Canada, le 7 août 2018
Honorable députée/é Mme /
M
Objet : Des
Colombiens vivant au Canada dénoncent la grave situation de violation
systématique des droits de la personne qui règne aujourd’hui en Colombie
Au nom des milliers de
victimes du conflit armé et de victimes de l'État colombien, dont un bon nombre
se trouvent en exil au Canada, nous, qui faisons partie des mouvements
soussignés, résidents et citoyens canadiens, nous nous adressons à l'honorable
Parlement canadien pour dénoncer la situation de violation systématique des
droits de la personne qui est imposée aujourd’hui en Colombie. Nous lançons un appel à l'honorable Parlement
canadien, symbole de la tradition de lutte pour la défense des principes
démocratiques et des droits de la personne, qui a distingué le Canada à
l'échelle internationale, pour qu’il demande au nouveau gouvernement colombien,
qui assumera ses fonctions aujourd’hui, le 7 août, de prendre réellement les
mesures correctives qui s’imposent pour mettre fin à cette situation de
violation systématique des droits de la personne.
-Seulement au cours des
six premiers mois de 2018, 311 dirigeants sociaux ont été assassinés.
-Peu après le 17 juin
dernier, date de l’élection présidentielle dont le gagnant fut M. Iván Duque, candidat
ouvertement de droite, des groupes paramilitaires qui se sont donné les noms d’"Aigles
noirs " et de "Forces d’autodéfense gaïtanistes de Colombie", ont
commencé à proférer des menaces de mort contre des membres de mouvements
politiques de l’opposition, des syndicalistes, des leaders sociaux, des dirigeants
des communautés autochtones et afro-colombiennes et ont produit, à nouveau, des
déplacement forcés dans une grande partie du territoire de la Colombie.
-Face à cette situation,
nous demandons l’application de mécanismes d’observation internationale (tels
que l’envoi d’une délégation internationale) sur le territoire colombien pour
évaluer la situation réelle des populations des régions menacées par les
groupes paramilitaires, ainsi que le niveau réel de sécurité des dirigeants
menacés en ce moment et les garanties réelles dont dispose la population civile
pour exercer ses droits économiques, civils et politiques dans le cadre de la
Constitution et des lois de la démocratie colombienne.
-Aujourd'hui, la
violation des droits de la personne, la criminalisation et la persécution de
l'opposition politique sont redevenus systématiques et croissants, ce qui empêche
l’existence de garanties réelles pour l'application du droit à la justice, à la
vérité et aux réparations véritables aux victimes du long conflit armé colombien.
Les informations
suivantes pourraient vous permettre de nous aider à corriger cette situation :
-Le paramilitarisme, qui a
déjà été largement documenté, est le résultat de la stratégie de «guerre sale»
que les forces gouvernementales (police et armée) appliquent en Colombie depuis
1964. En 2005, la Loi 975 ou «Loi de Justice et de Paix» a imposé, d’une part, la
démobilisation des groupes paramilitaires, mais, d’autre part, une impunité
généralisée pour les crimes de ces groupes : seulement 1,98% des 35 335
paramilitaires démobilisés ont été jugés pour les crimes atroces qu'ils ont
commis. À ce moment-là, plus de 1 500 paramilitaires n'avaient pas remis leurs
armes, et aujourd'hui environ 11 000 hommes armés agissent en Colombie sous les
noms d’Aguilas Negras» et d’«Autodefensas Gaitanistas de Colombia», de la même
façon que les groupes paramilitaires opéraient avant l’adoption de la Loi 975.
Dans certaines régions, ces groupes visent à dominer les secteurs commerciaux par
la pratique de l’extorsion économique, des menaces et des assassinats. Cette
situation a été documentée et dénoncée au Forum international pour la paix en
Colombie, tenu en novembre 2016 en Espagne, après la signature de l'Accord de
paix avec le groupe de guérilla FARC.
-En 2008, l'extradition aux
États-Unis de 23 chefs paramilitaires inculpés de narcotrafic n’avait été en
fait qu’une stratégie pour empêcher ces personnes d’être jugées en Colombie
pour crimes contre l'humanité. Mais, de l’étranger, et pour obtenir les
bénéfices de la «Loi de justice et de paix», ils ont été obligés de dénoncer la
stratégie politico-militaire utilisée pour voler les terres de millions de paysans,
stratégie appliquée par les forces gouvernementales (police et armée) pour
servir les intérêts de puissants secteurs économiques. Cette stratégie avait semé
la terreur dans des régions entières de la Colombie, causant la mort et le
déplacement de millions de personnes, dont des milliers se trouvent aujourd'hui
au Canada.
Au cours des dix
dernières années, les paramilitaires ont infiltré toutes les sphères du
gouvernement de la Colombie. Entre 2007 et 2011, 133 membres actuels et ex-membres
du Congrès colombien, ainsi que 7 ex-gouverneurs de départements et 35
ex-maires ont été l’objet d'enquêtes pour leurs liens présumés avec des
paramilitaires. La plupart de ces personnes étaient membres du parti politique
de l'ex-président Álvaro Uribe Vélez. Même si plusieurs d’entre eux ont été
condamnés à des peines de prison, les idéologues qui ont organisé cette gigantesque
campagne de terreur sont toujours en liberté et jouissent de la plus totale impunité.
