lundi 10 octobre 2016


LE PARTI QUÉBÉCOIS AU POUVOIR, C’EST BIEN FINI

Daniel Paquet
                                                                                                                 dpaquet1871@gmail.com

Une fraction de l’intelligentsia québécoise répète, inlassablement, à vous soulever le cœur : le Canada est le cul-de-sac de deux solitudes.  Nenni, le Canada est un pays de deux peuples fondateurs européens  (l’Angleterre et la France), de peuples autochtones presque honteusement exterminés (mais, il  y a toujours au moins un million d’entre eux répartis sur tout le territoire canadien;  ils s’appellent les Premières Nations et ont toujours maille à partir avec le gouvernement fédéral), et aussi se sont joints des immigrants, d’arrivée récente ou d’un peu plus longtemps.  Le Canada réunit plus de 34 millions de citoyens très instruits (la classe ouvrière y est très disciplinée et généralement fort bien formée) mettant en valeur ses très fabuleuses ressources naturelles; c’est le deuxième plus grand pays au monde après la Fédération de Russie.

Ainsi, à l’instar de son voisin du Nord, le Canada s’est doté d’un vaste réseau de communications  à la très fine pointe des découvertes technologiques et informatiques (notamment pour les réseaux publics de la Société Radio-Canada et de la Canadian Broadcasting Corporation) pour souder culturellement l’espace terrestre et aérien du Canada.  De nos jours, la Société Radio-Canada diffuse des émissions variées en français d’un océan à l’autre, alors que son pendant, CBC, fait de même en langue anglaise.   Effectivement, et au grand dam des nationalistes, c’est un vecteur très puissant d’unité pour les Canadiens qui vivent dans un pays où l’existence de tous les jours se fait sur plusieurs fuseaux horaires. 

Alors que les derniers fêtards ferment les bars et les boîtes de nuit à Vancouver en Colombie-Britannique (sur l’océan Pacifique); les premiers pêcheurs vérifient encore une fois si tous les filets sont en bon ordre avant de prendre la mer en Atlantique, de Terre-Neuve et des autres provinces maritimes.

Au même moment, au Canada central, les ‘morning men’ de la radio prennent leur micro, histoire de ‘raconter’ comment fût la nuit, à Montréal (au Québec) et à Toronto (en Ontario) et l’actualité internationale; en même temps, ils accompagnent les ouvriers (dont les travailleurs d’usines et de manufactures, et ceux de la construction; ils sont plus de 140 000 au Québec) qui se préparent à quitter le foyer, ‘pour aller travailler’.  Les agriculteurs, où qu’ils soient (au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario dans les vastes plaines de l’ouest canadien, nourrissent le bétail, font le ‘train’ des bestiaux à lait et jettent un dernier coup d’œil à leur ‘machinerie’.  Ce sera une bonne journée…

Toutefois, le problème de fond entre la majorité anglophone du Canada anglais et celle du Québec  francophone n’est pas un litige linguistique; c’est d’abord l’inégalité nationale.

Avant d’aller plus loin, abordons le sentiment général chez les intellectuels petit-bourgeois ‘d’ici’ ou mieux dit : du Québec. 

« Difficile de s’inquiéter pour le français quand on ne visite pas Montréal.  Le problème n’existe pas vraiment à l’extérieur de la métropole.  Il y a bien entendu quelques communautés traditionnellement anglophones…. Mais lorsqu’on s’inquiète du recul du français – ou de l’avancée de l’anglais, ce qui revient au même  -, (c’est à Montréal) que résident nos plus grandes craintes, ou le grand Montréal, pour être plus précis… »[1]

En passant, en  juillet 2017, le Canada célébrera le 150ème anniversaire de sa fondation.  Alors  qu’en mai 1917, la septième conférence du Parti communiste de Russie adopta la résolution suivante sur la question nationale.  « La politique d’oppression nationale, héritage de l‘autocratie et  de la monarchie (tsariste), est appuyée par les grands propriétaires fonciers, les capitalistes et la petite bourgeoisie, qui veulent ainsi préserver leurs privilèges de classe  et diviser les ouvriers des diverses nationalités.  L’impérialisme contemporain, qui renforce la tendance à la subordination des peuples faibles, est un nouveau facteur d’aggravation de l’oppression nationale.  Pour autant que la suppression du joug national soit réalisable dans la société capitaliste, elle n’est possible que lorsque l’État se trouve sous le régime d’une république démocratique conséquente, assurant l’égalité complète de toutes les nations et de toutes les langues. (…)

