Bertolt Brecht, un grand humain
Sur les
chemins du promeneur solitaire
Daniel Paquet dpaquet1871@gmail.com
À l’été de 1976 (j’avais alors 19 ans), et pendant les vacances des
ouvriers de la construction, dont j’étais, je pris le bâton du pèlerin pour
l’Europe. Je venais de joindre les rangs
du Parti communiste du Québec; et j’avais rencontré tout à fait par hasard deux
journalistes de la chaîne de télévision est-allemande à Montréal. Ils faisaient du repérage en prévision des
Jeux Olympiques de Montréal et du congrès du Parti communiste du Canada, à
Toronto.
Alors j’arrive en pleine nuit au poste de passage entre Berlin-Ouest et
Berlin (Haupstadt*). Mon nouvel ami Hans (l’un des deux
journalistes rencontrés à Montréal) vient me chercher à la frontière d’État et nous
voilà dans la patrie de Karl Marx.
Je tenais à visiter ce pays, la République démocratique allemande (RDA); était-ce aussi désolant et affreux qu’on nous
la peignait à l’Ouest? J’ai découvert
que ce n’était pas « si pire ».
Je fus bien accueilli par l’organisation de jeunesse, la Jeunesse Libre
allemande (FDJ).
J’y suis retourné en 1981 (cinq ans plus tard) pour le Parlement de la
FDJ (et sur les instances du secrétaire général du Parti communiste du Canada,
William Kashtan), inquiet avec tout ce que l’on pouvait entendre sur la Pologne
voisine. Tout semblait pourtant normal et
serein en RDA. J’ai eu plaisir à revisiter
le pays, d’autant plus que je parlais assez bien l’allemand pour pouvoir
engager la conversation avec les jeunes Allemands. Plusieurs années plus tard, j’ai approfondi
mes connaissances sur l’Allemagne : politique, histoire, langue, etc. C’est pourquoi j’ai étudié à l’université
McGill et l’Université du Québec à Montréal pour y suivre des cours de langue
allemande. Je me souviens d’ailleurs avoir
vu une pièce de théâtre en allemand montée au Centaur à Montréal, Mère Courage, de l’auteur Bertolt
Brecht, un véritable plaidoyer contre la guerre
et les misères qu’elle engendre.
J’ai eu l’occasion par la suite de lire régulièrement Kontakt, une revue de jeunes publiée à
Berlin (Haupstadt). Aussi ce n’est pas sans un grand désarroi que
j’appris l’absorption de la RDA par la l’Allemagne occidentale (RFA); eh oui, la
puissante Allemagne de l’Ouest a englouti – non sans cynisme et revanchisme) sa
petite voisine à l’Est, avec l’aval de Gorbatchev (qui s’était donné comme
mission d’anéantir le communisme), et consorts.
Ça, c’était une véritable traîtrise (et de l’opportunisme!) des
dirigeants de l’URSS qui lâchaient leur partenaire socialiste pour plaire aux
USA et à l’OTAN.
Tout ce que la classe ouvrière de la RDA avait gagné s’en fut aux
oubliettes de l’histoire : un toit pour tous, un emploi pour chacun, de
quoi manger décemment tous les jours; une scolarisation poussée; bref un filet
de sécurité inégalé même en RFA, malgré sa puissance économique. D’ailleurs, la RFA est redevenue le pouvoir
avec qui il faut compter en Europe, notamment au sein de l’Union européenne
(UE). Elle a réalisé le rêve caressé par
les banques, les industries, etc., en somme les grands capitalistes allemands
de contrôler les marchés européens. Et…
le fascisme n’a pas été éradiqué dans cette partie de l’Europe qui fut le foyer
de la deuxième guerre mondiale; c’est toujours la menace que brandit la bourgeoisie
allemande. La droite est dure et âpre pour
ses voisins, on l’a vu lors des négociations pour rescaper l’économie de la
Grèce dans sa tourmente financière.
Le plus désolant, c’est que l’Allemagne fut un grand pays de culture, de
progrès et d’une civilisation inédite; on connaît Ludwig Von Beethoven et tutti quanti… Les nazis l’ont ramené au stade des peuples
barbares. Dans les années 1930, - avant
la prise du pouvoir par le parti national-socialiste -, un électeur allemand sur
trois votait pour le Parti communiste.
Les grands groupes industriels et financiers ont devant le danger
intérieur qu’ils redoutaient plus que tout : la venue des communistes au pouvoir;
et extérieur : le développement constant de l’Union des républiques
socialistes soviétiques (URSS), dirigée par Joseph Staline jusqu’en 1953; alors
donc, ces capitalistes géants ont soutenu le parti national –socialiste des
ouvriers d’Allemagne, le parti fasciste, d’Adolf Hitler.
Pour mieux illustrer le propos, La Nouvelle Vie Réelle présente à
ses lecteurs un discours d’Adolf Hitler, c’est en allemand mais avec
sous-titres en français. Il martèle ses
thèses récurrentes issues de son « ouvrage », Mein Kampf.[1]
On peut lire aussi un livre de son émule Himmler.[2]
Comme on pourra le voir dans le document, Hitler aboie; cela n’a, d’un
point de vue esthétique et linguistique, rien à voir avec la très belle et
douce langue allemande. Évidemment, il
fallait démontrer le paradoxe en donnant le micro à un acteur de premier plan,
soit au véritable et dernier dirigeant de la République démocratique allemande,
Erich Honecker. (nota bene :
Egon Krenz, ancien leader de la FDJ a
occupé très brièvement ce poste à la toute fin de la RDA). Pour ce qui est de la langue du Troisième
Reich (LTI) et la langue de la République allemande, le contraste saute aux
yeux. Une « image » vaut mille
mots. Conséquemment, au niveau du
contenu des discours, lisons donc le legs de Marx.[3]
Mieux connu, le Manifeste du Parti
communiste est évidemment accessible partout ou peu s’en faut.[4]
Il va de soi qu’il n’y a pas de documents sonores par Marx et Engels sur
leurs travaux. Après tout le Manifeste
date de 1848. Mais, les communistes ont
beaucoup écrit; car ils ont beaucoup lutté, y compris sur les barricades, y
compris à l’époque des révolutions bourgeoises du demi-siècle dans les années
1850.
Comme l’a dit Marx, notre façon d’appréhender le monde et la réalité
était aussi impérieuse.[5]
« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter
le monde de différentes manières; mais ce qui importe, c’est de le transformer. »
*Haupstadt : capitale;
Berlin a été libérée par l’Armée rouge en 1945.
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[1] Hitler,
Adolf, Mein Kampf, First Mariner
Books Edition, New York, 1999, translated by Ralph Manheim, 694 pages
[2]Présenté par Bernard Michal, Himmler et les SS, Éditions de Crémille,
Genève, 1972, avec la collaboration de Francis Mercury et Pierre Nouaille, 243
pages
[3] Marx, Karl, Le Capital, Livre I,
Gallimard, Paris, Édition établie et annotée par Maximilien Rubel, 1053 pages
[4] Marx, Karl; Engels, Friedrich, Manifeste
du Parti communiste, Flammarion, Paris, Présentation par Roger-Pol Droit, 2008,
572 pages
[5] Engels, Friedrich, Ludwig
Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Éditions
sociales, Paris, traduction revue par Gilbert Badia, Thèses sur Feuerbach, composées à Bruxelles au printemps de 1845,
91 pages
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