Les Canadiens : acculés au pied du mur?
La foi dans le progrès et le rejet de la corruption
Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
« Tout homme a son prix » veut un certain dicton : c’est
faux! Nous connaissons Fidel Castro et
Hugo Chavez qui ont fait mentir cet adage rétrograde. On peut être ou ne pas être d’accord avec ces
deux hommes, mais ce n’est pas l’appât du gain qui les ont motivés. Et, ils ne sont pas seuls.
Jean-Jacques Rousseau avait écrit
en son temps (l’époque des Lumières) : « Il n’y a plus aujourd’hui de
Français, d’Allemands, d’Espagnols, d’Anglais même, quoi qu’on en dise; il n’y
a que des Européens. Tous ont les mêmes
goûts, les mêmes passions, et les mêmes mœurs, parce qu’aucun n’a reçu de
formes nationales par une institution particulière… Ils n’ont d’ambition que
pour le luxe, ils n’ont de passion que celle de l’or : sûrs d’avoir avec
lui tout ce qui les tente, tous se vendront au premier qui voudra les payer. Que leur importe à quel
maître ils obéissent, de quel État ils suivent les lois? Pourvu qu’ils trouvent de l’argent à voler et des femmes à corrompre, ils sont
partout dans leur pays. »[1]
Un certain sage de l’Antiquité a affirmé :
« Plus une chose est difficile, plus elle exige d’art et de vertu… toute
étude, aussi bien dans le domaine de la vertu que de la science politique, s’intéresse au plaisir et à la
peine. L’homme qui saura bien placer ces
deux sentiments sera l’homme de bien; qui les placera mal sera le vicieux. »[2]
Les Canadiens (i.e. les
descendants des premiers colons français établis dans la vallée du St-Laurent),
en ont « plein le casque » de la corruption, de ce mal qui ronge la
société. Même s’ils ne pratiquent plus
la foi chrétienne, ils sont comme les Russes, ils croient intensément, surtout les ouvriers. Les contrecoups (misère morale, crise
économique…) vécus dans l’ancienne URSS les a blessés; il y a eu solidarité de
classe.
En réalité : que les
travailleurs russes ne se baladaient pas dans de grosses voitures américaines
dans les rues de Moscou, cela n’a jamais fait un drame pour leurs amis au
Canada. Mais les plus vieux en Amérique
se souviennent de l’exploit incroyable de l’Armée Rouge qui a vaincu Hitler à
Stalingrad et a anéanti son régime à Berlin;
bien sûr les vétérans du 22ème Régiment royal du Canada, basé
à Québec, sont fiers de dire qu’ils ont
combattu eux aussi.
Les autorités nord-américaines
ont, elles, dressé un nouveau Mur de l’Atlantique – tout comme celui érigé par
la Wehrmacht nazie. On ne veut pas que
traversent sur le continent nord-américain les idéaux d’Europe et d’ailleurs.
Le premier choc sera de connaître
ce qui s’est réellement passé, il y a vingt ans, en Union soviétique avec la
disparition du communisme (1953). Ce fut
un viol politique, rien de moins. L’URSS,
qui fut bien plus que le premier homme dans l’espace, les services sociaux
hors-pairs… ont apporté la paix en Europe et la solidarité avec les anciennes
colonies d’Europe de l’Ouest. Mais surtout, ils ont donné aux peuples
européens la liberté.
« Il n’y a point de mot qui
ait reçu plus de différentes significations, et qui ai frappé les esprits de
tant de manières, que celui de liberté… comme dans les démocraties le peuple
paraît à peu près faire ce qu’il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de
gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du
peuple. »[3]
Au Québec, il n’y a plus vraiment
de débat social; le seul et pratiquement unique, c’est sur la « liberté
d’interdire la liberté ». En un
mot, « brimer » les droits de ces femmes musulmanes qui seraient sous
l’obligation de porter le voile selon leur religion. Les grands décideurs ont
beau jeu : monter une partie de la population contre l’autre. « … quand l’État près de sa ruine ne
subsiste plus que par une forme illusoire et vaine, que le lien social est
rompu dans tous les cœurs, que le plus vil intérêt se pare effrontément du nom
sacré du bien public, alors la volonté générale devient muette …S’ensuit-il de
là que la volonté générale soit anéantie ou corrompue? Non, elle est toujours constante, inaltérable
et pure; mais elle est subordonnée à d’autres qui l’emportent sur elle. »[4]
Le problème n’est donc pas que
nous ne soyons pas assez pieux, mais c’est un enjeu de classes sociales; la bourgeoisie aime bien se vautrer dans les
richesses et la concupiscence; elle n’a pas de morale. C’est dans sa lutte d’émancipation que la
classe ouvrière (et tout le prolétariat plus largement) parviendra, tel
Hercule, à véritablement nettoyer cette écurie d’Augias. Elle est capable.