Seule la reconnaissance par le prolétariat du droit des nations à se séparer assure la solidarité complète des ouvriers des différentes nations et favorise un véritable rapprochement démocratique des nations. (…)

Il n’est pas permis de confondre le droit des nations à se séparer librement avec l’utilité de se séparer pour telle ou telle nation à tel ou tel moment.  Ce dernier problème, le parti du prolétariat doit le résoudre, dans chaque cas particulier, d’une façon absolument indépendante, en se plaçant au point de vue des intérêts de l’ensemble du développement social et des intérêts de la lutte de classe du prolétariat pour le socialisme. (…)

Seul  un … rassemblement des ouvriers des différents nationalités dans des organisations uniques permet au prolétariat de lutter victorieusement contre le capital international et le nationalisme bourgeois. » [2]

La politique marxiste va bien au-delà des prétentions nationalistes.  Malgré que toute l’attention a été retenue par la course à la chefferie du Parti québécois.  « L’an dernier (2015), les péquistes se sont bouchés le nez sur le passé antisyndical de Pierre-Karl Péladeau pour en faire leur chef  (il est à la tête d’une puissante multinationale québécoise  -imprimeries, journaux, diffusion dans le secteur  informatique et de la presse écrite en général-  il n’est donc pas surprenant qu’ils aient jeté leur dévolu sur Jean-François Lisée.  (Ce dernier a été le conseiller des premiers ministres Jacques Parizeau, notamment durant la campagne référendaire de 1995, et de Lucien Bouchard.  Député d’une circonscription montréalaise depuis  2012 (i.e. Rosemont); M. Lisée a été journaliste et ministre des Relations internationales dans le dernier gouvernement péquiste, -ndlr); même s’il est moins gentil et rassembleur qu’un Alexandre Cloutier (pourtant favori, -ndlr),  ils ont opté pour la personne qui leur est apparue comme étant la  plus susceptible de les ramener au pouvoir… Contrairement à Lisée, PKP avait rallumé la flamme  de la souveraineté (i.e. indépendance). (…)

On sait déjà que les libéraux ne cesseront pas d’utiliser la peur référendaire même si le nouveau chef du PQ a promis de ne pas tenir de référendum dans un premier mandat. »[3]

« Plus important encore, la formation doit démontrer sa pertinence au moment où l’éventualité d’un référendum semble s’éloigner, souligne Jean-Herman Guay, professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.  ‘Le gros défi, c’est celui-là : comment maintenir la souveraineté dans les cœurs tout en acceptant qu’elle ne soit pas au premier plan dans le discours? dit-il.  ‘La probable mise de côté de la question référendaire pour un certain temps provoque un questionnement : par quoi remplacer ça?  Comment gérer le vide?  Le Parti québécois doit démontrer qu’il a la capacité d’emprunter d’autres voies’, ajoute Jean-Herman Guay.  Le politologue fait valoir que le PQ a perdu le ‘ciment’ qui unissait les militants indépendantistes de gauche comme de droite dans les années 1960 et 1970.  Ce ciment, c’est l’espèce de sentiment d’injustice collective qui justifiait la quête  du pays. (…)

Le politologue (André Lamoureux, chargé de cours au Département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), insiste) : ‘le parti doit absolument reconquérir les jeunes, le mouvement syndical, les enseignants et élargir ses appuis chez les nouveaux arrivants, à défaut de quoi il joue sa survie’, selon M. Lamoureux.  Il rappelle que le PQ avait 300 000 membres au début des années 1980.  Cette semaine, ce sont 73 236 membres qui avaient droit de vote pour élire le chef péquiste. »[4]

La petite bourgeoisie baisse pavillon.  « Au tournant du siècle dernier, la loi 101 a été un mal nécessaire.  De plus en plus d’anglophones le reconnaissent.  Ils reconnaissent que c’était notre prérogative absolue de nous assurer que nous pourrions continuer à naître, à grandir, à travailler, bref, à vivre en français. »[5]

