mercredi 16 novembre 2016


Le dernier baiser?

Quand l’impérialisme yankee croit avoir détruit le mouvement communiste international…

Daniel Paquet                                                                                 dpaquet1871@gmail.com

Communist News                                                                         www.dpaquet1871.blogspot.com

Pourtant en mai 1945, n’était-ce pas la victoire sur l’Allemagne nazie?  Et on repartit de plus belle ; cette fois dans  une guerre froide qui ne s’est même pas terminée, même au lendemain de la destruction de la frontière d’État à  Berlin (que l’on nomma effrontément le Mur de Berlin, - à l’Ouest).  Ce n’était plus la guerre d’État contre État, mais bien la lutte des classes mise à nue entre l’impérialisme  US  contre les forces du socialisme (personnifiée d’une part par les États-Unis et ses Alliés en Europe, avec l’OTAN ; et de l’autre par l’Union soviétique, les jeunes démocraties  populaires d’Europe  à l’Est, ainsi que le mouvement de libération nationale et le prolétariat des pays de l’Occident plus généralement.

Malgré tout,  il y avait tout de même de l’euphorie dans l’air.  Le présent, l’avenir, tout semblait indiquer une émancipation rapide du genre humain.  Trente ans après la capitulation du régime hitlérien, la gauche prenait électoralement le pouvoir au Chili ;  un souffle nouveau  pour les peuples de l’Amérique latine que les États-Unis avaient affirmé comme devant être leur ‘cour’ arrière.  Flairant le danger de cette magnifique réussite de la majorité du peuple chilien, Fidel Castro (lider maximo de la république cubaine) recommande au président  de l’État andin d’armer le peuple.  Salvador Allende décline le conseil.  Néanmoins, la CIA et les officines du pouvoir  national, dont l’État-major  (sous la gouverne d’Augusto Pinochet) se prépare.  Eh oui, un complot était ourdi contre la toute  jeune république socialiste.  Et rien n’avait été laissé au hasard : étude du mouvement ouvrier (pouvoir d’achat en déclin, spéculation, grogne chez les consommateurs, etc.), harcèlement et diffamation par les mass média  chiliens, blâmes sévères de la bourgeoisie, etc.  Bref, rien n’avait été laissé au hasard (les hypothèses, toutes les équations, en somme, mises à l’épreuve par de savants calculs de puissants ordinateurs, y compris la contre-performance des travailleurs  du transport chilien (plongés dans une grève fratricide).  L’extrême droite avait même prévu, puisque la gestion étatique de l’économie n’était pas le fort des militaires, de confier le retour au capitalisme et  son renforcement aux ‘ Chicago  Boys’ prêts à remettre l’économie du Chili sur ‘ses rails’, entendre ici sur la voie du développement capitaliste dans le giron impérialiste américain.  Le Coup d’État eut lieu le 11 septembre 1973. 

La lutte des classes  à l’échelle planétaire s’est déplacée en Asie ; en  1975, le mouvement patriotique vietnamien l’emporte sur la  mouvance réactionnaire des États-Unis et de leurs suppôts locaux.   Quelle déchéance pour l’impérialisme US ; il venait de démontrer qu’on pouvait le vaincre et refouler ses prétentions hégémoniques.  L’enjeu capital à venir eut lieu en Europe, le premier signal avait certes été donné en Tchécoslovaquie en 1968 ; malgré tout ce  que proclameront les mass média internationaux, les troupes du Traité de Varsovie (principalement de l’URSS), se masseront à  la frontière avec l’Occident, face  à l’OTAN, et non pas principalement  à Prague, la capitale.  Un  coopérant soviétique se rappelle avoir dit à un groupe d’agriculteurs tchécoslovaques  que  le mouvement  d’inimitié antisoviétique leur offrait  dès à présent la chance de se ‘débarrasser’ des Russes.  Ils refusèrent tout net.

La Pologne prit le relais dans les années 1980.  Evidemment, certains dirigeants polonais optèrent pour l’indifférence : ‘mais tout va bien chez nous !’, dirent-ils ; même à leurs camarades d’autres partis communistes.  Ce n’était pas le cas.  Il va de soi que la bataille engagée n’avait pas pour terrain de lutte l’opposition de l’Église catholique au régime socialiste.  Jamais, les communistes où qu’ils soient ont fait de la lutte contre le pouvoir religieux l’enjeu de leurs batailles.  Mais il y avait des dysfonctionnements économiques et les travailleurs de Pologne étaient laissés sur leur appétit par un gouvernement qui leur avait toutefois beaucoup promis.  Pendant ce temps, la machine à complots et - à sédition-  nord-américaine, la CIA, était à l’œuvre.  En l’espace de quelques années, jusqu’à l’arrivée des réactionnaires au pouvoir en Union soviétique, tout tomba…

Quel chaos !  Le dernier baiser, comme le chante Serge Lama ?  L’URSS chavira et entraîna dans sa suite les partis communistes du monde entier, les mouvements sociaux (pour la paix, l’émancipation des femmes et des jeunes, etc.)  Oui, tout !  Ce fut le désarroi, le repli sur soi individualiste, le rejet des valeurs socialistes.  On jeta le bébé avec l’eau du bain.  La petite-bourgeoisie  qui peuplait les forces de gauche prit le dessus ;  imposa sa désinvolture, son cynisme et son goût des modes sordides et passagères ; dont  le ‘cocooning’.  Il y eut des camarades  qui perdirent foi en tout ce qu’ils avaient cru jusqu’alors ; il y eut des progressistes qui sombrèrent dans la drogue, l’alcool et la déchéance la plus abjecte ;  il y eut des même des communistes qui perdirent la raison et leur équilibre mental.  Oh mes vieux, ce fut une débandade catastrophique. 

Mais ici et là, puisque les faits sont têtus, des démocrates osèrent dire non à la déliquescence fétide.  L’impérialisme pouvait assommer  les consciences humaines, mais il ne pouvait satisfaire les besoins obstinés des populations.  Au Chili, une jeune communiste, dans les années 2000, se fit la porte-parole d’un grand mouvement de protestation de la jeunesse contre les élites en place ;                    Hugo Chavez instaura un gouvernement progressiste au Venezuela.  Même si fondamentalement, les structures centenaires des dirigeants ne changèrent pas dans les pays arabes, la jeunesse de Tunisie et d’Égypte protestèrent et eurent en partie raison sur les classes dominantes dans leur pays.  En Amérique du Nord, la jeunesse contesta (abord à New York) les autorités des ‘marchés financiers’ : banques, fiducies, etc. ;  un mouvement qui engendra une forte solidarité sur le continent.  Au Québec, les associations étudiantes entraînèrent jusqu’à une bonne partie de la population dans le ‘printemps érable’ qui réunit même  à Montréal plus de 200 000 manifestants… dans la rue ; en France en 2009, le premier mai fut souligné par plus de 1, 6 million de travailleurs.  Et ils se faisaient la bise…  Sacré camarades !

C’était une guerre d’escarmouches.  C’est encore u ne guerre d’escarmouches.  Les grands milieux patronaux ne pouvaient endiguer toutes ces tentatives de changement, aussi, ils adoptèrent               des tactiques nouvelles.  Ainsi de grands milliardaires haranguèrent les foules à New York  pour leur donner raison ; les mass média offrirent leurs micros aux leaders de jeunesse et tentèrent d’amadouer les jeunes dans leur ensemble.  Ils leur donnèrent du ‘temps de glace’ (comme le disent les aficionados du hockey).  Le hic : la division et la confusion dans l’espace communiste, conséquence de la ‘chute du Mur de Berlin’.  Toutefois des voix d’unité se firent entendre ;  la situation commandait le rassemblement et l’imputabilité collective face à l’Histoire.

« Naturellement il ne faut pas revenir à des formes autoritaires d’organisation du Mouvement communiste international avec un ‘parti-guide’ s’imposant au reste du mouvement.  La démocratie communiste et l’égalité doivent inspirer cette renaissance. Néanmoins, nous avons vu que la coordination mondiale de la contre-révolution avait joué un grand rôle dans la victoire obtenue sur le système socialiste.  Nous avons également constaté que le mouvement communiste international, désarticulé par les sécessions successives de la Yougoslavie, de la Chine et de l’eurocommunisme, avait  affronté en ordre dispersé l’assaut mondial livré parles forces antisoviétiques ’ internes’ et ‘externes’ coalisées.   Mais les fonctions d’un mouvement   communiste international rénové et ressourcé ne se limiteront pas à l’entraide face à la réaction.  Par essence, chaque lutte nationale est immédiatement et intrinsèquement une lutte internationale puisque l’avenir commence partout, en ce sens du moins que chaque rupture local un peu forte peut déstabiliser l’ensemble de la domination. »[1]

Si, les communistes semblent évanouis quelque part ‘dans la nature’, la droite, elle, refroidie par les tentatives populaires, n’entend pas laisser au hasard l’avenir, son avenir.

« Lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, M. Obama a affirmé que les relations extérieures et les politiques dépassaient les individus occupant le prestigieux poste de président, ajoutant que les responsables militaires, les diplomates et les agences de renseignement coopéreraient avec leurs homologues étrangers comme auparavant.   Au sujet de sa rencontre avec  M. Trump,  M. Obama a dit que le président désigné avait exprimé  un ‘grand intérêt dans le maintien des principales relations stratégiques’, incluant des partenariats solides au sein de l’OTAN. (…) Il a tenu à dire qu’il s’affairerait à renforcer l’économie américaine dans ses deux derniers mois au pouvoir, afin que  ‘la voiture soit en assez bon état’ lorsqu’il remettra les clés à M. Trump et son équipe. »[2]

« Le nombre des prolétaires et leur misère s’accroissent de plus en plus.  Cela, affirmé d’une façon aussi absolue (!), n’est   pas exact.  Il est possible que l’organisation des travailleurs, leur résistance toujours croissante opposent une certaine digue à l’accroissement de la misère.  Mais ce qui grandit certainement, c’est l’incertitude de l’existence. »[3]

« La société bourgeoise moderne, issue de la ruine de la société féodale, n’a pas aboli les oppositions de classes.  Elle n’a fait que substituer aux anciennes des classes nouvelles, des conditions d’oppression nouvelles, de nouvelles formes de lutte.  Notre époque, l’époque de la bourgeoisie, a cependant pour signe distinctif qu’elle a simplifié les oppositions de classes.  La société entière se scinde de  plus en plus en deux grands camps hostiles, en deux grandes classes  qui se font directement face : la bourgeoisie et le prolétariat. »[4]

L’impérialisme est toujours aux commandes de l’économie mondiale, mais il a des défis de taille.  « En particulier, ces dix dernières années, le secteur manufacturier chinois a fabriqué un éventail de plus en plus grand de produits en Chine même, il s’est donc  moins spécialisé dans l’assemblage et le traitement d’intrants importés et a réduit l’importance des chaînes d’approvisionnement mondiales.  (…) La faiblesse de l’économie mondiale a constitué également un des principaux facteurs du recul de la croissance du commerce international.  Parmi eux, l’un des plus importants est l’atonie des investissements, qui s’explique par une combinaison de facteurs structurels et cycliques.  Le ralentissement de la croissance des investissements à l’échelle  mondiale – composante de la demande fortement dépendante des échanges – s’observe depuis 2012, et  particulièrement aux derniers trimestres.  L’accroissement des investissements privés reste modéré dans bien des économies avancées, surtout aux États-Unis. (…)  L’étroite relation  unissant l’anémie des échanges et la faiblesse des investissements est sans doute un facteur important dans le ralentissement de la productivité et de la croissance de la production potentielle, qui persiste depuis la crise financière mondiale. »[5]

Nous sommes déjà entrés à l’heure des technologies nouvelles et à l’ère des chamboulements engendrés par les plus récentes découvertes et inventions dans la sphère des communications.  Sans renier le bon vieux téléphone, l’utile télécopieur ou encore la télévision et la radio, on peut dire qu’Internet s’impose,  avec les réseaux mondiaux et sociaux.

Fort à propos,  on doit aborder  la crise interne du mouvement communiste international.  Devons-nous attendre que la crise s’approfondisse et que les masses  se tournent  vers les partis communistes nationaux ?  Ou plutôt, pourquoi ne pas développer cette splendide idée parisienne à l’effet qu’en gardant tous  nos  acquis, et surtout l’héritage idéologique du marxisme-léninisme, on ne sublime pas nos efforts politiques et  idéologiques vers un fonctionnement  de notre XXième siècle, c’est-à-dire que tout en conservant les traditions des grands congrès réguliers ;  i.e. les rencontres  à l’instar des sommets soviétiques ou à la chinoise, on ne fasse pas de chaque jour un congrès extraordinaire par le truchement de  nos ordinateurs, portables  et autres ‘bidules’ électroniques à l’échelle planétaire.  Les grandes lignes de nos programmes  seraient arrêtées lors de  réunions internationales et nationales et relayées dans notre quotidien pour engager le combat vers plus de démocratie et le socialisme. Si les Britanniques ont pu dire que le soleil ne se couchait jamais sur leur Empire, le mouvement communiste international pourra enfin affirmer que  si le soleil se lève à l’Est, il ne se couche, lui, jamais ! 

En somme, à la vitesse lumière, on saura ce qu’il en est à Moscou, à Paris, à Pékin, à New  York, etc. et bien sûr à Montréal.  Nous avons la possibilité de parler plusieurs langues, faisons-en un bon  usage. «  Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

« (La) subordination des individus à des classes déterminées ne peut être abolie tant qu’il ne s’est pas formé  une classe qui n’a pas plus à faire prévaloir  un intérêt de classe particulier contre la classe dominante.  Les individus sont toujours partis d’eux-mêmes, naturellement pas de l’individu ‘pur’ au sens des idéologues, mais d ‘eux-mêmes dans le cadre de leurs conditions et de leurs rapports dans le cadre de leurs conditions et de leurs rapports historiques donnés.  Mais il apparaît au cours du développement historique, et précisément par l’indépendance  qu’acquièrent les rapports sociaux, fruit inévitable de la division du travail, qu’il y a une différence entre la vie de chaque individu, dans la mesure où elle est personnelle, et sa vie dans la mesure où elle est subordonnée  à une branche quelconque du travail et aux conditions inhérentes à cette branche. (…)  La différence entre l’individu personnel opposé à l’individu en sa qualité de membre d’une classe, la contingence des conditions d‘existence pour l’individu n’apparaissent qu’avec  la classe qui est elle-même un produit de la bourgeoisie.  C’est seulement la concurrence et la lutte des individus entre eux qui engendrent et développent cette contingence en tant que telle.  Par conséquent, dans la représentation, les individus sont plus libres sous la domination de la  bourgeoisie qu’avant, parce que leurs conditions d’existence leur sont contingentes ; en réalité ils sont naturellement moins libres parce qu’ils sont beaucoup plus subordonnés à une puissance objective.  La différence avec l’ordre apparaît surtout dans l’opposition entre bourgeoisie et prolétariat. (…)  La contradiction entre la personnalité du prolétaire en particulier, et les conditions de vie qui lui sont imposées, c’est-à-dire le travail, lui apparaît à lui-même, d’autant plus qu’il a déjà été sacrifié dès sa prime jeunesse et qu’il n’aura jamais la chance d’arriver dans le cadre de sa classe aux conditions qui le feraient passer dans une autre classe. (…)  Ils se trouvent, de ce fait, en opposition directe avec la forme que les individus de la société ont jusqu’à présent choisie pour expression d’ensemble, c’est-à-dire en opposition avec l’État et il leur faut renverser cet État pour réaliser leur personnalité. »[6]

Comme on l’a vu plus récemment, la jeunesse grecque et la jeunesse espagnole se sont mobilisées, notamment en Grèce avec  le KKE (Parti communiste de Grèce) pour faire valoir leurs droits.  Il en sera sûrement ainsi de part et  d’autre de notre globe.

 

 

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[1] Gastaud, Georges, Mondialisation capitaliste et projet communiste, Le Temps des Cerises, Pantin, 1997, pages 265-266
[2] Associated Press, Barack Obama refuse de critiquer Donald Trump, Métro, Montréal, mardi 15 novembre 2016, page 10
[3] Engels, Friedrich, Critique du programme d’Erfurt, Éditions sociales, Paris, 1966, pages 95-96
[4] Marx-Engels, Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, page 228
[5] Banque du Canada, L’économie mondiale, Rapport sur la politique monétaire, Ottawa, octobre 2016, page 2
[6] Marx-Engels, L’idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, pages 132, 133 et 135

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