Pour un changement populaire de pouvoir
Scrutin
proportionnel ou fin démocratique du parlementarisme?
Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
MONTRÉAL - Au Canada,
nous vivons sous le régime du parlementarisme, hérité de l’Empire britannique,
de la période coloniale, marqué par la fondation du pays en 1867
(l’anniversaire du pays fut d’ailleurs célébré en 2017), soit un peu plus de 150
ans. En pratique, nous n’avons connu que
l’alternance de deux partis politiques : le Parti libéral et le Parti
conservateur. Ces années-ci, il semble y
avoir du nouveau puisque le parti social-démocrate en titre, le Nouveau Parti
Démocratique (NPD) est aux portes du pouvoir; et il fait des pieds et des mains
pour que la Chambre des Communes adopte une façon nouvelle d’élire le
Parlement, i.e. des élections législatives par scrutin proportionnel.
Le désabusement pousse
les travailleurs et les jeunes à déserter les isoloirs des bureaux de scrutin. Il semble que ce soit surtout les jeunes;
prenons le cas du Québec.
« … la
participation des jeunes diminue à la grandeur de la province, et l’écart entre
la participation des 18-34 ans et des 35 ans et plus devient plus important.
‘L’écart était de cinq à six points en 1985 entre les plus jeunes et les plus
vieux. Il est aujourd’hui d’environ 10
points… Ce déclin s’inscrit dans le contexte d’une baisse généralisée du taux
de participation électorale, observée au Québec et dans le monde. (…)
Parce que si le jeune n’exerce pas son droit de vote à 18 ans, la
probabilité est très élevée qu’il ne vote pas aux élections subséquentes. (…)
Les moyens techniques, comme l’accessibilité aux bureaux de vote à même les
universités et les cégeps, est aussi un facteur déterminant. (Le directeur des
élections du Québec, Pierre Reid) … propose l’idée d’impliquer les employeurs
pour rejoindre les jeunes qui sont sur le marché du travail, et d’organiser des
rencontres où des anciens élus peuvent discuter de leurs expériences avec les
jeunes. »[1]
« Mais la
politique qu’il faut faire c’est la politique ouvrière; il faut que le parti
ouvrier (au Canada en général et au Québec en particulier, il n’existe pas
encore de parti communiste de masse, -ndlr) soit constitué non comme la queue
de quel que parti bourgeois, mais bien en parti indépendant (même petit, -ndlr)
qui a son but, sa politique à lui. Les libertés politiques, le droit de réunion
et d’association et la liberté de la presse, voilà nos armes, et nous devrions croiser
les bras et nous abstenir si l’on veut nous les ôter? On dit que tout acte politique implique qu’on
reconnaisse l’état existant des choses.
Mais lorsque cet état des choses nous donne des moyens pour protester
contre lui, user de ces moyens ce n’est pas reconnaître l’état existant. »[2]
« Mais la classe
ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’État
et de la faire fonctionner pour son propre compte. Le pouvoir centralisé de l’État, avec ses
organes, partout présents : armée permanente, police, bureaucratie, clergé
et magistrature, organes façonnés selon un plan de division systématique et hiérarchique
du travail, date de l’époque de la monarchie absolue, où il servait à la
société bourgeoise naissante d’arme puissante dans ses luttes contre le
féodalisme. »[3]
Ce point de vue a été
repris plus tard par Joseph Staline qui a écrit : « La révolution bourgeoisie se borne à
remplacer au pouvoir un groupe d’exploiteurs par un autre groupe d’exploiteurs;
aussi n’a-t-elle pas besoin de briser la vieille machine d’État; tandis que la
révolution prolétarienne écarte du pouvoir tous les groupes d’exploiteurs,
quels qu’ils soient, et porte au pouvoir le chef de tous les travailleurs et
exploités, la classe des prolétaires; aussi ne peut-elle se passer de briser la
vieille machine d’État et de la remplacer par une nouvelle. »[4]
En France, les
travailleurs se sont interrogés naguère sur la possibilité de former un
gouvernement avec la participation du Parti socialiste et du Parti communiste.
« Un tel
gouvernement aurait pour tâche de prendre des mesures démocratiques brisant la
puissance des trusts capitalistes, taxant sévèrement le capital et la
spéculation, détruisant la puissance du fascisme, apportant satisfaction aux
principales revendications ouvrières, relançant les services publics,
restaurant la souveraineté nationale.
Ces réformes démocratiques ne constituent nullement le socialisme. Mais elles peuvent en préparer l’avènement en
renforçant la classe ouvrière, en affaiblissant son adversaire, en aiguisant la
lutte de classe. C’est en ce sens
seulement qu’une démocratie avancée peut constituer un pas vers le
socialisme. En aucune façon elle ne s’y
substitue puisqu’à ce stade subsistent encore l’essentiel de la propriété
capitaliste, la domination du marché, le gros de l’appareil de l‘État
bourgeois. D’autre part le gouvernement
populaire ne saurait se substituer au mouvement populaire qui, en toutes
circonstances, sous l’impulsion du parti révolutionnaire, et doit rester le
centre de gravité de l’action révolutionnaire.
Une question de principe décisive à cet égard est celle de l’armement du
peuple. On mesure à cela quelle pente
réactionnaire il nous faudra remonter puisque
Chirac, relayé par l’actuel ministre PS de la défense, est en train de liquider
la conscription républicaine. (…) En outre, les travailleurs ne peuvent se
situer dans l’unique perspective de la constitution d’un gouvernement d’union
populaire par des voies électorales.
Des crises révolutionnaires peuvent surgir et déjà, on l’a bien vu,
‘ceux d’en bas’ ne veulent plus obéir comme avant, et ‘ceux d’en haut’ ont du
mal à gouverner comme avant : la dissolution anticipée de l’Assemblée en témoigne. »[5]
Le passage au
socialisme ne peut réellement se faire sans la dictature du prolétariat.
« La dictature du prolétariat a ses périodes,
ses formes particulières, ses diverses méthodes de travail. En période de guerre civile, ce qui saute
particulièrement aux yeux, c’est le côté violent de la dictature. Mais il ne s’ensuit nullement que, dans la
période de guerre civile, il ne se fasse aucun travail d’édification. (…) Dans la période de construction du socialisme,
au contraire, ce qui saute particulièrement aux yeux, c’est le travail
paisible, organisateur, culturel de la dictature, la légalité révolutionnaire,
etc. »[6]
« Les leviers ou
courroies de transmission, ce sont ces mêmes organisations de masse du
prolétariat, sans l’aide desquelles il est impossible de réaliser la dictature. »[7] Ici, Staline, avait en vue les syndicats
ouvriers, les Soviets (ou Conseils liés à la population en général), les coopératives,
l’Union des jeunesses et le Parti communiste.
« Il faut noter
encore qu’Engels est tout à fait catégorique lorsqu’il qualifie le suffrage
universel d’instrument de domination de la bourgeoisie. Le suffrage universel, dit-il, tenant
manifestement compte de la longue expérience de la social-démocratie allemande,
est ‘… l’indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière. Il ne peut être rien de plus, il ne sera
jamais rien de plus dans l’État actuel.’ »[8]
Mais, advenant
l’élection d’un gouvernement révolutionnaire, des changements auront lieu, et
rapidement :
« Électivité complète, révocabilité à tout moment de tous les fonctionnaires sans exception, réduction de leurs traitements au niveau d’un ‘salaire d’ouvrier’ normal, ces mesures démocratiques simples et ‘allant de soi’, qui rendent parfaitement solidaires les intérêts des ouvriers et de la majorité des paysans, servent en même temps de passerelle conduisant du capitalisme au socialisme. Ces mesures concernent la réorganisation de l’État, la réorganisation purement politique de la société, mais elles ne prennent naturellement tout leur sens et toute leur valeur que rattachées à la réalisation ou à la préparation de l’ ‘expropriation des expropriateurs’, c’est-à-dire avec la transformation de la propriété privée capitaliste des moyens de production en propriété sociale.
« Électivité complète, révocabilité à tout moment de tous les fonctionnaires sans exception, réduction de leurs traitements au niveau d’un ‘salaire d’ouvrier’ normal, ces mesures démocratiques simples et ‘allant de soi’, qui rendent parfaitement solidaires les intérêts des ouvriers et de la majorité des paysans, servent en même temps de passerelle conduisant du capitalisme au socialisme. Ces mesures concernent la réorganisation de l’État, la réorganisation purement politique de la société, mais elles ne prennent naturellement tout leur sens et toute leur valeur que rattachées à la réalisation ou à la préparation de l’ ‘expropriation des expropriateurs’, c’est-à-dire avec la transformation de la propriété privée capitaliste des moyens de production en propriété sociale.
‘La Commune (de Paris,
en 1871), écrivait Marx, a réalisé ce mot d’ordre de toutes les révolutions
bourgeoises, le gouvernement à bon marché, en abolissant les deux grandes
sources de dépenses : l’armée permanente et le fonctionnarisme.’
« Un organisme
‘non parlementaire mais agissant’, voilà qui s’adresse on ne peut plus directement
aux parlementaires modernes et aux ’toutous’ parlementaires de la social-démocratie! Considérez n’importe quel pays parlementaire,
depuis l’Amérique, jusqu’à la Suisse, depuis la France jusqu’à l’Angleterre, la
Norvège, etc. la véritable besogne d’État’ se fait dans la coulisse; elle est
exécutée par les départements, les chancelleries, les états-majors. Dans les parlements on ne fait que bavarder à
seule fin de duper le ‘bon peuple’. »[9]
Même si la situation
peut sembler insoluble, critique et dramatique (envenimée par les guerres
nombreuses de l’impérialisme US, relayées par l’OTAN; les épidémies ; la famine
et la pauvreté endémiques, etc.), il y a de l’espoir, ne serait-ce qu’au
Canada. Et ça répond à une façon
d’Engels de voir les choses :
« On peut
concevoir que la vieille société pourra évoluer pacifiquement vers la nouvelle
dans les pays où la représentation populaire concentre en elle tout le pouvoir
où, selon la constitution, on peut faire ce qu’on veut, du moment qu’on a derrière
soi la majorité de la nation; dans des républiques démocratiques comme la
France et l’Amérique, dans des monarchies comme l’Angleterre, où le rachat imminent
de la dynastie est débattu tous les jours dans la presse, et où cette dynastie
est impuissante contre la volonté du peuple. »[10]
« Une chose
absolument certaine, c’est que notre Parti et la classe ouvrière ne peuvent
arriver à la domination que sous la forme de la république démocratique. Cette dernière est même la forme spécifique
de la dictature du prolétariat, comme l’a déjà montré la grande Révolution
française. »[11]
« Le jour où je
vais voter pour moi, ton recomptage prendra des mois… »
-
Gilles
Vigneault (Lettre de
Ti-Cul Lachance à son Premier sous-ministre)
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[1] Chevalier, Andréanne, Le déclin du
vote des jeunes affecte davantage les régions éloignées, Métro, Montréal,
lundi 31 octobre 2016, page 6
[4] Staline, Joseph, Les questions du
Léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, page 171
[5] Gastaud, Georges, Mondialisation
capitaliste et projet communiste, Le Temps des Cerises, Pantin, 1997, pages
278-279
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