Voilà qu’on enfonce une porte ouverte.  « Que deviendra le PQ sous la gouverne de M. Lisée?  Ses trois derniers chefs ont fait chou blanc.  Aux prochaines élections, il aura été au pouvoir à peine 18 mois en 15 ans.  Marx Laurendeau (ancien journaliste à Ici Radio-Canada Première) n’avait pas tort de conclure son documentaire sur 50 ans du PQ  en disant qu’il joue maintenant sa propre survie’.  Il joue aussi son âme.  La principale raison du succès de M. Lisée est d’avoir convaincu les militants péquistes qu’il était plus urgent de battre les libéraux et de donner un ‘bon gouvernement’  (vieille recette péquiste des années 1970) aux Québécois que de tenir un référendum pour lequel le PQ n’est tout simplement pas prêt. (…)

La question est maintenant de savoir jusqu’où ira ce nouveau pragmatisme. Le nouveau chef a promis que le référendum sera bel et bien tenu dans un deuxième mandat, mais rien n’assure que les ’conditions gagnantes ’ (i.e. que les jeunes générations supplantent en  nombre les ‘vieilles’) seront au rendez-vous.’ »[6]

Alors qu’au Parti québécois, certains disent qu’il n’y a pas urgence d’organiser ce  fameux référendum sur la question nationale; contradictoirement, certains chroniqueurs tel celui de Voir, sonne l’alarme : « je suis de ceux qui croient que le français est effectivement menacé, qu’il régresse.  (Mais comme il le constate avec justesse) : (….)

« Ils sont nombreux parmi les anglophones influents à être francophiles, à reconnaître que le français doit prédominer, qu’il doit être protégé et qu’on doit travailler à le répandre.  Mais pas au détriment de l’anglais et des autres langues. »[7]

En passant, rappelons qu’il y a à Montréal plus de 300 000 habitants qui sont d’origine italienne (nés en Italie ou au Canada); plus de 40 000 Grecs; à peu près autant de Portugais, plus de 100 000 Juifs; et des milliers d’Arabo-musulmans; etc.  Comme s’en fait adéquatement l’écho la revue Voir : « Montréal est une ville multilingue à prédominance française.  Une ville où nous sommes de moins en moins des solitudes et où les stratégies pour faire perdurer le fait français doivent être acceptées, voulues et promues par tous, avec les anglophones et les francophones aux premières loges. »[8]

Selon les dernières statistiques, Montréal, métropolitaine et banlieues,  compte environ 4 millions de citoyens; la Ville de Québec : 1 million; la Province de Québec au total: 8,7 millions.  Le taux de chômage au Québec se situe à 7%.    

Finalement, la petite bourgeoisie québécoise aimerait bien que le Québec se sépare (pour consolider ses positions économiques au Québec et pour utiliser les leviers d’un nouvel État indépendant pour mieux pénétrer le marché US avec l’appui financier et politique du premier; la classe ouvrière est ambivalente faute de programme et de Parti communiste de masse; quant à la bourgeoisie, elle se vautre dans le statu quo (en somme, le marché canadien lui suffit ainsi que ses incursions sur la scène internationale (notons que trois quarts du commerce canadien se fait avec les États-Unis): c’est payant…

« Si le prochain chef du Parti québécois (PQ), (d’après une déclaration du premier ministre libéral, en date du 7 octobre 2016), affirme qu’il ne tiendra pas de référendum sur la souveraineté dans un premier mandat, il ne faut pas le croire, estime donc le premier ministre Philippe Couillard (du Québec).  À la première occasion, la tentation de déclencher un référendum demeurera bien réelle, en dépit des engagements contraires pris dans le passé par le chef souverainiste, selon M. Couillard, qui brandit le spectre (indûment, -ndlr) de ‘la cage à homards’ de Jacques Parizeau lors du référendum de 1995. (…)

Il dénonce particulièrement l’approche de Jean-François Lisée, qui a gagné en popularité en rejetant le scénario d’un référendum dans un premier mandat. (…)

Deux ans avant l’échéance électorale, dans une envolée partisane, M. Couillard annonce déjà la catastrophe, si le PQ prend le pouvoir : du jour au lendemain, ‘tous les investissements sont paralysés, toute l’incertitude s’installe, toute l’instabilité s’installe encore. »[9]

« Les démocrates petit-bourgeois tels que nos socialistes-révolutionnaires et nos menchéviks, de même que leurs frères jumeaux, tous les social-chauvins et opportunistes de l’Europe occidentale, attendent précisément quelque chose de plus du suffrage universel.  Ils partagent eux-mêmes et inculquent au peuple cette idée fausse que le suffrage universel, ‘dans l’État actuel ’, est capable de traduire réellement la volonté de la majorité des travailleurs et d’en assurer l’accomplissement. (…)

Il faut noter encore qu’Engels (le camarade de Karl Marx, ndlr) est tout à fait catégorique lorsqu’il qualifie le suffrage universel d’instrument de domination de la bourgeoisie.  Le suffrage  universel, dit-il, tenant manifestement compte de la longue expérience de la social-démocratie allemande, est : ‘… l’indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière.  Il ne peut être rien de plus, il ne sera jamais rien de plus dans l’État actuel.’ »[10]

Du côté anglophone, il ne fut guère possible de lire les éditoriaux de Toronto, la métropole du pays et la Ville Reine du Canada anglais, (ex. The Globe and Mail), publiés avant le résultat de la course à la chefferie; par contre le quotidien de langue anglaise de Montréal, Montreal Gazette, a réservé un espace assez important à l’évènement en adoptant aussi une couverture sobre, low profile, à l’image du journal nationaliste, Le Devoir.  Montreal  Gazette prend acte, notamment de l’intention du nouveau chef eu égard au futur référendum portant sur l’indépendance du Québec.

« Before the next election, the party has to come up with a sovereignty plan – in other words, hold an existential debate about Article 1 of its program, which says it wants Quebec to be independent.  It paid a heavy price in the April 2014 election for trying to campaign without a clear plan, which left it open to attacks from the other parties that accused it of having a secret agenda.  Lisée has removed all doubt, vowing that there will be no referendum in a first PQ mandate, which would go from 2018 to 2022.”[11]

“Jean-François Lisée is probably the candidate the governing Liberals least wanted to win the Parti Québécois leadership.  (…)

Nevertheless, Lisée has received arguably the weakest mandate of any leader in the PQ’s history. (…)

It was a choice not only of the party’s next leader, but also its future direction, on the major issues of the campaign, the ones that have always been most important to the PQ: independence and identity. (…)

Lisée opportunistically outflanked his rivals on identity and opened a second front in the campaign, repeatedly targeting Muslims in a ‘dog whistle’ or coded appeal, to xenophobia.  (…)

Even Lisée’s campaign manager admitted that people find her candidate condescending and unlikeable. (…)

Even so, Lisée’s election does not settle the independence issue.  It will remain alive at least until the party’s policy convention next June. (…)

The hotly contest leadership campaign has left the caucus of PQ members of the National Assembly openly divided… with factions openly quarrelling. (…)

And it was apparent before the vote that the fewer first-choice votes the eventual winner received in the leadership election, especially if he received less than a majority, the weaker his authority and his position on independence would be.”[12]                                                  



[1] Taillefer, Alexandre, En français, siouplaît, revue  Voir, Montréal, vol. 9, no. 10, octobre 2016, page 70
[2] Lénine, V.I., Œuvres choisies, tome 2, Éditions du   Progrès, Moscou, 1968, pages 131-132
[3] Lavoie, Gilbert, Un plongeon dans l’imprévisible, Le Droit, Ottawa, édition du week-end du samedi 8 octobre 2016, page 21
[4] Fortier, Marco, Premier défi : refaire l’unité du parti, Le Devoir, Montréal, les samedi 8 et dimanche 9 octobre 2016, page A 3
[5] Ibidem, Taillefer, page 70
[6] Bélair-Cirino, Marco, Le gagneur, Le Devoir, les samedi 8 et dimanche 9 octobre 2016, page A 10
[7] Ibidem, Taillefer, pages 70 et 71
[8] Ibidem, Taillefer, page 71
[9] Richer, Jocelyne, Couillard craint un nouveau référendum, Le Droit, Ottawa, Édition week-end du samedi 8 octobre, page 23
[10] Ibidem, Lénine, Œuvres choisies, tome 2, page 298
[11] Authier, Philip, Five top priorities for the winner, Montreal Gazette, Saturday, October 8, 2016, page A3
[12] Macpherson, Don, What Lisée’s ascension means for the  PQ, Montreal Gazette, Saturday, October 8, 2016, page A10

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire