avant le 30 juin 2016, mais l’homme a pris 8 identités différentes et déménagé de nombreuses fois.
« Pourquoi une personne comme le suspect Tunisien a pu jouer au chat et à la souris avec les autorités en charge de son expulsion ? », demande le quotidien local Darmstädter Echo. La réponse est des plus consternantes : constatant l’impossibilité de le renvoyer en Tunisie, la justice allemande le laissa tout simplement libre.
Connu des services de Renseignement, Anis Amri n’a rien non plus du sempiternel loup solitaire. Âgé de 24 ans selon l’une de ses nombreuses identités, il faisait partie d’un groupe de Tunisiens comportant entre autres l’homme qui fonça sur la foule lors de l’attentat de Nice et un autre qui assassinat de sang-froid des touristes sur une plage de Tunisie. Et les autorités allemandes le savaient.
Anis Amri était pourtant bien connu du centre de lutte antiterroriste. Pendant l’essentiel de l’année 2016, il avait été placé sous surveillance à Berlin car suspecté de préparer un cambriolage pour financer l’achat d’armes automatiques et un attentat. (…)
L’enquête fut abandonnée en septembre faute d’éléments probants. Pourtant, il avait fait l’objet d’un signalement en novembre encore.
« Le fait que l’État Islamique revendique l’attaque avant l’arrestation de l’exécutant donne à penser que ce dernier est en contact avec un membre de l’organisation » explique Amarnath Amarasingam, un expert sur l’extrémisme de l’Université George Washington. On estime à au moins 6 000 le nombre de Tunisiens ayant rejoint les rangs de l’EI, ce qui fait d’eux la nationalité la plus représentée au sein du groupe. Nombre d’entre eux s’entraînèrent en Libye voisine, les autres parvinrent jusqu’en Syrie et en Irak.
Peu de mystère et beaucoup de bêtise
Pourquoi viser l’Allemagne, ce pays tellement ouvert ? Pourquoi en vouloir à Mme Wir schaffen das ! Merkel en donnant ainsi des points à ses adversaires politiques de l’AfD ? Poser la question revient à admettre qu’on ne comprend pas la mentalité des terroristes affiliés à l’EI. Pour eux, chacun est coupable, et punissable de mort, à partir du moment où il vit en Occident. Les croyances et opinions n’ont pas d’importance. Même les musulmans locaux sont perçus comme des tièdes et des hypocrites dangereusement compromis. Allah reconnaîtra les siens.De même, la présence de documents d’identité directement sur les lieux du crime n’a rien de surprenant. Les assaillants de Charlie Hebdo procédèrent ainsi, de même que l’un des terroristes des attentats de Paris et que le conducteur qui fonça dans la foule à Nice. Dans tous ces cas les terroristes furent tués. Les islamistes cherchent à mourir en commettant leur forfait.
Laisser ses documents sur place facilite l’identification du coupable et permet une revendication d’autant plus forte. C’est aussi une quête égocentrique de célébrité à titre posthume, la proportion de selfies que les assassins laissent derrière eux avant de commettre leur forfait en est tout à fait symptomatique.
Il est probable qu’en fonçant sur le Marché de Noël de Berlin, Anis Amri s’était préparé à vivre ses derniers instants. Il s’imaginait sans doute finir criblé de balles comme Mohamed Lahouaiej, après sa folle course sur la Promenade des Anglais. Il fut sans doute le premier surpris de constater qu’après avoir semé le chaos, seuls des cris de panique et les sanglots se firent entendre.
Pas de mise en joue par un militaire ou un policier, pas le moindre impact de balle sur la carrosserie du poids lourd finalement immobilisé. Il put quitter son camion à pied et disparaître à la faveur de l’agitation, en toute simplicité. En tout état de cause, Anis Amri ne s’attendait certainement pas à ce que la police allemande le gratifie de 48 heures de tranquillité supplémentaire, un joli cadeau de Noël aux islamistes en période de fêtes.
Même les terroristes sont surpris par la naïveté des autorités allemandes.
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