lundi 31 octobre 2016
Et
s’il ne parle pas votre langue?
Le premier
contact avec un étranger
Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
Un peu de gêne, un
malaise… On ne veut pas froisser notre
interlocuteur; après tout c’est la première fois qu’on se parle. Comment appréhender la situation. Il faut d’abord savoir qu’il y a des milliers
de langues parlées dans le monde, notamment dans les Amériques, elles sont des centaines à tenir le haut du pavé. Une langue, « c’est un système de signes
verbaux propre à une communauté d’individus qui l‘utilisent pour s’exprimer
entre eux. »[1]
Certaines langues sont
dites : vernaculaires, d’autres véhiculaires. La différence? Une langue vernaculaire est parlée seulement
à l’intérieur d’une communauté. Ainsi,
le français au Québec n’est parlé que par les Canadiens-français en général. Par extension, l’anglais n’est parlé que par
les Canadiens-anglais et l’immigration sur leur territoire. Est véhiculaire la langue
de communication entre des communautés d’une même région ayant des langues maternelles
différentes; ce qui est fréquemment le cas au Québec, notamment à Montréal.
Tout ne s’est pas fait
du jour au lendemain. « L’histoire n’est pas autre chose que la succession
des différentes générations dont chacune exploite les matériaux, les capitaux,
les forces productives qui lui sont transmis par toutes les générations précédentes;
de ce fait, chaque génération continue donc, d’une part le mode d’activité qui
lui est transmis, mais dans des circonstances radicalement transformées et d’autre
part elle modifie les anciennes circonstances en se livrant à une activité
radicalement différente… »[2]
Aujourd’hui, la langue
anglaise est une langue véhiculaire : d’ailleurs, c’est la principale
langue véhiculaire dans le monde entier, dû au poids économique de
l’impérialisme US. C’est une réalité
renforcée surtout par le déploiement des
moyens de communication de masse (mass
média) : télévision, Internet, radio et bien sûr la presse écrite. Les langues occidentales ont de plus une
origine commune : le sanskrit.
Cette langue est donc l’ancêtre lointain de l’anglais, du français, de l’espagnol,
de l’allemand, de l’hollandais, du portugais, etc.
C’est une langue indo-aryenne qui fut la langue sacrée et la langue littéraire
de l’Inde ancienne. Au chapitre des
langues anciennes, on retrouve plus près
de nous ces ancêtres du Vieux-Continent : les langues indo-européennes
issues de l’indo-européen et des peuples
qui les ont parlés.
Il existe aussi les langues
sémites. Elles appartiennent à la famille
de langues comprenant le sémitique, l’égyptien, le berbère, le couchitique
et les langues tchadiennes, soit les
langues chamito- sémitiques d’Asie occidentale et du nord de l’Afrique (arabe,
berbère, hébreu, araméen, amharique, etc.
Elles marquent la naissance d’un ensemble de peuples du Proche-Orient
parlant ou ayant parlé dans l’Antiquité des langues sémitiques.
Le commerce entre les
peuples, le développement des techniques (par exemple dans la construction des
bateaux et la conservation des aliments, pour les longs périples) ont favorisé
les échanges internationaux. La
formation des empires ont accéléré les fusions entre les langues parlées. Ainsi, l’empire gréco-romain de l’Antiquité a
donné un grand essor à la langue grecque, qui fit de la Grèce, même conquise,
le foyer irradiant de la culture d’un grand empire; il s’agit de la
civilisation hellénistique (elle-même fruit des conquêtes d’Alexandre le Grand
qui poursuivit ses guerres jusqu’en Asie mineure). La langue
latine ne fut jamais la lingua franca (i.e.
la langue parlée partout autour du bassin méditerranéen) comme on l’imagine, ou
au même titre que l’anglais depuis le développement de l’empire britannique et
américain de ces derniers siècles. Les
Romains ont adopté dans le monde des arts et de la culture l’héritage de
l’empire grec qui les surpassait.
Mais les Romains
détenaient les rênes de leur empire et « les pensées de la classe
dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement
dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi
la puissance dominante spirituelle. La
classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup,
des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les
pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont
soumises du même coup à cette classe
dominante. »[3]
Sous ce rapport, on
n’a qu’à penser aux âpres débats qui ont lieu à l’Unesco (Paris) pour la
protection des cultures nationales et l’indifférence farouche, mais calculée de
l’administration US pour que le plus fort l’emporte.
Tout cela ne doit pas
nous faire oublier l’apport des premières nations (peuples autochtones :
Inuit et Amérindiens du Canada) qui ont élu résidence dans les Amériques et qui - s’ils n’avaient qu’une longue et solide
tradition orale ont laissé des traces profondes, que ce soit au Canada ou encore
en Amérique centrale et au nord de l’Amérique latine - ont bâti effectivement de
véritables empires (les Mayas, les Incas et les Aztèques) et contribué à
l’émergence de véritables trésors de création et d’innovation humaine (sur le
plan de l’architecture entre autres). Ils
ont vécu des milliers et des milliers d’années avant l’arrivée des premiers Européens. Par exemple, tout atteste que les Premières
nations se sont établies au Canada depuis plus de 10 000 ans de notre ère.
Alors on comprendra
que même les peuples européens ont une histoire assez jeune même si on ignore
considérablement l’histoire de ces peuples, héritiers de l’Asie. D’autre part, il y a une peu plus de 1,000 ans
deux moines byzantins ont ‘évangélisé’ les pays slaves. Ils y ont introduit un nouvel alphabet :
le cyrillique, fondé sur l’alphabet grec (on n’a qu’à comparer l’alphabet russe
à l’alphabet grec, la ressemblance saute aux yeux). La langue de l’époque, le slavon, était parlée (en Russie, en Ukraine, en
Bulgarie, etc.). C’était une langue essentiellement
religieuse. C’est le fait d’armes du
moine Cyrille; son coreligionnaire Méthode, a mis un peu ‘d’ordre’ dans les
modes d’expression. Ils ont été canonisés
depuis lors.
Avec le développement
des techniques, les frontières ont commencé à tomber : les hommes pouvaient
aller plus loin pour le commerce et les échanges de marchandises; on pense
notamment à la construction de navires plus performants. Les voyages entre l’Europe et l’Amérique (si
prometteuse et si riche) se sont avérés plus faciles et sûrs.
« La découverte
de l’Amérique, le tour du cap de Bonne-Espérance ont ouvert à la bourgeoisie montante un champ d’action
nouveau. Les marchés des Indes Orientales
et de la Chine, la colonisation de l’Amérique, le commerce avec les colonies,
l’accroissement des moyens d’échange et des marchandises en général ont donné au négoce, à la
navigation, à l’industrie un essor
qu’ils n’avaient jamais connu et entraîné du même coup le développement rapide
de l’élément révolutionnaire dans la société féodale chancelante. »[4]
Si, au début, les
Européens (Irlandais, et Bretons, etc.) allaient pêcher sur les bancs de
Terre-Neuve, sans y établir des colonies durables, ils furent suivis par des
générations d’Européens qui se fixèrent dans ces contrées, alors sauvages, mais
luxuriantes.
« La manufacture
et le mouvement de la production en général prirent un essor prodigieux, du
fait de l’extension du commerce amenée par la découverte de l’Amérique et de la
route maritime des Indes orientales. Les
produits nouveaux importés des Indes, et principalement les masses d’or et d’argent
qui entrèrent en circulation, transformèrent de fond en comble la situation
réciproque des classes sociales et portèrent un rude coup à la propriété foncière
féodale et aux travailleurs… »[5]
Mais l’histoire des
langues et des civilisations ne s’arrête pas à celle de l’Occident. Ainsi, la Chine a eu une influence
déterminante sur le monde oriental et asiatique (Corée, Japon, Vietnam, etc.). Nous apprenons maintenant à mieux connaître la Chine. (Les milieux
impérialistes, eux, la redoutent!) Comme
bon nombre de langues asiatiques, elle possède une écriture à caractères qui
est assez rebutante pour le néophyte.
Aussi, le gouvernement de la République populaire de Chine utilise le pidgin
(écriture latine) pour faire rayonner la culture chinoise et faciliter
l’apprentissage de la langue; et les
enfants chinois dès leur plus jeune âge se mettront à l’étude de l’anglais pour
qu’ils connaissent mieux la culture occidentale en général et anglo-saxonne en
particulier avec qui les entreprises
nationales font beaucoup d’échanges commerciaux. Déjà le Vietnam par exemple depuis la
colonisation française a adopté la graphie latine.
Pour en revenir à la
Chine, elle aspire à être mieux connue des peuples vivant au-delà de ses
frontières. Parlant de ce grand pays
(1,4 milliard d’habitants; deuxième puissance économique mondiale tout
juste après les U.S.A.), il faut savoir
qu’outre le mandarin - la langue officielle-, plus de 50 langues et dialectes
sont parlés dans le pays, y compris le cantonnais. Le mandarin est soit dit en passant une
langue à tons : i.e. un même vocable peut avoir jusqu’à trois, voire
quatre significations dépendamment de l’accent sonore emprunté pour décrire une
réalité, par exemple : ma, peut signifier : maman ou cheval, selon la prononciation.
Gâtez-vous dirait l’autre!
« D’autre part,
le développement du travail a nécessairement contribué à resserrer les liens
entre les membres de la société en multipliant les cas d’assistance mutuelle,
de coopération commune, et en rendant plus clair chez chaque individu la
conscience de l’utilité de cette coopération.
Bref, les hommes en formation en arrivèrent au point où ils avaient
réciproquement quelque chose à se dire.
Le besoin se créa son organe, le larynx non développé du singe se transforma,
lentement mais sûrement, grâce à la modulation pour s’adapter à une modulation sans cesse développée, et
les organes de la bouche apprirent peu à peu à prononcer un son articulé après
l’autre. La comparaison avec les animaux démontre que cette explication de
l’origine du langage, né du travail et l’accompagnant, est la seule exacte. Ce
que ceux-ci, même les plus développés, ont à se communiquer est si minime
qu’ils peuvent le faire sans recourir au langage articulé. »[6]
Mais les échanges
commerciaux, les contacts entre les peuples ont engendré leur lot de
souffrances et de misère. D’un autre
côté, « la production des idées, des représentations et de la conscience
est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au
commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les
représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici
encore l’émanation directe de leur
comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu’elle
se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la
religion, de la métaphysique, etc. de
tout un peuple. »[7]
La plupart du temps,
les Occidentaux ont imposé leur présence, leur domination par la baïonnette (simultanément avec le missel
le plus souvent).
« Jusqu’à présent, on a fait de la
violence, de la guerre, du pillage, du brigandage, etc. la force motrice de
l’histoire. Force nous est ici de nous
borner aux points capitaux et c’est pourquoi nous ne prenons qu’un exemple tout
à fait frappant, celui de la destruction
d’une vieille civilisation par un peuple barbare et la formation qui s’y
rattache d’une nouvelle structure sociale qui repart à zéro. (Rome et les barbares, la féodalité et la
Gaule, le Bas-Empire et les Turcs.) »[8]
C’est pourquoi, « le léninisme a élargi
la conception de la libre disposition en l’interprétant comme le droit des
peuples opprimés des pays dépendants et des colonies à la séparation complète,
comme le droit des nations à exister en tant qu’État indépendant. (…) C’est ainsi que la question des nations
opprimées est devenue la question de l’appui, de l’aide effective et constante à prêter aux nations
opprimées dans leur lutte contre l’impérialisme, pour l’égalité effective des nations,
pour leur existence comme État indépendant. »[9]
« Les rapports
des différentes nations entre elles dépendent du stade de développement où se
trouve chacune d’elles en ce qui concerne les forces productives, la division
du travail et les relations intérieures.
Ce principe est universellement reconnu. Cependant, non seulement les
rapports d’une nation avec les autres nations, mais aussi toute la structure
interne de cette nation elle-même, dépendent du niveau de développement de sa
production et de ses relations intérieures et extérieures. »[10]
« Dans le roman
d’Orwell ‘1984’, la ‘novlangue’
désigne un code politico-médiatique qui permet au pouvoir totalitaire de ‘Big
Brother’ de manipuler les masses par l‘usage méthodique
de l’euphémisme et de l’antiphrase. L’anticommuniste Orwell entendait ainsi
dénoncer allusivement la ‘langue de bois’ stalinienne, dans laquelle il voyait
une entreprise visant à manipuler la pensée en fixant l’idéologie jusque dans le lexique. Masi force est aujourd’hui de constater que la
‘novlangue’ a, au bas mot, changé de camp et que les Big Brothers occidentaux et
leurs émules gorbatchéviens ont de loin surpassé leur archétype
littéraire. Dans la novlangue des média,
sont ainsi complaisamment classés ‘novateurs’,
‘réformateurs’, ’modernistes’, tous ceux qui s’évertuent à restaurer le capitalisme
sauvage du XIXe siècle, à casser les États, les Partis, les acquis du monde ouvrier. À l’inverse, les ‘conservateurs’, les
conquêtes sociales, les idéaux révolutionnaires, les valeurs républicaines
majeures telles que la laïcité ou la souveraineté nationale. S’ils s’obstinent en outre, comme Fidel
Castro, à défendre le socialisme et la révolution, ils reçoivent immédiatement
et sans rémission l’épithète infamante
de ’nostalgiques, de ‘mammouths, et de ‘dinosaures’. »[11]
Voilà, c’est ce que
l’auteur de ces lignes a appris en fréquentant
deux écoles internationales : d’abord au niveau postsecondaire au St. Patrick’s High School (5ème année) de Québec,
et ensuite au niveau universitaire à l’Institut des Sciences sociales de
Moscou. Maintenant, l’objectif est
d’apprendre à parler correctement l’arabe moderne standard, l’équivalent du
français radio-canadien.
Blog : La
Nouvelle Vie Réelle www.lnvr.blogspot.com
Archives : La Vie
Réelle www.laviereelle.blogspot.com
[1] Le Petit Larousse illustré, 2015, page 659
[2] Marx-Engels, L’Idéologie allemande,
Éditions sociales, Paris, 1968
[3] Ibidem, L’Idéologie allemande,
page 74
[4] Marx-Engels, Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page 229
[5] Marx-Engels, L’Idéologie allemande,
Éditions sociales, Paris, 1968, pages 94-95
[6] Engels, Friedrich, Dialectique de
la nature, Éditions sociales, Paris, 1975, page 174
[7] Ibidem, L’Idéologie allemande,
page 35
[8] Ibidem, L’Idéologie allemande,
page 29
[9] Staline, J., Les questions du
Léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, pages 70-71
[10] Ibidem, L’Idéologie allemande, page 26
[11] Gastaud, Georges, Mondialisation
capitaliste et projet communiste, Le Temps des Cerises, Pantin, 1997, page
26
dimanche 30 octobre 2016
Vol
vers l’infini : permission de décoller!
De la hache
de pierre à l’Airbus A380
Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
C’est probablement
prétentieux d’écrire sur les applications des découvertes récentes dans le
monde des sciences et de la haute technologie (telle l’aérospatiale) quand on
n’y connaît rien, sauf de la curiosité et de l’étonnement; par exemple devant ces petits bidules que sont
les téléphones intelligents ou encore les MP3.
Comme plusieurs, l’auteur de ces lignes a pris l’avion et ressenti
l’excitation au décollage d’un vol régulier vers le Sud ou encore
l’Europe. C’est
« magique ». Que de chemin
parcouru depuis l’aube de la préhistoire où l’Homme chassait sa proie avec des
haches de silex ou broutait les plantes pour
subsister; ce qui ne lui laissait
que peu de temps pour faire autre chose.
D’ailleurs, pensait-il faire autre chose?
« Le travail,
disent les économistes, est la source de toute richesse. Il l’est effectivement… conjointement avec la
nature qui lui fournit la matière qu’il
transforme en richesse. Mais il est
infiniment plus encore. Il est la condition fondamentale première de toute vie
humaine, et il l’est à un point tel que,
dans un certain sens, il nous faut le dire : le travail a créé l’homme
lui-même. »[1]
« Avant que le
premier caillou ait été façonné par la main de l’homme pour en faire un
couteau, il a dû s’écouler des périodes au regard desquelles la période
historique connue de nous apparaît insignifiante. Mais le pas décisif était accompli : la
main s’était libérée; elle pouvait désormais acquérir de plus en
plus d’habiletés nouvelles et la souplesse plus grande ainsi acquise se
transmit par hérédité et augmenta de génération en génération. Ainsi la main n’est pas seulement l’organe du
travail, elle aussi le produit du travail. »[2]
« Le
développement du cerveau et des sens qui lui sont subordonnés, la clarté
croissante de la conscience, le perfectionnement de la faculté d’abstraction et
de raisonnement ont réagi sur le travail et la langage; et n’ont cessé de leur
donner, à l’un et à l’autre, des impulsions sans cesse nouvelles pour continuer
à se perfectionner. »[3]
« L’alimentation carnée contenait, presque
toute prêtes, les substances essentielles dont le corps a besoin pour son
métabolisme… »[4]
« Grâce à
l’action conjuguée de la main, des organes de la parole et du cerveau, non
seulement chez chaque individu, mais aussi dans la société, les hommes furent
mis en mesure d’accomplir des opérations de plus en plus complexes, de se poser
et d’atteindre des fins de plus en plus élevées. »[5]
(En contre-partie,)
« l’extension du machinisme et la
division du travail ont fait perdre au travail des prolétaires tout caractère
indépendant et par suite tout attrait pour l’ouvrier. Celui-ci n’est plus qu’un accessoire de la
machine et l’on n’exige de lui que le geste le plus simple, le plus monotone,
le plus facile à apprendre. Les frais
qu’occasionne l’ouvrier se limitent donc à peu près uniquement aux moyens de
subsistance dont il a besoin pour son entretien et la reproduction de sa
race. Or le prix d’une marchandise, donc
aussi du travail est égal à ses frais de production. En conséquence à mesure que le travail
devient plus répugnant, le salaire baisse.
Plus encore, à mesure que s’accroissent le machinisme et la division du
travail, la masse du travail grandit aussi, soit par l’augmentation des heures
de travail, soit par l’augmentation du travail exigé dans un temps donné, par
l’accélération de la marche des machines,
etc. L’industrie moderne a transformé le
petit atelier du maître-artisan patriarcal en la grande usine du capitalisme
industriel. »[6]
« Il faut ajouter
que la manufacture ne pouvait ni s’emparer de la production sociale dans toute
son étendue, ni la bouleverser dans sa profondeur. Comme œuvre d’art économique, elle s’élevait
sur la large base des corps de métiers des villes et de leur corollaire,
l’industrie domestique des campagnes.
Mais dès que qu’elle eut atteint un certain degré de développement, sa
base technique étroite entra en conflit avec les besoins de production qu’elle
avait elle-même créés.
Une de ses œuvres les
plus parfaites fut l’atelier de construction où se fabriquaient les instruments
de travail et les appareils mécaniques plus compliqués, déjà employés dans
quelques manufactures. (…) Cet atelier,
ce produit de la division manufacturière du travail, enfanta à son tour les machines. Leur intervention supplanta l’activité
artisanale comme principe régulateur de la production sociale.»[7]
« La machine,
point de départ de la révolution industrielle, remplace donc le travailleur qui
manie un outil par un mécanisme qui
opère à la fois avec plusieurs outils semblables, et reçoit son impulsion d’une
force unique, quelle qu’en soit la forme.
Une telle machine-outil n’est cependant que l’élément simple de la
production mécanique.
Pour développer les
dimensions de la machine d’opération et le nombre de ses outils, il faut un
moteur plus puissant, et pour vaincre la force d’inertie du moteur, il faut une
force d’Impulsion supérieure à celle de l’homme, sans compter que l’homme
est un agent très imparfait dans la
production d’un mouvement continu et uniforme.
Dès que l’outil est remplacé par une machine mue par l’homme, il devient
bientôt nécessaire de remplacer l’homme dans le rôle de moteur par d’autres
forces naturelles. »[8]
« Une fois les
outils transformés d’instruments manuels de l’homme en instruments de
l’appareil mécanique, le moteur acquiert de son côté une forme indépendante,
complètement émancipée des bornes de la force humaine. La machine-outil isolée, telle que nous l’avons étudiée
jusqu’ici, tombe par cela même au rang
d’un simple organe du mécanisme d’opération.
Un seul moteur peut désormais mettre en mouvement plusieurs machines-outils. Avec le nombre croissant des machines-outils
auxquelles il doit simultanément donner la propulsion, le moteur grandit tandis
que la transmission se métamorphose en
un corps aussi vaste que compliqué. »[9]
« La technologie
découvrit aussi le petit nombre de formes fondamentales dans lesquelles, malgré
la diversité des instruments employés, tout mouvement productif du corps humain doit s’accomplir,
de même que le machinisme le plus compliqué ne cache que le jeu des puissances
mécaniques simples.
L’industrie moderne ne
considère et ne traite jamais comme définitif le présent mode de production. Sa base est donc révolutionnaire, tandis que
celle de tous les modes de production antérieurs était essentiellement
conservatrice. Au moyen de machines, de
procédés chimiques et d’autres méthodes, elle bouleverse avec la base technique
de la production les fonctions des travailleurs et les combinaisons sociales du
travail, dont elle ne cesse de révolutionner la division établie en lançant
sans interruption des masses de capitaux et d’ouvriers d’une branche de
production dans une autre. »[10]
« La grande idée
fondamentale selon laquelle le monde ne doit pas être considéré comme un complexe de choses achevées, mais comme un
complexe de processus où les choses , en apparence stables, - tout autant que
leurs reflets intellectuels dans notre cerveau, les concepts, se développent et
meurent en passant par un changement
ininterrompu au cours duquel, finalement, malgré tous les hasards apparents et
tous les retours en arrière momentanés, un développement progressif finit pas
se faire jour – cette grande idée fondamentale a, surtout depuis Hegel, pénétré si profondément
dan la conscience commune qu’elle ne trouve sous cette forme générale presque
plus de contradicteurs. »[11]
Voilà donc une entrée
en matière pour aborder la philosophie marxiste.
« Le matérialisme
dialectique est la conception du monde du Parti marxiste-léniniste. Le matérialisme dialectique est ainsi nommé
parce que sa façon de considérer les phénomènes de la nature, sa méthode d’investigation
et de connaissance est dialectique, et
son interprétation, sa conception des phénomènes de la nature, sa théorie est matérialiste.
Le matérialisme historique
étend les principes du matérialisme dialectique à l’étude de la vie sociale; il
applique ces principes aux phénomènes de la vie sociale, à l’étude de la
société, à l’étude de l’histoire de la société.
En définissant leur méthode
dialectique, Marx et Engels se réfèrent habituellement à Hegel, comme au
philosophe qui a énoncé les traits fondamentaux de la dialectique. Cela ne signifie pas, cependant, que la
dialectique de Marx et Engels soit identique à celle de Hegel. Car Marx et Engels n’ont emprunté à la dialectique de Hegel que son ‘noyau
rationnel’; ils en ont rejeté l’écorce
idéaliste et ont développé la dialectique en lui imprimant un caractère
scientifique moderne. (…) En définissant
leur matérialisme, Marx et Engels se réfèrent habituellement à Feuerbach, comme
au philosophe qui a réintégré le matérialisme dans ses droits. Toutefois, cela ne signifie pas que le matérialisme de Marx et d’Engels
soit identique à celui de Feuerbach.
Marx et Engels n’ont en effet emprunté au matérialisme de Feuerbach que
son ‘noyau central’; ils l’ont développé en une théorie philosophique
scientifique du matérialisme, et ils en ont rejeté les superpositions
idéalistes, éthiques et religieuses. »[12]
(Toutefois,) « on
ne saurait exiger des classiques du marxisme, séparés de notre époque par 45 à
55 années, qu’ils aient prévu pour un avenir éloigné tous les zigzags de
l’histoire dans chaque pays pris isolément.
Il serait ridicule d’exiger des classiques du marxisme qu’Ils aient
élaboré pour nous des solutions toutes
prêtes sur tous les problèmes théoriques pouvant surgir dans chaque pays pris à
part dans cinquante ou cent ans, afin que nous autres descendants des
classiques du marxisme puissions tranquillement
rester couchés sur le flanc et mâcher des solutions toutes prêtes. »[13]
« Pour renverser
le capitalisme, il a fallu non seulement retirer le pouvoir à la bourgeoisie, non
seulement exproprier les capitalistes, mais briser entièrement la machine
d’État de la bourgeoisie, sa vieille armée, son corps de fonctionnaires
bureaucratique, sa police, et remplacer cette machine par un système d’État
nouveau, prolétarien, par un État nouveau, socialiste. C’est
justement ce qu’ont fait les bolchéviks. »[14]
(En conclusion,) « il
faut, pour être matérialiste, admettre la vérité objective qui nous est révélée
par les organes des sens. Admettre la vérité
objective, c’est admettre de façon ou d’autre la vérité absolue. »[15]
« … nous pouvons
avoir du monde une vision correspondant
véritablement aux sciences de la nature et au matérialisme. Précisons : 1. Le monde physique existe indépendamment de la conscience humaine
et exista bien avant l’homme, bien avant toute ‘expérience des hommes’ :
2. Le psychique, la conscience, etc., est le produit supérieur de la matière
(c’est-à-dire du physique), une fonction de cette parcelle particulièrement
complexe de la matière qui porte le nom de cerveau humain. »[16]
« L’’essence ’des
choses ou la ‘substance’ sont aussi relatives; elles n’expriment que la
connaissance humaine sans cesse approfondie des objets, et si hier encore cette
connaissance n’allait pas au-delà de l’atome et ne dépasse pas aujourd’hui l’électron
ou l’éther, le matérialisme dialectique insiste sur le caractère transitoire,
relatif, approximatif de tous ces jalons de
la connaissance de la nature par la science humaine qui va en progressant.
L’électron est aussi inépuisable que l‘atome,
la nature est infinie, mais elle existe
infiniment; et cette seule reconnaissance catégorique et absolue de son existence
hors de la conscience et des sensations de l’homme, distingue le matérialisme dialectique
de l’agnosticisme relativiste et de l’idéalisme. »[17]
« L’esprit humain
a découvert des choses miraculeuses dans la nature et en découvrira encore,
augmentant par là sa maîtrise de la nature, mais cela ne veut point dire que la
nature soit une création de notre esprit ou de l’esprit abstrait… »[18]
De nos jours, c’est la
conquête du cosmos qui fait rêver l’humanité.
Il est loin le temps où la
traversée de l’Atlantique par avion était quasi une utopie. Montréal- Paris, ce n’est plus un
pari, c’est presque banal. Que ce soit par Bombardier, Boeing ou Airbus!
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Nouvelle Vie Réelle
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Réelle www.laviereelle.blogspot.com
[1] Engels, Friedrich, Dialectique de la nature, Éditions sociales, Paris,
1975, page 171
[2] Ibidem, Dialectique de la nature, page 173
[3] Ibidem, Dialectique de la nature, page 175
[4] Ibidem, Dialectique de la nature, page
177
[5] Ibidem, Dialectique de la nature, page 178
[6] Marx, Karl; Engels, Friedrich, Manifeste
du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page237
[7] Marx, Karl, Le Capital, Livre I, Gallimard, Paris, 1968, page 461
[8] Ibidem, Le Capital,
page 467
[9] Ibidem, Le Capital,
page 469
[10] Ibidem, Le Capital,
pages 538-539
[11] Engels, Friedrich, Ludwig
Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Éditions
sociales, Paris, 1966, page 61
[12] Staline, J. Les questions du
Léninisme, Éditions en langues étrangères,
Pékin, 1977, pages 849-850
[13] Ibidem, Les questions du Léninisme,
pages 948-949
[14] Ibidem, Les questions du Léninisme,
page 950
[15] Lénine, V.I. Matérialisme et
empiriocriticisme, Éditions du Progrès, Moscou, 1976, pages 135-136
[16] Ibidem, Matérialisme et
empiriocriticisme, page 236
[17] Ibidem, Matérialisme et
empiriocriticisme, page 273
[18] Ibidem, Matérialisme et empiriocriticisme, page 293
samedi 29 octobre 2016
César l’Imperator et le pouvoir
Ou
les luttes intestines politiques et terroristes
Source : wikipédia et Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
Gouverner en soufflant à tous vents ses promesses électorales n’est pas une mince affaire. Comme le veut une analyse de la direction imprimée par le Premier ministre Justin Trudeau ; il doit faire face à ses contradictions. Néanmoins, il devra trancher le nœud gordien. Alors qu’« il est en effet difficile pour des particuliers de se substituer à l’État. Des soupes populaires et des centres de distribution alimentaire à travers le Canada signalent que les réfugiés (ex. Syriens et… moult Canadiens idem) sont nombreux à souffrir de la faim. Les cours de langue offerts par les autorités publiques sont insuffisants, alors que la maîtrise de l’anglais ou du français est indispensable pour trouver un emploi. L’État n’a pas mis les moyens nécessaires à la réalisation des idéaux professés par M. Trudeau, ce qui renforce l’impression que l’affichage l’a emporté sur l’élaboration d’une politique pleinement aboutie. Plus largement, externaliser l’accueil des réfugiés conduit à les assujettir à des samaritains qui ne sont pas toujours aussi bons qu’ils le voudraient ou le prétendent. »[1]
Jules César (en latin : Caius Iulius Caesar IV (à sa naissance), Imperator Iulius Caesar Divus après sa mort) est un général, homme politique et écrivain romain, né à Rome le 12 ou le 13 juillet 100 av. J.-C. et mort le 15 mars 44 av. J.-C. (aux ides de mars), dans la même ville.( Il a incarné la vie politique de son époque et orienté l’évolution de l’État romain, -ndlr). Pour les marxistes, « l’État est le produit et la manifestation de ce fait que les contradictions de classes sont inconciliables. L’État surgit là, au moment et dans la mesure où, objectivement, les contradictions de classes ne peuvent être conciliées. Et inversement : l’existence de l’État prouve que les contradictions de classes sont inconciliables. »[2]
Le destin exceptionnel de César marqua le monde romain et l'histoire universelle : ambitieux et brillant, il s’appuya sur le courant réformateur et démagogue pour son ascension politique ; stratège et tacticien habile, il repoussa les frontières romaines jusqu’au Rhin et à l’océan Atlantique en conquérant la Gaule, puis utilisa ses légions pour s’emparer du pouvoir. Il se fit nommer dictateur à vie, et fut assassiné peu après par une conspiration de sénateurs.
Faut-il rappeler que « l’État est, aux mains de la classe dominante, une machine destinée à écraser la résistance de ses adversaires de classe… Tous les États de classe ayant existé jusqu’à présent étaient une dictature de la minorité exploiteuse sur la majorité exploitée. »[3]
À sa mort, Jules César fut divinisé et son fils adoptif Octave, vainqueur de Marc Antoine, acheva la réforme de la République romaine, qui laissa place au principat et à l’Empire romain..
Biographie et origine
César affirmait avoir pour ancêtre Iule (ou Ascagne), fils d’Énée et de Créuse,
amené en Italie par son père après la chute de Troie (cf. Homère, l’Iliade et
l’Odyssée, -ndlr). Ce fondateur d’Albe a Longue était considéré comme le
créateur de la vieille famille des Iullii qui, selon l’empereur Claude, se
joignit ensuite aux pariciens de Rome []. Par ce lignage, César
revendiqua, lorsqu’il prononça l’éloge funèbre de sa tante Julia, une
ascendance remontant à Vénus [] dont il célébrera les vertus génitrices
(Vénus Genitrix).
En réalité les Iullii historiquement connus furent une famille patricienne
d'importance mineure, qui exerça quelques consulats mais ne faisait pas partie,
au Ier siècle avant J.-C., de la cinquantaine de
familles de la nobilitas qui fournissaient la plupart des consuls. Les Julii
connurent des revers de fortune, et Jules César grandit dans une insula assez
modeste du bas quartier de Subure de mauvaise réputation[].
Caius Julius César naît vers 100 av. J.-C., fils de Caius Julius Caesr
III et d’Aurelia Cotta, également d’origine patricienne. Malgré les sources
historiques, la date précise de cette naissance reste incertaine : le 12
juillet []ou
le 13 juillet[]100
av. J.-C.[][][][]ou
102 av. J.-C.[][]
Selon Tacite, en mêlant dévouement maternel et ferme discipline, sa mère
Aurelia donne à Caius et ses deux sœurs Julia une éducation exemplaire[]. Cicéron
attribuera à cette éducation familiale et à des études assidues l’élégance du latin
de César et la qualité de son éloquence[]. Plutarque et Suétone
souligneront aussi son art des relations en société tout au long de sa
vie : amabilité et politesse envers ses hôtes, prodigalité sans retenue,
savoir-vivre et bonne tenue dans les banquets (Caton, qui pourtant le déteste,
lui accorde qu’il est le seul ambitieux qui ne s’enivre pas), conversation
brillante et cultivée[]. Ces qualités de séduction seront ses premiers atouts
dans la vie publique romaine.
Son père, Caius Julius Caesar III, ne dépasse pas, dans sa carrière
politique, le rang de préteur en 92 av. J.-C., et meurt subitement un matin en
mettant ses chaussures[] ; César est alors âgé de quinze ans[]. Son oncle, Sextus
Julius Caesar III, obtient le consulat en 91 av. J.-C. mais meurt au siège d’Asculum
lors de la Guerre sociale.
La jeunesse de César
La jeunesse de Jules César s’inscrit dans un contexte de violentes
luttes politiques qui opposent les optimates
aux populares. Les premiers
maintiennent une ligne conservatrice et aristocratique qui place le sénat
romain au cœur de la République. Les seconds veulent satisfaire les
revendications sociales et accorder plus de place politique aux Italiens et aux
provinciaux.
Jules César grandit ainsi au milieu de troubles sanglants (première
guerre civile)) : combats de rue à Rome en (88 av. J.-C. entre les
partisans de Caius Marius, chef des populares, et ceux de Sylla, puis
victoire des légions de Sylla sur les marianistes aux portes de Rome en 82 av.
J.-C., suivie d’impitoyables chasses à l’homme contre les proscrits du camp
adverse.
Ses relations familiales placent Jules César parmi les populares dans le jeu politique romain.
Sa tante Julia fut l’épouse du consul Marius et lui-même épouse en 84 av. J.-C.
Cornelie la fille de Cinna, successeur de Marius. Malgré ces alliances
familiales, Jules César ne semble pas s’être joint aux marianistes les plus
extrémistes lors de la guerre civile qu’ils menèrent contre Sylla. Il est
possible que César ait suivi les modérés lorsqu’ils se rallient à Sylla[]. En 84 Av.
J.-C. César est choisi (ou est candidat) au sacerdoce de flamen dialis (premier prêtre de Jupiter) à la suite du suicide de Lucius
Cornelius Merula durant les proscriptions marianistes. Ce poste honorifique lui
interdit toute activité guerrière, donc d'entreprendre le Cursus honorum..
Sylla exige que César divorce de Cornelie Cinna et rompe ainsi ses
derniers liens avec les marianistes. César refuse, et doit se cacher, jusqu’à
ce que de puissants protecteurs, dont son oncle Aurelius Cotta, fassent fléchir
Sylla et cesser la traque. Sylla lui a entre-temps bloqué sa nomination comme
Flamen Dialis et les interdits qui l'accompagnaient (ainsi que la dot de sa
femme et une partie de son héritage). Prudent, César quitte Rome[]. Il s’enrôle
vers 80 av. J.-C. dans l’armée et rejoint avec le préteur Marcus Minucius
Thermus le théâtre d’opérations militaires en Asie, où Lucullus assiège Mytilène,
capitale de Lesbos qui s’était ralliée à Mithridate VI. César reçoit mission de
demander au roi de Bithynie Nicomède IV le renfort de sa flotte. Suétone se
fait l’écho d’une rumeur sur la réputation de César, rapportant qu’il aurait eu
à deux reprises des relations sexuelles passives avec Nicomède, vice le plus
méprisable aux yeux des Romains : il aurait servi d'échanson à la cour du
roi et aurait partagé sa couche[]. Cette suspicion, qui peut être une lourde et
classique plaisanterie entre soldats, plutôt qu’une réalité indémontrable,
suivra César, depuis les commentaires insultants de ses adversaires politiques
jusqu’à son triomphe final, le brocardant du titre de « reine de
Bithynie »[].
Lors de la prise de Mytilène, César accomplit un exploit que les
historiens ne précisent pas, mais qui lui vaut en récompense une couronne
civique, la plus glorieuse décoration militaire, habituellement décernée pour
avoir sauvé au combat la vie d’un concitoyen. César sert encore en Cilicie sous
les ordres de Servilius Isauricus, puis est démobilisé.
À la mort de Sylla en 79 av. J.-C., César demeure quelque temps en Asie.
Selon Plutarque, lors de son trajet sur la mer Égée en 75 av. J.-C., il est
enlevé par des pirates de Cilicie qui le font prisonnier durant 38 jours sur
l'île de Farmakonisi et réclament une rançon de vingt talents d'or. César
déclare en valoir cinquante, et promet de revenir exécuter les pirates après sa
libération, ce qu'il fait effectivement : après avoir lancé quatre galères
logeant 500 hommes armés, il les capture dans leur repaire et les fait crucifier []. Puis il
perfectionne son éloquence auprès du célèbre rhéteur grec Molon de Rhodes. []
De retour à Rome, il débute sa vie publique par un coup d’audace :
il attaque en justice le proconsul Gnaeus Cornelius Dolabella qui vient
d’achever son mandat en Macédoine, et l’accuse de concussion. Malgré
l’éloquence de César et les nombreux témoins à charge qu’il cite, la cible a
trop de poids politique : Dolabella est acquitté, probablement par
solidarité de classe avec ses juges tous issus du Sénat[]. César tente
une seconde et brillante attaque contre Gaius Antonius, qui faillit réussir.
Antonius dut recourir à l'intervention des tribuns de la plèbe pour échapper àune
condamnation[].
L’ascension de César
César développe activement ses relations, dépensant beaucoup en
réceptions, et entame le parcours politique classique (cursus honorum) : tribun militaire, questeur en 69 av. J.-C. en Espagne, puis édile en 65 av. J.-C.,
il capte la faveur du peuple en rétablissant le pouvoir des tribuns de la plèbe
et en relevant les statues de Marius. Chargé de l’organisation des jeux, il
emprunte massivement pour en donner de spectaculaires, alignant selon Plutarque
le nombre record de 320 paires de gladiateurs [].
Parallèlement, César poursuit son activité judiciaire, pour des causes
qui flattent le courant des populares. En 64 av. J.-C., il intente des procès
contre d’anciens partisans de Sylla, fait condamner Lucius Liscius et Lucius
Bellienus, payés pour avoir ramené la tête de proscrits. Mais il échoue contre Catilina,
les jurés se refusant à condamner un membre de la vieille famille des Cornelii[]. L’année
suivante en 63 av. J.-C., avec l’aide du tribun de la plèbe Titus Labiénus,
César tente un coup juridique extravagant en accusant de haute trahison le
vieux sénateur syllanien Gaius Rabirius pour des faits anciens de trente-sept
ans : le meurtre du tribun de la plèbe Saturninus. L’affaire est sans
précédent depuis le légendaire procès d’Horace Cicéron. assure la défense de
Rabirius (Pro Rabirio), mais les deux juges désignés par le préteur ne
sont autres que César lui-même et son cousin Sextus. Rabirius est condamné,
mais fait appel au peuple romain, son jugement devant les comices est reporté
puis l’affaire est finalement abandonnée[].
César se fait élire en 63 av. J.-C. au titre de pontifex aximus grâce à une campagne financée par Crassus. Il
dépense d’importantes sommes d’argent et contracte de nombreuses dettes, afin
de remporter les suffrages des comices tributes, contre deux anciens consuls (Servilius
Isauricus et Q. Catulus), plus âgés et expérimentés que lui[][]. Selon
l’usage, César s’installe dans la demeure du pontife à la Regia, et exerce la
fonction de grand Pontife jusqu’à sa mort.
Désigné préteur urbain pour l’année suivante au moment de la conjuration
de Catilina (63 av. J.-C.)[], il ne fait rien pour la prévenir et est
soupçonné de connivence[]. Sallustre, qui est un partisan de César, attribue ces
soupçons à des manœuvres calomnieuses de Q. Catulus et C. Pison, adversaires
politiques de César. Appien considère pour sa part que Cicéron n’ose pas mettre
en cause César en raison de sa popularité[]. Lors du vote au Sénat sur le
sort des complices de Catilina, César s’oppose à leur exécution immédiate qu'il
considère illégale, et propose de répartir les conjurés à travers les prisons
des municipes, mais son avis est mis en minorité après l'intervention de Caton[].
Envoyé comme propréteur en Bétique (Espagne) en 60 av. J.-C., il ne peut
partir qu’après avoir donné des cautions à ses créanciers[]. Son départ précipité
de Rome est motivé par sa volonté d’échapper à une action judiciaire
éventuellement engagée à la fin de sa charge. César mène son premier
commandement par une offensive contre les peuples ibères encore insoumis. Après
avoir pacifié la province, il revient à Rome afin d’y défiler en triomphe pour
son succès militaire puis de briguer le consulat. Mais les préparatifs du
triomphe lui imposent de stationner hors de Rome, tandis qu’il doit y être
présent pour poser sa candidature dans les délais. Il demande une dérogation,
que Caton fait traîner en palabres. César doit choisir, et renonce à son
triomphe pour viser le consulat[].
Triumvirat et Consulat
L’homme le plus en vue à cette date est Pompée, après sa victoire en
Orient contre le roi Mithridate Vi Eupator. Cette campagne a permis à Rome de
s’étendre en Bithynie, au Pont et en Syrie. Pompée revient couvert de gloire
avec ses légions mais conformément à la règle, il les licencie après avoir reçu
le triomphe, en 61 av. J.-C..
Au faîte de la gloire, Pompée demande des terres pour ses anciens
soldats et la confirmation des avantages qu’il a promis pour les cités et
princes d’Orient, mais le Sénat refuse. César exploite opportunément la
déception de Pompée, le rapproche de Crassus, et forme avec eux le premier
triumvirat [].
Cet accord secret scelle une alliance entre les trois hommes, chacun
s’abstenant de réaliser des actions nuisibles à l’un des trois[]. César
renforce peu après cette alliance en mariant sa fille Julia à Pompée.
Grâce au financement de sa campagne électorale par Crassus, César est
élu consul en 59 av. J.-C., en ralliant notamment à sa cause Lucius Lucceius un
de ses éventuels compétiteurs[]. Durant son mandat, il ne laisse à son
collègue le conservateur Marcus Calpurnius Bibulus qu’une ombre d’autorité.
Bibulus et Caton multiplient les actions d’obstruction contre César, mais ils
sont chassés du forum lors de la promulgation d’une loi agraire. À la suite de
cet incident, Bibulus se retire chez lui jusqu’à la fin de son mandat, laissant
le pouvoir à César qui l’exerce seul[][]. L’historien romain Suétone rapporte
quelques vers décrivant la situation politique :
« Ce que César a fait, qui d’entre nous l’ignore ? - Ce qu’a
fait Bibulus, moi je le cherche encore. »
César peut désormais légiférer comme un tribun, selon l’expression de
Plutarque, satisfaire les revendications des populares, rendre des gages à
Pompée et gagner de nouveaux soutiens auprès des chevaliers et des
provinciaux : passant outre les protestations des sénateurs Lucullus et Caton,
il fait ratifier les initiatives de Pompée qui avait réorganisé les
principautés du Moyen-Orient sans demander l’avis du Sénat ; il promulgue
plusieurs lois agraires : distribution aux vétérans de Pompée de parcelles
des terres publiques (l’ager), faisant de Capoue une colonie romaine, achat de
terres à des particuliers qui sont ensuite distribuées à 20 000 citoyens
pauvres. La diminution d’un tiers du fermage dû par les publicains à l’État est
une aubaine pour les chevaliers, affairistes et banquiers (lex de publicanis)[]. Sa loi contre la
concussion (lex Iulia de repetundis) permet enfin de sanctionner
d’amendes les gouverneurs de province qui monnayent leurs interventions ou se
livrent à des exactions financières[]. Enfin, il place le Sénat sous le
contrôle de l’opinion publique, en faisant publier les comptes rendus de séance
(Actus senatus)[].
Cette activité politique va de pair avec une activité mondaine
soutenue : Suétone[] prête à César entre autres maîtresses les épouses de
Crassus et Pompée, et, ce qui paraît mieux attesté, Servilia la demi-sœur de Caton []. Plus
officiellement, César épouse Calpunia, fille de Calpumius Pison, consul désigné
pour l’année suivante, ce qui lui assure une future protection politique. César
se fait un autre allié dans la personne de Clodiux Pulcher, qui avait pourtant
courtisé sa précédente épouse, en satisfaisant une requête qui lui tenait à
cœur : troquer son rang de patricien pour celui de plébéien et postuler
ainsi à l’élection de tribun de la plèbe.
César profite de sa popularité pour préparer l’étape suivante de sa
carrière : normalement, le Sénat prolonge le mandat d’un consul par le proconsulat
d’une province pour un an. César contourne cette règle avec l’aide du tribun de
la plèbe Publius Vatinius : celui-ci fait voter par le peuple un plébiscite qui
confie à César et pour cinq ans deux provinces, la Gaule cisalpine et l’Illyrie,
avec le commandement de trois légions (lex Vatinia). Pour sauver une
apparence d’autorité, le Sénat lui accorde en plus la Gaule transalpine et une
quatrième légion[.]
Suétone rapporte que César, se vantant devant le Sénat d’être enfin
parvenu à ses objectifs, et promettant une victoire éclatante en Gaule, reçut
un outrage d’un de ses nombreux adversaires qui s’écria « Cela ne sera pas
facile à une femme ». César répliqua que cela n’avait pas empêché Sémiramis
de régner sur l’Assyrie, et les Amazones de posséder jadis une grande partie de
l’Asie [].
Proconsul en Gaule
Les campagnes militaires de Jules César en Gaule
Denier commémorant les conquêtes gauloises de Jules César. Date :
c. 48 AC.
Description
revers : Trophée gaulois composé d'un grand bouclier ovale, d'un casque,
d'une cuirasse, d'un carnyx et d'une hache à sacrifice surmontée d'une tête
d'animal. Description avers : Tête de Vénus ou de (Clementia) la Clémence
laurée et diadémée à droite avec boucle d'oreille et collier.
Dès la fin de son consulat, César gagne rapidement la Gaule, tandis que
le préteur Lucius Domitius Ahenobarbus et le tribun de la plèbe Antistius le
citent en justice pour répondre à l’accusation d’illégalités commises pendant
son mandat. En fin juriste, César fit objecter par les autres tribuns qu’il ne
pouvait être cité en application de la loi Memmia[], qui
interdisait toute poursuite contre un citoyen absent de Rome pour le service de
la République. Pour éviter toute autre mise en cause devant la justice, César
s’appliquera durant son proconsulat à demeurer dans ses provinces. Il passe
ainsi chaque hiver en Gaule cisalpine, où il reçoit partisans et solliciteurs
et s’assure chaque année d’avoir parmi les élus à Rome des magistrats qui lui
soient favorables[].
La gestion de ses affaires à Rome même est confiée à son secrétaire Lucius
Cornelius Balbus, un chevalier d’origine espagnole, avec qui il échange par
précaution des courriers chiffrés[].
Dès le début de son proconsulat, César engage la conquête dela Gaule en
profitant de la migration des Helvètes en mars 58 av. J.-C.. Cette expédition militaire
est motivée par ses ambitions politiques, mais aussi par des intérêts
économiques qui associent les Romains à certaines nations gauloises clientes de
Rome (Éduens, Arvernes, etc.)
Tout en menant ses campagnes, César maintient ses relations avec les
hommes politiques romains : Quintus, frère de Cicéron, commande une légion
en Belgique [] ;
Publius et Marcus, les fils de Crassus, interviennent en Belgique puis en
Aquitaine[] ;
Lucius Munatius Plancus [] et Marc Antoine seront à Alésia[].
À Rome, les conservateurs réagissent à la guerre que mène César :
son affrontement contre le germain Arioviste, qui a la qualité d’ami du peuple
romain, accordée lors du consulat de César, scandalise Caton, qui proclame
qu’il faut compenser cette trahison de la parole romaine en livrant César aux
Germains[].
Ultérieurement, César se justifiera longuement dans ses Commentaires en
détaillant ses négociations préliminaires avec l’agressif Arioviste, lui
faisant même dire que « s’il tuait [César], il ferait une chose agréable à
beaucoup de chefs politiques de Rome, ainsi qu’il (Arioviste) l’avait appris
par les messages de ceux dont cette mort lui vaudrait l’amitié »[].
En 56 av. J.-C., Lucius Domitius Ahenobarbus, candidat au consulat
soutenu par Caton et par Cicéron, met à son programme la destitution et le
remplacement de César. Toujours obligé de se cantonner en Gaule, César réunit à
Lucques Crassus, Pompée et tous les sénateurs qui les soutiennent. Ils
renouvellent tous trois leur accord et définissent un partage des provinces[]. Ahenobarbus
et Caton sont agressés en plein forum et empêchés de faire campagne. Pompée et
Crassus profitent de l’appui de César pour remporter les élections et être élus
pour un second consulat en 55 av. J.-C. [] Cicéron a des obligations envers
Pompée, que celui-ci lui rappelle vertement par l’intermédiaire de son frère Quintus []. Cicéron
s’incline et soutient la prorogation du gouvernement de César pour cinq
nouvelles années.[]
À l’issue de leur consulat en 54 av.
J.-C., chacun reçoit le gouvernement d’une province : Crassus part
en Asie chercher une gloire militaire qui égale celles de Pompée et de César, l’Espagne
et l’Afrique sont attribuées à Pompée, qui préfère rester à Rome, centre du
pouvoir, et envoie ses légats gouverner. Sur les quatre légions qui lui sont
attribuées, Pompée en prête deux à César, qui a besoin de renforts[].
Pendant son second mandat, en 55 av. J.-C., César traverse la Manche et
réalise une première incursion en Bretagne (l’actuelle Grande-Bretagne)[], terre
inconnue et quasi mythique pour les Romains de l’époque[].
Ultérieurement, il réalise un autre exploit par une démonstration militaire
au-delà du Rhin. Mais à partir de l’hiver 54\53 av. J.-C., la situation en
Gaule se détériore, et des révoltes se multiplient.
En 54 av. J.-C., la défaite et la mort de Crassus et de son fils Publius
à la bataille de Carrhes contre les Parthes, et la mort de Julia, fille de
César et épouse de Pompée, et de l’enfant qu’elle avait eu de Pompée défont les
liens du triumvirat[][].
César propose à Pompée la main de sa petite-nièce Octavie, et demande en
mariage la fille de Pompée, mais ces offres d’alliances matrimoniales
n’aboutissent pas[].
Le début de l’année 52 av. J.-C. est difficile pour César : la
révolte en Gaule se généralise sous l’impulsion de l’Arverne Vercingétorix. À
Rome, les désordres sont tels que Pompée est nommé consul unique, avec
l’assentiment de Caton et des conservateurs. Pompée épouse Cornélie, la jeune
veuve de Publius Crassus et la fille du conservateur Metellus Scipion, qu’il
prend au milieu de l’année comme collègue au consulat[]. Pompée est
désormais le défenseur du clan des conservateurs.
Vercingétorix dépose les armes aux pieds de Jules César à l’issue du siège
d’Alésia. Tableau de Lionel Royer, 1899.
En 52 av. J.-C., Jules César remporte une victoire décisive au siège
d’Alésia, où il reçoit la reddition de Vercingétorix []. En 51 av.
J.-C., après avoir étouffé les derniers foyers de révolte, César affirme la
souveraineté de Rome sur les territoires de la Gaule situés à l’ouest du Rhin.
Selon Velleius Paterculus, en neuf campagnes, on n’en trouverait à peine
une où César n’aurait pas mérité le triomphe, et il massacra plus de quatre
cent mille ennemis et en fit prisonniers un plus grand nombre encore[]. Pour Plutarque,
la conquête de la Gaule fut l’une des plus grandes victoires de Rome et place
son commandant César au rang des plus illustres généraux romains, tels les Fabius,
les Métellus,et les Scipions. [].
« En moins de dix ans qu’a duré sa guerre dans les Gaules, il a
pris d’assaut plus de huit cents villes, il a soumis trois cents nations
différentes, et combattu, en plusieurs batailles rangées, contre trois millions
d’ennemis, dont il en a tué un million, et fait autant de prisonniers. »[]
Tandis qu’il termine son mandat de proconsul, César prépare son retour à
Rome par la conquête de l’opinion romaine : il répond aux critiques sur sa
conduite de la guerre par la publication de ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, sobre compte-rendu où il se
présente à son avantage, puis en 51 av. J.-C., il annonce la construction d’un
magnifique et nouveau forum, financé par le butin des Gaules, sur lequel est
érigé le temple dédié à Vénus Genetrix dont il est censé descendre. L’objectif
du César est maintenant de se présenter aux élections de 50 av. J.-C. pour un
second consulat en 49 av. J.-C., conformément à la loi qui impose un intervalle
de dix ans entre chaque consulat. Pour éviter l’attaque en justice que lui a
jurée Caton et qui l’empêcherait de faire campagne, il lui faut conserver son
mandat de proconsul en Gaule, et être candidat malgré son absence de Rome.
Le bras de fer politique
À Rome, les conservateurs vont tout faire pour empêcher le projet de
candidature de César. En 50 av, J.-C., César mène sa politique à distance
depuis la Gaule cisalpine : il fait élire Marc Antoine tribun de la plèbe
pour l’année suivante. Soldant les dettes du tribun de la plèbe Curion, il le
fait lâcher Pompée et passer de son côté[]. Enfin, il neutralise un des
consuls, Lucius Aemilius Paullus, en lui versant des fonds nécessaires à la
réfection de la basilique Aemilia sur le forum[]. En revanche son lieutenant
Servius Sulpicius Galba, candidat au consulat pour 49 est battu, et les consuls
élus Lucius Cornelius Lentulus Crus et Caius Claudius Marcellus lui sont
farouchement hostiles. Les conservateurs s’activent eux aussi, et prennent des
contacts avec Labiénus, le meilleur lieutenant de César[].
À la fin de l’année 50 av. J.-C., les premières passes d’armes restent
dans la voie légale et se déroulent au Sénat. Le tribun Curion propose que
Pompée et César licencient simultanément leurs troupes, les consuls s’y
opposent[].
Le Sénat décide que Pompée et César envoient chacun une légion pour préparer la
guerre contre les Parthes. Pompée choisit la Ire légion, qu’il avait
prêtée à César, César renvoie la XVe, et doit se dessaisir ainsi de
deux légions (il en conserve néanmoins neuf, dont une l’accompagne en Gaule
cisalpine tandis que les autres hivernent en Gaule)[]. Pompée envoie
ces deux légions prendre leurs quartiers d’hiver en Italie du sud. En chemin,
leurs officiers se livrent à un intense travail de désinformation, affirmant
que César était devenu odieux et détesté par ses soldats, et induisent Pompée à
le sous-estimer[].
Toujours par l’intermédiaire de Curion et Marc Antoine, désormais
tribun, César tente une nouvelle proposition : il accepte de ne conserver
que deux légions et le gouvernement de la Gaule cisalpine et de l’Illyrie,
pourvu qu’on accepte sa candidature au consulat. Malgré la recherche d’un
compromis par Cicéron, Caton refuse qu’un simple citoyen impose ses conditions
à l’État, le nouveau consul Lentulus s’emporte et fait expulser du Sénat Curion
et Marc Antoine. L'historien Velleius Paterculus accusera Curion d'être
responsable de cette rupture, tandis que Appien présentera Marc Antoine comme
l'initiateur de la dispute. Selon Plutarque, « C’était donner à César le
plus spécieux de tous les prétextes » : s’en prendre aux tribuns de
la plèbe, les représentants sacro-saints du peuple ! Le Sénat décrète que
César doit abandonner son poste de gouverneur et revenir à Rome en simple
particulier[].
La guerre civile
César peut se présenter comme la victime de l’acharnement des
conservateurs et comme le défenseur des tribuns de la plèbe[]. Prenant
l’initiative de l’illégalité, il décide le 11 janvier 49 av. J.-C. de pénétrer
en armes en Italie, et franchit le Rubicon, rivière marquant la frontière entre
l’Italie et la Gaule cisalpine. Plutarque et Suétone mettent en scène ce
tournant historique et attribuent à César la citation « Alea
jacta est » (« Le sort en est jeté. »), signifiant qu’il tentait la
destinée[].
Pour César, il n’y a plus que deux issues : la mort et le déshonneur ou la
victoire et le pouvoir. Il mise sur l’audace et la rapidité de ses déplacements
militaires et sur l’expérience et la fidélité de ses légions, et se démarque
des atrocités de la précédente guerre civile par sa politique de clémence,
n’exerçant ni proscriptions ni représailles.
Périple de César de janvier 49 av. J.-C. à août 47av. J.-C. - Le
franchissement du Rubicon, la bataille d’Alexandrie et la bataille de Zéla..
César prend le port de Rimini et progresse rapidement vers Rome sans
rencontrer de résistance, et ajoute à ses forces les trois légions que Pompée
avait commencé à lever. Pompée récupère des troupes à Capoue, et se replie sur Brindisi
d’où il écrit à tous les gouverneurs de provinces de mobiliser contre César.
Les consuls, Caton, Bibulus et même les sénateurs modérés comme Cicéron fuient
en hâte, rejoignent Pompée à Brindisi et s’embarquent pour Dyrrachium en Épire []. Sans flotte,
César ne peut les poursuivre. Pendant les quelques jours qu’il passe à Rome, il
rassure les sénateurs restés sur place, offre au peuple une distribution de
blé, promet un don de 75 deniers à chaque citoyen et accorde la citoyenneté
romaine aux habitants de la Gaule cisalpine. Reconnaissant, le peuple le fera
désigner dictateur (i.e. délégué du peuple à une magistrature extraordinaire
exercée par un dirigeant, Le Petit Larousse, 2015, page 380) pendant son
absence. Assuré du soutien de l’Italie, il confie la gestion de Rome à Lépide,
envoie Curion s’emparer de la Sicile et de la Sardaigne, garantissant le
ravitaillement de Rome en blé, libère l’ex-roi juif Aristobule II afin de
l’envoyer en Syrie avec deux légions et empêcher Pompée de mobiliser des
troupes. Mais les partisans de Pompée empoisonnent Aristobule[]. César va
lui-même en Hispanie soumettre les légats de Pompée. Quand l’année 49 av. J.-C.
se termine, César est maître de l’Italie, des Gaules et des Espagnes, mais ses
lieutenants ont subi des revers : Curion s’est fait tuer en Afrique, Gaius
Antonius a été fait prisonnier en Illyrie, et son meilleur lieutenant Titus a
rejoint le camp de Pompée, qui a levé une armée sur les provinces d’Orient et
les royaumes alliés de Rome. La flotte pompéienne contrôle l’Adriatique, prête
à débarquer en Italie.
L’année suivante en janvier 48 av. J.-C., César est élu consul ;
poursuivant sa stratégie fondée sur l’initiative et la rapidité de mouvement,
il prend un risque considérable en traversant l’Adriatique pendant l’hiver et
surprend Pompée en Épire. Mis en difficulté lors du siège de Dyrrachium où il a
enfermé Pompée pendant quatre mois, César doit se replier, attirant Pompée en Thessalie.
En août 48 av. J.-C., poussé par son entourage, Pompée accepte la bataille
rangée. Malgré l’avantage du nombre, il est battu à Pharsale. Cicéron et Brutus
se rendent à César, qui les accueille chaleureusement. Caton et Labienus fuient
en Afrique, Pompée se réfugie en Asie, puis à Chypre, d’où il gagne l’Égypte,
pensant trouver de l’aide chez le jeune pharaon dont il avait autrefois protégé
le père[].
César parvient à Alexandrie début octobre 48 où il trouve, horrifié, le
corps de Pompée, assassiné sur l’ordre du jeune Ptolémée XIII []. César passe
l’hiver 48/47 à Alexandrie, et la guerre s’engage alors entre Ptolémée et
César. Ce dernier n’a qu’un faible effectif et doit mener un combat
difficile ; lors d’un engagement dans l’île de Pharaos, il est même obligé
de fuir à la nage. Il sort vainqueur de l’affrontement en mars 47, et détrône
le jeune souverain au profit de Cléopâtre et du plus jeune de ses frères[][].
Périple de César de fin 47 av. J.-C. à février 46 av. J.-C. - Le passage
de César en Afrique et la bataille de Thapsus.
D’Égypte, César se rend en Asie (juillet – août 47 av. J.-C.), afin de
réprimer Pharnace II, fils de l’ancien roi du Pont Mithridate, qui a profité de
la guerre civile pour reconquérir des territoires et réaffirmer son autorité.
Le cinquième jour de son arrivée, en quatre heures de combat et en une seule
bataille (Bataille de Zéla), César écrase et détrône Pharnace[]. À cette
occasion, il écrivit au Sénat ces mots célèbres : « Veni,
vidi, vici » pour exprimer la facilité avec laquelle il était venu à bout de son
adversaire[].
De retour en Italie, César doit faire face à l’insubordination des
soldats cantonnés en Campanie. Il les reçoit à Rome, et parvient à les ramener
à l’ordre sous la menace de les licencier[].
Puis, César passe en Afrique fin 47 av. J.-C., où il passe l’hiver. Il
détruit à la bataille de Thapsus l’armée républicaine que commandent Metellus
Scipion et Caton d’Utique et leur allié le roi numide Juba 1er (février 46 av.
J.-C.)[] ;
Metellus Scipion et Juba meurent dans la bataille, Caton se suicide à Utique
pour éviter d’être capturé, Titus Labienus se réfugie en Espagne. L’annexion de
la Numidie s’ajoute aux conquêtes de César.
Triomphe
Buste de Jules César en cuirasse, château de Versailles.
Lorsque César revient à Rome, la paix est revenue, l'Italie n'a pas
connu les atrocités des précédentes guerres civiles. Tous les écrivains
loueront la clémence de César, qui a accueilli sans restriction les pompéiens
qui se rendaient et n'a exercé aucune proscription contre les politiciens.
César peut annoncer au peuple que l'annexion des Gaules et de la Numidie et le
protectorat sur l’Égypte vont permettre d'obtenir du blé et de l'huile en
abondance et définitivement résoudre les problèmes de ravitaillement de Rome.
En août et septembre 46, César célèbre par un quadruple triomphe ses
victoires sur les Gaules, le Pont, l'Égypte et la Numidie. La durée et le faste
des cérémonies, l'énormité du butin éclipsent tous les triomphes précédents. À
chaque cérémonie, César vêtu de pourpre parcourt en char la Voie Sacrée, suivi
du butin, des captifs[], des soldats qui ont toute liberté pour scander les plaisanteries
les plus osées sur son compte. Pour monter au Capitol offrir un sacrifice au temple
de Jupiter Capitolin, le char de César passe entre deux rangées d’éléphants qui
tiennent des flambeaux.
César offre au peuple des représentations théâtrales, des courses, des
joutes d'athlètes, des spectacles de chasse et de gladiateurs, des
reconstitutions de combat terrestre et nautique, cette dernière est la première
naunaumachie montrée à Rome. Des banquets publics réunissent près de
200 000 convives[]. La vente du butin rapporte plus de 600 millions de sesterces [], et l’argent
est distribué à flot : les 75 deniers que César avait promis sont donnés à
chaque citoyen, avec 25 deniers de plus pour compenser le retard, les
légionnaires reçoivent 24 000 sesterces chacun, et des lots de terre. Les
loyers de moins de 1 000 sesterces à Rome et moins de 500 sesterces en
Italie sont annulés[].
La plupart des revendications des populares sont maintenant satisfaites,
et César entreprend les réformes nécessaires à l'administration du monde
romain. Il fait procéder à un recensement, et ajuste à la baisse le nombre
d'allocataires des distributions de blé. Il compense cette mesure en installant
80 000 citoyens pauvres et des soldats démobilisés dans de nouvelles colonies
dans les provinces, dont Carthage et Corinthe qu'il fait reconstruire.
Le pouvoir absolu
Périple de César de décembre 46 av. J.-C. à avril 45 av. J.-C. -
L'arrivée de César en Hispanie (Espagne) et la bataille de Munda.
La paix ne dure que quelques mois. En 446 av. J.-C., les dernières
forces du parti pompéien s’insurgent en Espagne, menées par Pompée le Jeune,
fils de Pompée, et Titus Labienus. Consul pour la quatrième fois, César arrive
à marches forcées en Espagne en décembre 46 av. J.-C. Cette guerre est longue
et sans merci, avec des exécutions de part et d’autre. César achève en avril 45
av. J.-C. ses derniers adversaires à Munda, dans la bataille la plus acharnée
des guerres civiles[].
Retardé par une maladie, son jeune neveu Octave le rejoint en Espagne malgré
les dangers du trajet, geste que César apprécie hautement. Dans le dernier
testament qu’il rédige, il déclare adopter Octave et le désigne comme héritier
principal avec comme autre héritier Quintus Pedius, son autre neveu qui a
combattu à ses côtés en Espagne[].
Revenu à Rome en octobre 45 av. J.-C., César y célèbre son cinquième triomphe.
César commet là une erreur politique que Plutarque soulignera[] : la
règle veut qu’un triomphe honore une victoire sur un peuple ennemi de Rome, ce
qui n’est pas le cas dans cette guerre civile. Ni Pompée vainqueur de Sertorius,
ni Sylla vainqueur des marianistes n’avaient célébré de triomphe. De plus,
César accorde deux autres triomphes, à Fabius et son neveu Quintus Pedius []. Là encore,
c’est une entorse aux usages qui réservent le triomphe au général doté de l’imperium et non à ses lieutenants.
César, nommé dictateur pour dix ans, est désormais le centre du
pouvoir ; il reconstitue les effectifs du Sénat, en radie quelques
sénateurs responsables de concussion dans leur province, et y inscrit des Gaulois
cisaspins et des Espagnols, une première qui marque le début de la promotion
des provinciaux. Il nomme lui-même les magistrats, sauf les tribuns de la plèbe
et les édiles plébéiens, encore élus, et désigne des consuls pour quelques
jours de charge seulement. Obtenir un titre, un avantage ou une faveur dépend
de son approbation. Ainsi,Cicéron par des discours emplis d’adulation où il
qualifie la clémence de César de « divine » fait gracier plusieurs de
ses amis[].
Cicéron propose de décerner à César des honneurs, les autres sénateurs
suivent en une surenchère de plus en plus excessive. Ainsi César reçoit le nom
de Liberator et le titre d’Imperator
transmissible à ses descendants, quoiqu’il n’ait plus d’enfant[]. Il réforme le
calendrier, on renomme le mois de Quintilis
de son nom de famille[]. Pompée avait eu l’honneur de porter les emblèmes du
triomphe, robe pourpre et couronne de lauriers, lorsqu'on célébrait des jeux à
Rome. César reçoit le même honneur, mais par décret du sénat à titre permanent,
la couronne lui permettant notamment de cacher sa calvitie qu'il supportait mal
car source de nombreuses railleries[] ; il peut siéger sur un siège
plaqué d’or. Certains privilèges accordés par les sénateurs vont jusqu’à
l’extravagance, comme l’autorisation d’avoir commerce avec toutes les femmes
qu’il voudra[].
Pour l’historien Dion Cassius, les sénateurs agissent par excès de flatterie,
ou par raillerie. Plus préoccupant, selon Plutarque, c’est pour certains une
manœuvre destinée à déconsidérer César et le rendre odieux, et se préparer plus
de prétextes de l’attaquer un jour[].
Le complot
En nommant lui-même les magistrats supérieurs, César arrête le cycle
corrupteur des campagnes électorales ruineuses financées par l’extorsion
financière sur les provinces, et soulage enfin la charge de celles-ci ;
mais ceci réduit les profits des brasseurs d’argent que sont les publicains et
remplace la compétition politique par un arbitraire et une flagornerie indigne
qui suscitent des oppositions : pour l’année 44 av. J.-C., César désigne Marc
Antoine comme consul et marcus Junius
Brutus et Cassius comme préteurs. Selon Plutarque, la déception de Cassius qui
espérait le consulat est une des raisons qui l’amènent à comploter. Tous les
historiens romains le présentent comme l’instigateur principal du complot
contre César. Cassius regroupe peu à peu une coterie d’opposants, d’anciens
pompéiens graciés par César, mais également, notent les historiens modernes,
des césariens qui ont servi lors de la guerre des Gaules, notamment Decimus
Junius Brutus Albinus, qui aurait joué un rôle majeur[] et plusieurs
autres[].
Ces derniers redoutent vraisemblablement l’expédition militaire que prépare
César contre les Parthes qui serait suivie d’un retour par la Scythie et la
Germanie[]
et pourrait ourdir un plan pour déloger les aigrefins du régime, plongés dans
les richesses de l’État et l’exploitation des citoyens romains.
« Aux époques antérieures de l’histoire, nous trouvons presque
partout une organisation de la société en ordres divers. Dans la Rome antique,
nous avons des patriciens, des chevaliers, des plébéiens, des esclaves. »[4]
Pour revenir aux comploteurs, ils cherchent en Marcus Junius Brutus le
chef symbolique idéal : il porte le nom mythique de Brutus qui chassa Tarquin
le Superbe, le dernier roi qui régna sur Rome en tyran.
Toutefois, César l’a comblé de faveurs et l’a nommé préteur urbain. Les
comploteurs mènent donc une approche psychologique : ils parsèment chaque
jour le tribunal que préside Brutus de messages anonymes qui invoquent le
Brutus chasseur de roi : « Brutus, tu dors, tu n’es pas le vrai
Brutus ! ». Ensuite, Cassius convainc Brutus d’agir contre César.
Présenter Brutus comme l’inspirateur du complot contre César permet de fédérer
d’autres opposants[].
Les rumeurs de complot parviennent à César, qui ne s’en soucie pas,
répondant qu’il est au courant, ou même en plaisante : quand on l'informe
que Brutus complote, César rétorque en se pinçant « Il attendra bien la
fin de cette carcasse ! ».
Le 14 février 44 av. J.-C., le Sénat confère à César la dictature
perpétuelle. Son pouvoir est désormais sans limite, même l’intercessio des tribuns ne peut s’exercer sur son imperium..
Tout espoir d’une abdication comme celle de Sylla et d’un retour à la
République d’avant la guerre disparaît. Autre inconséquence aux yeux des
historiens romains, César néglige les présages : avertissements des
devins, mise en garde pour la période allant jusqu’aux Ides de Mars, cauchemar
de son épouse Calpurmia la veille des ides[]. Tout au plus, apprenant les
signes néfastes observés sur les victimes offertes en préliminaire de la
réunion au sénat, César se résout à ne prendre aucune décision importante ce
jour-là[].
La mort de César
La Mort de César par Karl von Piloty
« Métellus lui découvrit le haut de l’épaule ; c’était le
signal. Casca le frappa le premier de son épée » (Plutarque)
Mort de César par Vincenzo Camuccini, 1798
« Il
s’était défendu, dit-on, contre les autres, et traînait son corps de côté et
d’autre en poussant de grands cris. Mais quand il vit Brutus venir sur lui
l’épée nue à la main, il se couvrit la tête de sa robe » (Plutarque)
Seul César est visé, Marc Antoine
qui accompagne César est attiré à l’écart par des faux solliciteurs, tandis que
César est entouré par le groupe des conjurés. Métellus s’assure que César ne
porte aucune protection, et tous l’assaillent : il tombe percé de 23 coups
de poignard[].
Le coup ultime vient de Brutus. Les derniers mots de César auraient été pour ce
dernier, en grec, et non en latin comme on l'affirma à l'époque moderne « Toi
aussi, mon fils »[].
Pas moins de onze auteurs antiques ont rapporté l’attentat, avec plus ou
moins de détails[][].
Si le fait est bien connu, l’analyse de ses causes est délicate.
Officiellement, les conjurés ont éliminé César pour l’empêcher de devenir roi
et pour sauver la République.
Des rumeurs circulent disant que César recevrait le titre de roi pour
son expédition en Orient, car selon la prophétie des Livres sibyllins, seul un
roi pouvait vaincre les Parthes[].
- De retour d’Albe, César est salué du nom de roi par ses partisans, ce qui agite la foule. Il rétorque qu’il ne s’appelle pas Roi mais César, et il poursuit son chemin mécontent[].
- Lorsque les sénateurs viennent à la tribune du forum lui annoncer les nouveaux honneurs qu’ils lui ont votés, il ne se lève pas, manquant au respect dû au Sénat[].
- Le 15 février de la fête des Lupercales, Marc Antoine propose à César le diadème royal, que celui-ci repousse sous les acclamations de la foule. Marc Antoine insiste, et le refus de César est de nouveau applaudi. César fit porter ce diadème au temple de Jupiter [ Capitolin.
Selon Plutarque, plusieurs signes auraient présagé la mort de César,
comme le cœur manquant d'un animal dont celui-ci fit offrande[]. Plutarque affirme aussi que César voulait
détruire la République et devenir roi[].
Christol et Nony rappellent que César « sut toujours donner le
change sur ses intentions réelles » et considèrent que ce problème n’est
pas soluble[].
Plus encore, Ronald Syme estime que ce problème « n’a pas à être posé.
César fut tué pour ce qu’il était, non pour ce qu’il aurait pu devenir. En
revêtant la dictature à vie, il semblait écarter tout espoir de retour à un
gouvernement normal et constitutionnel. Le présent était insupportable,
l’avenir bouché. »[].
Mais Suétone complique les analyses sur la fin de César en ouvrant une
autre piste[] :
César aurait eu la mort qu’il souhaitait. Là encore, Suétone produit ses
indices :
- selon certains de ses parents, il n’aurait pas tenu à vivre davantage, et aurait préféré succomber aux complots plutôt que d’être toujours sur ses gardes
- lors d’un banquet chez Lépide, à la question philosophique sur le genre de fin que l’on préférait, César avait répondu « soudaine et inattendue »[]
- le licenciement de sa garde personnelle, un mois avant, qui l’exposait sans protection
- l’indifférence aux avertissements sur les complots, et aux prédictions défavorables
Des historiens modernes ont développé cette thèse[], justifiant
l’attitude de César par sa perception d’une maladie qui le diminuait.
Néanmoins, les préférences pour une mort brève et imprévue sont après tout
banales, et selon Régis Martin[], la croyance de César en sa chance
protectrice (Fortuna) et sa certitude que sa perte provoquerait la
guerre civile peuvent aussi expliquer sa conduite.
Funérailles et testament
César désigna dans son testament trois héritiers, les petits-fils de ses
sœurs, à savoir Octave, Lucius et Quintus Pedius. Il légua les trois quarts de
son héritage au premier et le quart restant aux deux autres. Dans la dernière
clause de son testament, César adopta Octave, le futur empereur auguste, et lui
donna son nom. Enfin, il légua au peuple romain ses jardins près du Tibre et
trois cents sesterces par tête[].
Le 20 mars, un bûcher fut dressé sur le champ de Mars, près de la tombe
de sa fille Julia, et l’on imagine évidemment l’effet dramatique de cette
proximité. Le corps du César, couché sur un lit d’ivoire tendu de pourpre et d’or,
fut d’abord déposé dans une chapelle dorée, édifiée sur le forum, devant la
tribune aux harangues. À sa tête, sa toge ensanglantée était exposée sur un
trophée. Comme le corps reposait, face vers le ciel, et ne pouvait être vu, on
éleva au-dessus de lui une effigie de cire grandeur nature, afin que la foule
pût contempler les vingt-trois blessures (trente-cinq selon d’autres auteurs)
qui lui avaient été sauvagement infligées au corps et au visage. Pour souligner
l’ignominie de ce crime, Marc Antoine fit lire, en guise d’oraison funèbre, la
liste des honneurs qui avaient été dévolus à César, ainsi que le serment
qu’avaient prêté les sénateurs de défendre sa vie. On chanta des vers parmi
lesquels revenaient, pour susciter la compassion, une citation empruntée au Jugement
des Armes de Pacuvius : « Fallait-il les sauver pour qu’ils
devinssent mes meurtriers ? » (compte tenu de la mansuétude dont
César avait obstinément fait preuve à l’égard de Brutus, c’était
particulièrement bien choisi).
Chavirée par l’habile et pathétique mise en scène, la foule en colère
entassa autour du lit funèbre le bois arraché aux boutiques avoisinantes et
tout ce qui lui tombait sous la main pour construire un bûcher d’apothéose,
comme elle l’avait fait quelques années plus tôt pour les funérailles de Clodius.
Les vétérans de ses légions y jetèrent leurs armes et certaines femmes les
bijoux qu’elles portaient. Les Juifs, qui n’oubliaient pas que César leur avait
permis de relever les murs de Jérusalem abattus par Pompée, se réunirent
plusieurs nuits de suite autour de son tombeau pour le pleurer.
On raconte que lorsque Caius Matius organisa des jeux funéraires en
juillet -44 à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, la comète de César
se mit à briller dans le ciel (apparition également attestée par les astronomes
chinois) et l’Etna entra en éruption, faisant de sa mort un bouleversement
cosmique. À l’emplacement où il fut incinéré, son petit-neveu et fils adoptif,
le futur Auguste, fit ériger un temple. On vient parfois de fort loin pour y
déposer quelques fleurs, un poème, une bougie et perpétuer le souvenir de celui
qui voulut être « le premier dans Rome »… La plaque commémorative
apposée par la ville à l’intention des visiteurs, emprunte à Appien [] son récit de
l’événement :
« …et on le ramena sur le Forum, là où se trouvait l’ancien palais
des rois de Rome ; les plébéiens rassemblèrent tous les objets de bois et
tous les bancs dont regorgeait le Forum, et toutes sortes d’autres choses
analogues, puis par-dessus mirent les ornements très abondants de la procession,
plusieurs rapportèrent encore de chez eux quantité de couronnes et de
décorations militaires : ensuite ils allumèrent le bûcher et passèrent la
nuit en foule auprès de lui ; c’est là qu’un premier autel fut érigé, et
que maintenant se trouve le temple de César, qui, juge-t-on, mérite d’être
honoré comme un dieu… »
Après César
Étendue du territoire de la République romaine sous la domination de
César. En jaune, ses conquêtes.
Le complot n’atteignit cependant pas ses objectifs, car le consul Marx
Antoine avait été épargné, à la demande de Brutus [], et Lépide
stationnait avec des troupes à proximité de Rome, tandis qu'Octave, qui se
trouvait en Épire, était hors d’atteinte. En revanche, l’attentat contre César
guida les prétendants à sa succession sur la conduite à tenir : ils firent
symboliquement rayer la dictature des magistratures romaines, et la
remplacèrent par un triumvirat quinquennal. Octave finit par l’emporter en 31 av. J.-C.,
et devint Auguste, maître unique et absolu de l’Empire. Il confirma et continua
les réformes entamées par César, organisant un Empire pacifié, stabilisé et
géré avec plus d’équité.
Jules César écrivain
Édition de 1783 des Commentaires sur la Guerre des Gaules
César n’était pas seulement un grand général et un homme d’État, il
excellait également dans l’art oratoire et dans l’écriture. Des divers écrits
qu’il avait composés, il ne reste que ses Commentaires (Commentarii
rerum gestarum) :
- De Bello Gallico, Commentaires sur la guerre des Gaules, relatant la campagne de César en Gaule[].
- De Bello civile, Commentaires sur la Guerre civile, relatant la guerre civile contre Pompée.
Ces ouvrages servent la propagande politique de César, et par conséquent
leur exactitude peut être mise en doute[][].
César écrivit aussi en -45- l’Anticato,
réplique au panégyrique que Cicéron prononça en faveur de Caton d’Utique,
« le dernier républicain ». Cet ouvrage, aujourd’hui perdu, est connu
par les citations de Cicéron (ad Atticum, 13, 50, 1), Tacite (Annales,
4, 34), Suétone (Caesar, 56, 3), Plutarque (Caesar, 54), Appien, Juvénal
et Dion Cassius.
Enfin, et plus curieusement, il rédigea un traité de grammaire De
analogia, en deux livres, dans lequel il expose des théories grammaticales
argumentées sur l’analogie (d’où le titre de l’ouvrage), ainsi qu'un poème
intitulé le Voyage.
César semble également avoir écrit plusieurs essais dans sa jeunesse (Éloge
d'Hercule, une tragédie d'Œdipe, un Recueil de mots remarquables),
mais Auguste interdit leurs publications après la mort du dictateur[]. Selon
l'historien Pierre Grimal, ces trois
œuvres perdues ont probablement été écrites en grec [].
L’héritage de César
Les réformes politiques
Jules César devenu dictateur reprend certaines réformes administratives
entreprises une génération plus tôt par le précédent dictateur Sylla. De nouveau,
il faut adapter les institutions à l’extension de la puissance romaine qui
résulte des conquêtes en Orient et en Gaule, et offrir des charges à ses
partisans :
- nouvelle augmentation du nombre de magistrats : les questeurs passent de 20 à 40, les préteurs de 8 à 16, les édiles sont désormais 6. Les consuls sont toujours deux, mais la nomination de consuls suffects en complément des deux consuls éponymes permet de disposer de plus de candidats pour les fonctions proconsulaires.
- César procède à la nomination directe de la moitié des magistrats, et recommande les candidats aux élections pour l’autre moitié[].
- reconstitution des effectifs du Sénat ; les pertes de la guerre civile sont compensées par l’incorporation massive de nouveaux membres, dont des provinciaux gaulois ou espagnols, faisant passer à 800 ou 900 l’effectif fixé par Sylla à 600 sénateurs[].
« … Il ne faut pas perdre de vue que ce que nous cherchons à
distinguer, c’est le juste en soi et le juste dans la société. Or, celui-ci
existe entre gens qui vivent ensemble, afin de maintenir leur indépendance, je
veux dire des hommes libres et égaux, soit proportionnellement, soit
arithmétiquement. (…)
L’injustice consiste à s’attribuer plus qu’il ne convient des choses qui
constituent des biens en soi, et moins qu’il ne convient des choses qui constituent
des maux en soi. (…)
Or, le magistrat qui exerce le pouvoir est le gardien de la justice, et,
s’il l’est de la justice, il l’est aussi de l’égalité. »[5]
Pour l’administration des provinces, César veut éviter les mandats de
cinq ans que Pompée et lui-même avaient pratiqué ; il limite la durée des
charges de gouverneur à un an pour un propréteur et deux ans pour un proconsul [].
L’organisation des municipes italiens est précisée par une loi-cadre, dont une
copie nous est parvenue, les Tables d’Héraclée.
Ces réformes seront conservées par Auguste, elles lui permettront de
disposer d’une nombreuse élite, nécessaire à l’administration d’un Empire
Les réalisations architecturales
L’activité de bâtisseur de César se manifeste
plusieurs fois dans sa carrière politique. À chaque fois, ses réalisations,
toujours spectaculaires, sont destinées à renforcer son prestige et sa
popularité.
À la fin de la guerre des Gaules en 51 av. J.-C., César entame sa
campagne électorale pour une future candidature au consulat. Pompée avait
construit le premier théâtre romain en pierre à Rome et une nouvelle curie
quelques années auparavant. César lance à son tour un projet de bâtiment public
prestigieux : un nouveau forum, au nord de l’ancien, ouvrant son côté est
sur l’Argilète. Il est financé par le butin des Gaules[].Selon Appien,
la dédicace de ce temple aurait fait suite au vœu de César d’élever un temple à
Vénus Victorieuse s’il était vainqueur à Pharsale[]. Devant ce
temple, il se fit représenter par une statue équestre[].
Maître sans partage de Rome à partir de 46 av. J.-C., César a désormais
tous les moyens de sa politique. Il commence par des aménagements de
circonstance pour les jeux célébrant son triomphe : agrandissement des
extrémités du cirque, construction d’un stade pour les lutteurs sur le champ de
Mars, creusement d’un bassin au bord du Tibre pour une naumachie [].
Les travaux entrepris sur le vieux forum voient la reconstruction de la curia
Hostilia, incendiée en 52 av, J. – C. par les partisans de Clodius Pulcher.
D’autres projets plus ambitieux sont envisagés : la construction de la
plus grande basilique de Rome sur l’emplacement de la vieille basilique
Sempronis, l’édification d’un temple de Mars, et d’un second théâtre en pierre[]. Tous ces
chantiers seront suspendus pendant les guerres civiles. Octave devenu Auguste
les mènera à leur terme en achevant la grande basilique Julia et le théâtre de
Marcellus, et en dédiant un temple de Mars vengeur.
La réorganisation de Rome
Pour décongestionner une Rome surpeuplée, César en repousse les limites
administratives et élargit le périmètre sacré du pomoerium à un mille romain
(1,5 km) des anciennes murailles de la ville[].
Toujours pour la gestion de Rome, César fait recenser la population
urbaine, selon une méthode inédite et originale : les citoyens ne sont
plus convoqués par tribus pour défiler devant les services de recensement. Le
recensement est organisé quartier par quartier, et ce sont les propriétaires
des immeubles de location qui doivent déclarer leurs locataires. La méthode dut
être efficace, car Auguste la reprendra[]. Sans préciser les résultats de
ce dénombrement, Suétone dit qu’il permit de ramener de 320 000 à
150 000 le nombre de bénéficiaires de distributions gratuites de blé
instaurées par Clodius Pulcher en 58 av. J.-C.
Un ultime projet de loi de César destiné à améliorer quelque peu la
circulation dans une agglomération aux rues étroites et encombrées interdit la
circulation de jour à tout véhicule à roue, à l’exception des chars de
procession lors des cérémonies et des charrettes d’entrepreneurs, nécessaires
aux chantiers urbains. Cette loi fut votée après la mort de César, et resta en
vigueur plusieurs siècles, démontrant sa nécessité[]. Depuis César,
la nuit romaine fut réservée au transit des marchandises, au grand dam des
dormeurs, et suscitant les récriminations de Martial et Juvénal [].
Les monnaies
Les guerres
civiles menées par César lui imposent de forts besoins financiers, pour
entretenir de plus en plus de légions, qui se déplacent d’un secteur à l’autre
de l’Empire. Il se dote donc à partir de 49 av. J.-C. d’un atelier monétaire
qui suit ses déplacements sur les théâtres d’opération, et frappe les espèces
monétaires dont il a un besoin croissant. Cette pratique n’est pas nouvelle, le
Sénat romain l’avait autorisée pour les grands corps expéditionnaires de Lucullus
ou de Pompée en Orient[], mais César se l’arroge en s’emparant de la réserve de
la République [].
De surcroît, César apporte deux grandes innovations, qui servent sa politique,
que ses successeurs Octave et Marc Antoine pérenniseront, et qui
s’institutionnaliseront sous l’Empire romain :
- la frappe de monnaie en or ;
- la figuration de son portrait sur les monnaies.
Rome n’avait émis de monnaies en or que temporairement, essentiellement
aux moments les plus difficiles de la Deuxième guerre punique et en puisant
dans les réserves de métal précieux thésaurisées par le Sénat[]. L’émission d’aureus
renoue donc avec l’idée de puiser dans les réserves pour sauver la République.
De plus, la forte valeur de cette monnaie (un aureus pour 25 deniers d’argent
ou 100 sesterces) facilite les importantes gratifications aux soldats de César
et contribue à leur prestige.
Le calendrier
L’historien romain Suétone précise cette modification du calendrier
effectuée par César :
« Il régla l’année sur le cours du soleil, et la composa de trois
cent soixante-cinq jours, en supprimant le mois intercalaire, et en augmentant
d’un jour chaque quatrième année. Pour que ce nouvel ordre de choses pût
commencer avec les calendes de janvier de l’année suivante, il ajouta deux
autres mois supplémentaires, entre novembre et décembre, à celle où se fit
cette réforme ; et elle fut ainsi de quinze mois, avec l’ancien mois
intercalaire, qui, selon l’usage, s’était présenté cette année-là. »[].
Le titre de Caesar
Le nom de César, pris par Octave comme fils
adoptif de J. César, devint par la suite un titre que portèrent tous les empereurs
et les princes romains, quoique étrangers à la famille des Césars. Il fut
ensuite attribué aux héritiers présomptifs de l’empire, usage qui devint une
règle à partir de Dioclétien. Depuis cette époque les empereurs prirent le
titre d’Auguste et s’adjoignirent avec le titre de César un prince qui devait
leur succéder. Le nom de César a donné le mot « Kaiser » en allemand,
ainsi que le mot « Tsar » (ou « Czar ») en russe et en bulgare.
L’administration actuelle des États-Unis aura
tout un défi à relever et des enseignements à tirer de ses voisins ;
question, comment le peuple états-unien
pourra-t-il regagner la confiance des autres peuples après toutes ces guerres
de rapine ? Parce que « la
liberté avait sombré dans l’individualisme et le chaos, c’était pour un espace
fort élargi qu’un nouveau gouvernement avait à instituer une nouvelle
ordonnance. (Nous sommes à l’époque de
l’empire romain.) Le monde méditerranéen
s’étalait en désordre aux pieds d’Octavien, dans l’attente des travaux d’un
homme d’État. Là où César avait échoué,
Octavien a réussi, parce qu’il était plus patient, plus fertile en détours,
parce qu’il savait pratiquer la stratégie des mots et des formes, parce qu’il
était disposé à avancer lentement, avec précaution alors que son grand-oncle s’était
vu contraint par le peu de temps dont il disposait, de contrarier des
traditions bien vivantes et d’accumuler en dix mois des changements assez
importants pour nécessiter vingt ou trente années d’efforts. »[6]
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[1]
Bherer, Marc-Olivier, Au Canada, Justin
Trudeau face à ses contradictions, Le Monde, Paris, mercredi 19 octobre
2016, page 21
[2]
Lénine, V.I., Œuvres choisies, tome 2,
Éditions du Progrès. Moscou, 1968
[3]
Staline, J., Les questions du léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin,
1977, page 45
[4]
Marx, Karl; Engels, Friedrich, Manifeste
du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page 238
[5]
Aristote, Éthique de Nicomaque, Éditions Garnier Frères, Paris, 1961, page 225
[6]
Durant, Will, Histoire de la
Civilisation, Rome, Le Principat, Société coopérative Éditions Rencontre,
Lausanne, 1963, pages 15-16
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