SOCIAL-DÉMOCRATIE ET
COMMUNISME
Y a-t-il vraiment une différence?
Daniel Paquet
MONTRÉAL – Parler de
social-démocratie, c’est de façon aberrante pérorer sur le ‘top du top’ comme
le dirait la jeunesse; les pédants affirmeront que c’est le nec plus ultra en matière de gauche
politique et sociale. En passant, feu
Robert Bourassa, ci-devant chef du très bourgeois Parti libéral du Québec
affirmait à son retour d’Europe – après un cuisant échec électoral au Québec -,
et à qui voulait l’entendre, dans les années 1980, qu’il était
social-démocrate. « … ‘la bourgeoisie n'a pas
seulement forgé les armes qui la mettront à mort; elle a produit aussi les
hommes qui manieront ces armes, les ouvriers modernes, les prolétaires’.
A mesure que grandit la
bourgeoisie, c'est-à-dire le capital, se développe aussi le prolétariat, la
classe des ouvriers modernes qui ne vivent qu'à la condition de trouver du
travail et qui n'en trouvent que si leur travail accroît le capital. Ces
ouvriers, contraints de se vendre au jour le jour, sont une marchandise, un
article de commerce comme un autre; ils sont exposés, par conséquent, à toutes
les vicissitudes de la concurrence, à toutes les fluctuations du marché. » (Marx-Engels, Le Manifeste du Parti communiste,
Flammarion, Paris, 2008, pages 236-237).
RAPPORT SUR LE
CHANGEMENT DE DÉNOMINATION DU PARTI COMMUNISTE DE RUSSIE
« Comme vous le
savez, camarades, une discussion assez approfondie se déroule depuis avril 1917
dans le Parti au sujet du changement de dénomination du Parti ; c'est pourquoi
il a été possible de prendre tout de suite au Comité central une décision qui
n'a pas, je crois, provoqué de vives discussions et n'en a peut-être même
suscité presque aucune, à savoir : le Comité central vous propose de changer
l'appellation de notre Parti et de lui donner le nom de Parti communiste de
Russie avec, entre parenthèses : bolchevique. Ce complément, nous le
reconnaissons tous comme indispensable, parce que le mot « bolchevique » a
acquis droit de cité non seulement dans la vie politique de la Russie, mais
aussi dans toute la presse étrangère qui suit les grandes lignes des événements
en Russie. Que la dénomination de « parti social-démocrate » soit
scientifiquement inexacte, notre presse l'a expliqué également. Ayant créé leur
propre État, les ouvriers ont fait que l'ancienne notion de la démocratie - de
la démocratie bourgeoise, - a été dépassée par le développement de notre
révolution. Nous sommes arrivés à un type de démocratie qui n'a jamais existé
nulle part en Europe occidentale. II n'a eu sa préfiguration que dans la
Commune de Paris, dont Engels a dit qu'elle n'était pas un État au sens
propre du terme. En un mot, pour autant que les masses
laborieuses se mettent elles-mêmes à gérer l'État et à créer une force armée
qui soutient l'ordre existant, l'appareil spécial de gestion disparaît,
l'appareil spécial d'une certaine violence de la part de l'État disparaît, et
nous ne pouvons plus dès lors être pour la démocratie sous son ancienne forme.
D'autre part, au
moment où nous nous engageons dans la voie des transformations socialistes,
nous devons définir clairement l'objectif vers lequel elles tendent en fin de
compte, à savoir la création d'une société communiste, qui ne se borne pas à
l'expropriation des fabriques, des usines, du sol et des moyens de production,
qui ne se limite pas à un inventaire et à un contrôle rigoureux de la
production et de la répartition des produits, mais qui va plus loin, vers la
réalisation du principe : de chacun selon ses capacités, à chacun
selon ses besoins. C'est pourquoi la dénomination de Parti communiste
est la seule qui soit scientifiquement juste. L'objection suivant laquelle elle
peut nous faire confondre avec les anarchistes a été tout de suite repoussée au
Comité central, parce que les anarchistes ne se donnent jamais simplement le
nom de communistes, mais accompagnent toujours ce mot d'autre chose. A cet
égard, il y a toutes sortes de variétés de socialisme, mais cela
n'entraîne aucune confusion entre social-démocrates et partis social-réformistes
ou socialistes nationaux et autres.
D'autre part, un
argument très important en faveur du changement de dénomination du Parti est
que les vieux partis socialistes officiels de tous les pays avancés d'Europe ne
se sont pas encore désintoxiqués du social-chauvinisme et du social-patriotisme
qui ont provoqué la faillite complète du socialisme européen, officiel, pendant
la guerre actuelle (i.e Première guerre mondiale,1914-1918), si bien que,
jusqu'à ce jour, presque tous les partis socialistes officiels ont été pour le
mouvement socialiste révolutionnaire ouvrier de véritables freins, de
véritables obstacles. Et notre Parti, qui jouit incontestablement à l'heure
actuelle d'immenses sympathies parmi les masses laborieuses de tous les pays, a
pour devoir de proclamer de la façon la plus catégorique, la plus tranchée, la
plus claire, sans la moindre équivoque, sa rupture avec ce vieux socialisme
officiel. Et le changement de nom du Parti sera le meilleur moyen d'atteindre
ce résultat. » (Lénine, Œuvres
complètes, tome 27, Éditions sociales/Paris; Éditions du Progrès/Moscou,
1980, pages 140-141).
Tim Buck, qui fut pendant des décennies le
secrétaire-général du Parti communiste du Canada, a, eu égard à la dictature du
prolétariat, déclaré : « Who will
make the decision in the dictatorship of the proletariat? The people who want socialism. They will not make decisions in favour of
socialism unless the working class is firmly united with them. The working
class is the only class that has everything to gain and nothing to lose. »
(Buck, Tim, Yours in the struggle,
NC Press, Toronto, 1977, page 404).
Quant à Joseph Staline, il s’est exprimé ainsi :
« J'ai dit plus haut qu'entre Marx et Engels d'une part, et Lénine de
l'autre, s'étendait toute une période de domination de l'opportunisme de la IIe
Internationale. Pour préciser, j'ajouterai qu'il ne s'agit pas de la domination
formelle, mais uniquement de la domination effective de l'opportunisme.
Formellement, la IIe Internationale était dirigée par des marxistes orthodoxes
comme Kautsky et autres. En réalité, son travail fondamental s'effectuait dans
la ligne de l'opportunisme. Petits-bourgeois de nature, les opportunistes
s'adaptaient à la bourgeoisie ; quant aux « orthodoxes », ils s'adaptaient aux
opportunistes pour « conserver l'unité » avec ces derniers, pour maintenir « la
paix dans le parti ». En définitive,
l'opportunisme dominait, car, par les opportunistes, les « orthodoxes » étaient
liés indissolublement à la politique de la bourgeoisie. Ce fut une période de
développement relativement pacifique du capitalisme, une période d'avant-guerre
pour ainsi dire, où les contradictions de l'impérialisme ne s'étaient pas
encore révélées dans toute leur ampleur, où les grèves économiques et les
syndicats se développaient plus ou moins « normalement », où les partis
socialistes remportaient des succès électoraux et parlementaires foudroyants,
où les formes légales de lutte étaient portées aux nues et où l'on espérait «
tuer » le capitalisme par la légalité ; en un mot, une période où les partis de
la IIe Internationale, grossissaient, s'empâtaient et ne songeaient plus à la
révolution, à la dictature du prolétariat, à l'éducation révolutionnaire des
masses. Au lieu d'une théorie révolutionnaire intégrale, des thèses contradictoires,
des fragments de théorie sans liaison avec la lutte révolutionnaire effective
des masses, des dogmes abstraits et surannés. Formellement, on se référait
encore à la théorie de Marx, mais uniquement pour la dépouiller de son esprit
révolutionnaire. Au lieu d'une politique révolutionnaire, un philistinisme
amorphe, une politique mesquine, des combinaisons parlementaires. De temps à
autre, des décisions et des mots d'ordre révolutionnaires, enterrés aussitôt
qu'adoptés. Au lieu d'apprendre au parti la tactique révolutionnaire véritable,
par l'étude de ses propres fautes, on évitait soigneusement les questions
épineuses. Quand, par hasard, on y touchait, c'était pour les estomper et
terminer la discussion par une résolution élastique. Tels étaient la physionomie,
la méthode de travail et l'arsenal de la IIe Internationale. » (Staline, Les
questions du léninisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, pages
11-13).
Le chroniqueur du Devoir, Christian Rioux,
est en poste à Paris depuis des années. Sa présentation sur le site Web du
quotidien précise qu’il « s’intéresse depuis 30 ans aux questions politiques et
culturelles qui déchirent l’Europe, l’Amérique et la francophonie ». Quelques
années auparavant, vers 1980, il militait dans le groupe maoïste En Lutte!, dont les journaux dénonçaient le
capitalisme et l’impérialisme dans une perspective internationaliste.
Il est
aujourd’hui un passeur d’idées conservatrices et réactionnaires de l’Europe
vers le Québec. Ce trafic d’idées est son fonds de commerce. On ne compte plus
ses textes qui présentent l’immigration comme un grave problème, la fermeture
des frontières comme une solution miracle et les progressistes internationalistes
comme de dangereux idéalistes déconnectés du vrai « peuple ». Il présente ses
positions très critiques de l’immigration en son nom propre dans ses
chroniques, ou dans des reportages où il cite à profusion des intellectuels et des
politiciens qui pensent comme lui.
À
croire qu’il est en poste à Paris avec pour seul mandat de dénoncer
l’immigration. Il y a pourtant une multitude d’autres sujets dont pourrait
traiter le seul et unique correspondant du Devoir en Europe pour le plus grand bénéfice du lectorat.
Lisant sa
chronique intitulée «Le délire humanitaire» qui portait sur la migration
africaine vers l’Europe, je suis resté éberlué de constater qu’il poussait sa
logique anti-immigration jusqu’à souligner que le risque de mourir noyé en
Méditerranée sur une embarcation d’infortune n’était que de 0,37%!
Pourquoi
diable mettre en lumière ce chiffre de 0,37%, si non pour mieux ridiculiser le
« délire » et le « misérabilisme humanitaire », pour reprendre les mots
méprisants du chroniqueur?
Selon cette
logique mathématique, que penser des 81 journalistes tués dans le monde,
en 2017?
Ce nombre, encore plus insignifiant que celui des victimes de la migration, ne
représente que 0,096% de tous les journalistes… aux États-Unis, seulement.
Conclusion, il ne faudrait pas se laisser berner par le délire et le
misérabilisme des agences de presse qui dénoncent la répression contre les
journalistes et les atteintes à la liberté médiatique.
3000
morts, c’est 23 fois plus de morts que lors des attaques du 13 novembre 2015 en
France (Bataclan, etc.). C’est, chaque année, le nombre de victimes de
l’attaque aérienne du 11 septembre 2001 et plus de deux fois celui du naufrage
du Titanic. Chaque année.
Par le
choix des mots et des chiffres, le chroniqueur cherche à minimiser la tragédie
humaine, à minorer l’ampleur du désastre. Le chroniqueur aurait pourtant pu
choisir d’autres chiffres et nous rappeler qu’il y a eu plus de 3 000 morts en
Méditerrané, l’an dernier seulement. 3000 morts, c’est 23 fois plus de
morts que lors des attaques du 13 novembre 2015 en France (Bataclan, etc.).
C’est, chaque année, le nombre de victimes de l’attaque aérienne du 11
septembre 2001 et plus de deux fois celui du naufrage du Titanic. Chaque année.
Entre 3000
morts réels et 0,37% de risque de mourir, on voit bien ce qu’on cherche à nous
faire voir et à nous cacher : beaucoup de mort d’un côté, presque pas de
morts de l’autre. Bref, choisir des chiffres, c’est choisir des images, c’est
un choix de valeur, c’est choisir son camp politique. » (Chronique
par Francis Dupuis-Déri, Ricochet, Christian
Rioux, Prix Nobel de Mathématiques, La migration et la mort, Réponse au
chroniqueur du Devoir, 19 juin 2018).
« D’entrée de jeu, (...) quatre auteurs (Michel Doré, Marilyse Lapierre,Benoit
Lévesque et Yves Vaillancourt) délimitent
la patinoire sur laquelle la gauche (québécoise) peut espérer
évoluer : c’est la
social-démocratie et rien d’autre. ‘Ce
nouveau contexte mondial, écrivent-ils, rend possible et souhaitable un retour
à la social-démocratie, la seule voie politique de gauche capable de s’imposer
actuellement sur la scène électorale, la seule force politique dont la
trajectoire historique est marquée par un engagement sans réserve en faveur
d’une démocratie représentative ouverte à une participation citoyenne active
(…) À l’heure actuelle, la social-démocratie
représente la seule orientation politique encore capable de prendre le pouvoir
et de réaliser des réformes qui vont dans le sens de l’intérêt général ou du
bien commun.’ (…) Tentons une
réponse : les auteurs estiment que
la social-démocratie est la seule option (associée à la gauche) acceptable pour
le Parti québécois. Et ils espèrent que
dans la période actuelle, alors que la démarche du PQ en matière de
souveraineté est caractérisée par une grande hésitation ce parti acceptera de
placer la social-démocratie et son renouvellement en tête de liste de ses
préoccupations et de son programme. (…)
Dès lors, même si le PQ est reconnu comme le parti politique québécois
le plus ouvert à la social-démocratie, la question des rapports entre le
nationalisme et la social-démocratie a été jusqu’ici examinée plutôt sous
l’angle du nationalisme que de la social-démocratie. » (Boudreau,
Philippe, État : pouvoirs et contre-pouvoirs, Nouveaux
Cahiers du socialisme, Montréal, 2010, pages 149-150).
