LE MOYEN-AGE CANADIEN
CANAYENS ET EUROPÉENS DE FRANCE : SOUCHE COMMUNE
Daniel Paquet
MONTRÉAL – « Au moyen âge, (nous avons) des seigneurs,
des vassaux, des maîtres de corporation, des compagnons, des serfs et, de plus,
dans chacune de ces classes, une hiérarchie particulière.
La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines
de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes Elle n'a fait
que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de
nouvelles formes de lutte à celles d'autrefois.
Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de
l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes.
La société se divise de plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes
classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat.
Des serfs du moyen âge naquirent les bourgeois des
premières agglomérations urbaines; de cette population municipale sortirent les
premiers éléments en dehors des enceintes soit les premiers éléments de la
bourgeoisie. » (Marx, Karl; Engels, Friedrich, Le Manifeste du Parti communiste, Flammarion, Paris, 2008, 228-229)
Que pouvait fuir les colons
français qui s’établirent sur les territoires de la Nouvelle-France? Certainement pas les rigueurs de l’hiver
canadien… C’était sûrement le mode de
production de la richesse (essentiellement agricole) de cette colonie française,
soustraite des dures corvées des habitants de France, à cette charnière du XVIe
siècle et du XVII siècle, dans les provinces occidentales du royaume de France
(Bretagne, Normandie, Poitou…) qui
attirait les nouvelles générations d’Europe à braver ce qu’on appelait
encore la Mer des Ténèbres au Moyen-Age, i.e. l’Océan Atlantique.
On ne peut croire que les nouveaux
colons ont rompu avec les traditions ancestrales. « Ainsi ce monde populaire est placé au
centre de l’histoire aussi bien politique que culturelle. Politique, parce que le peuple y vivait l’expérience
au moins provisoire et utopique de l’universalité. De la liberté, de l’égalité
et de l’abondance. » (Boglioni, Pierre, La culture populaire au moyen
âge : thèmes et problèmes, L’Aurore,
Montréal, 1979, page 20)
Une œuvre collective majeure fut la
création et l’adoption d’une langue commune : le français des Canayens; langue fondée sur
le parler de Paris (le francilien) auquel s’est greffé les divers dialectes,
jargons, patois et langages provinciaux et régionaux. En France, il fallut attendre la grande
révolution française de 1789-1793; pour unifier la nouvelle république.
En fait l’histoire du Canada ne
débute pas avec l’arrivée des Européens de France qui ont suivi les pêcheurs
irlandais, portugais et même plus tôt les Normands. Les Autochtones sont arrivés par le Nord il y
a de cela plus d’une bonne dizaine de milliers d’années. Les chercheurs tendent à croire qu’ils
étaient des millions déjà au moment où les Français se sont installés; mais ils
ont été décimés par les carnages et les maladies. Ce sont eux qui lors des années 1540 ont
sauvé les premiers Blancs d’une mort certaine en leur montrant la vertu de
certaines plantes ascorbiques.
Lors de la conquête britannique
(1759-1760), la noblesse locale et l‘aristocratie française ont plié bagages et
sont retournés en France; alors que les colons sont demeurés sur
« leur » territoire où ils jouissaient davantage de libertés, jusqu’à
ce que les Britanniques – retors- confient leur âme à la puissante Église
catholique qui ne lâcha prise que vers les années 1950, au cours de la
Révolution tranquille au Québec.
D’ailleurs, des membres du clergé
québécois se sont félicités de la domination anglo-saxonne qui leur a permis
d’éviter la révolution française.
« Que Dieu ait leur âme! »
Apparemment, le Canada a fait un
bond significatif en s’esquivant du Moyen-Age, à tout le moins politiquement. Toutefois, dès 1867, date officielle de sa
fondation, il était de plain-pied dans une poussée richissime du capitalisme,
avec la révolution industrielle. Toutefois,
les États-Unis, son seul et puissant voisin, est désormais au bord de l’abîme
impérialiste. Ce qui n’est guère mieux. On peut dire que ses habitants sont devenus
des esclaves salariés; ou des oiseaux dans une cage dorée; et on
« brasse » la cage.
