La guerre à finir contre le nationalisme québécois
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Pendant un temps, le Parti libéral du Québec a été un parti nationaliste, même s’il était fédéraliste. Il défendait une vision québécoise du Canada et voulait renforcer l’autonomie du Québec dans la fédération, tout en assurant sa reconnaissance comme nation ou comme société distincte. Il acceptait même l’idée d’un seuil de rupture avec le Canada : si ce dernier s’entêtait à nier les conséquences politiques de l’existence du peuple québécois, ce dernier pourrait légitimement sortir de la fédération. On se souvient du rapport Allaire, qui a suivi l’échec de l’accord du lac Meech. Il s’agit d’un texte à peu près oublié de notre histoire politique mais qui était d’une importance capitale. Il définissait les conditions d’une participation honorable du Québec à la fédération.
Mais tout cela est de l’histoire ancienne. Très ancienne. Entre 1990 et 1992, le PLQ a dû faire un constat : le Canada ne s’ouvrirait pas au peuple québécois. Le rêve d’André Laurendeau était condamné à l’avortement. Plus encore : le Canada de 1982, qui n’a cessé de se radicaliser idéologiquement depuis 30 ans, était fondé sur la négation explicite de la vision historique et politique qui portait traditionnellement le nationalisme fédéraliste. Non seulement le Canada ne reconnaissait pas la nation québécoise, mais il la transformait en communauté ethnique parmi d’autres appelée à une forme de régression politique dans la fédération. Le Canada de 1982 voit dans le nationalisme québécois une forme de suprémacisme ethnique à combattre au nom de la démocratie.
Le PLQ l’a accepté. Il a choisi le Canada à tout prix. Et il a connu une forme de retournement politique et idéologique majeur. Il a renoncé à toute forme de nationalisme, même résiduel. Il fallait donc ramener à la baisse les demandes historiques du Québec, jusqu’à les nier, pour abolir toute forme de tension entre le Québec et le Canada. Ce n’est plus le Canada qu’il faut blâmer pour son refus de s’ouvrir au Québec mais les nationalistes qu’il faut condamner pour leur psychologie chicanière. La vocation du Québec, c’est désormais de sa canadianiser. La quête d’autonomie sera assimilée à un repli sur soi. On le voit dans le procès que le PLQ fait de la CAQ : le simple fait que ce parti ne se soumette pas inconditionnellement à l’ordre constitutionnel de 1982 est perçu comme le révélateur d’un nationalisme exacerbé poussant au séparatisme.
Le PLQ a consenti à sa colonisation idéologique par le PLC. Il a embrassé le trudeauisme. Il a décidé de voir le Québec comme le Canada le voit et ne tolère pas qu’on ne porte pas ses lunettes. Il s’est converti à un multiculturalisme agressif qui diabolise l’idée même du nationalisme québécois. Il est désormais violemment allergique à la question identitaire. Il milite pour la normalisation canadienne du Québec. La majorité historique francophone n’est plus qu’une communauté parmi d’autres dans le Québec pluriel : elle n’en porte plus la culture de convergence. Il faut dire que ses intérêts électoraux l’y poussent: le PLQ est désormais un tiers-parti dans le Québec francophone. On ne doit pas oublier cela quand on cherche à comprendre son zèle lorsqu’il est question d’augmenter les seuils d’immigration.
De temps en temps, les leaders libéraux se rappellent qu’ils ont déjà été un peu nationalistes. C’est une forme de retour du refoulé identitaire : on ne peut pas toujours se renier sans s’en vouloir au moins un peu. Jean-Marc Fournier faisait pitié à voir, cette semaine, en s’insurgeant contre une série télévisée historique diffusée au Canada anglais qui piétine de manière honteuse l’histoire du peuple québécois en caricaturant la Nouvelle-France. Mais cela ne change rien et ne changera jamais rien. Le PLQ a accepté une fois pour toutes le destin canadien du Québec. Sa protestation est vaine, et pour le dire franchement, insignifiante. Le Canada ne considère pas les Québécois comme un peuple, encore moins comme un peuple fondateur, et ne se sent pas obligé à intégrer dans la représentation qu’il donne de son histoire la conscience historique québécoise.
