Un événement d’une grande portée historique
mercredi 19 octobre 2016
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Ne nous y trompons pas, le 17e congrès de la FSM (fédération syndicale mondiale) qui vient de se dérouler à Durban en Afrique du Sud du 5 au 8 octobre, est un évènement d’une portée historique considérable. Tellement considérable, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, qu’hormis, à notre connaissance, les 4 articles d’ambiance parus sur Rouge Midi
[1] aucun média français n’a trouvé utile d’en parler alors que d’une part il s’agit d’un congrès concernant directement 92 millions d’adhérent-e-s (une paille !) et au-delà la classe ouvrière du monde entier et que d’autre part tant par la participation que par son contenu ce congrès est le signe qu’une étape nouvelle dans l’organisation des travailleurs du monde vient d’être franchie.
Pour mesurer la portée de ce qui s’est passé à Durban il convient de replacer les choses dans leur contexte historique.
Puis les syndicats américains, sous l’impulsion de l’AFL-CIO et avec le financement de la CIA, créèrent une autre centrale internationale, la CISL (confédération internationale des syndicats libres), à laquelle FO s’affilia immédiatement…évidemment. Le temps passant la CISL qui ne fit guère la preuve de son efficacité que dans les coups d’état qu’elle aida à fomenter en Amérique du Sud (grèves au Chili sous Allende, participation au coup d’état contre Chavez…), sombra en termes d’effectifs malgré l’armada de « dirigeants » syndicaux grassement payés par les institutions mondiales, tant elle apparut en tous points aux ordres du capitalisme international.
La FSM, elle, perdit peu à peu de son influence et de ses forces organisées pour un faisceau de raisons convergentes et en particulier la question du rôle du syndicalisme, sa nécessaire indépendance, dans les républiques dites socialistes ou dans nombre de pays d’Afrique dirigés par d’anciens militants des luttes de libération devenus, une fois au pouvoir, de parfaits dictateurs. Cette question prit tellement d’importance et les divergences furent tellement fortes que la CGT, après avoir quitté le conseil présidentiel, décida en 1995 de se désaffilier purement et simplement. Ce faisant elle rejoignait la cohorte des organisations syndicales nationales non affiliées au point qu’à la fin des années 90 seuls 20% des syndicats mondiaux étaient affiliés à l’une des 3 centrales internationales alors existantes : la CISL, la CMT et la FSM.
Après la chute du mur de Berlin, le capital international étant persuadé qu’il se trouvait devant ce qu’il a appelé lui-même « la fin de l’histoire » convoqua le sommet du millénaire de l’ONU pour bâtir un grand projet de « gouvernance » mondiale au nom des droits de l’homme et du droit d’ingérence…toutes joyeusetés et bonnes intentions qui nous ont amenés, entre autres, aux guerres actuelles toujours au nom de la démocratie. Pour mener à bien ce projet, le secrétaire général de l’ONU d’alors, Koffi Annan expliqua à la tribune qu’il avait besoin d’un dialogue social mondial et d’une organisation syndicale mondiale crédible.
Dans la même période la FSM, consciente de la situation de grand discrédit dans laquelle se trouvait le syndicalisme international, tint en 2005 à La Havane, un conseil mondial du renouveau. Y étaient représentés 500 délégués de 73 pays (dont plusieurs non affiliés en tant qu’observateurs) qui décidèrent de donner un nouveau souffle au syndicalisme international.
A ce conseil les deux autres centrales internationales furent invitées et ne vinrent pas mais créèrent en 2006, dans la continuité des décisions du sommet du millénaire et en particulier sous l’impulsion du syndicat américain l’AFL-CIO, la CSI (confédération syndicale internationale), par fusion de la CMT et de la CISL. Cette nouvelle centrale internationale à laquelle adhèrent aujourd’hui pour la France la CGT, la CFDT, FO et la CFTC fut alors présentée au monde comme la seule centrale internationale possible. Il est à noter deux points importants dans ses statuts : obéissance à l’ONU (article 2) et décisions prises à la majorité des adhérent-e-s s’imposant ainsi de manière supranationale aux pays membres. L’exact contraire des statuts de la FSM. Autre fait marquant, et cela n’a pas changé depuis, l’essentiel de ses affiliés se trouve en Europe et Amérique du Nord, ce qui est l’inverse de la composition de la FSM et les évolutions constatées depuis n’ont pas inversé la tendance. [2].
Son conseil mondial est bien à l’image de ses forces et de ses choix [3] et continue à siéger dans son conseil présidentiel un représentant du syndicat israélien, le histadrout, sans que la CSI n’ait jamais voulu condamner la politique israélienne. Sur le plan revendicatif et de sa démarche, la CSI, dans la continuité de la CISL ne condamne ni les guerres impérialistes actuelles, ni le capitalisme dans sa globalité et reste bien silencieuse sur le conflit sur la loi travail en France. Dans ses priorités elle se réclame du soutien aux objectifs de développement durable de l’ONU [4] et a félicité Sarkozy en 2011 pour sa gestion de la crise économique mondiale, affirmant avoir avec lui une « vision partagée » des solutions à mettre en œuvre !
En 2011 au congrès d’Athènes les 500 délégués du congrès précédent étaient devenus plus de 800 congressistes représentant 101 pays et cette année, la FSM a pu annoncer aux 1500 délégués présents représentant 111 pays une progression de 18% de ses effectifs, qu’elle est désormais implantée dans 126 pays et compte 92 millions d’affiliés…et ce n’est pas fini puisque dans le congrès même 3 nouvelles organisations nationales (dont une, première historique, des USA) ont annoncé leur affiliation et d’autres affiliations sont en cours.
Mais il y a plus. Au-delà de l’impressionnante progression des effectifs, il y a les orientations et actions de la FSM et des organisations affiliées. Dans le ton et les références ce congrès tranche fortement avec ce que l’on a l’habitude d’entendre dans d’autres rencontres internationales. A ce congrès les condamnations du capitalisme et de l’impérialisme ont été constantes, les références à Marx nombreuses, le soutien à la Palestine omniprésent (la FSM est engagée dans la campagne BDS), le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le nécessaire respect de leur souveraineté ont été le bien commun des congressistes, la nécessité de la lutte des classes réaffirmée tant dans les documents du congrès que dans les interventions, bref ce congrès respirait la lutte déterminée pour remettre en cause l’ordre mondial avec la solidarité internationale comme force. Le fait que ce congrès se tienne an Afrique du Sud (après Damas, Delhi, La Havane et Athènes) était évidemment lourd de sens ce que n’ont pas manqué de souligner la quasi-totalité des intervenant-e-s à la tribune [5]. Comme est également significatif le fait que ce congrès qui a renouvelé sa confiance au secrétaire général George Mavrikos ait élu un dirigeant de la COSATU, le syndicat historique de la lutte contre l’apartheid, comme président international
Lors d’une intervention le secrétaire général du SACP (le parti communiste sud-africain) disait en parlant de l’Afrique : « Les difficultés du continent sont dues à la faiblesse de l’organisation des travailleurs et des paysans. » Ce propos on peut l’étendre à la planète et les délégué-e-s présent-e-s à Durban ont confirmé leur volonté, non seulement de défendre pied à pied les travailleurs/euses du monde, mais aussi de s’attaquer à toutes les difficultés que le capitalisme génère, tant dans leurs causes que dans leurs conséquences. En entendant cette représentante d’une fédération indienne déclarant sous les applaudissements nourris : « On n’a pas besoin d’impérialisme, ces vêtements que je porte c’est nous qui les fabriquons…nous sommes des producteurs, des créateurs…ce sont les USA qui créent les groupes terroristes puis font semblant de les combattre…Nous comprenons les manœuvres, nous ne permettrons pas une nouvelle colonisation avec l’aide de la banque mondiale et du FMI » on ne peut que se féliciter du fait que le mouvement de classe international a réussi à relever le défi qu’il s’est donné en 2005, il est en marche, en confiance et porteur d’espoir pour tous les exploité-e-s de la planète. Le capital international doit tenir compte de cet élément nouveau dans le rapport de forces : le renouveau d’une organisation bien décidée à remettre en cause l’ordre économique mondial.
Il n’y a pas d’autre tâche plus importante pour les communistes et les progressistes du monde que celle de participer à ce mouvement-là.
Le 19 octobre 2016
Pour l’ANC, Charles HOAREAU
[1] aucun média français n’a trouvé utile d’en parler alors que d’une part il s’agit d’un congrès concernant directement 92 millions d’adhérent-e-s (une paille !) et au-delà la classe ouvrière du monde entier et que d’autre part tant par la participation que par son contenu ce congrès est le signe qu’une étape nouvelle dans l’organisation des travailleurs du monde vient d’être franchie.
Pour mesurer la portée de ce qui s’est passé à Durban il convient de replacer les choses dans leur contexte historique.
Quelques éléments d’histoire
En 1945 la FSM fut créée, sous l’impulsion en particulier des TUC britanniques et de la CGT française, avec l’ambition de rassembler tous les syndicats du monde. Rapidement les syndicats chrétiens refusèrent de s’associer à cette construction et créèrent ce qui plus tard s’appellera la CMT (confédération mondiale du travail).Puis les syndicats américains, sous l’impulsion de l’AFL-CIO et avec le financement de la CIA, créèrent une autre centrale internationale, la CISL (confédération internationale des syndicats libres), à laquelle FO s’affilia immédiatement…évidemment. Le temps passant la CISL qui ne fit guère la preuve de son efficacité que dans les coups d’état qu’elle aida à fomenter en Amérique du Sud (grèves au Chili sous Allende, participation au coup d’état contre Chavez…), sombra en termes d’effectifs malgré l’armada de « dirigeants » syndicaux grassement payés par les institutions mondiales, tant elle apparut en tous points aux ordres du capitalisme international.
La FSM, elle, perdit peu à peu de son influence et de ses forces organisées pour un faisceau de raisons convergentes et en particulier la question du rôle du syndicalisme, sa nécessaire indépendance, dans les républiques dites socialistes ou dans nombre de pays d’Afrique dirigés par d’anciens militants des luttes de libération devenus, une fois au pouvoir, de parfaits dictateurs. Cette question prit tellement d’importance et les divergences furent tellement fortes que la CGT, après avoir quitté le conseil présidentiel, décida en 1995 de se désaffilier purement et simplement. Ce faisant elle rejoignait la cohorte des organisations syndicales nationales non affiliées au point qu’à la fin des années 90 seuls 20% des syndicats mondiaux étaient affiliés à l’une des 3 centrales internationales alors existantes : la CISL, la CMT et la FSM.
Après la chute du mur de Berlin, le capital international étant persuadé qu’il se trouvait devant ce qu’il a appelé lui-même « la fin de l’histoire » convoqua le sommet du millénaire de l’ONU pour bâtir un grand projet de « gouvernance » mondiale au nom des droits de l’homme et du droit d’ingérence…toutes joyeusetés et bonnes intentions qui nous ont amenés, entre autres, aux guerres actuelles toujours au nom de la démocratie. Pour mener à bien ce projet, le secrétaire général de l’ONU d’alors, Koffi Annan expliqua à la tribune qu’il avait besoin d’un dialogue social mondial et d’une organisation syndicale mondiale crédible.
Dans la même période la FSM, consciente de la situation de grand discrédit dans laquelle se trouvait le syndicalisme international, tint en 2005 à La Havane, un conseil mondial du renouveau. Y étaient représentés 500 délégués de 73 pays (dont plusieurs non affiliés en tant qu’observateurs) qui décidèrent de donner un nouveau souffle au syndicalisme international.
A ce conseil les deux autres centrales internationales furent invitées et ne vinrent pas mais créèrent en 2006, dans la continuité des décisions du sommet du millénaire et en particulier sous l’impulsion du syndicat américain l’AFL-CIO, la CSI (confédération syndicale internationale), par fusion de la CMT et de la CISL. Cette nouvelle centrale internationale à laquelle adhèrent aujourd’hui pour la France la CGT, la CFDT, FO et la CFTC fut alors présentée au monde comme la seule centrale internationale possible. Il est à noter deux points importants dans ses statuts : obéissance à l’ONU (article 2) et décisions prises à la majorité des adhérent-e-s s’imposant ainsi de manière supranationale aux pays membres. L’exact contraire des statuts de la FSM. Autre fait marquant, et cela n’a pas changé depuis, l’essentiel de ses affiliés se trouve en Europe et Amérique du Nord, ce qui est l’inverse de la composition de la FSM et les évolutions constatées depuis n’ont pas inversé la tendance. [2].
10 ans après où en est-on ?
La CSI revendiquait à l’issue de son 3e congrès à Berlin en 2014, 170 millions d’affiliés de 163 pays, ce qui est nettement en deçà de ses espérances puisque la seule fusion des deux centrales antérieures devait lui assurer 160 millions d’affiliés auxquels se rajoutaient les nouvelles centrales se joignant à elle. De plus, alors qu’elle s’est donnée à ce congrès l’objectif de gagner 27 millions de nouveaux affiliés, elle a dû faire face depuis à une érosion de ses effectifs due à deux phénomènes : l’effritement des effectifs de ses membres (à lui seul le DGB allemand par exemple a perdu 1 million d’adhérents en 10 ans) mais aussi à cause de désaffiliations souvent au profit de la FSM.Son conseil mondial est bien à l’image de ses forces et de ses choix [3] et continue à siéger dans son conseil présidentiel un représentant du syndicat israélien, le histadrout, sans que la CSI n’ait jamais voulu condamner la politique israélienne. Sur le plan revendicatif et de sa démarche, la CSI, dans la continuité de la CISL ne condamne ni les guerres impérialistes actuelles, ni le capitalisme dans sa globalité et reste bien silencieuse sur le conflit sur la loi travail en France. Dans ses priorités elle se réclame du soutien aux objectifs de développement durable de l’ONU [4] et a félicité Sarkozy en 2011 pour sa gestion de la crise économique mondiale, affirmant avoir avec lui une « vision partagée » des solutions à mettre en œuvre !
Le renouveau offensif de la FSM
Suite au conseil mondial de La Havane, l’organe dirigeant de la FSM, le conseil présidentiel s’activa dans deux directions : redonner à la FSM sa dimension de lutte contre le capitalisme et l’impérialisme, construire des organisations internationales professionnelles (les UIS) et régionales (par régions du monde : Europe, pays arabes, Afrique…). Les résultats ne se firent pas attendre :En 2011 au congrès d’Athènes les 500 délégués du congrès précédent étaient devenus plus de 800 congressistes représentant 101 pays et cette année, la FSM a pu annoncer aux 1500 délégués présents représentant 111 pays une progression de 18% de ses effectifs, qu’elle est désormais implantée dans 126 pays et compte 92 millions d’affiliés…et ce n’est pas fini puisque dans le congrès même 3 nouvelles organisations nationales (dont une, première historique, des USA) ont annoncé leur affiliation et d’autres affiliations sont en cours.
Mais il y a plus. Au-delà de l’impressionnante progression des effectifs, il y a les orientations et actions de la FSM et des organisations affiliées. Dans le ton et les références ce congrès tranche fortement avec ce que l’on a l’habitude d’entendre dans d’autres rencontres internationales. A ce congrès les condamnations du capitalisme et de l’impérialisme ont été constantes, les références à Marx nombreuses, le soutien à la Palestine omniprésent (la FSM est engagée dans la campagne BDS), le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le nécessaire respect de leur souveraineté ont été le bien commun des congressistes, la nécessité de la lutte des classes réaffirmée tant dans les documents du congrès que dans les interventions, bref ce congrès respirait la lutte déterminée pour remettre en cause l’ordre mondial avec la solidarité internationale comme force. Le fait que ce congrès se tienne an Afrique du Sud (après Damas, Delhi, La Havane et Athènes) était évidemment lourd de sens ce que n’ont pas manqué de souligner la quasi-totalité des intervenant-e-s à la tribune [5]. Comme est également significatif le fait que ce congrès qui a renouvelé sa confiance au secrétaire général George Mavrikos ait élu un dirigeant de la COSATU, le syndicat historique de la lutte contre l’apartheid, comme président international
Lors d’une intervention le secrétaire général du SACP (le parti communiste sud-africain) disait en parlant de l’Afrique : « Les difficultés du continent sont dues à la faiblesse de l’organisation des travailleurs et des paysans. » Ce propos on peut l’étendre à la planète et les délégué-e-s présent-e-s à Durban ont confirmé leur volonté, non seulement de défendre pied à pied les travailleurs/euses du monde, mais aussi de s’attaquer à toutes les difficultés que le capitalisme génère, tant dans leurs causes que dans leurs conséquences. En entendant cette représentante d’une fédération indienne déclarant sous les applaudissements nourris : « On n’a pas besoin d’impérialisme, ces vêtements que je porte c’est nous qui les fabriquons…nous sommes des producteurs, des créateurs…ce sont les USA qui créent les groupes terroristes puis font semblant de les combattre…Nous comprenons les manœuvres, nous ne permettrons pas une nouvelle colonisation avec l’aide de la banque mondiale et du FMI » on ne peut que se féliciter du fait que le mouvement de classe international a réussi à relever le défi qu’il s’est donné en 2005, il est en marche, en confiance et porteur d’espoir pour tous les exploité-e-s de la planète. Le capital international doit tenir compte de cet élément nouveau dans le rapport de forces : le renouveau d’une organisation bien décidée à remettre en cause l’ordre économique mondial.
Il n’y a pas d’autre tâche plus importante pour les communistes et les progressistes du monde que celle de participer à ce mouvement-là.
Le 19 octobre 2016
Pour l’ANC, Charles HOAREAU
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