mercredi 2 novembre 2016


Bertolt Brecht, un grand humain

Sur les chemins du promeneur solitaire

Daniel Paquet                                                                                                 dpaquet1871@gmail.com

À l’été de 1976 (j’avais alors 19 ans), et pendant les vacances des ouvriers de la construction, dont j’étais, je pris le bâton du pèlerin pour l’Europe.  Je venais de joindre les rangs du Parti communiste du Québec; et j’avais rencontré tout à fait par hasard deux journalistes de la chaîne de télévision est-allemande à Montréal.  Ils faisaient du repérage en prévision des Jeux Olympiques de  Montréal et du congrès du Parti communiste du  Canada,  à Toronto.

Alors j’arrive en pleine nuit au poste de passage entre  Berlin-Ouest et Berlin (Haupstadt*).  Mon nouvel ami Hans (l’un des deux journalistes rencontrés à Montréal) vient me chercher à la frontière d’État et  nous voilà dans la patrie de Karl Marx. 

Je tenais à visiter ce pays, la République démocratique allemande RDA);  était-ce aussi désolant et affreux qu’on nous la peignait à l’Ouest?  J’ai découvert que ce n’était pas « si pire ».   Je fus bien accueilli par l’organisation de jeunesse, la Jeunesse Libre allemande (FDJ). 

J’y suis retourné en 1981 (cinq ans plus tard) pour le Parlement de la FDJ (et sur les instances du secrétaire général du Parti communiste du Canada, William Kashtan), inquiet avec tout ce que l’on pouvait entendre sur la Pologne voisine.  Tout semblait pourtant normal et serein en RDA.  J’ai eu plaisir à revisiter le pays, d’autant plus que je parlais assez bien l’allemand pour pouvoir engager la conversation avec les jeunes allemands.  Plusieurs années plus tard, j’ai approfondi mes connaissances sur l’Allemagne : politique, histoire, langue, etc.  C’est pourquoi  j’ai étudié à l’université McGill et l’Université du Québec à Montréal pour y suivre des cours de langue allemande.  Je me souviens d’ailleurs d’avoir vu une pièce de théâtre en allemand montée au Centaur à Montréal, Mère Courage, de l’auteur Bertolt Brecht, un véritable plaidoyer contre la guerre  et les misères  qu’elle engendre.

J’ai eu l’occasion par la suite de lire régulièrement Kontakt, une revue de jeunes publiée  à Berlin (Haupstadt).  Aussi ce n’est  pas sans un grand désarroi que j’appris l’absorption de la RDA par la l’Allemagne occidentale (RFA); eh oui, la puissante Allemagne de l’Ouest a englouti – non sans cynisme et revanchisme) sa petite voisine à l’Est, avec l’aval de Gorbatchev et consorts.  Ça, c’était une véritable traîtrise (et de l’opportunisme!)  des dirigeants de l’URSS qui lâchaient leur partenaire socialiste pour plaire aux USA et à l’OTAN.

Tout ce que la classe ouvrière de la RDA avait gagné s’en fut aux oubliettes de l’histoire : un toit pour tous, un emploi pour chacun, de quoi manger décemment tous les  jours; une scolarisation poussée; bref un filet de sécurité inégalé même en RFA, malgré sa puissance économique.  D’ailleurs, la RFA est redevenue le pouvoir avec qui il faut compter  en Europe, notamment au sein de l’Union européenne (UE).  Elle a réalisé le rêve caressé par les banques, les industries, etc., en somme les grands capitalistes allemands de contrôler les marchés européens.  Et… le fascisme n’a pas été éradiqué dans cette partie de l’Europe qui fut le foyer de la deuxième guerre mondiale;   c’est toujours la menace que brandit la bourgeoisie allemande.  La droite est dure et âpre pour ses voisins, on l’a vu lors des négociations pour rescaper l’économie de la Grèce dans sa tourmente financière. 

Le plus désolant, c’est que l’Allemagne fut un grand pays de culture, de progrès et d’une civilisation inédite; on connaît Ludwig Von Beethoven et tutti quanti, .  Les nazis l’ont ramené au stade des peuples barbares.  Dans les années 1930, -avant la prise du pouvoir par le parti national-socialiste -, un électeur allemand sur trois votait pour le Parti communiste.  Les grands groupes industriels et financiers ont devant le danger intérieur qu’ils redoutaient plus que tout : la venue des communistes au pouvoir;  et extérieur : le développement constant de l’Union des  républiques socialistes  soviétiques (URSS), dirigée par Joseph Staline; alors donc, ces capitalistes géants ont soutenu le parti national –socialiste des ouvriers d’Allemagne, le parti fasciste, d’Adolf Hitler. 

Pour mieux illustrer le propos, La Nouvelle Vie Réelle  présente à ses lecteurs un discours d’Adolf Hitler, c’est en allemand mais avec sous-titres en français.  Il martèle ses thèses récurrentes issues de son « ouvrage », Mein Kampf.[1]

On peut lire aussi un livre de son émule Himmler.[2]

Comme on pourra le voir dans le document, Hitler aboie; cela n’a, d’un point de vue esthétique et linguistique, rien  à voir avec la très belle et douce langue allemande.  Évidemment, il fallait démontrer le paradoxe en donnant  le micro à un acteur de premier plan, soit au véritable et dernier dirigeant de la République démocratique allemande, Erich Honecker. (nota bene : Egon Krenz, ancien leader  de la FDJ a occupé très brièvement ce poste à la toute fin de la RDA).  Pour ce qui est de la langue du Troisième Reich (LTI) et la langue de la République allemande,  le contraste saute aux yeux.  Une « image » vaut mille mots.  Conséquemment, au niveau du contenu des discours, lisons donc  le legs de Marx.[3]

Mieux connu, le Manifeste du Parti communiste est évidemment accessible  partout ou peu s’en faut.[4]

Il va de soi qu’il n’y a pas de documents sonores par Marx et Engels sur leurs travaux.  Après tout le Manifeste date de 1848.  Mais, les communistes ont beaucoup écrit;  car ils ont beaucoup lutté, y compris sur les barricades, y compris à l’époque des révolutions bourgeoises du demi-siècle dans les années 1850.

Comme l’a dit Marx, notre façon d’appréhender le monde et la réalité était aussi impérieuse.[5]

« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières; mais ce qui importe, c’est de le transformer. »

*Haupstadt : capitale; Berlin a été libérée par l’Armée rouge en 1945.



[1] Hitler, Adolf, Mein Kampf, First Mariner Books Edition, New York, 1999, translated by Ralph Manheim, 694 pages
[2]Présenté par Bernard Michal, Himmler et les SS, Éditions de Crémille, Genève, 1972, avec la collaboration de Francis Mercury et Pierre Nouaille, 243 pages
[3] Marx, Karl, Le Capital, Livre I, Gallimard, Paris, Édition établie et annotée par Maximilien Rubel, 1053 pages
[4] Marx, Karl; Engels, Friedrich, Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, Présentation par Roger-Pol Droit, 2008, 572 pages
[5] Engels, Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Éditions sociales, Paris, traduction revue par Gilbert Badia, Thèses sur Feuerbach, composées à Bruxelles au printemps de 1845, 91  pages

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