L’arrivée de Philippe Couillard à la direction du PLQ a correspondu à l’achèvement de cette mutation du fédéralisme québécois. Le chef du PLQ est hostile aux fondements même du nationalisme québécois et ne s’en cache pas. Il rêve manifestement d’écraser une fois pour toutes les indépendantistes. Il ne cesse d’associer le nationalisme à l’intolérance et la xénophobie la plus odieuse. Il veut en finir avec ce nationalisme qui entrave encore la pleine canadianisation mentale des Québécois. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre l’enquête à venir sur le racisme systémique au Québec. Le fédéralisme radical s’alliera dans ce cadre à la gauche radicale multiculturaliste pour faire le procès de la société québécoise dans son ensemble: le racisme déploierait sa logique chez nous dans l’ensemble des rapports sociaux. À travers cela, on entend diaboliser la question identitaire et la rendre politiquement radioactive.
On peut le dire autrement: l’objectif, c’est de récupérer la question identitaire en la diabolisant. Philippe Couillard veut gagner les élections de 2018 en se présentant comme le gardien des droits individuels et des droits des minorités contre la tentation xénophobe des nationalistes québécois. Le camp fédéraliste a lancé une grande offensive médiatique et politique pour extrême-droitiser le nationalisme québécois et disqualifier l’idée même de nation québécoise. Quand Philippe Couillard accuse ceux qui contestent le procès en racisme systémique contre le Québec de «négationnisme», il sait ce qu’il fait : il emprunte un terme désignant ceux qui nient l’holocauste. C’est odieux : soit vous reconnaissez que le Québec est coupable de racisme systémique, soit on vous définira publiquement avec un terme qui vous renvoie à l’univers mental du nazisme. Comment ne pas voir là une manifestation authentique de fanatisme idéologique?
On en revient au PLQ : normalement, un gouvernement a pour vocation de protéger son peuple, de le défendre, de faire la promotion de ses intérêts. Le PLQ au pouvoir voit les choses autrement : il se croit appelé à rééduquer le peuple québécois pour lui faire perdre peu à peu le sens de son identité et de ses intérêts spécifiques. Il le délivrerait ainsi de son ethnocentrisme. Il croit que sa mission historique consiste à dissoudre la conscience nationale québécoise pour parachever son intégration mentale, symbolique et politique au «meilleur pays du monde». Lorsque les intérêts du Québec sont trop manifestement contradictoires avec ceux du Canada, il proteste un peu, pour la forme, puis se couche, avant de chercher à faire comprendre aux Québécois qu’il vaut mieux accepter la décision du maître canadien plutôt que s’enfoncer dans une dissidence stérile.
Le gouvernement du PLQ se dévoile à la manière d’un gouvernement néocolonial appelé à faire accepter aux Québécois leur régression comme peuple en leur présentant la chose comme un progrès tranquille, assurant la prospérité et la tranquillité de la province, pour peu qu’ils ne s’agitent pas trop et consentent à leur domestication collective.
Mais tout cela est de l’histoire ancienne. Très ancienne. Entre 1990 et 1992, le PLQ a dû faire un constat : le Canada ne s’ouvrirait pas au peuple québécois. Le rêve d’André Laurendeau était condamné à l’avortement. Plus encore : le Canada de 1982, qui n’a cessé de se radicaliser idéologiquement depuis 30 ans, était fondé sur la négation explicite de la vision historique et politique qui portait traditionnellement le nationalisme fédéraliste. Non seulement le Canada ne reconnaissait pas la nation québécoise, mais il la transformait en communauté ethnique parmi d’autres appelée à une forme de régression politique dans la fédération. Le Canada de 1982 voit dans le nationalisme québécois une forme de suprémacisme ethnique à combattre au nom de la démocratie.
Le PLQ l’a accepté. Il a choisi le Canada à tout prix. Et il a connu une forme de retournement politique et idéologique majeur. Il a renoncé à toute forme de nationalisme, même résiduel. Il fallait donc ramener à la baisse les demandes historiques du Québec, jusqu’à les nier, pour abolir toute forme de tension entre le Québec et le Canada. Ce n’est plus le Canada qu’il faut blâmer pour son refus de s’ouvrir au Québec mais les nationalistes qu’il faut condamner pour leur psychologie chicanière. La vocation du Québec, c’est désormais de sa canadianiser. La quête d’autonomie sera assimilée à un repli sur soi. On le voit dans le procès que le PLQ fait de la CAQ : le simple fait que ce parti ne se soumette pas inconditionnellement à l’ordre constitutionnel de 1982 est perçu comme le révélateur d’un nationalisme exacerbé poussant au séparatisme.
Le PLQ a consenti à sa colonisation idéologique par le PLC. Il a embrassé le trudeauisme. Il a décidé de voir le Québec comme le Canada le voit et ne tolère pas qu’on ne porte pas ses lunettes. Il s’est converti à un multiculturalisme agressif qui diabolise l’idée même du nationalisme québécois. Il est désormais violemment allergique à la question identitaire. Il milite pour la normalisation canadienne du Québec. La majorité historique francophone n’est plus qu’une communauté parmi d’autres dans le Québec pluriel : elle n’en porte plus la culture de convergence. Il faut dire que ses intérêts électoraux l’y poussent: le PLQ est désormais un tiers-parti dans le Québec francophone. On ne doit pas oublier cela quand on cherche à comprendre son zèle lorsqu’il est question d’augmenter les seuils d’immigration.
De temps en temps, les leaders libéraux se rappellent qu’ils ont déjà été un peu nationalistes. C’est une forme de retour du refoulé identitaire : on ne peut pas toujours se renier sans s’en vouloir au moins un peu. Jean-Marc Fournier faisait pitié à voir, cette semaine, en s’insurgeant contre une série télévisée historique diffusée au Canada anglais qui piétine de manière honteuse l’histoire du peuple québécois en caricaturant la Nouvelle-France. Mais cela ne change rien et ne changera jamais rien. Le PLQ a accepté une fois pour toutes le destin canadien du Québec. Sa protestation est vaine, et pour le dire franchement, insignifiante. Le Canada ne considère pas les Québécois comme un peuple, encore moins comme un peuple fondateur, et ne se sent pas obligé à intégrer dans la représentation qu’il donne de son histoire la conscience historique québécoise.
On peut le dire autrement: l’objectif, c’est de récupérer la question identitaire en la diabolisant. Philippe Couillard veut gagner les élections de 2018 en se présentant comme le gardien des droits individuels et des droits des minorités contre la tentation xénophobe des nationalistes québécois. Le camp fédéraliste a lancé une grande offensive médiatique et politique pour extrême-droitiser le nationalisme québécois et disqualifier l’idée même de nation québécoise. Quand Philippe Couillard accuse ceux qui contestent le procès en racisme systémique contre le Québec de «négationnisme», il sait ce qu’il fait : il emprunte un terme désignant ceux qui nient l’holocauste. C’est odieux : soit vous reconnaissez que le Québec est coupable de racisme systémique, soit on vous définira publiquement avec un terme qui vous renvoie à l’univers mental du nazisme. Comment ne pas voir là une manifestation authentique de fanatisme idéologique?
On en revient au PLQ : normalement, un gouvernement a pour vocation de protéger son peuple, de le défendre, de faire la promotion de ses intérêts. Le PLQ au pouvoir voit les choses autrement : il se croit appelé à rééduquer le peuple québécois pour lui faire perdre peu à peu le sens de son identité et de ses intérêts spécifiques. Il le délivrerait ainsi de son ethnocentrisme. Il croit que sa mission historique consiste à dissoudre la conscience nationale québécoise pour parachever son intégration mentale, symbolique et politique au «meilleur pays du monde». Lorsque les intérêts du Québec sont trop manifestement contradictoires avec ceux du Canada, il proteste un peu, pour la forme, puis se couche, avant de chercher à faire comprendre aux Québécois qu’il vaut mieux accepter la décision du maître canadien plutôt que s’enfoncer dans une dissidence stérile.
Le gouvernement du PLQ se dévoile à la manière d’un gouvernement néocolonial appelé à faire accepter aux Québécois leur régression comme peuple en leur présentant la chose comme un progrès tranquille, assurant la prospérité et la tranquillité de la province, pour peu qu’ils ne s’agitent pas trop et consentent à leur domestication collective.
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