NÉS POUR UN PETIT PAIN?
Quelques traits
de psychologie collective chez les ouvriers canadiens-français
Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
L’historien Gustave Lanctot a fouillé les
données du Recensement du Canada de 1765; il les présente dans son Histoire du Canada; à l’époque environ
9,000 citoyens habitaient la ville de Québec.
Cette capitale, « la Vieille Capitale » selon l‘appellation
courante aujourd’hui, avait été conquise par les Britanniques en 1760, sous les
boulets destructeurs qui avaient réduit en cendres 80% de la ville. Il aura fallu plus de 30 ans pour
reconstruire celle-ci. Peu de gens le
savent maintenant. Ce fut, pour cette période, un effort colossal. (Du
Traité d’Utrecht au Traité de Paris, 1713-1763, Librairie Beauchemin,
Montréal, 1966, pp. 342-345).
Cet affrontement armé
avait fait écrire à Voltaire dans Candide :
« Qu’est-ce que ce monde-ci? disait
Candide sur le vaisseau hollandais. –Quelque chose de bien fou et de bien
abominable répondait Martin. –Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France? – C’est une autre
espèce de folie, dit Martin. Vous savez
que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le
Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le
Canada ne vaut. » (Voltaire, Candide, Larousse, Paris, 1990, p. 169).
(Reproduction Internet : conquérants
britanniques en Nouvelle-France, 1760).
Deux siècles
plus tard : 1960, la Révolution tranquille
De la société féodale,
les Canadiens passent à la Révolution industrielle
du XIXème siècle. L’indépendance
américaine, le commerce métropole-colonial (fourrures et bois d’œuvre…) ajoutés
à l’immigration de la Grande-Bretagne (Anglais, Écossais et Irlandais), les
descendants des colons français qui cohabitaient avec les Amérindiens, se
voient confrontés au partage du territoire avec les anglophones favorisés par
leur statut de vainqueurs et une structure capitaliste.
Les Canadiens vivent
sous la férule de l’Église catholique, qui tout en maintenant unie la « nation », dans un cadre
conservateur et passéiste, les livre poings et mains liés au patronat
« anglais » en garantissant la paix sociale et l’embrigadement dans
des institutions cléricales, y compris les syndicats, pour qu’ils n’enfreignent
pas les normes imposées par le Capital.
Même si le peuple
travailleur n’a pas accès à une éducation très développée, pour la majorité
populaire, des idées novatrices et des constats s’imposent. Avec Jean-Jacques Rousseau, dont le peuple
ignore l’existence réelle, ils peuvent dire : « À prendre le terme
dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable Démocratie,
et il n’en existera jamais. […] S’il y avait un peuple de Dieux, il se
gouvernerait démocratiquement. Un
Gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. » (Jean-Jacques
Rousseau, Du Contrat social,
Larousse, Paris, 1973, pp. 69-70).
Ce que l’on a retenu de ce peuple -qui devient
le peuple canadien-français-, c’est son obéissance aux hommes de la soutane,
aux hommes et aux femmes de Dieu. Bien sûr,
ce sont de joyeux drilles; ils aiment la bonne chère et la blague facile tout
en sautillant sur les airs des « violoneux », dans les chantiers de
bûcherons l’hiver; à coucher au sol la forêt.
(Reproduction Internet : retour de la
messe de minuit, à Noël).
À ce moment-là, les
sociologues et autres ethnologues ne se penchaient pas sur leur cas. Ils travaillaient d’arrache-pied pour se
constituer un pécule qui servira aux achats pour la « terre » à la
fonte des neiges, lors du retour à la ferme au printemps. Ils ne recherchaient pas le contact avec les
« Anglais ». Encore
aujourd’hui, en 2011, dans certains coins du Québec (le Canada français du
passé), les habitants se nomment
naturellement : nous, les Canadiens.
Est-ce un effet de la
conquête militaire, de la violence psychologique, d’un grand traumatisme ou de
la douleur,- d’après les termes d’un collègue de travail, Mario Patry (aussi
journaliste à la revue en santé mentale, Mentalité)-,
toujours est-il que les ouvriers canadiens-français sont très prudents dans
leurs contacts? Il y a de la méfiance,
surtout dans les discussions politiques, que l’on fuit d’ailleurs également par
« ignorance » : j’sais pas, pas au courant! L’exutoire : les matchs de hockey sur
glace, sport national par excellence;
alors là, les opinions les opiniâtres vont bon train.
L’action
politique des ouvriers canadiens-français
Pendant les campagnes
électorales, ils disent tous la même chose aux candidats des différents
partis : « on va lire votre beau programme, bonne chance, on devrait
voter pour vous… » En réalité, ils
pensent, pourvu que la crise passe au plus sacrant, qu’il y ait de
« l’ouvrage en masse » et que la chicane des élections cesse!
Ont-ils peur des
communistes? Certes, les
« persécutions » contre les catholiques, parce qu’ils sont toujours
très croyants; raillés par des gens –trop souvent des extrémistes de gauche, y
compris au sein du parti communiste-, ont meurtri leur âme. Même si on ne voit plus que des têtes grises à
l’église, ils se sentent dénigrés et
profondément blessés dans leurs convictions les plus intimes. Dans certains cas, ils ne veulent plus rien
savoir de la gauche, mais Dieu leur a appris à pardonner!
