Le
salaire
Daniel
Paquet dpaquet1871@gmail.com
Quand le capitaliste
(propriétaire des moyens de production) rencontre au ’ marché’ celui ou ceux
qui complètent les forces productives en lui louant sa force de travail, il lui
verse un salaire. (Salaire origine de
l’échange du temps de travail contre le sel, denrée rare au Moyen-âge). « Il
est tout à fait exact que la classe ouvrière, considérée dans son
ensemble, dépense et doit forcément dépenser son revenu tout entier en moyens de subsistance (même si avec les
années, elle est devenue, par le biais des syndicats –notamment au Québec -, actionnaire de fonds
d’investissement et d’épargne : ex. Fonds de solidarité du Québec (FTQ) et Fondaction (CSN), et de préparation
à la retraite, - ndlr). Une hausse
générale des salaires provoquerait donc une augmentation de la demande des moyens de subsistance et, par
conséquent, aussi une hausse de leur prix
sur le marché. Les capitalistes qui les produisent se dédommageaient des
augmentations des salaires par les prix croissants de leurs marchandises sur le
marché. (…)
Or, quelle sera la situation
des capitalistes qui ne produisent pas d’objets de première nécessité? Le taux
de leur profit baissant par suite des augmentations générales des salaires,
ils ne pourraient pas se rattraper par l’élévation
des prix de leurs marchandises puisque la demande de ces marchandises
n’aurait pas augmenté. Leur revenu diminuerait,
et c’est avec ce revenu amoindri qu’il leur faudrait payer davantage pour la même
quantité d’articles courants de prix accru.
Mais ce ne serait pas tout. Leur
revenu diminuant, ils auraient également
moins à dépenser en objets de luxe et, de cette façon, il y aurait recul
dans la demande réciproque de leurs marchandises respectives. Cette diminution de la demande ferait baisser
les prix de leurs marchandises. Donc,
dans ces branches d’industrie, le taux des
profits baisserait non pas simplement en proportion de l’élévation générale
des salaires, mais aussi en rapport avec l’action combinée de la hausse
générale des salaires, de l’augmentation des prix des objets de première
nécessité et de la baisse des prix des objets de luxe.
Quelle serait la
conséquence de cette différence entre les
taux de profit pour les capitaux employés dans les différentes branches d’industrie? La même conséquence qui se produit chaque
fois que, pour une raison quelconque, surviennent des différences dans les taux moyens des profits dans les
diverses sphères de la production. Le
capital et le travail seraient transférés des branches les moins rémunératrices
dans les plus rémunératrices, et ce processus de transfert durerait jusqu’à ce
que l’offre dans une branche d’industrie eût augmenté proportionnellement à la
demande accrue, et qu’elle eût baissée dans les autres branches d’industrie en
raison de la demande diminuée. (…)
Si, l’accroissement
des salaires était dépensé en objets ne figurant pas auparavant dans la
consommation des ouvriers, il ne serait pas nécessaire de prouver
l’augmentation effective de leur pouvoir d’achat. Mais comme elle n’est que la conséquence de
l’élévation de leur salaire, il faut bien que l’augmentation du pouvoir d’achat
des ouvriers corresponde exactement à la diminution du pouvoir d’achat des capitalistes. Par conséquent, ce ne serait pas la demande totale des marchandises qui augmenterait,
mais les parties constituantes de cette demande qui se modifieraient. (Finalement), la hausse générale du taux des
salaires n’entraînera finalement rien d’autre qu’une baisse générale du taux de
profit. »[1]
« (Les) efforts pour relever les salaires ne sont que
des tentatives pour maintenir la valeur donnée au travail, et que la nécessité
d’en disputer le prix avec le capitaliste est en connexion avec la condition qui l’oblige à se vendre (i.e. la classe
ouvrière) elle-même comme une marchandise.