« Au
cours de la période de projection (avril 2018), la composition de la croissance
est appelée à changer, la contribution des dépenses des ménages allant en
diminuant et celle des investissements des entreprises et des exportations
affichant une hausse relative. Le niveau accru des taux d’intérêt devrait
concourir à cet ajustement. La Banque (du Canada) s’attend à ce que les
politiques monétaire et budgétaire soutiennent l’activité économique durant la
période projetée et aident à atténuer l’effet modérateur qu’entraîne, sur les
investissements des entreprises et les exportations, l’incertitude entourant
les politiques de commerce extérieur et les défis qui se posent sur le plan de
la compétitivité. L’inflation se situe près de la cible. Tant le taux d’accroissement
de l’indice des prix à la consommation (IPC) que les mesures de l’inflation
fondamentale privilégiées par la Banque ont récemment remonté pour atteindre
environ 2 %. (Phénomène nouveau ignoré sous le féodalisme et né avec le
capitalisme, -ndlr) les facteurs temporaires exerçant des pressions haussières
sur l’inflation, à savoir les prix de l’essence et les hausses du salaire
minimum, contrebalancent amplement l’effet modérateur décroissant induit par
les prix de l’électricité et des aliments. Comme ces pressions haussières
devraient persister plus longtemps que les pressions baissières, on prévoit que
l’inflation mesurée par l’IPC sera légèrement plus élevée en 2018 qu’on ne
l’escomptait en janvier, mais qu’elle retournera néanmoins aux alentours de la
cible de 2 % par la suite. » (Banque du Canada, Rapport sur la politique monétaire, L’économie mondiale, Ottawa, avril
2018, page 9)
ANNEXE
(Photo d'illustration; source: StreetPress)
(Propos recueillis
par Anna Breteau le 4 mai 2018 auprès d’Olivier Cahn :
enseignant-chercheur, spécialiste de l'anarchisme et du militantisme
violent en France)
Il n’y a pas eu de telles
manifestations (telles celles vécues en France) en Nouvelle-France, colonie
prospère; bref, aucune jacquerie. Mais
un Parti rouge que rapporta de France, Louis-Joseph Papineau, et porteur
d’idées modernes et avant-gardistes qui furent maintenues vivantes par
l’Institut canadien; farouchement battues en brèche par le clergé catholique.
Alors beaucoup
s'étonnent du profil social assez "bourgeois" des militants du
"Black bloc". Il se révèle en réalité plutôt classique.
Qualifiés
par la droite et l'extrême droite de "racailles de banlieues", les
premiers militants "Black blocs" présentés en comparution immédiate
après les violences du 1er-Mai présentent un tout autre profil social. Élèves à
Centrale, fils et filles de chercheurs au CNRS, d'analystes financiers, etc...
Il semble que ces militants appartiennent plus à la classe moyenne ou à la
petite bourgeoisie qu'aux classes populaires. Un profil beaucoup moins étonnant
qu'il n'y paraît. Olivier Cahn nous livre son analyse sur les militants du
"Black bloc" et sa composition sociale.
On entend partout, après les interpellations de
militants du "Black bloc" et les premières comparutions immédiates,
que le profil social des prévenus "étonne". Est-ce vraiment si
surprenant ?
On
pensait que la composition sociale de "Black bloc" avait changé,
s'était diversifiée. On avait l'impression que ce mode d'action s'était un peu
dépolitisé, s'inspirait moins de la bonne société formée à Sciences-Po. "La composition sociale des interpellés du "Black bloc"
n'a rien de nouveau".
Alors que l’intelligentsia progressiste et la
bourgeoisie démocratique créaient le mouvement des Lumières (Rousseau,
Voltaire, Diderot…) pour extirper du Moyen-Age, sclérosé, la France embourbée
dans le fatras économique, conséquent des politiques économiques du règne
monarchique; la petite-bourgeoisie canadienne-française se délectait de ses
privilèges, vautrée dans le confort que lui procurait le régime colonial
anglais; tous… à l’exception des démocrates patriotes des environs de Montréal
et ceux, canadiens-anglais, de Toronto.
D’ailleurs, on célèbre ce soulèvement le 21 mai au Québec lors d’un
congé férié.
Cependant,
l’empoignade sociale est très vive, surtout parce que la bourgeoisie remet en
question les avancées du prolétariat et cherche à contrecarrer les acquis des
« manants » du XXIème siècle.
Lénine avait conclu que l’impérialisme est bien l’étape suprême du
capitalisme. Pour Marx, les idées
dominantes dans la société sont celles de la classe dominante. Tous deux ont compris que le communisme
l’emporterait sur le capitalisme; non pas comme des prophètes mortifères à la
Georges Orwell, mais bien comme des analystes et des acteurs de changement très
impliqués, en tant que militants et dirigeants du mouvement communiste
international.
Le
retour en force du capitalisme en URSS s’est fait sur une courte durée
(quelques dizaines d’années); c’est bien peu dans l’histoire humaine. À l’instar des tables de jeu dans les
casinos, la bourgeoisie joue son va-tout; elle est prête à
« l’inimaginable », y compris l’anéantissement atomique… Le recul serait catastrophique : un nouvel âge de pierre à côté duquel le
moyen-âge serait un eldorado.
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