Toutefois, si un jour,
par le plus grand des hasards, ils discutent, -alors là très très discrètement-,
avec un communiste, au sujet de la vie en général; ils peuvent lui dire tout d’un coup : bon
assez jaser de politique, viens on va prendre une bonne bière et conte moi donc
une blague comique!
Quelques jours plus tard, solennel, l’ouvrier dira
à ce communiste : « salut, président! » Président de quoi? répliquera ce dernier. – Les gars « à shop » (par exemple
dans une aciérie près de Montréal), nous avons parlé et tu es maintenant le
président. –Oui, mais il n’y a pas eu
d’élections. – On t’élit, on a nos règles, c’est tout. Voilà, ce qu’a déclaré sans appel ce
métallurgiste; repoussant, oui, toute
contestation.
(Photo Internet : aciérie à Sorel
(près de Montréal).
Le lecteur comprendra
qu’il y a quelque chose de trouble dans cette anecdote. Mais la même histoire s’est répétée dans un
grand atelier de soudure, cette fois dans Montréal. Les ouvriers, surtout immigrants, ont fait
comprendre au communiste que dorénavant, c’était lui le chef.
C’est une grande
responsabilité; parce que pour ces ouvriers, c’est un choix politique qui est
aussi un choix de vie.
Pour l’instant, les
travailleurs canadiens-français sont conscients que le parti communiste boite, et
qu’il n’a pas la force – inclusivement idéologique- pour présenter des
candidats dans les 75 circonscriptions du Québec. Aussi, il ne faut pas se surprendre que le
soir avant les élections, qui ont habituellement lieu le lundi, les amis et les
sympathisants des communistes téléphonent pour savoir pour quel candidat des
autres partis ils doivent voter (car voter c’est important!). Quant aux enjeux les plus déterminants, comme
la séparation du Québec de la confédération canadienne, les débats se font, par
exemple, dans la région de Québec, au sein des familles élargies. Quels déchirements émotifs! À Montréal, c’est assez similaire, même si
les travailleurs sont moins dépendants de leur parenté. L’instinct ouvrier : la volonté de
préserver le couple uni; même si un jour, il faudra qu’il y ait changement dans
la chambre à coucher…
La participation
démocratique
Règle générale, que ce
soit au sein des syndicats ou dans les partis politiques de gauche, les
travailleurs élisent des délégués qui deviennent dans le premier cas : le
gars ou la fille de l’union. Il faut
comprendre que ces derniers ont la responsabilité entière de défendre au
quotidien les employés.
Et c’est du
solide. D’ailleurs, un ancien
journaliste de la Société Radio-Canada,
Bernard Drainville (maintenant député du Parti québécois, d’obédience
nationaliste), s’était rendu dans un local occupé par les cols bleus de
Montréal pour réaliser un reportage en direct. Il a d’abord interrogé un
représentant syndical qui a répondu à
ses questions. Insatisfait, le
journaliste s’est tourné alors vers les ouvriers et a tenté par tous les moyens
de tirer les vers du nez de ceux-ci. Ils
ont refusé de répondre. Il a tout
essayé. Peine perdue. Il a dû rendre l’antenne au chef du réseau.
Soyons clairs,
l’indépendance du Québec, n’est pas le premier choix des ouvriers canadiens-français. Ils sont encore ambivalents sur la question
dépendamment de l’humeur chauvine des ténors racistes du Canada anglais; tout
de même, ils veulent apprendre la langue anglaise. C’est un atout pour eux. Après tout, souvent quand il n’y a pas de
travail au Québec, ils migrent vers l’Ouest canadien. C’est vrai notamment pour les ouvriers de la
construction.
Ils aiment bien
voyager aux États-Unis et au Canada anglais lors des vacances estivales. Comme tout bon Nord-américain, ils ne
manquent pas la remise des trophées Oscar lors de la célébration des meilleurs
films de l’industrie cinématographique tant états-unienne qu’étrangère.
(Reproduction Internet : le grand patriote
canadien-français Louis-Joseph Papineau).
Pour ce qui est de
l’avenir de la société, ils sont sûrement d’accord pour dire avec Karl
Marx : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe, c’est
de le transformer. »
(Marx-Engels, L’idéologie allemande,
Thèses sur Feuerbach, Éditions sociales, Paris, 1968, p. 142).
Les lecteurs étrangers seront peut-être
intéressés de savoir que les descendants des colons qui ont vécu au Bas-Canada
(ancien nom du Québec), ont eu un héros national. Il s’agit de Louis-Joseph Papineau, né à
Montréal (1786-1871), qui « défendit les droits des Canadiens français et
fut l’un des instigateurs de la rébellion de 1837 ». (Dictionnaire encyclopédique pour tous, Petit Larousse illustré, Paris, 1978, p.
1585).
Dans le parler
populaire, lorsqu’on s’adresse à une personne qui ne saisit pas le bon sens ou
encore qui manque de jugement, on l’interpelle en affirmant : « mais
ça ne prend pas la tête à Papineau pour
comprendre ça! » Eh oui, c’était un
homme brillant… C’était un grand
démocrate libéral.
________________
La Nouvelle Vie Réelle
Communist News
marxistas-leninistas
latinas hojas
Le sourire de l’Orient
ARCHIVES
La Vie Réelle
Pour la KOMINTERN now!
L’Humanité in English
-30-
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire