LE
PARTI QUÉBÉCOIS AU POUVOIR, C’EST BIEN FINI
Daniel Paquet
Une fraction de
l’intelligentsia québécoise répète, inlassablement, à vous soulever le cœur :
le Canada est le cul-de-sac de deux solitudes.
Nenni, le Canada est un pays de deux peuples fondateurs européens (l’Angleterre
et la France), de peuples autochtones presque honteusement exterminés (mais, il
y a toujours au moins un million d’entre
eux répartis sur tout le territoire canadien; ils s’appellent les Premières Nations et ont
toujours maille à partir avec le gouvernement fédéral), et aussi se sont joints
des immigrants, d’arrivée récente ou d’un peu plus longtemps. Le Canada réunit plus de 34 millions de
citoyens très instruits (la classe ouvrière y est très disciplinée et
généralement fort bien formée) mettant en valeur ses très fabuleuses ressources
naturelles; c’est le deuxième plus grand pays au monde après la Fédération de
Russie.
Ainsi, à l’instar de
son voisin du Nord, le Canada s’est doté d’un vaste réseau de
communications à la très fine pointe des
découvertes technologiques et informatiques (notamment pour les réseaux publics
de la Société Radio-Canada et de la Canadian Broadcasting Corporation) pour
souder culturellement l’espace terrestre et aérien du Canada. De nos jours, la Société Radio-Canada diffuse
des émissions variées en français d’un océan à l’autre, alors que son pendant,
CBC, fait de même en langue anglaise. Effectivement,
et au grand dam des nationalistes, c’est un vecteur très puissant d’unité pour
les Canadiens qui vivent dans un pays où l’existence de tous les jours se fait
sur plusieurs fuseaux horaires.
Alors que les derniers
fêtards ferment les bars et les boîtes de nuit à Vancouver en Colombie-Britannique
(sur l’océan Pacifique); les premiers pêcheurs vérifient encore une fois si tous
les filets sont en bon ordre avant de prendre la mer en Atlantique, de
Terre-Neuve et des autres provinces maritimes.
Au même moment, au
Canada central, les ‘morning men’ de
la radio prennent leur micro, histoire de ‘raconter’ comment fût la nuit, à
Montréal (au Québec) et à Toronto (en Ontario) et l’actualité internationale;
en même temps, ils accompagnent les ouvriers (dont les travailleurs d’usines et
de manufactures, et ceux de la construction; ils sont plus de 140 000 au
Québec) qui se préparent à quitter le foyer, ‘pour aller travailler’. Les agriculteurs, où qu’ils soient (au
Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario dans les vastes plaines de l’ouest
canadien, nourrissent le bétail, font le ‘train’ des bestiaux à lait et jettent
un dernier coup d’œil à leur ‘machinerie’.
Ce sera une bonne journée…
Toutefois, le problème
de fond entre la majorité anglophone du Canada anglais et celle du Québec francophone n’est pas un litige linguistique;
c’est d’abord l’inégalité nationale.
Avant d’aller plus
loin, abordons le sentiment général chez les intellectuels petit-bourgeois
‘d’ici’ ou mieux dit : du Québec.
« Difficile de
s’inquiéter pour le français quand on ne visite pas Montréal. Le problème n’existe pas vraiment à l’extérieur
de la métropole. Il y a bien entendu
quelques communautés traditionnellement anglophones…. Mais lorsqu’on s’inquiète
du recul du français – ou de l’avancée de l’anglais, ce qui revient au
même -, (c’est à Montréal) que résident
nos plus grandes craintes, ou le grand Montréal, pour être plus précis… »[1]
En passant, en juillet 2017, le Canada célébrera le 150ème
anniversaire de sa fondation. Alors qu’en mai 1917, la septième conférence du
Parti communiste de Russie adopta la résolution suivante sur la question
nationale. « La politique
d’oppression nationale, héritage de l‘autocratie et de la monarchie (tsariste), est appuyée par
les grands propriétaires fonciers, les capitalistes et la petite bourgeoisie,
qui veulent ainsi préserver leurs privilèges de classe et diviser les ouvriers des diverses
nationalités. L’impérialisme
contemporain, qui renforce la tendance à la subordination des peuples faibles,
est un nouveau facteur d’aggravation de l’oppression nationale. Pour autant que la suppression du joug
national soit réalisable dans la société capitaliste, elle n’est possible que
lorsque l’État se trouve sous le régime d’une république démocratique
conséquente, assurant l’égalité complète de toutes les nations et de toutes les
langues. (…)
Seule la
reconnaissance par le prolétariat du droit des nations à se séparer assure la
solidarité complète des ouvriers des différentes nations et favorise un véritable
rapprochement démocratique des nations. (…)
Il n’est pas permis de
confondre le droit des nations à se séparer librement avec l’utilité de se séparer
pour telle ou telle nation à tel ou tel moment.
