mercredi 8 mars 2017

par Laurent MARCHAND. 
      
La dynamique a quelque chose de stupéfiant. De vagues accusations proférées par une radio, reprises par le site d'ultra-droite Breitbart, sont devenues en un tweet une affaire d'État.
Le nouveau président des États-Unis accuse son prédécesseur de l'avoir fait espionner par le FBI durant la campagne électorale. Et il le traite de pauvre type au passage.
L'accusation ne repose, en l'état, sur aucun élément tangible. Elle est récusée par le chef du Renseignement américain alors en place. Elle vient s'ajouter à la colère de Trump sur les fuites mettant en cause plusieurs de ses proches et leur relation avec la Russie. Elle intervient, en outre, alors que la nouvelle administration patine toujours, quarante jours après son installation.
L'impression dominante, c'est que la greffe entre Trump et la machine étatique américaine n'a toujours pas pris. Cela tient à la personnalité du Président. Tous les témoignages confirment que sa seule réelle capacité de concentration, c'est au golf ou devant la télé qu'elle s'exprime le mieux. Et on voit mal, à 72 ans, comment cet homme pourrait évoluer.
Au coeur du dispositif, Steve Bannon, le plus proche conseiller de Trump, incarne ce malaise plus que tout autre. Cet idéologue, ancien patron de Breitbart, justement, est l'âme réactionnaire de la nouvelle équipe. L'ami des « suprémacistes » blancs qui entend lutter, dans un pays forgé par l'immigration, contre le « grand remplacement » (par des migrants). Il a fait placer dans le bureau ovale son icône, le portrait du 7e président des États-Unis, Andrew Jackson, plus enclin à chasser les Indiens qu'à respecter la Cour suprême.

Face à Kim Jong-un

L'éminence grise de Trump s'occupe de tout. « C'est lui qui menait la conversation », affirmait récemment un témoin de la visite de Theresa May, encore sous le choc. Il s'est surtout imposé en exigeant un poste au Conseil national de sécurité, d'ordinaire tenu par les militaires. Steve Bannon revendique de vouloir « déconstruire l'administration ». Créant ainsi une fracture au sommet de l'État qui, après sept semaines de gouvernement, reste entière. Le bras de fer avec les services de renseignement sur la Russie n'y est pas étranger.
Cette logique de camp retranché pourra difficilement tenir tout un mandat. On voit mal Bannon céder, mais on voit tout aussi mal la puissante machine de la sécurité nationale américaine se plier aux paranoïas d'un clan. Or, et c'est le propre de l'extrême droite, l'équipe Trump a besoin d'ennemis. L'establishment, les journalistes, les juges. Le camp démocrate, Obama, le FBI. Les réfugiés, l'islam.
D'où les oukases contre la presse et « l'État profond ». D'où le nouveau décret anti-immigrés qui arrondit les angles mais ne change rien à l'objectif : réduire l'arrivée de musulmans. D'où le réarmement naval pour contenir la Chine. Or, Pékin est incontournable dans le dossier nord-coréen.
C'est là que les pleins pouvoirs du Commandant en chef peuvent inquiéter. Même Wall Street, qui sable le champagne depuis novembre face aux promesses de dérégulation, s'interroge. Les récents tirs de missiles nord-coréens sont des provocations dangereuses. Pour le Japon mais aussi pour les nerfs du locataire de la Maison-Blanche. Ils interpellent la responsabilité américaine dans la gestion des affaires du monde. L'isolationnisme criard n'est pas le sujet. On voit mal un Bureau ovale, bunkerisé contre sa propre administration, en mesure d'y faire face. À moins de satisfaire les militaires. En sacrifiant Bannon ? 

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