Devenir
de l’Homme-prolétaire
Quand la
classe ouvrière se met à l’avant-garde du mouvement politique
Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
Les mass-médias
s’emparent allègrement des gesticulations, surtout gauchistes, qui troublent
l’univers quotidien. Il en était déjà
ainsi à l’époque révolutionnaire du début du XXème siècle.
« La phrase
révolutionnaire, c’est la répétition de mots d’ordre révolutionnaires sans
égard aux circonstances objectives, au changement marqué par les derniers
événements en date, à la situation du moment.
Des mots d’ordre excellents, qui entraînent et enivrent, mais sont
dépourvus de base solide, telle est l’essence de la phrase révolutionnaire. »[1]
Est-ce que les
mass-médias sont neutres et objectifs?
Pas du tout. À titre d’exemple,
citons cet article paru dans le quotidien Métro qui « couvrait » le
5ème anniversaire de l’irruption sur la scène politique du mouvement
étudiant (depuis le printemps érable en
2012). En réalité, c’est un appel du
pied à la jeunesse pour qu’elle se mobilise de nouveau contre le gouvernement
du Parti libéral du Québec et prépare l’arrière-scène de la prochaine course
électorale; le mouvement étudiant serait le fer de lance (la chair à canon?) contre
le pouvoir en place. Bien sûr le journal
n’est pas aussi direct, mais le fond est là.
Allez le lire plutôt![2]
Les communistes
s’opposent à ce type de journalisme manipulateur. Que disent-ils? « Nous devons transformer –
et nous transformerons – la presse qui cultive l’information sensationnelle, de
simple appareil d’information politique en une arme de lutte contre le mensonge
bourgeois, en un moyen de rééducation économique de la masse, en un moyen
d’apprendre aux masses comment il faut organiser le travail d’une façon
nouvelle. »[3]
Tous savent que la
presse sous le communisme sera d’inspiration marxiste-léniniste. Il en était ainsi sous Joseph Staline; elle faisait état de la place occupée par le
parti communiste dans l’arène politique.
« Il faut que le
Parti soit, avant tout, le détachement d’avant-garde de la classe
ouvrière. Il faut que le parti absorbe
tous les meilleurs éléments de la classe ouvrière, leur expérience, leur esprit
révolutionnaire, leur dévouement infini à la cause du prolétariat. (…) Cela
ne veut point dire, assurément, que les organisations sans-parti, les
syndicats, les coopératives, etc. doivent être formellement subordonnées à la
direction du Parti. Il faut simplement
que les membres du Parti, adhérant à ces organisations où ils jouissent d’une
influence incontestable, emploient tous les moyens de persuasion pour que les
organisations sans-parti se rapprochent, dans leur travail, du Parti du
prolétariat et en acceptent de plein gré la direction politique. »[4]
Aux États-Unis, le
courant impérialiste que représente le nouveau président Donald Trump porte à
sa façon une critique acerbe – mais contrastée - contre les mass-médias
bourgeois états-uniens : c’est une
guerre de tendances. Voici
comment sont émaillées ses critiques : « Le niveau de malhonnêteté
(des médias) est hors de contrôle », « La presse est devenue si
malhonnête que si nous n’en parlons pas, cela dessert énormément le peuple
américain », « Il y a tellement de colère et de haine (sur CNN), (que)
je ne la regarde plus. »[5]
Les mass-médias
n’œuvrent pas dans un vase clos; ils sont aussi sous l’autorité de l’État, même
s’ils affirment en être indépendants.
« L’État s’offre à nous
comme la première puissance idéologique s’exerçant sur l’homme. La société se crée un organisme en vue de la
défense de ses intérêts communs contre les attaques intérieures et
extérieures. Cet organisme est le
pouvoir d’État. À peine né, il se rend indépendant de la société, et cela
d’autant plus qu’il devient davantage l’organisme d’une certaine classe, qu’il
fait prévaloir directement la domination de cette classe. »[6]
Nous sommes en plein
dans le domaine de la lutte des classes sociales. Toutefois, on peut aborder l’Homme d’un point
de vue philosophique. «…L’homme n’est
pas seulement un être naturel, il est aussi un être naturel humain,
c’est-à-dire un être existant pour soi, donc un être générique, qui doit
s’affirmer et se manifester en tant que tel dans son existence et dans son
savoir. Il s’ensuit que les objets
naturels tels qu’ils se donnent immédiatement ne sont pas des objets
humains. De même les sens humains tels
qui sont immédiatement, objectivement, ne constituent pas un monde sensible
humain, une objectivité humaine. Ni la nature au sens objectif ni la nature au sens subjectif n’existent
immédiatement d’une manière adéquate à l’être humain. Et de même que tout ce
qui est naturel doit naître, de même l’homme est le produit d’un processus
d’enfantement qui est l’histoire. Mais
étant donné que l’histoire est consciente, étant donné que ce processus naturel
d’enfantement est effectué consciemment, il se supprime lui-même en tant que
processus naturel. La véritable histoire
naturelle de l’homme est l’histoire. »[7]
Ce n’était pas une
digression; après tout les fondateurs du communisme moderne étaient philosophes de formation : Karl Marx et
Friedrich Engels. Vladimir Lénine
l’était tout autant, même s’il est né un peu plus tard; il fut d’abord avocat.
« …On ne part pas
de ce que les hommes disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus de ce
qu’ils sont dans les paroles, la pensée, l’imagination et la représentation
d’autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os; non, on part des
hommes dans leur activité réelle, c’est à partir de leur processus de vie réel
que l’on représente aussi le développement des reflets et des échos
idéologiques de ce processus vital. Et
même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant
nécessairement du processus de leur vie matérielle que l’on peut constater empiriquement
et qui repose sur des bases matérielles.
De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de
l’idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent
aussitôt conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d‘autonomie. Elles n’ont pas d’histoire, elles n’ont pas
de développement; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production
naturelle et leurs rapports naturels transforment, avec cette réalité qui leur
est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n’est pas la conscience qui détermine la
vie, mais la vie qui détermine la conscience.
Dans la première façon de considérer les choses, on part de la
conscience comme considérer les choses, on part de la conscience comme étant
l’individu vivant, dans la second façon, qui correspond à la vie réelle, on
part des individus réels et vivants eux-mêmes et l’on considère la conscience
uniquement comme leur conscience. »[8]
Lénine a repris le
thème dans son Matérialisme et empiriocriticisme au début du XXème siècle où
il a pourfendu les tenants de l’idéalisme philosophique, qui n’a d’ailleurs
rien à voir avec un élan d’espoir pour une société meilleure, mais plutôt se
fonde sur une explication étriquée et sans assise, mais sur une approche non-scientifique
de l’origine du monde ainsi que de sa finalité. Karl Marx a eu le mérite de bien documenter
les bases de la société capitaliste.
Voici ce qu’il a écrit notamment :
« La circulation
des marchandises est le point de départ
du capital. Il n’apparaît que là où la production
marchande et le commerce ont déjà atteint un certain degré de
développement. L’histoire moderne du
capital date de la création du commerce et du marché des deux mondes au XVIe
siècle. Si nous faisons abstraction de
l’échange des valeurs d’usage, c’est-à-dire du côté matériel de la circulation
des marchandises, pour ne considérer que les formes économiques qu’elle
engendre, nous trouvons pour dernier résultat l’argent. Ce produit final de la circulation est la
première forme d’apparition du capital.
Lorsqu’on étudie le capital historiquement, dans ses origines, on le
voit partout se poser en face de la propriété foncière sous forme d’argent, soit
comme fortune monétaire, soit comme capital commercial et comme capital usuraire. »[9]
À l’époque où Marx
écrivit Le Capital, l’Angleterre était le principal pays capitaliste
européen. L’économie bouillonnait et les
formes traditionnelles de la manufacture cédaient la place à l’industrie
moderne, dont celle de la fabrication des machines-outils.
« La grande
industrie fut donc obligée de saisir son moyen caractéristique de production,
la machine elle-même, pour produire d’autres machines. Elle se créa ainsi une base technique
adéquate et put alors marcher sans lisières. À mesure que, dans le premier
tiers du XIXe siècle, elle s’accrut, le machinisme s’empara peu à peu de la fabrication des machines-outils,
et dans le second tiers seulement l’immense construction des voies ferrées et la navigation à vapeur
océanique firent naître les machines cyclopéennes consacrées à la
construction des premiers moteurs. »[10]
Le progrès économique
est source de contentement pour le travailleur; mais quelle est la place exacte
de celui-ci dans le processus de la création de la richesse?
« La force de
travail se réalise par sa manifestation extérieure. Elle s’affirme et se constate par le travail,
lequel de son côté nécessite une certaine dépense des muscles, de nerfs, du
cerveau de l’homme, dépense qui doit être compensée. Plus l’usure est grande, plus grands sont les
frais de réparation. Si le propriétaire de la force de travail a
travaillé aujourd’hui, il doit pouvoir recommencer demain dans les mêmes
conditions de vigueur et de santé. Il faut donc que la somme des moyens de
subsistance suffise pour l’entretenir dans son état de vie normal. Les besoins naturels, tels que nourriture,
vêtements, chauffage, habitation, etc., diffèrent suivant le climat et le
nombre même des besoins dits naturels, aussi bien que le mode de les
satisfaire, est un produit historique, et dépend ainsi, en grande partie, du
degré de civilisation atteint. »[11]
En passant, on ne peut
avoir un grand mérite à lire Le Capital puisque c’est un ouvrage
de référence – surtout économique - rédigé dans un style clair et simple qui
embrasse la palette des découvertes jusqu’au XIXe siècle. Marx voulait être lu et il a pris les
moyens. Pendant la crise financière de
2008, même les économistes bourgeois en France, à titre d’exemple, se sont mis
à l’étude de cet ouvrage toujours d’une très grande actualité. On peut dire que Le développement du capitalisme
en Russie de Vladimir Lénine est une continuation, fort à propos, du Capital,
pour ce qui touche la Russie des tsars.
À ce titre, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme vient continuer
les deux ouvrages précités.
Que voilà beaucoup de
« théories ». Et si on
redescendait sur le plancher des vaches?
« … tout mouvement qui oppose la classe ouvrière en tant que classe à la classe au pouvoir et cherche
à la vaincre par une pressure from out
(pression de l’extérieur) est un political movement (mouvement politique). (…) C’est ainsi que partout un mouvement politique naît de tous ces mouvements
économiques isolés des ouvriers, c’est-à-dire un mouvement de la classe pour
faire triompher ses intérêts sous une forme générale, sous une forme qui a une
force générale socialement efficace. Si
ces mouvements supposent une certaine organisation préalable, ils sont, pour
leur part et dans la même mesure, des moyens de développer cette
organisation. Là où la classe ouvrière
n’est pas suffisamment organisée pour mener une campagne décisive contre le
pouvoir collectif, c’est-à-dire contre le pouvoir politique des classes
dominantes, il faut, en tout cas, l’y
entraîner par l’agitation continuelle contre l’attitude adoptée en
politique par les classes dominantes, attitude adoptée en politique par les
classes dominantes, attitude qui nous est hostile. Dans le cas contraire, elle reste un jouet
entre leurs mains… »[12]
La lutte contre
l’impérialisme, eh bien, ce n’est pas l’affaire de quelques hurluberlus; ce qui
pourrait expliquer que le mouvement communiste est si peu
« implanté » en Amérique du Nord.
Les enjeux sont colossaux pour les richissimes familles que comptent New
York, Toronto ou Montréal; on parle de
capital ici. C’est de France que nous
vient le portrait le plus incisif de notre époque, de nos luttes.
« Il faut, pour
recommencer à penser, dépasser le faux choix entre « conservatisme »
et « novation » et prendre position en fonction, non pas du
« look » de tel ou tel parti, mais des conséquences réelles de telle
ou telle position politique, de telle ou telle décision, sur les travailleurs
et la société. Nous inviterons donc à
imiter Victor Hugo en remettant le « bonnet
rouge au vieux dictionnaire », bien décidés à nommer un chat un chat,
à ne pas prendre la contre-révolution
pour la révolution, et à confondre en revanche vrais conservateurs et faux rénovateurs. À ce stade nous restons dans la seule
compagnie des lecteurs qui, ne craignant pas de parler et de penser à
contre-courant des modes réactionnaires, acceptent de faire leur la devise de
Georges Politzer, le philosophe-résistant qui
descendit bien avant nous dans « la cave de l’aveugle » pour
combattre l’obscurantisme et les mythes du XXe siècle : car ‘ le
courage intellectuel, l’esprit critique ne consistent pas à céder à la
réaction, mais à ne pas lui céder’. »[13]
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[1] Lénine, V., Œuvres, tome 27, février-juillet 1918, Éditions sociales-Paris,
Éditions du Progrès-Moscou, 1980, page 11
[2] Nouveaux combats étudiants, Métro, Montréal, week-end 17-19 février 2017, page 4
[3] Ibidem, Lénine, tome
27, page 212
[4] Staline, J., Les questions du léninisme, Éditions en langues étrangères,
Pékin, 1977, pages 101-109
[5] Agence QMI avec l’Agence France-Presse, Trump s’attaque aux médias et
défend son bilan, 24H, Montréal, week-end 17-19 février 2017, page 16
[6] Engels, Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique
allemande, Éditions sociales, Paris, 1966, page76
[7] Marx, Karl, Manuscrits de 1844, Flammarion, Paris, 2008, page 147
[8] Marx-Engels, L’Idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, pages
36-37
[9] Marx, Karl, Le Capital, Livre 1, Deuxième section, La transformation de l’argent en
capital, Chapitre IV, La formule générale du Capital, Gallimard, Paris,
1968, page 239
[10] Ibidem, Chapitre V, Machinisme et grande industrie, page 477
[11] Ibidem, Chapitre VI, Achat et vente de la force de travail, pages
267-268
[12] Marx-Engels, Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt, Éditions
sociales, Paris, 1966, pages 118-119
[13] Gastaud, Georges, Mondialisation capitaliste et projet
communiste, Le Temps des Cerises, Pantin, 1997, page 31
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