Le Brexit
Un point de vue d’Outremer
Daniel Paquet
« L
|
e vote-surprise des électeurs britanniques pour le retrait
de l’Union européenne (UE) a causé une onde de choc sur les marchés boursiers
mondiaux. Et l’instabilité ne fait que
commencer [alors que] la plupart des prévisionnistes tableaient sur un maintien
du Royaume-Uni au sein de l’UE. (…)
L’Indice mondial MSCI a perdu plus de 4 % . L’agence Reuters
a calculé que pas moins de 2 000 milliards US de valeur boursière s’étaient
volatisés sur la planète. »
(Larocque, Sylvain, Chute brutale des marchés, La Presse
Affaires, Montréal, samedi 25 juin 2016, page 2).
Peu importe les aléas du marché, les communistes russes disaient
déjà en 1917, [qu’] « il faut absolument exiger et autant que
possible, réaliser par la voie révolutionnaire, des mesures comme la nationalisation du sol, de toutes
les banques et de tous les syndicats capitalistes (ex. cartels, monopoles,
marchés boursiers, etc., -ndlr) ou, à tout le moins, un contrôle
immédiat des Soviets des députés
ouvriers et autres sur ces établissements, mesures qui n’ont
rien à voir avec l’ ‘introduction’ du socialisme […]. Ces mesures, qui ne constituent que les
premiers pas vers le socialisme […] sont parfaitement réalisables du point de
vue économique… » (Lénine, V.I., Œuvres choisies, tome 2, Éditions du Progrès, Moscou,
1968, page 59).
« Les banques, on le sait, constituent les foyers de la
vie économique moderne, les principaux centres nerveux de tout le système
capitaliste d’économie. (…)
Seul le contrôle exercé sur les banques –ce centre, ce principal
pivot et ce mécanisme essentiel du trafic capitaliste - permettrait d’organiser , en fait et non en
paroles, le contrôle de toute la vie économique, de la production et de la
répartition des principaux produits. (…)
La nationalisation
des banques rendrait infiniment plus facile la nationalisation
simultanée des assurances, c’est-à-dire la fusion de toutes les compagnies d’assurances
en une seule, la centralisation de leur activité et le contrôle de celle-ci par
l’État. » (Ibidem, pages 246, 248
et 251).
Revenons à la Grande-Bretagne où la classe ouvrière a voté
majoritairement pour se séparer des impérialistes du continent, alors que la
bourgeoisie britannique s’est opposée
« à la rupture et que les banquiers étaient contre. » (Boisvert, Yves, La Presse, samedi 25 juin
2016, Montréal, page A9).
D’ailleurs, la bourgeoisie est hargneuse et
revancharde. La presse ‘cosmopolite’
bondit de ses gonds, même au Canada, où elle qualifie le vote pour le ‘oui’
de séparation du Royaume-Uni de l’Union européenne, et ce, en termes peu
flatteurs pour les ouvriers anglais :
« En attendant, c’est tout
de même une sacrée victoire pour les forces du repli, de la méfiance et, bien
entendu, de la xénophobie. C’est tout de
même la victoire des forces les plus réactionnaires. Des vieux nostalgiques. » (Ibidem, page A9).
La classe ouvrière
britannique a pourtant bien compris l’enjeu : le poids, leur poids politique, social et
idéologique dans les décisions stratégiques du pays, était ‘at stake’. Par exemple, « le président de la
Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a soutenu mardi que l’Accord économique et commercial global
(AECG) n’est pas un ‘accord mixte’. (…)
Dans le jargon européen, quand un accord est ‘mixte’, cela
signifie qu’il est à la fois conclu par la Commission européenne–qui négocie et
finalise l’accord international – et par les États membres. Par conséquent, les parlements nationaux
doivent donner leur aval en plus du Parlement européen. (…)
[Ainsi] le 13 mai
dernier, les 28 États membres de l’UE avaient insisté pour que ce traité conclu
entre l’Union et le Canada entre en vigueur seulement après un feu vert des
parlements nationaux. » (Avec l’Agence France-Presse, Associated Press, Jean-Claude Juncker étonne les capitales, Le
Devoir, Montréal, le jeudi 30 juin 2016, page B3).