« C’est pourquoi, en un sens, les ouvriers parisiens
(au XIXe siècle) s’en remettent à leur juste instinct (un syndicaliste de la
Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec – FTQ, m’avait dit
la même chose naguère - ndlr) en soutenant à chaque fois le parti le plus
radical possible. » (Lettre
d’Engels à A. Bebel, 22 juin 1885, La social-démocratie allemande, Union
générale d’éditions, Paris, 1975, page 207).
« L'histoire n'est pas
autre chose que la succession des différentes générations dont chacune exploite
les matériaux, les capitaux, les forces productives qui lui sont transmis par
toutes les générations précédentes; de ce fait, chaque génération continue
donc, d'une part le mode d'activité qui lui est transmis, mais dans des
circonstances radicalement transformées et d'autre part elle modifie les
anciennes circonstances en se livrant à une activité radicalement différente;
ces faits on arrive à les dénaturer par la spéculation en faisant de l'histoire
récente le but de l'histoire antérieure; c'est ainsi par exemple qu'on prête à
la découverte de l'Amérique cette fin : aider la Révolution française à
éclater; de la sorte on fixe alors à l'histoire ses buts particuliers et on en
fait une "personne à côté d'autres personnes" (à savoir "conscience
de soi, critique, unique", etc.), tandis que ce que l'on désigne par les
termes de "détermination", "but", "germe",
"idée" de l'histoire passée n'est rien d'autre qu'une abstraction de
l'histoire antérieure, une abstraction de l'influence active que l'histoire
antérieure exerce sur l'histoire récente. » (Marx-Engels, L’idéologie allemande, Éditions
sociales, Paris, 1968, pages 72-73).
« Précisément dans le parasitisme et la putréfaction
qui caractérisent le stade historique suprême du capitalisme, c'est-à-dire
l'impérialisme. Comme il est montré dans ce livre, le capitalisme a assuré une
situation privilégiée à une poignée (moins d'un dixième de la
population du globe ou, en comptant de la façon la plus "large" et la
plus exagérée, moins d'un cinquième) d'États particulièrement riches et
puissants, qui pillent le monde entier par une simple "tonte des
coupons". L'exportation des capitaux procure un revenu annuel de 8 à 10
milliards de francs, d'après les prix et les statistiques bourgeoises d'avant-guerre.
Aujourd'hui beaucoup plus, évidemment.
On conçoit que ce gigantesque surprofit (car
il est obtenu en sus du profit que les capitalistes extorquent aux ouvriers de
"leur" pays) permette de corrompre les chefs
ouvriers et la couche supérieure de l'aristocratie ouvrière. Et les
capitalistes des pays "avancés" la corrompent effectivement : ils la
corrompent par mille moyens, directs et indirects, ouverts et camouflés.
Cette couche d'ouvriers embourgeoisés ou de
l'"aristocratie ouvrière", entièrement petits-bourgeois par leur mode
de vie, par leurs salaires, par toute leur conception du monde, est le
principal soutien de la IIe Internationale, et, de nos jours, le
principal soutien social (pas militaire) de la
bourgeoisie. Car ce sont de véritables agents de la bourgeoisie au
sein du mouvement ouvrier, des commis ouvriers de la classe des
capitalistes (labour lieutenants of the capitalist class), de véritables
propagateurs du réformisme et du chauvinisme. Dans la guerre civile entre
prolétariat et bourgeoisie, un nombre appréciable d'entre eux se range
inévitablement aux cotés de la bourgeoisie, aux côtés des
"Versaillais" contre les "Communards".
Si l'on n'a pas compris l'origine économique de ce
phénomène, si l'on n'en a pas mesuré la portée politique et sociale, il est
impossible d'avancer d'un pas dans l'accomplissement des tâches pratiques du
mouvement communiste et de la révolution sociale à venir.
L'impérialisme est le prélude de la révolution sociale du
prolétariat. Cela s'est confirmé, depuis 1917, à l'échelle mondiale. »
(Lénine, L’impérialisme, stade suprême
du capitalisme, Éditions du Progrès, Moscou, 1971 (1920), page 665).
Quant au Parti communiste du Canada, il remonte en selle et
sa presse (People’s Voice) est distribuée régulièrement, et fait ainsi connaître
ses orientations et politiques; et aussi par le biais des média électroniques
(ex. Facebook); il a retrouvé sa crédibilité et sa pertinence auprès de la
classe ouvrière. On peut en dire autant
pour le Party of Communists of USA.
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