Ce dernier problème, le parti du prolétariat doit le résoudre, dans
chaque cas particulier, d’une façon absolument indépendante, en se plaçant au
point de vue des intérêts de l’ensemble du développement social et des intérêts
de la lutte de classe du prolétariat pour le socialisme. (…)
Seul un … rassemblement des ouvriers des différents
nationalités dans des organisations uniques permet au prolétariat de lutter victorieusement
contre le capital international et le nationalisme bourgeois. » [2]
La politique marxiste
va bien au-delà des prétentions nationalistes.
Malgré que toute l’attention a été retenue par la course à la chefferie
du Parti québécois. « L’an dernier
(2015), les péquistes se sont bouchés le nez sur le passé antisyndical de
Pierre-Karl Péladeau pour en faire leur chef
(il est à la tête d’une puissante multinationale québécoise -imprimeries, journaux, diffusion dans le
secteur informatique et de la presse
écrite en général- il n’est donc pas
surprenant qu’ils aient jeté leur dévolu sur Jean-François Lisée. (Ce dernier a été le conseiller des premiers
ministres Jacques Parizeau, notamment durant la campagne référendaire de 1995,
et de Lucien Bouchard. Député d’une circonscription
montréalaise depuis 2012 (i.e. Rosemont);
M. Lisée a été journaliste et ministre des Relations internationales dans le
dernier gouvernement péquiste, -ndlr); même s’il est moins gentil et
rassembleur qu’un Alexandre Cloutier (pourtant favori, -ndlr), ils ont opté pour la personne qui leur est
apparue comme étant la plus susceptible
de les ramener au pouvoir… Contrairement à Lisée, PKP avait rallumé la
flamme de la souveraineté (i.e.
indépendance). (…)
On sait déjà que les
libéraux ne cesseront pas d’utiliser la peur référendaire même si le nouveau
chef du PQ a promis de ne pas tenir de référendum dans un premier
mandat. »[3]
« Plus important
encore, la formation doit démontrer sa pertinence au moment où l’éventualité d’un
référendum semble s’éloigner, souligne Jean-Herman Guay, professeur à l’École de politique appliquée de
l’Université de Sherbrooke. ‘Le gros
défi, c’est celui-là : comment maintenir la souveraineté dans les cœurs
tout en acceptant qu’elle ne soit pas au premier plan dans le discours? dit-il. ‘La probable mise de côté de la question
référendaire pour un certain temps provoque un questionnement : par quoi
remplacer ça? Comment gérer le vide? Le Parti québécois doit démontrer qu’il a la
capacité d’emprunter d’autres voies’, ajoute Jean-Herman Guay. Le politologue fait valoir que le PQ a perdu
le ‘ciment’ qui unissait les militants indépendantistes de gauche comme de
droite dans les années 1960 et 1970. Ce
ciment, c’est l’espèce de sentiment d’injustice collective qui justifiait la
quête du pays. (…)
Le politologue (André
Lamoureux, chargé de cours au Département
de science politique de l’Université du
Québec à Montréal (UQAM), insiste) : ‘le parti doit absolument reconquérir
les jeunes, le mouvement syndical, les enseignants et élargir ses appuis chez
les nouveaux arrivants, à défaut de quoi il joue sa survie’, selon M.
Lamoureux. Il rappelle que le PQ avait
300 000 membres au début des années 1980.
Cette semaine, ce sont 73 236 membres qui avaient droit de vote
pour élire le chef péquiste. »[4]
La petite bourgeoisie
baisse pavillon. « Au tournant du
siècle dernier, la loi 101 a été un mal nécessaire. De plus en plus d’anglophones le
reconnaissent. Ils reconnaissent que
c’était notre prérogative absolue de nous assurer que nous pourrions continuer
à naître, à grandir, à travailler, bref, à vivre en français. »[5]
Voilà qu’on enfonce
une porte ouverte. « Que deviendra
le PQ sous la gouverne de M. Lisée? Ses
trois derniers chefs ont fait chou blanc.