Au Québec, les familles ouvrières
sont prêtes à d’énormes sacrifices, y compris de se contenter de pain et de
beurre de pinottes (arachides, de l’anglais « peanuts »), de
Kraft Diner (pâtes industrielles), mais la corruption, ça ne passe pas; ils
veulent laisser un avenir à leurs enfants.
En fait, c’est un peu comme ces ourses noires que l’on trouve dans nos
forêts laurentiennes; si on ne menace pas les petits, il n’y a pas de
problèmes; mais si on ne fait –ne serait-ce qu’un léger geste contre ceux-ci,
elle peut vous déchiqueter. En passant
les ours noirs du Québec ne se nourrissent presqu’exclusivement que de petits
fruits dans la nature, avant l’hibernation.
Non, de surcroît, les
travailleuses canadiennes raffolent ordinairement des films d’amour. C’est pourquoi, elles se délecteront un jour
du film Kangamba où Cuba aide le
peuple d’Angola (Afrique) à s’affranchir du joug portugais et sud-africain (à
l’époque de l’apartheid) :
Ce film comporte donc une
merveilleuse chanson : Amar es lo unico que importe,
interprétée par les Cubains – Cristian Alejandro, Edesio Alejandro et
Patricio Amoro.
Les peuples
« n’encaissent » pas indéfiniment.
Après des années de souffrances, 20 millions de morts, les peuples de
l’URSS ont affirmé à Nuremberg, lors du procès des criminels de guerre
nazis :
« Au nom de l’Union des Républiques socialistes soviétiques! Ces paroles qui avaient produit dans la salle
l’impression d’une décharge électrique semblaient avoir été prononcées non
point pas cet homme d’aspect robuste, aux cheveux blonds, en uniforme du ministère
de la Justice, mais par le peuple soviétique qui, invisible, l’avait suivi à la
tribune… Invisibles dans la salle
solennelle, les simples hommes soviétiques, petits et grands réclamaient au nom
de leur peuple la mort du fascisme. »[5]
Un philosophe français bien
connu, Jean-Paul Sartre, a écrit :
« … je vous dirai seulement ce qu’un jeune homme soviétique a dit
devant moi au cours d’une discussion publique sur la poésie : ‘Je suis
technicien et j’ai besoin de la poésie pour faire correctement mon métier
technique’… Ce jeune technicien, vous le
voyez, a besoin de poèmes, il en absorbe et, si je puis dire, il les
consomme. La vraie responsabilité, pour
nous autres, hommes de culture, elle est là : nous devons empêcher qu’il
absorbe des poèmes empoisonnés… La
culture c’est, à mon sens, la conscience en perpétuelle évolution que l’homme
prend de lui-même et du monde dans lequel il vit, travaille, et lutte. »[6]
C’est par tous les pores de sa
peau que la corruption a gangrené l’Union soviétique; on les a appelé les
« Nouveaux Russes »; ils se sont enrichis sur le dos du peuple
soviétique. Il aurait pu se taire et
ployer, mais la bourgeoisie s’est attaquée même à l’âme communiste soviétique.
Les communistes du monde entier –et ceci dit sans exagération- ont
souffert avec eux.
Même s’il n’est plus de ce monde,
le grand poète français Paul Éluard aurait de nouveau clamé, avec eux avec une
fois tonitruante et portant au loin, de Moscou à Vladivostok :
« Sur l’absence sans désirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté. »[7]
La conclusion de cette histoire
épouse la conclusion d’une scène à venir de l’Histoire : « Les
communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs
projets. Ils proclament ouvertement que
leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout
l’ordre social passé. Que les classes
dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste! Les prolétaires n’y ont rien à perdre que
leurs chaînes. Ils ont un monde à y
gagner.
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous! »[8]
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[3] MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Les classiques du peuple, Éditions
sociales, Paris, 1977, pp.116-117
[5] POLÉVOÏ, Boris, Nous autres
Soviétiques, Édition électronique réalisée par Vincent Gouysse à partir de
l’ouvrage publié en 1949 aux Éditions en langues étrangères de Moscou, www.marxisme.fr
[6] SARTRE, Jean-Paul, Problèmes du
marxisme, 2, Situations, VII, Gallimard, Paris, 1965, pp. 322-323
[7] ÉLUARD, Paul, Liberté, in Anthologie de la Poésie française,
Georges Pompidou, Hachette, Paris, 1961, p. 522
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