Les Lumières
Ils ont appelé
la grande Révolution française de 1789, voire porté l’enfant tant désiré
Daniel
Paquet dpaquet1871@gmail.com
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English : Communist News www.dpaquet1871.blogspot.com
Oh là, je vois qu’il y en a plusieurs qui bougent sur
leur strapontin. Il n’est pas ici
question de vous rappeler une vague
facture d’Hydro-Québec égarée on ne sait trop où; ou encore de vous faire dire :
que le paiement est « dans la malle », monsieur le percepteur des
comptes en souffrance!
Parlant de cette
période, alors que nos ancêtres « Canayens » s’enracinaient dans leur
nouvelle patrie, c’était et c’est tout ce que l’on a retenu de l’Histoire, que Voltaire aurait dit qu’il était stupide de se
battre pour quelques arpents de neige, en se référant au Canada, alors la Nouvelle-France ; nous
étions à l’époque de la guerre opposant
l’Angleterre à la France. Voltaire était
un homme d’une rare intelligence ; il est navrant qu’on veuille dénigrer
ses propos qui dénonçaient une guerre
fratricide mobilisant des ressources financières énormes pour un territoire qui ne semblait
pas valoir beaucoup. Somme toute, il
avait le droit de se tromper, après tout!
MONTESQUIEU
Cent ans avant la
Révolution française naquit au château de la Brède Charles-Louis de Secondat
dit Montesquieu (18 janvier 1689). À l’âge adulte, il a refusé, par crainte de redite, d’écrire des articles
politiques pour l’Encyclopédie, mais il
remanie pour celle-ci son Essai sur le
goût de 1726. Nous sommes toujours à l’époque de la monarchie
absolue en France ; il écrit : « l’amour de la république, dans
une démocratie, est celui de la démocratie ; l’amour de la démocratie est
celui de l’égalité. L’amour de la démocratie
est encore l’amour de la frugalité.
Chacun devant y avoir le même bonheur et les mêmes avantages, y doit goûter
les mêmes plaisirs et former les mêmes espérances ;
choses qu’on ne peut attendre que de la frugalité générale. (C’était avant l’ère de la
production de masse résultant du capitalisme industriel, -ndlr). L’amour de l’égalité, dans une démocratie,
borne l’ambition au seul désir, au seul bonheur de rendre à sa patrie de plus grands services que les
autres citoyens. Ils ne peuvent pas lui
rendre tous des services égaux ; mais ils doivent tous également lui en
rendre. En naissant, on contracte envers
elle une dette immense dot on ne peut jamais
s’acquitter. »[1]
Il
ajoutera : « Il est vrai que lorsque la démocratie est fondée sur le commerce,
il peut fort bien arriver que des particuliers y aient de grandes richesses, et
que les mœurs n’y soient pas corrompues.
C’est que l’esprit de commerce entraîne avec soi celui de frugalité, d’économie,
de modération, de travail, de sagesse, de tranquillité, d’ordre et de règle.
Ainsi, tandis que cet esprit subsiste, les richesses qu’il produit n’ont
aucun mauvais effet. Le mal arrive,
lorsque l‘excès des richesses détruit cet esprit de commerce ; on voit
tout à coup naître les désordres de l’inégalité, qui ne s’étaient pas encore
fait sentir. »[2]
« …dans les
démocraties le peuple paraît faire ce qu’il veut ; mais la liberté
politique ne consiste point faire ce que
l’on veut. Dans un État, c’est-à-dire
dans une société où il y a des lois, la
liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à
n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir. Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est
que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que
les lois permettent : et si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent,
il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir. »[3]
Montesquieu meurt
le 10 février 1755 ; Diderot est le seul écrivain connu à suivre son
convoi, mais Rousseau écrit quelque jours plus tard : ‘C’est à ceux qui
ont une patrie et qui l’aiment à pleurer
ce grand homme.’
DIDEROT
Parlant de
Diderot, il entre (en 1746), avec d’Alembert, dans le comité rédacteur de l’Encyclopédie dont ils prendront la
direction l’année suivante. Très
avant-gardiste pour l’époque, Diderot publie sa Lettre sur les aveugles, où il joint à une étude de la psychologie
des aveugles-nés une déclaration assez peu équivoque d’athéisme ; il va
correspondre avec Voltaire et s’efforcer d’atténuer l’impression fâcheuse
produite par l’athéisme de la Lettre.
Le 24 juillet 1749, Diderot est arrêté et en prison, il lira Platon. Quelques années plus tard, il se brouillera
avec Jean-Jacques Rousseau (nous parleront de lui un peu plus loin). Le comte
Shoucvalov, chambellan de Catherine II lui propose de terminer en Russie l’Encyclopédie,
mais Diderot refuse. Malgré tout il vend
sa bibliothèque à celle-ci contre 15 00
livres (la monnaie) et une pension de cent pistoles ; on achève l’impression
de l’Encyclopédie.
Au mois d’août
1769, il rédige l’essentiel des trois dialogues du Rêve de
d’Alembert ; alors que l’année suivante d’Holbach publie le Système de la nature. En 1773, Diderot repart pour
Saint-Pétersbourg ; en 1775, il
écrit un Plan d’une Université pour la
Russie et un Essai sur les études en Russie, tous deux destinés à Catherine
II. Il travaille beaucoup et le plus
souvent hors de Paris, notamment chez le baron d’Holbach. Diderot
recevra 10 000 livres de Catherine II. En 1784, il s’installe dans son bel
appartement de la rue de Richelieu, mais meurt le 31 juillet de la même année.
La pensée
philosophique de Diderot n’était pas statique ; il était un fin dialecticien : « Dans
la goutte d’eau de Needham, tout s’exécute et se passe en un clin d’œil. Dans le monde, le même phénomène dure un peu
davantage ; mais qu’est ce que notre durée en comparaison de l’éternité
des temps ? Moins que la goutte que j’ai prise avec la pointe d’une
aiguille, en comparaison de l’espace illimité qui m’environne. Suite indéfinie d’animalcules dans l’atome
qui fermente, même suite indéfinie d’animalcules dans l’autre atome qu’on
appelle la Terre. Qui sait les races d’animaux
qui nous ont précédés ? Qui sait les traces d’animaux qui succéderont aux nôtres ? Tout change, tout passe, il n’y a que le
tout qui reste. Le monde commence et finit sans cesse ; il
est à chaque instant à son commencement et à sa fin ; il n’en a jamais eu
d’autres, et n’en aura jamais d’autres. ‘Dans cet immense océan de matière, pas
une molécule qui ressemble à une molécule, pas une molécule qui se ressemble à
elle-même un instant : Rerum novus nascitur ordo, voilà son
inscription éternelle… »[4]
JEAN-JACQUES
ROUSSEAU
En 1712,
naît à Genève (en Suisse), Jean-Jacques
Rousseau qui s’instruira seul par des lectures.
En 1742, il devient le secrétaire de M. De Montaigu avec qui se
brouillera ; ce ne sera pas le seul d’ailleurs. En 1749, d’Alembert le charge d’écrier les
articles sur la musique dans l’Encyclopédie. Il visite Diderot alors en prison. Quelques années plus tard, il y aura brouille
et réconciliation avec Diderot. L’année
d’après, la rupture est consommée. En
1766, il quitte Paris en compagnie de Hume. En fait, à l’arrivée d’un nouvel ambassadeur,
Hume quitte Paris pour Londres, accompagné de Rousseau (‘chassé de la Suisse’
où il s’était réfugié après la condamnation de l’Émile), dont il fait faire le portrait par le peintre Ramsay. Plusieurs incidents entraîneront la brouille
des deux philosophes. Hume laisse ses
amis publier l’Exposé succinct de la contestation
qui s’est élevée entre M. Hume et M.
Rousseau, ainsi qu’une version anglaise de cet exposé. Nous reviendrons à Hume, terminons avec
Rousseau qui était aussi doué musicalement, et créa notamment une nouvelle
musique pour le Devin du village
de Gluck (auteur allemand). Rousseau meurt le 2 juillet 1778. Cinq ans après la révolution française, ses
cendres seront transférées au Panthéon.
Il a couché les lignes suivantes marquées au sceau d’une grande
perspicacité : « Tant que plusieurs hommes réunis se considèrent comme un seul corps, ils n’ont
qu’une seule volonté qui se rapporte à la commune conservation, et au bien-être général. Alors tous les ressorts de l’État sont
vigoureux et simples, ses maximes sont claires set lumineuses, il n’a point d’intérêts
embrouillés, contradictoires, le bien commun se
montre partout avec évidence, et ne demande que du bon sens pour
être aperçu (Karl Marx et Friedrich Engels auront aussi
cette attitude en jugeant l’intelligibilité et la logique de leurs arguments inexpugnables
pour rallier les hommes de bonne volonté
à la cause du communisme, entre autres
dans le Manifeste du Parti
communiste,-ndlr).
La paix, l’union,
l’égalité, sont ennemies de subtilités politiques. Les hommes droits et simples sont difficiles
à tromper à cause de leur simplicité,
les leurres, les prétextes raffinés ne leur en imposent point ; ils ne
sont pas même assez fins pour être
dupes. Quand on voit chez le plus
heureux peuple du monde des troupes de paysans régler les affaires de l’État
sous un chêne et se conduire toujours sagement, peut-on s’empêcher de mépriser
les raffinements des autres nations, qui se rendent illustres et misérables
avec tant d’art et de mystères ? Un
État ainsi gouverné a besoin de très peu de Lois et à mesure qu’il devient nécessaire d’en
promulguer de nouvelles, cette nécessité
se voit universellement. Le premier qui les
propose ne fait que dire ce que tous ont déjà senti, et il n’est question ni de
brigues ni d’éloquence pour faire passer en loi ce que chacun a déjà résolu de faire, sitôt qu’il sera sûr que les
autres le feront comme lui. »[5]
DAVID HUME
C’est en 1711 que
naît David Hume (Home à l’origine), à Édimbourg (en Écosse). À 50 ans (après une longue et brillante carrière
au Royaume-Uni), il établira une correspondance avec la comtesse de Boufflers,
maîtresse du Prince de Conti dont elle anime, au palais du Temple, le salon,
amie de Rousseau et bien sûr admiratrice de Hume. Deux ans plus tard, il devient le secrétaire
privé de Lord Herford, nommé ambassadeur en France (après le Traité de Paris
mettant fin à la guerre de Sept Ans.
C’est ce traité qui livra la Nouvelle-France (le Canada) à la couronne
britannique. Lorsqu’il arrive à Paris,
Hume est accueilli chaleureusement et il se lie avec les Encyclopédistes: d’Alembert,
Diderot, Helvétius, d’Holbach, Turgot, etc.
On commentera ses
essais dans les salons parisiens et il sera comblé. Son goût pour le travail d’écriture, ses préoccupations
littéraires les plus précises, dont son
souci d’éliminer de son style les tournures typiquement écossaises, dont il
dresse une liste destinée à son propre usage plutôt qu’à la publication, trouvent
leur comte dans la composition d’essais.
Il a d’ailleurs colligé ses propres constatations : « l’esprit
humain est naturellement formé de manière à ressentir un sentiment d’approbation ou de blâme à l’apparition de certains caractères, de
certaines dispositions et actions ; il n’y a pas d’émotions plus
essentielles à sa structure et à sa
constitution. Les caractères qui s’attirent
notre approbation sont surtout ceux qui contribuent à la paix et à la sécurité
de la société humaine ; les caractères qui éveillent le blâme sont surtout
ceux qui tendent à nuire à la société
et à la troubler ; on peut
raisonnablement en présumer que les sentiments moraux naissent, soit
médiatement, soit immédiatement, d’une réflexion sur ces intérêts opposés. Qu’importe que des méditations
philosophiques établissent une opinion ou une conjecture différente, à savoir
que toute chose est bonne à l’égard du tout et que les qualités qui troublent
la société sont, dans l’ensemble, aussi
bienfaisantes et sont aussi conformes à l’intention
primitive de la nature que celles qui
accroissent plus directement son bonheur
et son bien-être? »[6]
LE BARON
D’HOLBACH
Moins connu que
Rousseau et Diderot, ou encore Voltaire ; le Baron d’Holbach a écrit et
réfléchi sur les tares de son époque, et n’a pas manqué de vilipender et même de peindre à grands traits caricaturaux
le comportement des gens de son rang dans l’aréopage ; i.e. la Cour, soit le lieu de prédilection des aigrefins de
l’époque ; et aussi l’observatoire
du roi pour avoir toujours un œil sur ses sujets immédiats, l’aristocratie
française. C’était ainsi au Château de
Versailles, toujours près de Paris où des gens « bien » avaient leur
hôtel particulier et leur salon conséquemment.
« L’homme de
Cour est sans contredit la production la plus curieuse que montre l’espèce
humaine. C’est un animal amphibie dans
lequel tous les contrastes se trouvent communément rassemblés. (…) Il faut
avouer qu’un animal si étranger est difficile à définir ; loin d’être
connu des autres, il peut à peine se connaître lui-même ; cependant il
paraît que, tout bien considéré, on peut le ranger dans la classe des hommes,
avec cette différence néanmoins que les hommes ordinaires n’ont qu’une âme, au lieu que l’homme de Cour paraît
sensiblement en avoir plusieurs. En
effet, un courtisan est tantôt insolent et tantôt bas ; tantôt de
l’avarice la plus sordide et de l’avidité la plus insatiable, tantôt de la plus
extrême prodigalité, tantôt de l’audace la plus décidée, tantôt de la plus
honteuse lâcheté, tantôt de l’arrogance la plus impertinente, et tantôt de la
politesse la pus étudiée ; en un mot c’est un Protée, un Janus, ou plutôt
un Dieu de l’Inde qu’on représente avec sept faces différentes.
Quoi qu’il en
soit, c’est pour ces animaux si rares que les Nations paraissent faites ; la
Providence les destine à leurs menus plaisirs ;
le Souverain lui-même n’est que leur homme d’affaires ; quand il fait son
devoir, il n’a d’autre emploi que de songer
à contenter leurs besoins, à
satisfaire leurs fantaisies ; trop heureux de travailler pour ces hommes
nécessaires dont l’État ne peut se passer.
Ce n’est que pour leur intérêt qu’un Monarque doit lever des impôts,
faire la paix ou la guerre, imaginer mille inventions ingénieuses pour tourmenter
et soutirer ses peuples. En échange de
ces soins, les courtisans reconnaissants payent le Monarque en complaisances,
en assiduités, en flatteries, en
bassesses, et le talent de troquer contre des grâces ces importantes
marchandises est celui qui sans doute est le plus utile à la cour. »[7]
KARL MARX ET
FRIEDRICH ENGELS
Quelques
décennies plus tard, deux jeunes philosophes allemands refont le chemin des
courants de pensée (surtout français) qui ont nourri le XVIIIe siècle et fourni
un argumentaire de taille aux révolutionnaires français qui ont brisé la
féodalité et la monarchie en France, avec comme toile de fond l’impétueux
développement industriel et commercial qui s’annonçait en Europe (d’abord en
Angleterre, mais d’autres métropoles suivirent bientôt). Ce qui change la donne et surtout fournit un
nouveau cadre à la question soulevée par
Aristote et à son tour Diderot sur le matérialisme.
« Autrement
dit, on ne part pas de ce que les hommes
disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu’ils sont dans les paroles,
la pensée, l’imagination et la représentation d’autrui, pour aboutir ensuite
aux hommes en chair et en os ; non, on part des hommes dans leur activité
réelle, c’est à partir de leur processus de vie réel que l’on représente aussi
le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus
vital. Et même les fantasmagories dans
le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus
de leur vie matérielle que l’on peut
constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles. De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique
et tout le reste de l’idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent,
perdent aussitôt toute apparence d’autonomie.
Elles n’ont pas d’histoire, elles n’ont pas de développement ; ce sont
au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs
rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et les
produits de leur pensée. Ce n’est pas la conscience qui détermine la
vie, mais la vie qui détermine la conscience.
Dans la première façon de considérer les choses, on part de la
conscience comme étant l’individu vivant, dans la seconde façon, qui
correspond à la vie réelle, on part des
individus réels et vivants eux-mêmes et l’on considère la conscience uniquement comme leur conscience. »[8]
La production
industrielle et son caractère révolutionnaire a entraîné des changements profonds dans le rapport d’un producteur
vis-à-vis un autre producteur avec qui il entre en relation par la médication
du marché. « En général, des objets
d’utilité ne deviennent des marchandises que parce qu’ils sont les produits de
travaux privés, exécutés indépendamment les uns des autres. (…) Le double caractère social des travaux privés
ne se réfléchit dans le cerveau des producteurs que sous la forme que leur
imprime le commerce pratique, l’échange des produits. Lorsque les producteurs mettent en présence
et en rapport les produits de leur travail
à titre de valeurs, ce n’est
pas qu’ils voient en eux une simple enveloppe sous laquelle est caché
un travail humain identique, tout au contraire : en réputant égaux dans
l’échange leurs produits différents, ils
établissent par le fait que leurs différents travaux sont égaux. »[9]
Mais revenons sur
le terrain de la philosophie : « L’homme cultivé, en effet, se montre
en n’exigeant dans chaque genre de recherche que le degré de précision
compatible avec la nature du sujet.
Faute de quoi on
s’exposerait à attendre d’un
mathématicien des arguments simplement persuasifs et d’un orateur des
démonstrations probantes. Chacun juge
bien de ce qu’il sait; là il se montre bon juge. Ainsi quand on est instruit sur un sujet particulier,
on en parlera avec compétence ; pour traiter d’une question d’ensemble, il
faut avoir une culture générale. Pour
cette raison, le jeune homme est peu apte à étudier la science politique, car
il manque d’expérience su r la pratique de la vie. »[10]
Après Aristote, c’est
à Friedrich Engels que nous laissons le soin de conclure ce court, trop cour
peut-être, exposé sur l’idéalisme et le
matérialisme. « La question du
rapport de la pensée à l’être, de l’esprit à la nature, question suprême de
toute philosophie, a par conséquent, tout comme n’importe quelle religion, ses
racines dans les conceptions bornées et ignorantes de l’état de sauvagerie. Mais elle ne pouvait être posée dans toute sa
rigueur et ne pouvait acquérir tout son sens que lorsque la société européenne
se réveilla du long sommeil hivernal du moyen âge chrétien. (…) Selon qu’ils
répondaient de telle ou telle façon à
cette question, les philosophes se divisaient en deux grands camps. Ceux qui affirmaient le caractère primordial
de l’esprit par rapport à la nature, et qui admettaient par conséquent, en
dernière instance, une création du monde de quelque espèce que ce fût – et
cette création est souvent chez les philosophes, par exemple chez Hegel,
beaucoup plus compliquée et plus impossible encore que dans le christianisme -
, ceux-là formaient le camp de l’idéalisme. Les autres, qui considéraient la
nature comme l’élément primordial, appartenaient aux différentes écoles du matérialisme. »[11]
« … l’idée
que le monde matériel, perceptible par les sens, auquel nous appartenons no
us-mêmes, est la seule réalité, et que notre conscience et notre pensée, si
transcendantes qu’elles nous paraissent, ne sont que les produits d’un organe
matériel, corporel, le cerveau. La
matière n’est pas un produit de l’esprit, mais l’esprit n’est lui-même que le
produit le plus élevé de la matière. »[12]
« … on ne
saurait éviter que tout ce qui met les hommes en mouvement passe nécessairement
par leur cerveau, - même le manger et le boire, qui commencent par une
sensation de faim et de soif, éprouvée par l’intermédiaire du cerveau, et se
terminent par une impression de satiété, ressentie également par
l’intermédiaire du cerveau. Les
répercussions du monde extérieur sur
l’homme s’expriment dans son cerveau, s’y reflètent sous forme de sentiments,
de pensées, d’instincts, de volontés, bref, sous forme de ’tendances idéales’,
et deviennent sous cette forme des
‘puissances idéales’ exercer de l’influence
sur lui, - si cela suffit pour faire de lui un idéaliste, tout homme quelque peu
normalement constitué est un idéaliste-né et, dans ce cas, comment peut-il
somme toute y avoir encore des matérialistes ? (…) Les matérialistes
français, tout autant que les déistes Voltaire et Rousseau, avaient cette conviction à un point tel qu’elle frisait le fanatisme,
et plus d ‘une fois ils se sacrifièrent pour elle. Si jamais quelqu’un consacra toute sa vie à ‘l’amour de la vérité et du droit’ – la phrase
étant prise dans son bon sens – ce fut, par exemple Diderot. »[13]
Archives :
La Vie Réelle www.laviereelle.blogspot.com
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[1] Montesquieu, De l’esprit des lois,
Éditions sociales, Les classiques du peuple, Paris, 1977, page 70
[2] Ibidem, De l’esprit des lois,
page 72
[3] Ibidem, De l’esprit des lois,
page 117
[4] Diderot, Entretien entre d’Alembert et Diderot; Le rêve de d’Alembert;
Suite de l’entretien, Garnier Flammarion, Paris, 1965, page 82
[5] Rousseau, Jean-Jacques, Du Contrat
social, Librairie Larousse, Paris, 1973, pages 90-91
[6] Hume, David, Enquête sur
l’entendement humain, GF Flammarion, Paris, 2006, page 171
[7] Baron d’Holbach, Essai sur l’art
de ramper, à l’usage des courtisans et autres conseils des classiques pour
survivre en politique, Librio, Paris, 2014, page 7
[8] Marx-Engels, l’Idéologie allemande,
Éditions sociales, Paris, 1968, pages 36-37
[9] Marx, Karl, Le Capital, Livre I,
Gallimard, Paris, 1968, pages 154, 155-156
[10] Aristote, Éthique de Nicomaque,
Éditions Garnier Frères, Paris, 1961, page 7
[11] Engels, Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie
classique allemande, Éditions sociales, Paris, 1966, pages 26-27
[12] Ibidem, Ludwig Feuerbach, page 32
[13] Ibidem, Ludwig Feuerbach, pages 39-40
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