Crise au Bloc québécois : on s’est encore trompé de capitale
Si Martine Ouellet avait été capitaine du Titanic, elle aurait sans doute télégraphié que c'est l'iceberg qui a coulé. Quand on est dans le déni, ce sont des choses qui arrivent.
Une analyse de Michel C. Auger, animateur de Midi info
Désavouée par 70 % des membres de son caucus, la chef du Bloc maintient qu’elle va rester en poste, puisqu’elle a reçu un mandat des militants, qu’elle a l’appui des instances et que, de toute façon, c’est elle qui a raison.
Relativisons. Personne n’a pu voter pour Mme Ouellet puisqu’elle était la seule candidate. Et si les instances du parti l’appuient, il reste que le visage et l’âme du Bloc, ce sont ses députés et leur travail à la Chambre des communes.
En régime parlementaire, il n’y a pas un chef qui peut envisager de rester en poste devant une fronde de la majorité de ses députés. À plus forte raison quand il y en a plus des deux tiers.
Il serait trop facile de tout résumer par un conflit de personnalités. C’est vrai que Mme Ouellet a une facilité certaine pour la politique de la confrontation et des clivages. Mais ce qu’elle exige de ses députés est une répudiation de ce qui a été le fonds de commerce du Bloc : défendre les positions du Québec à Ottawa, surtout quand, pour toutes sortes de raisons, les députés des autres partis ne peuvent ou ne veulent pas le faire.
Tout au long des mandats de Lucien Bouchard, Michel Gauthier et Gilles Duceppe, les députés du Bloc ont été reconnus pour la qualité de leur travail parlementaire, à la période de questions et dans les comités de la Chambre. Pas toujours spectaculaire, le long et patient travail parlementaire a été payant pour le Bloc.
Et, souvent, le Bloc réussissait à faire reculer le gouvernement. De l’interdiction proposée des fromages au lait cru à la loi sur les jeunes contrevenants, les députés bloquistes savaient utiliser les consensus de l’Assemblée nationale pour asseoir la légitimité de leurs actions.
Cela n’est toutefois pas assez spectaculaire pour Mme Ouellet, comme ce ne l’était pas pour celui qui a été son prédécesseur et qui est aujourd’hui son principal soutien : le député Mario Beaulieu.
Quand il est devenu chef du Bloc en 2014, M. Beaulieu avait essentiellement utilisé sa campagne à la direction comme un moyen de dénoncer la tiédeur souverainiste du Parti québécois. Mme Ouellet a fait exactement la même démarche : ils se servaient du Bloc pour radicaliser le PQ.
Ce faisant, ils se sont tout simplement trompés de capitale. La souveraineté va se décider à Québec, pas à Ottawa. Et le Bloc l’avait très bien compris avant leur arrivée. Le Parlement fédéral n’est pas le meilleur endroit pour faire la promotion de la souveraineté. Il est plutôt l’endroit de montrer que le fédéralisme ne sert pas toujours les meilleurs intérêts du Québec.
Le Bloc québécois n’a jamais été un parti souverainiste, dans le sens d’un parti qui faisait de la promotion de la souveraineté sa priorité. Il était un parti DE souverainistes. Ses députés étaient des souverainistes qui appliquaient une grille d’analyse souverainiste aux travaux des Communes.
Pendant presque deux décennies, cela a été une recette gagnante. Et il n’est pas du tout certain qu’une promotion plus stridente de la souveraineté soit la solution aux difficultés du Bloc.
De toute façon, on connaît déjà la fin de l’histoire, puisqu’elle a tendance à se répéter quand on n’en tire pas les enseignements. En 2015, quelques semaines avant le début de la campagne électorale, Mario Beaulieu se rendait compte que sa manière de diriger le Bloc le menait tout droit dans le mur et il avait demandé à Gilles Duceppe de reprendre du service.
Une élection partielle difficile dans Lac-Saint-Jean
Dans la seule élection partielle depuis que Martine Ouellet est devenue chef du Bloc, le parti n’a réussi qu’à finir troisième avec moins du quart des voix dans la circonscription de Lac-Saint-Jean, dans la région réputée la plus souverainiste du Québec.
Avec un Parti québécois qui pourrait ne plus être un groupe parlementaire reconnu à l’Assemblée nationale après les élections générales du 1er octobre, la voie de la radicalisation du discours souverainiste est peut-être attrayante pour certains souverainistes. Mais appliquer cette stratégie au Bloc, comme le voudrait Mme Ouellet, aurait toutes les chances d’être une immense fuite en avant.
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