-Aujourd’hui, l'ex-président
Uribe est formellement accusé par la Cour suprême de Justice de la Colombie de
fraude procédurale, d’intimidation et de corruption de témoins qui ont dénoncé ses
liens avec les groupes paramilitaires. En 2010, sous la présidence d’Álvaro
Uribe Vélez, le Département administratif de la sécurité (DAS), qui relevait
directement de lui, avait fait l'objet d'un scandale, qui avait déclenché la
plus grande enquête judiciaire menée sur l’infiltration paramilitaire au sein
de l’administration de l’État. L'écoute électronique de membres de l'opposition
politique et la création du corps de police politique G3, avaient pour but de
surveiller et d’intimider, sous le nom du groupe paramilitaire «Aigles noirs», des
magistrats, des juges, des défenseurs des droits de la personne, des
journalistes, des syndicalistes, des membres de partis de l'opposition
politique, entre autres. Pour tous ces faits, des demandes d’enquête ont été soumises
au service d’enquête du Bureau du procureur de la Colombie (Fiscalía), mais
jusqu'à ce jour les responsables directs de ces crimes n’ont pas été jugés.
-Aujourd’hui, à nouveau, des
militants de mouvements sociaux et de l'opposition politique sont menacés de
mort par les groupes paramilitaires tels que les «Aigles noirs», entre autres les
militants sociaux et politiques du mouvement politique «Colombia Humana»,
principale force d’opposition politique officielle de la Colombie. Nous croyons
qu’il est nécessaire de dénoncer ces faits pour éviter la répétition
d’évènements tels que l’extermination du parti de gauche «Union patriotique» durant
les années 80 et 9, au cours de laquelle plus de 1 500 membres de ce parti ont
été assassinés sur le territoire colombien par les paramilitaires avec la
complicité des membres des forces de sécurité de l’État colombien, pour
empêcher la diffusion démocratique de toute autre position politique (Voir la
page de recherche documentaire VerdadAbierta.com).
-Le bureau du Haut-Commissariat
des Nations Unies en Colombie a diffusé, de façon répétée, des rapports sur l’augmentation
du nombre d'intimidations et de menaces de mort par lettres et messages de
courriel contre des défenseurs des droits de la personne, des dirigeants
sociaux et communautaires et des membres d’autres groupes marginalisés. Bien
que des enquêtes aient été menées dans certains cas, la plupart des menaces
restent impunies, et les autorités responsables de l’État rejettent en général rapidement
les plaintes sans mener d’enquête. Seulement au cours des six premiers mois de
2018, 311 dirigeants sociaux ont été assassinés sans qu’aucun responsable ne
soit connu jusqu’à ce jour. Les menaces des groupes paramilitaires intimident les
défenseurs des droits de la personne, entravent leurs activités, les forcent à
s'autocensurer et accroissent la méfiance de société civile envers l'État.
Les exécutions
extrajudiciaires commises par les forces gouvernementales (police et armée)
sont systématiques. Cette pratique constitue, selon le droit international, un
crime contre l'humanité. Les cas connus sous le nom de «falsos positivos» (dans
l’expression «faux positifs», le terme «positivo» signifie «objectif militaire
atteint»), sont ceux de jeunes civils innocents que des soldats ont tués et
déguisés en guérilleros dans le but de recevoir, en récompense, la prime instituée
par le commandement de l’Armée en échange de «positivos» dans sa lutte aveugle
et barbare contre les forces insurrectionnelles et ses crimes envers des
millions de civils. Les soldats impliqués ont été libérés, mais aucun membre du
commandement militaire n’a été déclaré responsable de ces assassinats. Au cours
des huit années de mandat présidentiel d'Álvaro Uribe Vélez (2002-2010), plus
de 10 000 exécutions extrajudiciaires ont été commises en Colombie, selon les données
publiées par les ex-colonels de police Ómar Fabian Eduardo Rojas et Leonardo
Benavides dans leur livre «Exécutions extrajudiciaires en Colombie 2002-2010».
Au Canada, nous, membres
des organisations de victimes indiquées ci-dessous, soumettons la présente demande
aux députés de l’honorable Parlement du Canada, dans l'espoir que des mesures
seront adoptées en vue de la mise en œuvre d’actions positives allant dans le
sens de notre demande.
Nous vous remercions de l’attention
et de l’intérêt que vous accorderez à la situation de la Colombie.
Veuillez agréer nos
salutations sincères,
Pour répondre à la
présente demande, veuillez nous contacter par courrier électronique à l’adresse
suivante :
Les organisations
signataires :
-Association de victimes
de l'État colombien - Canada
-Association de victimes
du conflit armé en Colombie au Canada - (ASOVICA) – Canada
-Comité pour la paix en
Colombie – Madrid, Espagne
-Dialogue Afrodiaspora –
Espagne
-Femmes réfugiées,
exilées et migrantes – Chapitre Canada
-Forum international de
victimes - Chapitre du Canada
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