Et vos ouvriers, tout
de même, railleront les idéologues de la droite,…. qu’est-ce qu’ils attendent pour se faire
élire et promulguer les lois qui ‘leur’plaisent?
« …la classe ouvrière ne peut pas se contenter de
prendre telle quelle la machine de l’État et de la faire fonctionner pour son propre compte.
Le pouvoir centralisé de l’État, avec ses organes, partout présents : armée permanente, police, bureaucratie,
clergé et magistrature, organes façonnés selon un plan de division systématique et hiérarchique du
travail, date de l’époque de la monarchie absolue, où il servait à la société
bourgeoise naissante d’arme puissante
dans ses luttes contre le féodalisme. (…)
Au fur et à mesure que le progrès de l’industrie moderne
développait, élargissait , intensifiait l’antagonisme de classe entre le
Capital et le Travail, le pouvoir d’État prenait de plus en plus le caractère d’un
pouvoir national du Capital sur le Travail, d’une force sociale organisée aux
fins d’asservissement social, d’un appareil de domination de classe. «
(Marx, Karl; Engels, Frédérick, Œuvres
choisies, tome 2, Éditions du Progrès, Moscou, 1978, pages 230-231).
En ce moment, la bourgeoisie est déstabilisée. Elle
protège néanmoins ses arrières (i.e. ‘assets’) : « le dollar canadien a connu une
journée difficile, perdant 1,37 cent US face au billet vert, une valeur refuge qui
s’est appréciée hier par rapport à la plupart des devises. (…)
Les experts s’entendent pour dire que le vote britannique
pèsera pendant un certain temps sur l’économie mondiale et les marchés
financiers. » (Larocque, page 2).
À moyen terme, le Canada sera épargné. L’économie canadienne n’a pas beaucoup
d’échanges économiques avec le Royaume-Uni (2,5% de ses exportations). Il ne devrait donc pas trop souffrir des
conséquences directes du référendum, outre ses impacts sur le prix des matières
premières et sur les fluctuations des marchés financiers. (…)
À moins que ce mouvement de ‘repli identitaire’ [sic!] ne porte au pouvoir l’anti-libre-échangiste
Donald Trump, ce qui menacerait nos relations avec les États-Unis, de qui nous
sommes autrement plus dépendants.
(Vailles, Francis, Quand le peuple déjoue les experts,
La Presse Affaires Montréal, samedi 25 juin 2016, page 3).
Mais la bourgeoisie ne décolère pas. Elle fustige les milieux populaires et
modestes en les accusant d’appuyer en leur for intérieur Donald Trump et Marine
LePen, en martelant ‘leur’ mantra favori : ‘on est dépossédé nationalement, dénationalisé,
noyé dans le cosmopolitisme.’
Ces deux derniers (et partant la presse bourgeoise) sont peu
loquaces sur l’exemple récent de la Syrie où les pays de l’OTAN agressent les
populations locales sans vergogne et les obligent à fuir en masse vers l’Europe et l’Amérique pour gagner ou regagner un
havre de paix qu’elles ont perdu aux mains de l’Occident. La
Presse a préféré plutôt sonner le glas et condamner en s’appuyant sur le
résultat du vote pour le Brexit: ‘les
pires forces de l‘Europe triomphent aujourd’hui – et pas juste celles de
l’Europe.’ C’est honteux, une telle déclaration!
C’est ignoble!
« Comme l’explique Engels, notamment dans son ouvrage L’Origine
de la famille, de la propriété privée et de l’État: ‘L’État
est né du besoin de refreiner des
oppositions de classes, mais comme il né, en même temps, au milieu du conflit
de ces classes, il est, dasn la règle, l’État de la classe la plus puissante,
de celle qui domine au point de vue économique et qui, grâce à lui, devient
aussi classe politiquement dominante et acquiert ainsi de nouveaux moyens pour mater et exploiter la
classe opprimée.’
Aujourd’hui, les deux classes antagoniques de notre société sont (dans notre cas précis et
plus généralement, -ndlr) la bourgeoisie (Remain) et le prolétariat (Brexit). L’État est aux mains de la bourgeoisie et lui
sert à assurer sa domination. L’armée,
la police, la justice ((comme nous l’avons vu ci-haut)… ne sont donc pas des
institutions ‘neutres’, au service de l’ensemble de la société. Comme la réalité de la lutte de classe le
démontre chaque jour et comme le mouvement social lui-même l’exprime quand
il dénonce la violence de classe et la
justice de classe, ces organes sont au
service exclusif de la classe dominante. »
(La Forge, L’État au service d’une classe,
Organe central du Parti Communiste des ouvriers de France, Paris, mensuel no
574, juin 2016, page 4).
« Il faut noter encore qu’Engels est tout à fait
catégorique lorsqu’il qualifie le suffrage universel d’instrument de domination
de la bourgeoisie. Le suffrage
universel, dit-il, tenant manifestement compte de la longue expérience de la
social-démocratie allemande, est :
‘l’indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière. Il ne peut être rien de plus, il ne sera jamais rien de plus dans l’État actuel.’ (…)
La société, qui réorganisera la production sur la base d’une association libre et égalitaire des
producteurs, reléguera toute la machine de l’État là où sera dorénavant sa place : au musée des antiquités, à côté du rouet et
de la hache de bronze. » (Lénine,
pages 298-299).
Eu égard au Brexit, et particulièrement de façon perspicace,
« le ministre allemand Sigmar Gabriel a répondu [à
Jean-Claude Juncker] que si on
outrepassait ainsi les parlements nationaux des États membres de l’Union
européenne, on alimenterait l’opposition à d’autres traités de libre-échange,
comme celui que l’Europe tente de conclure avec les États-Unis (le ‘Tafta’).
En entrevue au quotidien berlinois Der
Tagerspiegel, M. Gabriel a soutenu qu’ ’il
serait incroyablement insensé de décider, à ce moment-ci, que les parlements
nationaux n’ont pas voix au chapitre sur cete accord commercial. » (Le Devoir, page B3).
Concrètement, « le premier ministre conservateur britannique
David Cameron a laissé à son successeur, qui doit être choisi le 9 septembre,
la responsabilité d’engager la procédure formelle de sortie du Royaume-Uni de
l’UE. (…)
Confronté à la menace indépendantiste de la Catalogne, le
chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a exclu que l’Écosse puisse être
associée à la moindre négociation post-Brexit avec l’UE.
Les traités [européens] sont contre. Si le Royaume-Uni part, l’Écosse partira des
institutions de l’UE, a-t-il argumenté.
‘La négociation se fera avec le
Royaume-Uni, pas avec une partie du Royaume-Uni’ a abondé François
Hollande. Les dirigeants des 27 ont
aussi fort à faire pour ‘éviter la
dislocation’, a constaté le président français, (Rijckaert, Alix; Pinon,
Bertrand; Agence France-Presse, L’UE pose
ses conditions, Le Devoir, le jeudi 30 juin 2016, Montréal, page B5).
Pour la classe ouvrière, « la révolution c’est l’acte
suprême de la politique; qui la veut, doit vouloir le moyen, l’action
politique, qui la prépare, qui donne aux ouvriers l’éducation pour la
révolution. (…)
Mais la politique qu’il faut faire c’est la politique
ouvrière; il faut que le parti ouvrier soit constitué non comme la queue de
quelque parti bourgeois, mais bien en parti indépendant qui a son but, sa
politique à lui. (…)
Les libertés politiques, le droit de réunion et
d’association et de la liberté de presse, voilà nos armes, et nous devrions
croiser les bras et nous abstenir si
l’on veut nous les ôter? »
(Marx-Engels, page 261).
Enfin, « plus optimiste (ou réaliste, dans le camp des
capitalistes, -ndlr) l’économiste Francis Généreux, du Mouvement Desjardins,
croit que les leaders politiques voudront calmer le jeu.
‘Si l’UE et le Royaume-Uni
réussissent à négocier de manière raisonnée, ce sera probablement la meilleure
chose pour rassurer les marchés (i.e. maintenir au moins le statu
quo capitaliste, -ndlr), a-t-il estimé. » (Larocque, page 2).
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