mercredi 21 décembre 2016

Après l’assassinat de l’ambassadeur russe à Ankara, en Turquie, lundi soir, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan se sont empressés de lever les doutes sur l’avenir de leurs relations. Hier, Moscou a, lors d’un sommet tripartite avec la Turquie et l’Iran, mis en avant sa solution à la crise syrienne.
À Ankara, lundi soir, un policier de 22 ans a tué de plusieurs balles l’ambassadeur russe en Turquie, Andreï Karlov. Cet assassinat a été immortalisé par les caméras car il a eu lieu durant l’inauguration d’une exposition de photographies russo-turque dans la capitale. L’auteur, originaire d’Aydin, ville de l’ouest de la Turquie, a affirmé vouloir venger la ville syrienne d’Alep. Le but est clair : viser un des acteurs majeurs dans le conflit syrien. Andreï Karlov a joué un rôle clé dans l’apaisement des relations entre son pays et la Turquie après l’épisode de l’avion abattu en novembre 2015, à la frontière turco-syrienne. « Il a également fortement participé au rapprochement des deux puissances sur le dossier syrien malgré des divergences et permis l’ouverture de négociations pour trouver une issue sur Alep », confirme un diplomate russe.
L’importance d’Andreï Karlov dans le dossier syrien a poussé les deux chefs d’État Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan à lever immédiatement les doutes quant à l’avenir des relations entre la Russie et la Turquie et sur le sort de la résolution onusienne du 19 décembre (évacuations et supervision des opérations par les Nations unies). Le président russe a qualifié l’assassinat de « provocation » destinée à nuire aux liens entre les deux pays et aux efforts pour résoudre le conflit. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a également déclaré hier avoir convenu avec son homologue russe, Vladimir Poutine, de poursuivre leur coopération.

Les trois protagonistes ont annoncé un projet de cessez-le-feu

La rencontre tripartite entre les chefs de la diplomatie russe, turque et iranienne qui s’est tenue à Moscou, hier, démontre une volonté de trouver une solution politique. « L’après-Alep est une question essentielle. C’est d’ailleurs le thème central des discussions qui ont lieu aujourd’hui (mardi) à Moscou entre l’Iran, la Turquie et la Russie. Les lignes sont en train de bouger. Les dirigeants russes et iraniens débattent de leurs objectifs et réfléchissent à de nouvelles orientations à donner sur leur intervention en Syrie. Ce dénouement à Alep intervient à quelques semaines de l’entrée en fonctions de l’administration états-unienne », analyse Igor Delanoë, directeur-adjoint de l’Observatoire franco-russe.
À la fin des pourparlers, les trois protagonistes ont annoncé un projet de cessez-le-feu dans l’ensemble de la Syrie. Ce texte, qui porte le nom de « Déclaration de Moscou » vise à ouvrir des « négociations de paix » entre le régime syrien et l’opposition, selon le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Les trois pays (Iran, Turquie, Russie) se présentant comme des garants de cette « Déclaration », adoptée au niveau des ministres de la Défense et des Affaires étrangères.
C’est un nouveau tournant dans le conflit syrien. Après la reprise d’Alep, deuxième ville du pays, et la résolution onusienne de lundi, le tempo diplomatique ne cesse de s’accélérer et la Russie ressemble à un chef d’orchestre. « L’administration russe joue sur le timing diplomatique et la passation de pouvoir aux États-Unis dans quelques semaines. Barack Obama souhaite maintenir la stabilité en Syrie avant la passation de pouvoir avec Donald Trump. La Russie en a profité. Elle cherche désormais à donner sa chance une fois de plus à la diplomatie pour arriver à un accord qui entérine le rapport de forces sur le terrain. Car il est pour l’instant relativement favorable au régime syrien contre l’opposition soutenue par les occidentaux, la Turquie et les pays du Golfe », constate Igor Delanoë.
En attendant la réaction des chancelleries états-unienne et européennes, la Russie continue de jouer sa partition. Depuis la décision d’intervenir militairement en Syrie, le 30 septembre 2015, la Russie est devenue un acteur incontournable du dossier syrien. Elle s’inscrit dans « une politique globale de restauration de la puissance russe en dehors de l’ancien espace soviétique, de rééquilibrage des relations internationales au détriment des États-Unis, dans une région du monde où ils souhaitent se désengager », notait le spécialiste du Moyen-Orient Fabrice Balanche, dans un entretien au Figaro le 16 septembre. Cette volonté affichée du retour de la Russie sur la scène internationale s’est largement accentuée lors du troisième mandat de Vladimir Poutine qui s’achève en 2018. Une stratégie qui vise à faire face au niveau interne à une crise sociale et économique sans précédent depuis 2014.

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