Aux prochaines élections, il aura été au pouvoir à peine 18 mois en 15
ans. Marx Laurendeau (ancien journaliste
à Ici Radio-Canada Première) n’avait
pas tort de conclure son documentaire sur
50 ans du PQ en disant qu’il joue
maintenant sa propre survie’. Il joue
aussi son âme. La principale raison du
succès de M. Lisée est d’avoir convaincu les militants péquistes qu’il était
plus urgent de battre les libéraux et de donner un ‘bon gouvernement’ (vieille recette péquiste des années 1970) aux
Québécois que de tenir un référendum pour lequel le PQ n’est tout simplement
pas prêt. (…)
La question est
maintenant de savoir jusqu’où ira ce nouveau pragmatisme. Le nouveau chef a
promis que le référendum sera bel et bien tenu dans un deuxième mandat, mais
rien n’assure que les ’conditions
gagnantes ’ (i.e. que les jeunes générations supplantent en nombre les ‘vieilles’) seront au
rendez-vous.’ »[6]
Alors qu’au Parti
québécois, certains disent qu’il n’y a pas urgence d’organiser ce fameux référendum sur la question nationale;
contradictoirement, certains chroniqueurs tel celui de Voir, sonne l’alarme : « je suis de ceux qui croient que le
français est effectivement menacé, qu’il régresse. (Mais comme il le constate avec
justesse) : (….)
« Ils sont
nombreux parmi les anglophones influents à être francophiles, à reconnaître que
le français doit prédominer, qu’il doit être protégé et qu’on doit travailler à
le répandre. Mais pas au détriment de
l’anglais et des autres langues. »[7]
En passant, rappelons
qu’il y a à Montréal plus de 300 000 habitants qui sont d’origine
italienne (nés en Italie ou au Canada); plus de 40 000 Grecs; à peu près
autant de Portugais, plus de 100 000 Juifs; et des milliers
d’Arabo-musulmans; etc. Comme s’en fait
adéquatement l’écho la revue Voir :
« Montréal est une ville multilingue à prédominance française. Une ville où nous sommes de moins en moins
des solitudes et où les stratégies pour faire perdurer le fait français doivent
être acceptées, voulues et promues par tous, avec les anglophones et les
francophones aux premières loges. »[8]
Selon les dernières
statistiques, Montréal, métropolitaine et banlieues, compte environ 4 millions de citoyens; la
Ville de Québec : 1 million; la Province de Québec au total: 8,7
millions. Le taux de chômage au Québec
se situe à 7%.
Finalement, la petite
bourgeoisie québécoise aimerait bien que le Québec se sépare (pour consolider
ses positions économiques au Québec et pour utiliser les leviers d’un nouvel
État indépendant pour mieux pénétrer le marché US avec l’appui financier et
politique du premier; la classe ouvrière est ambivalente faute de programme et
de Parti communiste de masse; quant à la bourgeoisie, elle se vautre dans le statu quo (en somme, le marché
canadien lui suffit ainsi que ses incursions sur la scène internationale
(notons que trois quarts du commerce canadien se fait avec les États-Unis): c’est
payant…
« Si le prochain
chef du Parti québécois (PQ), (d’après une déclaration du premier ministre
libéral, en date du 7 octobre 2016), affirme qu’il ne tiendra pas de référendum
sur la souveraineté dans un premier mandat, il ne faut pas le croire, estime
donc le premier ministre Philippe Couillard (du Québec). À la première occasion, la tentation de
déclencher un référendum demeurera bien réelle, en dépit des engagements
contraires pris dans le passé par le chef souverainiste, selon M. Couillard,
qui brandit le spectre (indûment, -ndlr) de ‘la cage à homards’ de Jacques
Parizeau lors du référendum de 1995. (…)
Il dénonce
particulièrement l’approche de Jean-François Lisée, qui a gagné en popularité
en rejetant le scénario d’un référendum dans un premier mandat. (…)
Deux ans avant l’échéance
électorale, dans une envolée partisane, M. Couillard annonce déjà la catastrophe,
si le PQ prend le pouvoir : du jour au lendemain, ‘tous les
investissements sont paralysés, toute l’incertitude s’installe, toute
l’instabilité s’installe encore. »[9]
« Les démocrates petit-bourgeois
tels que nos socialistes-révolutionnaires et nos menchéviks, de même que leurs
frères jumeaux, tous les social-chauvins et opportunistes de l’Europe
occidentale, attendent précisément quelque chose de plus du suffrage
universel. Ils partagent eux-mêmes et
inculquent au peuple cette idée fausse que le suffrage universel, ‘dans l’État actuel ’, est capable de traduire
réellement la volonté de la majorité des travailleurs et d’en assurer l’accomplissement.
