Essai
sur la philosophie marxiste
Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
« La philosophie
(grosso modo) mérite d’être étudiée,
non pour y trouver des réponses précises aux
questions qu’elle pose, puisque des
réponses précises ne peuvent, en général, être connues comme conformes à la
vérité, mais plutôt pour la valeur de questions elles-mêmes; en effet, ces
questions élargissent notre conception du possible, enrichissent notre
imagination intellectuelle et diminuent l’assurance dogmatique qui ferme
l’esprit à toute spéculation; mais avant tout, grâce à la grandeur du monde que
contemple la philosophie, notre esprit est lui aussi revêtu de grandeur et devient
capable de réaliser cette union avec l’univers qui constitue le bien
suprême. »[1]
À l’époque de la monarchie française, des philosophes
écrivaient sur le sens à donner à la vie; qu’elle était une lutte gravitant autour
d’objectifs sur la libération du carcan de la domination, y compris
intellectuelle.
« La volonté naît
toujours de quelque motif intérieur ou extérieur, de quelque impression
présente, de quelque réminiscence du
passé, de quelque passion, de quel que projet dans l’avenir. Après cela je ne vous dirai de la liberté
qu’un mot, c’est que la dernière de nos actions est l’effet nécessaire d’une
cause une : nous, très compliquée, mais une. »[2]
Il faut atteindre cet
état, le comprendre. Voici ce que l’on
disait dans l’Antiquité grecque.
« Puisque la science est le concept de l’universel et du nécessaire ; puisqu’il y a des principes de ce qui est
susceptible de démonstration et, par conséquent de toute science, - celle-ci s’accompagnant de raison – il s‘ensuit que, du principe même
de ce qui est objet de science, il ne saurait exister ni science, ni art, ni
prudence. Car ce qui est l’objet de science peut être démontré, tandis que
l’art et la prudence ont pour matière ce
qui est de l‘ordre du possible.
La sagesse non plus n’a pas sa place ici, car le propre du sage est de
pouvoir fournir une démonstration sur certaines
questions. Si donc c’est par la
science, la prudence, la sagesse et
l’intelligence que nous atteignons la vérité, sans nous tromper jamais, et cela
aussi bien dans l’ordre du nécessaire que dans celui du possible; si des trois
facultés, j’entends la prudence, la science et la sagesse, aucune ne peut avoir
la connaissance des principes, aucune ne peut avoir la connaissance des
principes premiers, il reste que c’est l’intelligence qui peut les atteindre. »[3]
Poursuivons
notre réflexion en langue anglaise: « And if the public discover that we
are telling the truth about philosophers, will they still be angry with them
and disbelieve us when we say that no state can find happiness unless the
artists drawing it use a divine pattern? (…)
For our
philosophic artists differ at once from all others in being unwilling to start
work on an individual or a city, or draw canvas. (…)
Our artist
will… as he works, look frequently in both directions, that is, at justice and
beauty and self-discipline and the like in their true nature, and again at the
copy of them he is trying to make in human beings, mixing and blending traits
to give the colour of manhood, and judging by that quality in men that Homer
too called godly and godlike.”[4]
Les questions qui
préoccupent les philosophes de notre
époque portent régulièrement (ou devraient se lover) sur notre espoir de civilisation,
i.e. la composition sociale et politique de la cité, soit quel est notre
avenir : le statu quo
comme les penseurs capitalistes américains réactionnaires, par exemple,
qui affirment que nous sommes au terme des idéologies, ou encore les marxistes
qui sont animés par le souffle d’une vie meilleure.
Marx et Engels
disaient : «Le communisme n’est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal
sur lequel la réalité devra se régler.
Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel.
Les conditions de ce mouvement résultent des prémisses actuellement
existantes. (…)
Le prolétariat ne
peut donc exister qu’à l’échelle de l’histoire
universelle, de même que le communisme, qui en est l’action, ne peut
absolument pas se rencontrer autrement qu’en tant qu’existence ‘historique universelle’. Existence historique universelle des
individus, autrement dit, existence des individus directement liée à l’histoire
universelle. »[5]
Je m’arrête ici
un court moment pour m’excuser auprès de mes lecteurs pour leur faire bondir du
coq à l’âne en introduisant des citations en langue anglaise. J’en fais une dernière dans la langue de
Shakespeare et puis nous poursuivrons en français.
« I
knew that the languages one learns there are necessary for an understanding of
the classics ; that the grace of fables awakens the mind; that the
memorable actions of history elevate it and that, if read with moderation and
discernment, they help to form one’s judgment ; that to read good books is like
holding a conversation with the most eminent minds of past centuries and,
moreover, a studied conversation in which these authors reveal to us only the best of their thoughts; that oratory has incomparable power and beauty; that
poetry has ravishing subtlety and sweetness; that mathematics contains some
very ingenuous inventions which can serve just
as well to satisfy the curious as to make all arts and crafts easier and
to lessen man’s work; that writings which treat of ethics contain many very
useful precepts and exhortations to virtue…”[6]
Dans la foulée de
cette constatation, on peut se poser la question, quelles sont les forces politiques progressistes qui
font la promotion de la lecture des Anciens et s’engagent dans la lutte contre
les ennemis du savoir, de l’intelligence et du progrès ?
« Les rencontres de Vénissieux sont une
occasion de plus pour faire progresser la connaissance des situations de
différents pays sur toute la planète, dont l’Europe avec la question urgente de l’existence de partis communistes
qui ont été des partis importants de l’internationalisme. La disparition du PCI (Italie) coûte cher aux
Italiens, et l’appel pour sa reconstruction rencontre de larges échos. La stratégie du PCE (Espagne) depuis 20 ans
avec Izquierda Unida a profondément
affaibli les communistes espagnols et a profité aux socialistes qui gèrent
aujourd’hui la crise comme tous les gouvernements européens de droite ou de
gauche. Le PCP (Portugal) qui utilise un
accord électoral avec un petit parti vert a lui au contraire choisi de toujours renforcer son organisation
et son autonomie politique. Le PCF
(France) évolue depuis des années malgré les débats internes vers une dilution, ‘de gauche’ qui serait un coup
dur porté aux travailleurs face aux alternances sans changement qui se
dessinent. »[7]
Et si, nous nous
interrogions sur la véritable nature de
l’être humain, celui qui a existé avant l’apparition des classes sociales et de
leurs luttes, en particulier que l’évolution des relations de travail couplées
aux modes de production a entraîné sous
le capitalisme (notamment à partir de la révolution industrielle en Angleterre)
qu’a bien documenté le Manifeste du Parti
communiste de Marx et d’Engels.
Qu’est-ce qu’a dit Engels sur
l’Homme en développement ?
« Le
développement du cerveau et des sens qui lui sont subordonnés, la clarté
croissante de la conscience, le perfectionnement de la faculté d’abstraction et
de raisonnement ont réagi sur le travail
et le langage et n’ont cessé de
leur donner, à l’un et à l’autre, des impulsions sans cesse nouvelles pour continuer à se
perfectionner. Ce perfectionnement ne se
termina pas au moment où l’homme fut
définitivement séparé du singe ; dans l’ensemble, il a au contraire
continué depuis. Avec des progrès
différents en degré et en direction chez
les divers peuples et aux différentes époques, interrompus même ça et là par
une régression locale et temporaire, il a marché en avant d’un pas vigoureux, recevant d’une part une
nouvelle et puissante impulsion, d’autre part une direction plus définie d’un
élément nouveau qui a surgi de surcroît avec l’apparition de
l’homme achevé : la société. »[8]
Lénine en
polémiquant avec les philosophes idéalistes en arrive au raisonnement qu’« on
juge un homme non sur ce qu’il dit ou pense de lui-même, mais sur ses actes.
Les philosophes doivent être jugés non sur les étiquettes qu’ils arborent
(‘positivisme’, philosophie de l’expérience pure’,‘monisme’ ou ‘empiriomonisme’,
‘philosophie des sciences de la nature’, etc.), mais sur la manière dont ils
résolvent en fait les questions théoriques fondamentales, sur les gens avec qui
ils marchent la main dans la main, sur ce qu’ils enseignent et ont appris à leurs élèves et disciples. (Et puis), il faut pour être
matérialiste, admettre la vérité objective qui nous est révélée par les organes
des sens. Admettre la vérité objective,
c’est-à-dire indépendante de l’homme et de l’humanité, c’est admettre de façon
ou d’autre la vérité absolue. »[9]
« À ne point
reconnaître la théorie matérialiste d’après laquelle la conscience humaine
reflète le monde extérieur objectivement réel, on glisse nécessairement à la
sensation et au psychique désincarnés, à
la volonté et à l’esprit désincarnés. »[10]
« L’indépendance
à l’égard de tout parti n’est, en philosophie, que servilité misérablement
camouflée à l’égard de l’idéalisme et du fidéisme.»[11]
Enfin, et bien
malheureusement, le grand écrivain russe, Tchernychevski « n’a pas su, ou plutôt n’a pas pu, par suite de
l’état arriéré de la vie russe s’élever jusqu’au matérialisme dialectique de
Marx et Engels. »[12]
On pourra reprocher
à cet essai d’être une ‘courtepointe’
d’auteurs différents, même si le sujet voulu est la philosophie. En fait, le but de ces citations variées se
fonde sur l’intérêt sincère et généreux d’éveiller la fibre sensible de la
connaissance chez les lecteurs, surtout les plus jeunes à la lecture de
philosophes anciens et modernes afin de comprendre toute la portée savante et
fort précieuse et appropriée du matérialisme dialectique, la base du
marxisme. À l’époque où s’est formée la
compréhension du monde au collège, on n’enseignait pas vraiment au niveau postsecondaire, (au Québec à tout le
moins), Marx, Engels et Lénine, et encore moins Staline (que nous verrons
ci-après). Pourtant, il ne peut y
avoir ‘un mouvement révolutionnaire sans
théorie révolutionnaire’ ; ce que peuvent méditer les militants du
mouvement du ‘carré rouge’ qui a entraîné dans les rues de Montréal, jusqu’à
200 000 jeunes principalement ; et bien sûr de moins jeunes dans le printemps
érable. Voilà de quoi à méditer ! Alors, enfin, voyons ce que nous réserve
Joseph Staline!
« Le
matérialisme dialectique est la conception du monde du Parti marxiste-léniniste. Le
matérialisme dialectique est ainsi nommé parce que sa façon de considérer les
phénomènes de la nature, sa méthode d’investigation et de connaissance est
dialectique, et son interprétation, sa conception des phénomènes de la nature,
sa théorie est matérialise.
Le matérialisme
historique étend les principes du matérialisme dialectique à l’étude de la vie
sociale ; il applique ces principes aux phénomènes de la vie sociale, à
l’étude de la société, à l’étude de l’histoire de la société.
En définissant leur
méthode dialectique, Marx et Engels se réfèrent habituellement à Hegel, comme
au philosophe qui a énoncé les traits fondamentaux de la dialectique. Cela ne signifie pas, cependant, que la
dialectique de Marx et d’Engels soit identique à celle de Hegel. Car Marx et Engels n’ont emprunté à la
dialectique de Hegel que son ‘noyau rationnel’ ; ils en ont rejeté
l’écorce idéaliste et ont développé la dialectique en lui imprimant un
caractère scientifique moderne. (…)
En définissant
leur matérialisme, Marx et Engels se réfèrent habituellement à Feuerbach, comme
au philosophe qui a réintégré le matérialisme dans ses droits. Toutefois cela ne signifie pas que le
matérialisme de Marx et d’Engels soit identique à celui de Feuerbach. Marx et Engels n’ont en effet emprunté au
matérialisme de Feuerbach que son ‘noyau central ; ils ont développé en
une théorie philosophique scientifique du matérialisme, et ils en ont rejeté
les superpositions idéalistes, éthiques et religieuses. (…)
Dialectique
provient du mot grec ‘dialego’ qui
signifie s’entretenir, polémiquer. Dans
l’Antiquité, on entendait par dialectique l’art d’atteindre la vérité en
découvrant les contradictions renfermées dans le raisonnement de l’adversaire
et en les surmontant. Certains
philosophes de l’Antiquité estimaient que la découverte des contradictions dans
la pensée et le choc des opinions contraires étaient le meilleur moyen de
découvrir la vérité. (…)
Par son essence,
la dialectique est tout l’opposé de la métaphysique. »[13]
Blog : La
Nouvelle Vie Réelle Archives : La Vie Réelle, laviereelle.blogspot.com
[1] Russell, Bertrand, Problèmes de philosophie,
Petite bibliothèque Payot, Paris, 1968, page 186
[2] Diderot, Le rêve de d’Alembert,
Garnier Flammarion, Paris, 1965, page 157
[3] Aristote, Éthique de Nicomaque, Classiques Garnier, Paris, 1961, page
265
[4] Plato, The Republic, Penguin Classics, Toronto,
1987, pages 286-287
[5] Marx, Karl; Engels, Friedrich, L’idéologie
allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, pages 53-54
[6] Descartes,
René, Discourse on Method and the
Meditations, Penguin Classics, Toronto, 1968, page 30
[7] 4èmes Rencontres internationalistes de Vénissieux, Faire Vivre le PCF!, Du
socialisme en Amérique Latine aux révolutions arabes, 12 novembre 2011,
page 2
[8] Engels, Friedrich, Dialectique de
la nature, Éditions sociales, Paris, 1975, page 175
[9] Lénine, Matérialisme et
empiriocriticisme, Œuvres, tomes 14, Éditions sociales (Paris)-Éditions du
Progrès (Moscou), page 226
[10] Ibidem, Lénine, pages 135-136
[11] Ibidem, Lénine, page 370
[12] Ibidem, Lénine, page 375
[13] Staline, J., Les questions du
léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, pages 849-850
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