Au-delà du génocide...
Emmanuelle Latraverse | TVA Nouvelles
| Publié le 4 juin 2019 à
04:00
Coup d’éclat
inutile, dérapage militant, diagnostic inconfortable, mais nécessaire, l’usage
du mot génocide pour décrire le sort réservé aux femmes autochtones au pays n’a
pas fini de faire couler de l’encre.
C’était le
but. Forcer un débat, donner surtout
les moyens juridiques aux différentes communautés autochtones d’entamer des
recours contre le gouvernement fédéral.
La controverse ne devrait
pas pour autant occulter les vrais enjeux soulevés par le
rapport de la Commission d’enquête nationale sur les filles et les femmes
autochtones assassinées et disparues.
Ce rapport c’est
l’histoire de Jenny agressée sexuellement dès l’âge de six ans dans sa famille
d’accueil avec un tournevis, puis violée par un policier. C’est le cycle de
violence infernale dans les communautés qui a mené à l’agression de son propre
fils, par le fils de sa gardienne.
C’est aussi
l’histoire du meurtre d’Adèle, camouflé parce qu’une des jeunes filles qui
l’aurait battue à mort était l’amie de la conjointe du chef de police.
C’est aussi le
suicide de Jacqueline après que son père ait écopé d’à peine deux ans de prison
pour l’avoir agressée sexuellement elle et sa sœur Tessa.
C’est la violence
conjugale ignorée des policiers, les enquêtes bâclées, les travailleurs sociaux
insensibles à la réalité autochtone, le manque de maisons d’hébergement.
C’est l’histoire de
Lauréanna et tant d’autres enfants de Manawan, qui ont littéralement disparu
lors de leur hospitalisation à la ville. Sont-ils vraiment morts des suites de
leur maladie ou ont-ils été donnés en adoption en douce? Dans bien des cas, on
l’ignore toujours.Play
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Disparitions,
meurtres, viols. Des femmes, des jeunes filles, des enfants que notre société a
le devoir de protéger et qui ont toutes été abandonnées d’une façon ou d’une
autre.
Aucune d’entre
elles n’a eu droit au cri du cœur collectif entourant la mort de l’enfant martyre de Granby. Et pourquoi pas?
Jenny, Adèle,
Jacqueline, Lauréanna et les milliers d’autres aussi vivaient dans des familles
fragilisées soit par l’alcool, la violence, la pauvreté. Elles aussi avaient
droit à des services sociaux adéquats, des policiers respectueux et
professionnels, un système judiciaire adapté à leur réalité.
Or, Jenny, Adèle,
Jacqueline, Lauréanna et leurs sœurs d’esprit sont des femmes et des filles
autochtones, victimes de notre indifférence collective.
Malgré toutes ses
imperfections, si le rapport de l’Enquête nationale nous force enfin à
confronter cette injustice, il aura accompli un pas important.
Les mécanismes, le
financement, les réformes à mettre en œuvre pour garantir enfin la sécurité et
l’épanouissement des femmes autochtones feront certainement l’objet de nombreux
débats et déchirements. Les problèmes sont complexes, les solutions épineuses.
Mais on peut au
moins s’entendre sur une chose: cette violence est intolérable.
Il est trop facile
d’affirmer que le débat sur le génocide, les 231 recommandations du rapport le
mettent à risque d’être marginalisé. Les 1200 pages du rapport jettent la
lumière sur une réalité pourtant connue, que nous n’avons plus le luxe
d’ignorer.
Jenny, Tessa, Gilberte,
Lise, Adrienne, Viviane, Alma, Edmond, Jeanne d’Arc, Jérôme, Mary, Charles,
Simone et tant d’autres ont osé briser le silence. C’est à nous de répondre à
leur appel
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