(…)
Il faut noter encore
qu’Engels (le camarade de Karl Marx, ndlr) est tout à fait catégorique
lorsqu’il qualifie le suffrage universel d’instrument de domination de la
bourgeoisie. Le suffrage universel, dit-il, tenant manifestement
compte de la longue expérience de la social-démocratie allemande, est : ‘…
l’indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière. Il ne peut être rien de plus, il ne sera
jamais rien de plus dans l’État actuel.’ »[10]
Du côté anglophone, il
ne fut guère possible de lire les éditoriaux de Toronto, la métropole du pays
et la Ville Reine du Canada anglais, (ex. The
Globe and Mail), publiés avant le résultat de la course à la chefferie; par
contre le quotidien de langue anglaise de Montréal, Montreal Gazette, a réservé un espace assez important à l’évènement
en adoptant aussi une couverture sobre, low
profile, à l’image du journal nationaliste, Le Devoir. Montreal
Gazette prend acte, notamment de l’intention du nouveau chef eu
égard au futur référendum portant sur l’indépendance du Québec.
« Before
the next election, the party has to come up with a sovereignty plan – in other
words, hold an existential debate about Article 1 of its program, which says it
wants Quebec to be independent. It paid
a heavy price in the April 2014 election for trying to campaign without a clear
plan, which left it open to attacks from the other parties that accused it of
having a secret agenda. Lisée has
removed all doubt, vowing that there will be no referendum in a first PQ
mandate, which would go from 2018 to 2022.”[11]
“Jean-François
Lisée is probably the candidate the governing Liberals least wanted to win the
Parti Québécois leadership. (…)
Nevertheless,
Lisée has received arguably the weakest mandate of any leader in the PQ’s
history. (…)
It was a
choice not only of the party’s next leader, but also its future direction, on
the major issues of the campaign, the ones that have always been most important
to the PQ: independence and identity. (…)
Lisée
opportunistically outflanked his rivals on identity and opened a second front
in the campaign, repeatedly targeting Muslims in a ‘dog whistle’ or coded
appeal, to xenophobia. (…)
Even
Lisée’s campaign manager admitted that people find her candidate condescending
and unlikeable. (…)
Even so,
Lisée’s election does not settle the independence issue. It will remain alive at least until the
party’s policy convention next June. (…)
The hotly contest
leadership campaign has left the caucus of PQ members of the National Assembly
openly divided… with factions openly quarrelling. (…)
And it was apparent before the vote that the
fewer first-choice votes the eventual winner received in the leadership
election, especially if he received less than a majority, the weaker his
authority and his position on independence would be.”[12]
[1] Taillefer, Alexandre, En français,
siouplaît, revue Voir, Montréal,
vol. 9, no. 10, octobre 2016, page 70
[2] Lénine, V.I., Œuvres choisies,
tome 2, Éditions du Progrès,
Moscou, 1968, pages 131-132
[3] Lavoie, Gilbert, Un plongeon dans
l’imprévisible, Le Droit, Ottawa, édition du week-end du samedi 8 octobre
2016, page 21
[4] Fortier, Marco, Premier
défi : refaire l’unité du parti, Le Devoir, Montréal, les samedi 8 et
dimanche 9 octobre 2016, page A 3
[5] Ibidem, Taillefer, page 70
[6] Bélair-Cirino, Marco, Le gagneur,
Le Devoir, les samedi 8 et dimanche 9 octobre 2016, page A 10
[7] Ibidem, Taillefer, pages 70 et 71
[8] Ibidem, Taillefer, page 71
[9] Richer, Jocelyne, Couillard craint
un nouveau référendum, Le Droit, Ottawa, Édition week-end du samedi 8
octobre, page 23
[10] Ibidem, Lénine, Œuvres choisies,
tome 2, page 298
[11] Authier,
Philip, Five top priorities for the
winner, Montreal Gazette, Saturday, October 8, 2016, page A3
[12] Macpherson,
Don, What Lisée’s ascension means for
the PQ, Montreal Gazette, Saturday,
October 8, 2016, page A10
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire