« Ils ont fini par m’avoir »
21Déc
Pour ceux qui ont lu notre livre à Marianne et moi: URSS, vingt ans après, retour de l’Ukraine en guerre, il existe un personnage qui nous, m’a surtout, littéralement fasciné tant c’est une invraisemblable crapule qui représente le crime et le vice des oligarques post soviétiques dans la malheureuse Ukraine. Il s’agit d’Igor Kolomoisky que j’ai toujours rêvé d’aller interviewer tant il pousse loin la noirceur de ce que peuvent être ces pillards, juif, il s’est entouré d’une garde prétorienne néo-nazie, pravy sector et le bataillon Azov et tel un héros de Brecht, il a à la fois fondé une banque tout en la braquant. Voici donc la suite de ses aventures, elles nous permettent de comprendre la nature du pillage qui s’exerce encore aujourd’hui sur la malheureuse Ukraine et qui dit assez les réticences de l’UE, même sous pression des Américains et de l’UE, à assumer un système qui organise sa propre mise en faillite pour sortir toujours plus de profit. Cette description nous permet de comprendre en quoi l’hégémonie du capital et du modèle américain a été l’occasion non seulement de coup d’Etat violant le droit, mais d’un racket généralisé contre les plus pauvres. Il faut lire cet article et le suivant sur les liens entre corruption et le rôle de l’extrême-droite néonazie. L’Ukraine est à ce titre un cas d’école de la politique menée depuis plus de vingt ans par l’empire américain et les occidentaux, faire et défaire des pouvoirs élus pour y installer le pillage, la corruption et le fascisme. (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)
19 décembre 2016
Photo: Konstantin Sazontchik / TASS
Texte: Nikita Golobokov, Olga Samofalova, Mikhaïl Mochkine
http://www.vzglyad.ru/world/2016/12/19/850131.html
« Du pur brigandage » –c’est ainsi que l’oligarque Igor Kolomoisky a qualifié la décision du gouvernement ukrainien de nationaliser la plus grand banque privée du pays « Privatbank ». Porochenko dans une allocution télévisée spéciale a expliqué que la Banque de Kolomoisky était au bord de l’effondrement et menaçait de destruction le système bancaire ukrainien. Toutefois, selon les experts, en décidant de nationaliser « Privat », le gouvernement ukrainien a rendu inévitable une nouvelle mise en faillite du pays.
« Eh bien, ils ont fini par nous avoir. Ce n’est pas une nationalisation, mais du pur brigandage « – a écrit lundi sur sa page Facebook l’oligarque ukrainien, ancien gouverneur de la région de Dnipropetrovsk Igor Kolomoisky, commentant la nationalisation de »Privatbank « . « Les clients sont priés de ne pas paniquer, il n’y aura pas de problème avec l’argent, – a assuré l’oligarque. – seuls vont souffrir les propriétaires. Et le climat d’investissement dans le pays. D’ailleurs, il (le climat d’investissement) est déjà au point mort « .
Dimanche soir, le Cabinet des ministres ukrainien après une réunion de la sécurité nationale et du Conseil de défense de l’Ukraine a pris la décision de faire passer »Privatbank » aux mains de l’état. Comme l’a noté Tass, la banque est l’une des plus grandes institutions financières ukrainiennes. Selon la Banque nationale d’Ukraine, au milieu de l’année, « Privatbank » a été classée au premier rang en termes d’actifs sur 101 banques opérant dans le pays. Le capital de la banque s’élève à 268,9 milliards de hryvnia, ou 633 milliards de roubles au taux actuel.
Le Président de l’Ukraine Petr Porochenko a déclaré dans un discours télévisé que la nationalisation de « Privatbank » –est « la seule façon de sauver de l’effondrement et de la destruction le système bancaire du pays tout entier. »
Ennemi de longue date de Kolomoisky, l’ex-gouverneur de la région d’Odessa, Mikhail Saakashvili a déclaré que l’oligarque avait quitté l’Ukraine et s’était envolé pour Londres.
« Les pires manipulations de l’administration Porochenko »
Kolomoisky ne s’est pas contenté de commenter (et condamner) la politique des autorités de Kiev dans le secteur bancaire, il a parlé d’attaques dans le secteur de l’information.
Dans une note laissée lundi sur Facebook, l’oligarque s’est demandé pourquoi le Conseil national des affaires de radiodiffusion n’annulait pas la licence de la chaîne de télévision « Inter », détenue par les oligarques Dmitry Firtash, et Sergei Lyovochkin.
« Et la politique d’information et les feux bleus russes avec Kobzon, et même la publication du courrier du producteur (Mary) Stoliarova, à 100% un agent des services secrets russes, n’ont pas fait bouger d’un doigt nos fonctionnaires. Je comprends maintenant pourquoi on l’a gardé. « Inter » exécute les ordres les plus odieux de l’administration présidentielle de Porochenko, – dit Kolomoisky. – Cette dernière attaque médiatique en prime time sur ce canal a été la dernière goutte pour nous. Et ne vous en sortirez pas comme ça, crapules que vous êtes Liovochkin et Firtash. Vous avez ma parole! »
« Nous aurions pu nous battre encore »
Jusqu’à récemment, 41,66% des actions de «Privat» appartenaient à Kolomoisky. 33,25% étaient à Gennady Bogolyubov, partenaire de Kolomoisky depuis le mouvement coopératif soviétique, et maintenant co-propriétaire du groupe «Privat» et propriétaire du troisième plus grand capital en Ukraine.
Maintenant, par la décision des autorités de Kiev, le nouveau chef de « Privatbank » sera Alexandre Shlapak, qui a servi comme ministre des Finances dans le cabinet d’Arseni Iatseniouk. Contrairement à Kolomoisky et Bogolyubov, originaires de « Dnepropetrovsk », Shlapak est un natif de Lvov.
« Nous aurions pu nous battre, nous adresser aux tribunaux européens, et nous aurions gagné – a écrit Kolomoisky sur sa page Facebook lundi. – Mais alors, ce sont les investisseurs qui auraient été touchés. L’argent aime le silence. Surtout dans notre pays, où des millions de personnes ont perdu leur argent tant à l’époque soviétique que dans l’Ukraine indépendante, lorsque les banques sont tombées l’un après l’autre avec la crise ».
Le chef de la Banque Nationale d’Ukraine Gontareva a qualifié la décision sur « Privatbank » de contrainte: le déficit de capitaux est passé à 148 milliards de hryvnia (347 milliards de roubles), la dette non acquittée à la Banque Nationale a augmenté à hauteur de 14 milliards de hryvnia (32 milliards de roubles), et la dette totale à 19 milliards de hryvnia (44, 5 milliards de roubles).
L’oligarque est extrêmement sceptique également quant à la décision du ministère des Finances de l’Ukraine d’opérer une recapitalisation de « Privatbank ». Lundi, le Conseil des ministres de Vladimir Groisman a décidé d’allouer à cette fin 43 milliards de hryvnia (100,8 milliards de roubles.) dans un premier temps, et en tout de 116,8 à 148 milliards de hryvnia (274-347 milliards de roubles.). « Le retrait massif des dépôts a conduit à une réaction en chaîne. Aucune augmentation de capital dans de telles conditions ne mènera à rien. D’autant plus si on tient compte de la complicité et de la participation tacite dans l’attaque l’informationnelle de la Banque nationale « , – a déclaré à cette occasion Kolomoisky.
«Le gouvernement a rendu inévitable un nouveau défaut du pays »
La « Nationalisation de » Privatbank » est une décision correcte, pas parce qu’elle améliorerait sérieusement le système financier, mais parce qu’il n’y avait déjà plus d’alternative, » – dit dans un commentaire au journal VZGLIAD Sergei Arbouzov, qui en 2014 a dirigé par intérim le Conseil des ministres de l’Ukraine. En 2012-2014, Arbouzov était vice-premier ministre de l’Ukraine, et avant cela en 2010-2012 il a dirigé la Banque Nationale.
« Le problème de « Privat »s’est aggravé à un point tel qu’il était impossible de ne pas le remarquer, – dit la source. – En outre, la nationalisation de «privat» était l’une des exigences du Fonds monétaire international, que, dans la situation actuelle où les prêts du FMI sont de facto suspendus, il aurait été impossible de ne pas remplir »
Mais maintenant, quand les fonctionnaires vont essayer de se parer de la toge de sauveurs de la nation, il ne faut pas oublier que c’est l’actuel gouvernement qui est à l’origine de ces problèmes, d’abord en détruisant l’économie, puis en laissant Igor Kolomoisky « aspirer » le marché pendant deux ans, par la collecte de dépôts à des taux d’intérêt exorbitants, dit Arbouzov.
Mais le principal problème est encore à venir, a dit notre interlocuteur. « Après avoir pris la décision de nationaliser « privat « , le nouveau gouvernement conduit au défaut inévitable du pays, – dit l’ancien chef de la Banque nationale d’Ukraine. – Après les émissions d’obligations à 150 milliards de hryvnia, la dette d’Etat dépassera 100% du PIB. Chose qui rend la restitution dans un proche avenir absolument irréaliste, même en tenant compte de la restructuration « . En outre, rappelle Arbouzov, un tel volume d’émission ne peut pas ne pas affecter l’inflation et la hryvnia. » Ainsi, en résolvant un problème, les autorités en créent d’autres. En outre, ils ont mis en route des processus qu’ils sont peu susceptibles d’être en mesure de contrôler « – résume le fonctionnaire.
Porochenko veut devenir Nazarbayev
L’économiste ukrainien Alexander Okhrimenko estime que la situation avec « Privatbank » a quelque chose de commun avec le combat contre les oligarques en Russie.
« Kolomoisky, comme Berezovsky, s’est également envolé pour Londres. L’analogie est frappante. Porochenko prend le contrôle du marché financier, et en nationalisant « Privatbank », il renforce sa position. Il est peu probable qu’il réussisse à devenir un second Poutine, mais il essaie clairement de devenir un second Loukachenko ou Nazarbayev » .
Okhrimenko a rappelé que ces derniers temps les affaires de « Privatbank » n’allaient pas pour le mieux. Par conséquent, dit l’économiste, la nationalisation était la meilleure option. Quant à l’impact sur le climat de l’investissement, selon Okhrimenko, il n’y a aucun risque vu qu’il n’existe pas. «À ce jour, les investissements dans l’économie ukrainienne sont limités à de petites productions, qui se comptent non en millions, mais en centaines de milliers d’euros. Dans cette situation, il ne peut y avoir aucune « conséquence » grave « – a-t-il dit.
Non sans compromis
Le Directeur du Centre de Kiev pour les études politiques et la conflictologie Mikhaïl Pogrebinski estime que le plus probable est qu’il y a eu entre Porochenko et Kolomoisky un compromis.
« Théoriquement Kolomoisky pourrait faire tomber » Privatbank « , ce qui déstabiliserait la situation plus gravement encore que n’importe quel Maidan. Il en a encore le contrôle technique. Selon des rumeurs, Kolomoisky en prévision d’une attaque sur sa banque a sorti du pays le logiciel qui permet le contrôle de l’organisation « , – a déclaré l’analyste ukrainien à notre journal.
Pogrebinski n’exclut pas la médiation de l’administration américaine sortante, qui, selon lui, est favorable au passage de « Privatbank » sous le contrôle de l’Etat.
En outre, l’analyste a noté que ces dernières années, la relation entre Kolomoisky et Porochenko s’est fortement détériorée. « Le vote récent qui levé l’immunité parlementaire du député du bloc d’opposition Vadim Novinsky a montré qu’aucun des députés liés à Kolomoisky (une quarantaine de personnes au Parlement), n’a soutenu cette initiative de Porochenko. Alors qu’autrefois Kolomoisky coordonnait ses votes. Ceci est l’un des signes du conflit de plus en plus ouvert « , – a-t-il expliqué.
En outre, de l’avis de Pogrebinski, la nationalisation de « Privatbank » aura en fait un impact négatif sur le climat d’investissement ukrainien déjà très mauvais. « Toujours quand il y a un processus de nationalisation, cela affecte le climat d’investissement. La nationalisation de la plus grande banque privée amènera fatalement les investisseurs à penser à quel point il est dangereux d’investir dans un pays où l’Etat peut retirer un bien majeur « , – estime l’expert.
« L’Etat sauve les oligarques qui ont pillé le peuple »
La « Privatbank » de Kolomoisky est parmi celles qui, avec les banques appartenant à l’Etat ont le plus bénéficié de l’activité de la Banque nationale d’Ukraine, qui depuis trois ans se livre au nettoyage du secteur bancaire. Et tombent souvent sous la liquidation des banques qui ne sont pas nécessairement des fraudeurs ou des contrevenants à la réglementation bancaire, des banques qui font honnêtement leur travail, mais qui ont le malheur de déplaire à la banque nationale NBU.
Ces dernières années, il y a eu la monopolisation du secteur bancaire ukrainien par les banques appartenant à l’Etat, et aussi « Privatbank ». Selon le rapport de NBU sur le travail des banques ukrainiennes au premier trimestre de 2016 et au premier trimestre de 2013, en quatre ans le principal bénéficiaire a été la très « patriotique », « Privatbank ».
Selon la structure des actifs, les banques détenues par l’État ont même perdu des positions, mais « Privatbank » a augmenté sa part de marché sur cet indicateur de 15% à 21%. La banque de Kolomoisky détient également une position de leader sur le marché des prêts ukrainien – sa part a augmenté au cours de ces années de 17% à 26%, a calculé le Centre analytique ukrainien. La Banque a amélioré sa position aussi pour les prêts aux personnes morales et physiques, et pour le volume des biens financiers de la clientèle.
Le Directeur de [la banque] VTB Andreï Kostine estime que l’Etat, en fait, a tout simplement sauvé un oligarque qui a pillé le peuple. En effet, le déficit de 148 milliards hryvnia sur le fonds propre de la banque, auquel fait référence la BNU, quand on sait que « Privatbank » ces dernières années était plus prospère que beaucoup d’autres banques, semble plutôt étrange.
« Ce qui est arrivé est absolument scandaleux, et montre que l’Etat sauve les oligarques qui ont pillé leur propre peuple… Parce que le « trou » dePrivatbank est d’environ 150 milliards de $, et apparemment, ce n’est pas tout… Cet argent a été retiré à travers des structures associées susceptibles d’être liées à des comptes offshore… maintenant, l’état plutôt que de le punir, plutôt que de demander un remboursement, a tout simplement signé un arrangement à l’amiable »- dit Kostine.
Trois ans de totale anarchie
L’économiste Eric Nyman ajoute que les problèmes avec le capital de « Privatbank » étaient déjà évidents il y a un an, lorsque le «trou» était de 35 milliards de hryvnia « seulement ». Cependant, l’état pour une raison quelconque ne considérait pas alors la banque insolvable, permettant à ses propriétaires de retirer de la banque encore plus d’argent. Par conséquent, ce sont maintenant les contribuables ukrainiens, le peuple ukrainien qui devront payer pour tout.
« Effectivement, ce qu’a fait » Privatbank « au cours des dernières années a, bien évidemment, conduit à l’effondrement actuel, et de ce point de vue, j’ai dit qu’il était nécessaire de la confisquer. Mais dans la forme où cela a été fait, un règlement à l’amiable, en réalité, une aide… à un moment où le pays est étouffé par la dette, vivant sur l’argent du FMI et incapable de payer à la Russie sa dette de 3 milliards $ (USD). Je pense que c’est une iniquité flagrante », – a déclaré le directeur de la VTB.
Sur le marché bancaire ukrainien règne actuellement, depuis les trois dernières années, une totale anarchie. Sous le mot d’ordre de « nettoyage du système bancaire, » il y a une redistribution des actifs liquides des banques et de la trésorerie de l’Etat sous couvert du refinancement, et surtout – en violation flagrante des droits des clients des banques, dit Alexander Okhrimenko. Le stratagème du régime est, d’abord, que la BNU reconnaît le problème de la banque, émet un refinancement de milliards de hryvnia, mais peu de temps après le contrôleur reconnaît la banque insolvable. Le refinancement n’a pas fonctionné. Selon Okhrimenko, l’idée ici n’est pas le sauvetage de la banque, mais le fait que l’argent dans le cadre du refinancement a disparu dans un certain cercle étroit de personnes de la direction.
Un autre schéma juteux de « purification » du système bancaire est la vente à prix réduit des garanties hypothécaires de la banque, au bénéfice des propriétaires.
Le scandale est non seulement la politique de la NBU dans le nettoyage du système bancaire soit disant pour le sauver, mais aussi le Fonds de garantie des dépôts qui est devenu lui-même un outil pour l’extorsion d’argent et de biens, dit l’économiste ukrainien. Il en résulte une énorme différence entre le produit de la vente des actifs des banques liquidées et les montants des paiements aux déposants. Cela étant, la dette du Fonds devant l’Etat et les citoyens ne cesse de croître.
En conséquence, la population a cessé totalement de déposer son argent dans les banques, et les prêts à l’Ukraine ont été gelés. Car personne ne sait quelle banque est dans la ligne de mire pour être éliminée par la NBU. Au cours de la période allant de 2014 au 1 novembre 2016, les Ukrainiens ont retiré des banques près de 18 milliards $ (soit environ 70 milliards de hrivnas). La confiance des Ukrainiens dans le système bancaire est détruite à cause de cette fermeture chaotique des banques en Ukraine.
Traduit du russe par Marianne Dunlop
19 décembre 2016
Photo: Konstantin Sazontchik / TASS
Texte: Nikita Golobokov, Olga Samofalova, Mikhaïl Mochkine
http://www.vzglyad.ru/world/2016/12/19/850131.html
« Du pur brigandage » –c’est ainsi que l’oligarque Igor Kolomoisky a qualifié la décision du gouvernement ukrainien de nationaliser la plus grand banque privée du pays « Privatbank ». Porochenko dans une allocution télévisée spéciale a expliqué que la Banque de Kolomoisky était au bord de l’effondrement et menaçait de destruction le système bancaire ukrainien. Toutefois, selon les experts, en décidant de nationaliser « Privat », le gouvernement ukrainien a rendu inévitable une nouvelle mise en faillite du pays.
« Eh bien, ils ont fini par nous avoir. Ce n’est pas une nationalisation, mais du pur brigandage « – a écrit lundi sur sa page Facebook l’oligarque ukrainien, ancien gouverneur de la région de Dnipropetrovsk Igor Kolomoisky, commentant la nationalisation de »Privatbank « . « Les clients sont priés de ne pas paniquer, il n’y aura pas de problème avec l’argent, – a assuré l’oligarque. – seuls vont souffrir les propriétaires. Et le climat d’investissement dans le pays. D’ailleurs, il (le climat d’investissement) est déjà au point mort « .
Dimanche soir, le Cabinet des ministres ukrainien après une réunion de la sécurité nationale et du Conseil de défense de l’Ukraine a pris la décision de faire passer »Privatbank » aux mains de l’état. Comme l’a noté Tass, la banque est l’une des plus grandes institutions financières ukrainiennes. Selon la Banque nationale d’Ukraine, au milieu de l’année, « Privatbank » a été classée au premier rang en termes d’actifs sur 101 banques opérant dans le pays. Le capital de la banque s’élève à 268,9 milliards de hryvnia, ou 633 milliards de roubles au taux actuel.
Le Président de l’Ukraine Petr Porochenko a déclaré dans un discours télévisé que la nationalisation de « Privatbank » –est « la seule façon de sauver de l’effondrement et de la destruction le système bancaire du pays tout entier. »
Ennemi de longue date de Kolomoisky, l’ex-gouverneur de la région d’Odessa, Mikhail Saakashvili a déclaré que l’oligarque avait quitté l’Ukraine et s’était envolé pour Londres.
« Les pires manipulations de l’administration Porochenko »
Kolomoisky ne s’est pas contenté de commenter (et condamner) la politique des autorités de Kiev dans le secteur bancaire, il a parlé d’attaques dans le secteur de l’information.
Dans une note laissée lundi sur Facebook, l’oligarque s’est demandé pourquoi le Conseil national des affaires de radiodiffusion n’annulait pas la licence de la chaîne de télévision « Inter », détenue par les oligarques Dmitry Firtash, et Sergei Lyovochkin.
« Et la politique d’information et les feux bleus russes avec Kobzon, et même la publication du courrier du producteur (Mary) Stoliarova, à 100% un agent des services secrets russes, n’ont pas fait bouger d’un doigt nos fonctionnaires. Je comprends maintenant pourquoi on l’a gardé. « Inter » exécute les ordres les plus odieux de l’administration présidentielle de Porochenko, – dit Kolomoisky. – Cette dernière attaque médiatique en prime time sur ce canal a été la dernière goutte pour nous. Et ne vous en sortirez pas comme ça, crapules que vous êtes Liovochkin et Firtash. Vous avez ma parole! »
« Nous aurions pu nous battre encore »
Jusqu’à récemment, 41,66% des actions de «Privat» appartenaient à Kolomoisky. 33,25% étaient à Gennady Bogolyubov, partenaire de Kolomoisky depuis le mouvement coopératif soviétique, et maintenant co-propriétaire du groupe «Privat» et propriétaire du troisième plus grand capital en Ukraine.
Maintenant, par la décision des autorités de Kiev, le nouveau chef de « Privatbank » sera Alexandre Shlapak, qui a servi comme ministre des Finances dans le cabinet d’Arseni Iatseniouk. Contrairement à Kolomoisky et Bogolyubov, originaires de « Dnepropetrovsk », Shlapak est un natif de Lvov.
« Nous aurions pu nous battre, nous adresser aux tribunaux européens, et nous aurions gagné – a écrit Kolomoisky sur sa page Facebook lundi. – Mais alors, ce sont les investisseurs qui auraient été touchés. L’argent aime le silence. Surtout dans notre pays, où des millions de personnes ont perdu leur argent tant à l’époque soviétique que dans l’Ukraine indépendante, lorsque les banques sont tombées l’un après l’autre avec la crise ».
Le chef de la Banque Nationale d’Ukraine Gontareva a qualifié la décision sur « Privatbank » de contrainte: le déficit de capitaux est passé à 148 milliards de hryvnia (347 milliards de roubles), la dette non acquittée à la Banque Nationale a augmenté à hauteur de 14 milliards de hryvnia (32 milliards de roubles), et la dette totale à 19 milliards de hryvnia (44, 5 milliards de roubles).
L’oligarque est extrêmement sceptique également quant à la décision du ministère des Finances de l’Ukraine d’opérer une recapitalisation de « Privatbank ». Lundi, le Conseil des ministres de Vladimir Groisman a décidé d’allouer à cette fin 43 milliards de hryvnia (100,8 milliards de roubles.) dans un premier temps, et en tout de 116,8 à 148 milliards de hryvnia (274-347 milliards de roubles.). « Le retrait massif des dépôts a conduit à une réaction en chaîne. Aucune augmentation de capital dans de telles conditions ne mènera à rien. D’autant plus si on tient compte de la complicité et de la participation tacite dans l’attaque l’informationnelle de la Banque nationale « , – a déclaré à cette occasion Kolomoisky.
«Le gouvernement a rendu inévitable un nouveau défaut du pays »
La « Nationalisation de » Privatbank » est une décision correcte, pas parce qu’elle améliorerait sérieusement le système financier, mais parce qu’il n’y avait déjà plus d’alternative, » – dit dans un commentaire au journal VZGLIAD Sergei Arbouzov, qui en 2014 a dirigé par intérim le Conseil des ministres de l’Ukraine. En 2012-2014, Arbouzov était vice-premier ministre de l’Ukraine, et avant cela en 2010-2012 il a dirigé la Banque Nationale.
« Le problème de « Privat »s’est aggravé à un point tel qu’il était impossible de ne pas le remarquer, – dit la source. – En outre, la nationalisation de «privat» était l’une des exigences du Fonds monétaire international, que, dans la situation actuelle où les prêts du FMI sont de facto suspendus, il aurait été impossible de ne pas remplir »
Mais maintenant, quand les fonctionnaires vont essayer de se parer de la toge de sauveurs de la nation, il ne faut pas oublier que c’est l’actuel gouvernement qui est à l’origine de ces problèmes, d’abord en détruisant l’économie, puis en laissant Igor Kolomoisky « aspirer » le marché pendant deux ans, par la collecte de dépôts à des taux d’intérêt exorbitants, dit Arbouzov.
Mais le principal problème est encore à venir, a dit notre interlocuteur. « Après avoir pris la décision de nationaliser « privat « , le nouveau gouvernement conduit au défaut inévitable du pays, – dit l’ancien chef de la Banque nationale d’Ukraine. – Après les émissions d’obligations à 150 milliards de hryvnia, la dette d’Etat dépassera 100% du PIB. Chose qui rend la restitution dans un proche avenir absolument irréaliste, même en tenant compte de la restructuration « . En outre, rappelle Arbouzov, un tel volume d’émission ne peut pas ne pas affecter l’inflation et la hryvnia. » Ainsi, en résolvant un problème, les autorités en créent d’autres. En outre, ils ont mis en route des processus qu’ils sont peu susceptibles d’être en mesure de contrôler « – résume le fonctionnaire.
Porochenko veut devenir Nazarbayev
L’économiste ukrainien Alexander Okhrimenko estime que la situation avec « Privatbank » a quelque chose de commun avec le combat contre les oligarques en Russie.
« Kolomoisky, comme Berezovsky, s’est également envolé pour Londres. L’analogie est frappante. Porochenko prend le contrôle du marché financier, et en nationalisant « Privatbank », il renforce sa position. Il est peu probable qu’il réussisse à devenir un second Poutine, mais il essaie clairement de devenir un second Loukachenko ou Nazarbayev » .
Okhrimenko a rappelé que ces derniers temps les affaires de « Privatbank » n’allaient pas pour le mieux. Par conséquent, dit l’économiste, la nationalisation était la meilleure option. Quant à l’impact sur le climat de l’investissement, selon Okhrimenko, il n’y a aucun risque vu qu’il n’existe pas. «À ce jour, les investissements dans l’économie ukrainienne sont limités à de petites productions, qui se comptent non en millions, mais en centaines de milliers d’euros. Dans cette situation, il ne peut y avoir aucune « conséquence » grave « – a-t-il dit.
Non sans compromis
Le Directeur du Centre de Kiev pour les études politiques et la conflictologie Mikhaïl Pogrebinski estime que le plus probable est qu’il y a eu entre Porochenko et Kolomoisky un compromis.
« Théoriquement Kolomoisky pourrait faire tomber » Privatbank « , ce qui déstabiliserait la situation plus gravement encore que n’importe quel Maidan. Il en a encore le contrôle technique. Selon des rumeurs, Kolomoisky en prévision d’une attaque sur sa banque a sorti du pays le logiciel qui permet le contrôle de l’organisation « , – a déclaré l’analyste ukrainien à notre journal.
Pogrebinski n’exclut pas la médiation de l’administration américaine sortante, qui, selon lui, est favorable au passage de « Privatbank » sous le contrôle de l’Etat.
En outre, l’analyste a noté que ces dernières années, la relation entre Kolomoisky et Porochenko s’est fortement détériorée. « Le vote récent qui levé l’immunité parlementaire du député du bloc d’opposition Vadim Novinsky a montré qu’aucun des députés liés à Kolomoisky (une quarantaine de personnes au Parlement), n’a soutenu cette initiative de Porochenko. Alors qu’autrefois Kolomoisky coordonnait ses votes. Ceci est l’un des signes du conflit de plus en plus ouvert « , – a-t-il expliqué.
En outre, de l’avis de Pogrebinski, la nationalisation de « Privatbank » aura en fait un impact négatif sur le climat d’investissement ukrainien déjà très mauvais. « Toujours quand il y a un processus de nationalisation, cela affecte le climat d’investissement. La nationalisation de la plus grande banque privée amènera fatalement les investisseurs à penser à quel point il est dangereux d’investir dans un pays où l’Etat peut retirer un bien majeur « , – estime l’expert.
« L’Etat sauve les oligarques qui ont pillé le peuple »
La « Privatbank » de Kolomoisky est parmi celles qui, avec les banques appartenant à l’Etat ont le plus bénéficié de l’activité de la Banque nationale d’Ukraine, qui depuis trois ans se livre au nettoyage du secteur bancaire. Et tombent souvent sous la liquidation des banques qui ne sont pas nécessairement des fraudeurs ou des contrevenants à la réglementation bancaire, des banques qui font honnêtement leur travail, mais qui ont le malheur de déplaire à la banque nationale NBU.
Ces dernières années, il y a eu la monopolisation du secteur bancaire ukrainien par les banques appartenant à l’Etat, et aussi « Privatbank ». Selon le rapport de NBU sur le travail des banques ukrainiennes au premier trimestre de 2016 et au premier trimestre de 2013, en quatre ans le principal bénéficiaire a été la très « patriotique », « Privatbank ».
Selon la structure des actifs, les banques détenues par l’État ont même perdu des positions, mais « Privatbank » a augmenté sa part de marché sur cet indicateur de 15% à 21%. La banque de Kolomoisky détient également une position de leader sur le marché des prêts ukrainien – sa part a augmenté au cours de ces années de 17% à 26%, a calculé le Centre analytique ukrainien. La Banque a amélioré sa position aussi pour les prêts aux personnes morales et physiques, et pour le volume des biens financiers de la clientèle.
Le Directeur de [la banque] VTB Andreï Kostine estime que l’Etat, en fait, a tout simplement sauvé un oligarque qui a pillé le peuple. En effet, le déficit de 148 milliards hryvnia sur le fonds propre de la banque, auquel fait référence la BNU, quand on sait que « Privatbank » ces dernières années était plus prospère que beaucoup d’autres banques, semble plutôt étrange.
« Ce qui est arrivé est absolument scandaleux, et montre que l’Etat sauve les oligarques qui ont pillé leur propre peuple… Parce que le « trou » dePrivatbank est d’environ 150 milliards de $, et apparemment, ce n’est pas tout… Cet argent a été retiré à travers des structures associées susceptibles d’être liées à des comptes offshore… maintenant, l’état plutôt que de le punir, plutôt que de demander un remboursement, a tout simplement signé un arrangement à l’amiable »- dit Kostine.
Trois ans de totale anarchie
L’économiste Eric Nyman ajoute que les problèmes avec le capital de « Privatbank » étaient déjà évidents il y a un an, lorsque le «trou» était de 35 milliards de hryvnia « seulement ». Cependant, l’état pour une raison quelconque ne considérait pas alors la banque insolvable, permettant à ses propriétaires de retirer de la banque encore plus d’argent. Par conséquent, ce sont maintenant les contribuables ukrainiens, le peuple ukrainien qui devront payer pour tout.
« Effectivement, ce qu’a fait » Privatbank « au cours des dernières années a, bien évidemment, conduit à l’effondrement actuel, et de ce point de vue, j’ai dit qu’il était nécessaire de la confisquer. Mais dans la forme où cela a été fait, un règlement à l’amiable, en réalité, une aide… à un moment où le pays est étouffé par la dette, vivant sur l’argent du FMI et incapable de payer à la Russie sa dette de 3 milliards $ (USD). Je pense que c’est une iniquité flagrante », – a déclaré le directeur de la VTB.
Sur le marché bancaire ukrainien règne actuellement, depuis les trois dernières années, une totale anarchie. Sous le mot d’ordre de « nettoyage du système bancaire, » il y a une redistribution des actifs liquides des banques et de la trésorerie de l’Etat sous couvert du refinancement, et surtout – en violation flagrante des droits des clients des banques, dit Alexander Okhrimenko. Le stratagème du régime est, d’abord, que la BNU reconnaît le problème de la banque, émet un refinancement de milliards de hryvnia, mais peu de temps après le contrôleur reconnaît la banque insolvable. Le refinancement n’a pas fonctionné. Selon Okhrimenko, l’idée ici n’est pas le sauvetage de la banque, mais le fait que l’argent dans le cadre du refinancement a disparu dans un certain cercle étroit de personnes de la direction.
Un autre schéma juteux de « purification » du système bancaire est la vente à prix réduit des garanties hypothécaires de la banque, au bénéfice des propriétaires.
Le scandale est non seulement la politique de la NBU dans le nettoyage du système bancaire soit disant pour le sauver, mais aussi le Fonds de garantie des dépôts qui est devenu lui-même un outil pour l’extorsion d’argent et de biens, dit l’économiste ukrainien. Il en résulte une énorme différence entre le produit de la vente des actifs des banques liquidées et les montants des paiements aux déposants. Cela étant, la dette du Fonds devant l’Etat et les citoyens ne cesse de croître.
En conséquence, la population a cessé totalement de déposer son argent dans les banques, et les prêts à l’Ukraine ont été gelés. Car personne ne sait quelle banque est dans la ligne de mire pour être éliminée par la NBU. Au cours de la période allant de 2014 au 1 novembre 2016, les Ukrainiens ont retiré des banques près de 18 milliards $ (soit environ 70 milliards de hrivnas). La confiance des Ukrainiens dans le système bancaire est détruite à cause de cette fermeture chaotique des banques en Ukraine.
Traduit du russe par Marianne Dunlop
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