Si la classe ouvrière lâchait pied dans son conflit quotidien avec le
capital, elle se priverait certainement elle-même de la possibilité
d’entreprendre tel ou tel mouvement de plus grande envergure. En même temps, et tout à fait en dehors de
l’asservissement général qu’implique le régime du salariat, les ouvriers ne doivent
pas s’exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne. Ils ne doivent pas oublier qu’ils luttent
contre les effets et non contre les causes de ces effets, qu’ils ne peuvent que
retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction. Ils ne doivent donc pas se laisser absorber exclusivement
par ces escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiétements
ininterrompus du capital ou les
variations du marché. (…)
Les trade-unions
agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiétements du
capital. Elles manquent en partie leur
but dès qu’elles font un emploi peu judicieux de leur puissance. Elles manquent entièrement leur but dès
qu’elles se bornent à une guerre d’escarmouches contre les effets du régime
existant, au lieu de travailler en même temps à sa transformation et de se servir de leur
propre force organisée comme d’un levier pour l’émancipation définitive de la
classe travailleuse, c’est-à-dire pour l’abolition du salariat (i.e. au-delà
d’une rémunération au sein d’un régime nouveau, le socialisme, -ndlr). »[2]
Finalement, nous avons
pour preuve de cette bataille édulcorée, l’éditorial de la dernière livraison
du journal syndical Le Monde Ouvrier où on peut lire :
« Ces luttes ne s’inscrivent pas dans le cadre des relations de travail
traditionnelles, mais plutôt dans le cadre d’une action politique non partisane
(sic), mais porteuse de notre projet de société. (…)
Le programme
d’austérité du gouvernement libéral fait mal à l’emploi et a freiné la
croissance économique. Les moyens pour atteindre
la promesse de 250 000 emplois demeurent pour le moment insuffisants. Nous
allons continuer d’intervenir pour exiger un véritable dialogue social (sic).
Nous sommes convaincus que c’est par la mise en place de véritables lieux de
concertation que nous pourrons trouver des solutions viables pour l’emploi et pour une transition juste
pour les travailleurs et travailleuses. (…)
(Pourtant, le
diagnostic est juste) : Les inégalités sociales augmentent, les droits des
travailleurs et travailleuses reculent, les systèmes écologiques sont
fragilisés, les emplois se précarisent, le filet social se désagrège,
l’économie répond de moins en moins aux besoins humains. C’est à nous d’y voir, de rester mobilisés et
de provoquer les changements souhaits. »[3]
La position du
patronat, elle, est claire.
« Voyant la campagne en faveur du salaire minimum à 15$ prendre de
l’ampleur au Québec, des représentants d’employeurs fourbissent leurs armes, de
crainte que le gouvernement soit tenté de céder aux pressions. La Fédération
canadienne de l’entreprise indépendante
(FCEI) a lancé une pétition sur la question et une campagne de lettres
adressées à la ministre du Travail, Dominique Vien. En entrevue… la vice-présidente principale de
la FCEI, Martine Hébert, a insisté sur le fait que même étalée sur plusieurs
années, une majoration de 10,75$ à 15$ l’heure reste ‘une hausse de 40 cents’. ET une telle augmentation, même sur quelques
années ‘ ne sera pas sans conséquences’ sur les emplois ou les heures de
travail… »[4]
Retour à Marx :
« À la surface de la société bourgeoise, la rétribution du travailleur se
représente comme le salaire du travail : tant d’argent payé pour tant de
travail. Le travail lui-même est donc
traité comme une marchandise dont les prix courants oscillent au-dessus ou
au-dessous de sa valeur. Mais qu’est-ce
que la valeur? La forme objective du
travail social dépensé dans la production d’une
marchandise. Et comment mesure la
grandeur de valeur d’une marchandise?
Par la quantité de travail qu’elle contient. »[5]
« Ce qui sur le
marché fait directement vis-à-vis au capitaliste, ce n’est pas le travail, mais
le travailleur. Ce que celui-ci vend,
c’est lui-même, sa force de travail.
Dès qu’il commence à mettre cette force en mouvement, à travailler, dès que son
travail existe, ce travail a déjà cessé de lui appartenir et ne peut plus
désormais être vendu par lui. Le travail
est la substance et la mesure inhérente des valeurs, mais il n’a lui même aucune valeur (c). (page 579)
« Le salaire revêt
à son tour des formes très variées… La vente de la force de travail a toujours
lieu, comme on s’en souvient, pour une période de temps déterminée. La forme
apparente sous laquelle se présente la valeur soit journalière, hebdomadaire ou annuelle, de la force de
travail est donc en premier lieu celle du salaire au temps, c’est-à-dire du
salaire à la journée, à la semaine, etc.
La somme d’argent (a) que
l’ouvrier reçoit pour son travail du jour, de la semaine, etc., forme le
montant de son salaire nominal ou estimé en valeur. Mails il est clair que,
suivant la longueur de sa journée ou suivant la quantité de travail livré par lui
chaque jour, le même salaire quotidien, hebdomadaire, etc. peut représenter un
prix du travail très différent, c’est-à-dire des sommes d’argent très différentes
payées pour un même quantum de travail. (b) Quand il s’agit du salaire au temps, il faut
donc distinguer de nouveau entre le montant total du salaire quotidien,
hebdomadaire, etc. et le prix du travail. (…)
Le capitaliste peut
maintenant extorquer à l’ouvrier un certain quantum de surtravail sans lui accorder
le temps de travail nécessaire à son entretien.
Il peut anéantir toute régularité d’occupation et faire alterner
arbitrairement, suivant sa commodité et ses intérêts du moment, le plus énorme
excès de travail avec un chômage partiel ou complet. Il peut sous le prétexte
de payer le prix normal du travail’ prolonger démesurément la journée sans
accorder au travailleur la moindre compensation. »[6]
« Mais la
bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui lui apportent la mort; elle a
aussi engendré les hommes qui porteront ces armes – les ouvriers modernes, les prolétaires. Dans la mesure même où se
développe la bourgeoisie, c’est-à-dire le capital, se développe le prolétariat,
la classe des ouvriers modernes qui ne vivent que tant qu’ils trouvent du travail
et qui n’en trouvent que tant que leur travail augmente le capital. Ces ouvriers, obligés de se vendre par
portions successives, sont une marchandise comme tout autre article du commerce
et sont donc exposés de la même manière à tous les aléas de la concurrence, à
toutes les fluctuations du marché. L’extension du machinisme et la division du
travail ont fait perdre au travail des prolétaires tout caractère indépendant
et par suite tout attrait pour l’ouvrier.
Celui-ci n’est plus qu’un accessoire de la machine et l’on n’exige de lui que le geste le plus
simple, le plus monotone, le plus facile à apprendre. »[7]
« Il faudrait
donc dire que nulle part les machines ne sont employées aussi volontiers qu’en
U.R.S.S., puisqu’elles économisent du travail à la société et allègent la peine
des hommes. Et comme le chômage n’existe
pas en U.R.S.S., les ouvriers emploient très volontiers les machines dans
l’économie nationale. Quand on parle de
la situation matérielle de la classe ouvrière, on pense d’habitude aux ouvriers
occupés, et l’on ne tient pas compte de la situation matérielle de ce qu’on
appelle l’armée de réserve, l’armée des chômeurs. Une telle façon de traiter la situation matérielle
de la classe ouvrière est-elle juste? Je
pense que non. Si les chômeurs forment
une armée de réserve, dont les membres n’ont pas de quoi vivre, sinon de la vente
de leur force de travail, les chômeurs doivent forcément faire partie de
la classe ouvrière; mais alors leur situation
misérable ne peut qu’influer sur la situation matérielle des ouvriers occupés. Je pense donc qu’en définissant la situation
matérielle de la classe ouvrière dans les pays capitalistes, il faudrait tenir
compte aussi de la situation de l’armée de réserve des sans-travail. »[8]
[1] Marx, Karl, Salaire, prix et
profit, Œuvres choisies, tome 2, Éditions du Progrès, Moscou, 1978, pages
31-33
[2] Ibidem, pages 75-76
[3] Éditorial, L’action politique pour
défendre notre projet de société, Le Monde Ouvrier, Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec, Montréal, no. 117, septembre-octobre
2016, page 3
[4] La Presse canadienne, Les
employeurs préparent leur riposte, Métro, mercredi 12 octobre 2016, page 12
[5] Marx, Karl, Le Capital, Livre I,
Gallimard, Paris, 1968, page 577
[6] Ibidem, Le Capital, pages 579-590
[7] Marx, Karl; Engels, Friedrich, Le
Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, pages 236-237
[8] Staline, J., Les problèmes
économiques du socialisme en U.R.S.S., www.marxisme,fr,
Édition électronique réalisée par Vincent Gouysse à partir de l’ouvrage publié
en 1974 aux Éditions en langues étrangères, Pékin, page 21
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